Affaire Bilski: début de l`effet d`entraînement
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Affaire Bilski: début de l`effet d`entraînement
JANVIER 2009 Actualités – Propriété intellectuelle Affaire Bilski : début de l’effet d’entraînement Comme il était mentionné dans notre bulletin Actualités – Propriété intellectuelle d’avril 2008, la Cour d’appel fédérale des États-Unis a rendu une ordonnance en formation plénière au printemps 2008 statuant qu’elle devait entendre de nouveau l’appel dans l’affaire In Re Bernard L. Bilski and Rand A. Warsaw. Aux États-Unis, une Cour d’appel n’accorde une nouvelle audience en formation plénière que lorsque l’affaire est jugée d’une importance inhabituelle. La Cour d’appel fédérale des États-Unis avait expressément soulevé la possibilité d'annuler ses décisions concernant les brevets de méthodes commerciales dans les affaires State Street Bank & Trust Co. c. Signature Financial Group, Inc., 149 F.3d 1368 (Fed. Cir. 1998) et AT&T Corp. c. Excel Communications, Inc., 172 F.3d 1352 (Fed. Cir. 1999). Les plaidoyers de l’affaire Bilski ont été entendus en mai 2008 et la décision très attendue a été rendue le 30 octobre 2008 [In re Bilski, 545 F. 3d 843 (Fed. Cir. 2008)(plénière)]. La décision Bilski redéfinit les objets brevetables aux États-Unis et limite le type d’invention pouvant recevoir la protection d’un brevet. Les effets de la décision Bilski commencent à peine à se faire sentir et en décembre 2008, elle a été évoquée pour rejeter une demande de brevet en biotechnologie. Le présent article récapitule brièvement l’arrivée des brevets de méthodes commerciales aux États-Unis après la décision State Street, puis examine la décision Bilski et ses effets potentiels sur les stratégies liées aux brevets aux États-Unis et au Canada. L’affaire State Street La décision State Street de 1998, qui a été réévaluée par la Cour d’appel fédérale des États-Unis, est depuis ce temps évoquée à l’appui des demandes de brevets visant la transformation de données par une machine, ainsi que de brevets de méthodes commerciales et de logiciels. Cette décision est controversée depuis le début : ses détracteurs soulignent la facilité relative avec laquelle des brevets de logiciels peuvent être obtenus aux États-Unis comparativement à d’autres territoires et la délivrance fréquente aux États-Unis de brevets visant des moyens non novateurs de mise en oeuvre de méthodes déjà connues au moyen de l’informatique. Le présent bulletin est rédigé par des membres du groupe de la propriété intellectuelle de Stikeman Elliott. RÉDACTRICE EN CHEF : JUSTINE WHITEHEAD [email protected] STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦ Avant la décision State Street, le United States Patent and Trademark Office (l’USPTO) ne considérait pas les méthodes commerciales comme des objets brevetables. L’affaire State Street a éliminé l’exception à l’égard des méthodes commerciales pour les objets brevetables et a rendu ces méthodes brevetables dans la mesure où elles pouvaient produire un résultat utile, concret et tangible, c’est-à-dire avoir une application pratique. La méthode commerciale consistait, dans l’affaire State Street, en un système informatique de mise en commun de fonds communs de placement. MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDRES SYDNEY www.stikeman.com L’affaire State Street a ouvert la porte à un flot de demandes de brevets de méthodes commerciales aux ÉtatsUnis et a entraîné sept fois plus de demandes de ce genre entre 1998 et 2006. De nombreux brevets ont été accordés pour des méthodes commerciales, souvent fondées sur Internet, comme la procédure de « commande en un clic » d’Amazon.com ou « l’enchère inversée » de Priceline.com pour les billets d’avion. La décision Bilski pourrait avoir une incidence sur la validité des brevets accordés depuis l’affaire State Street. La décision Bilski Dans l’affaire Bilski, la Cour d’appel fédérale des États-Unis a soutenu que le critère de reconnaissance des objets brevetables décrit dans l’affaire State Street ne suffisait pas. Il ne suffit plus qu’un processus puisse produire un résultat utile, concret et tangible. La majorité de la Cour a plutôt établi un critère « machine ou transformation » restreignant l’octroi de brevets aux inventions qui sont liées à une machine ou à un appareil particulier ou qui transforment un article donné pour le mettre dans un nouvel état ou en faire un autre article. De plus, selon la Cour, la participation de la machine ou de la transformation dans le processus faisant l’objet de la demande ne doit pas être peu importante et secondaire. L’utilisation de la machine doit donc jouer un rôle important dans la méthode en question. Ce critère est partiellement ambigu. Par exemple, le mot « article » n’est pas défini et on ne précise pas le niveau de transformation considéré comme suffisant pour répondre au critère. Ces questions n’avaient pas à être réglées pour examiner l’invention en cause dans l’affaire Bilski, soit une méthode de gestion du coût d’une marchandise lié au risque de consommation. La demande décrivait la méthode de couverture des risques comme comportant l’achat par un fournisseur intermédiaire d’une marchandise à prix fixe pour ensuite la revendre à un autre prix fixe, ce qui lui permet de se protéger des changements importants dans la demande et le prix de la marchandise. Lorsqu’il a rejeté la demande, l’USPTO a noté que l’invention en cause ne se limitait pas à l’exécution d’une tâche par des machines ni ne comportait de restriction l’empêchant de viser un processus effectué mentalement par des particuliers. L’affaire Bilski obligeait la Cour à décider si la demande visait à breveter un principe fondamental, comme une idée abstraite, ou un processus mental, qui ont toujours été considérés comme non brevetables. La Cour a trouvé que le processus faisant l’objet de la demande ne visait que l’échange d’options, soit de simples droits légaux permettant d’acheter des marchandises à un prix donné pendant une certain période. La demande ne mentionnait que des opérations comportant l’échange de ces droits légaux à un prix fixe correspondant à une position de risque. La Cour a confirmé qu’un processus dont chaque étape pouvait être effectuée mentalement en entier ne pouvait être breveté. Il a donc été jugé qu’un tel échange de droits légaux ne pouvait être qualifié de transformation puisque le résultat n’était ni un élément physique, ni une représentation d’un tel élément. La Cour a toutefois clarifié que la transformation n’avait pas à impliquer un objet physique. Par exemple, générer l’image d’un objet physique à l’aide de données brutes est considéré comme une transformation. La Cour a aussi noté qu’un processus comprenant une étape physique pourrait ne pas être brevetable s’il ne requérait pas la participation d’une machine ou d’un appareil. La Cour n’a pas voulu commenter l’avis de l’USPTO voulant qu’un ordinateur universel ne soit pas considéré comme une machine particulière, parce que le processus faisant l’objet de la demande dans l’affaire Bilski ne nécessitait pas la participation d’une machine, même un ordinateur. Par conséquent, la Cour a décidé de ne pas trancher la question de savoir si un ordinateur universel suffisait. Dissidents La décision de la majorité dans l’affaire Bilski se veut un juste milieu entre les pôles des opinions dissidentes. Dans son opinion dissidente, le juge Mayer se sert d’une définition très restreinte de l’expression « objet brevetable », arguant que la majorité aurait dû aller jusqu’à renverser les décisions State Street Bank et AT&T c. Excel. Selon lui, octroyer la protection d’un brevet à des méthodes commerciales n’est pas justifié par la loi et entrave l’innovation. Les juges Rader et Newman ont adopté une approche beaucoup plus large dans leurs opinions dissidentes. Le juge Rader a argué que la décision de la majorité s’appuyait largement sur d’anciens jugements de la Cour suprême qui n’étaient pas adaptés dans le contexte technologique d’aujourd’hui. Selon lui, la Cour fédérale s’était appuyée par erreur et sans nécessité sur le principe de longue date de la Cour suprême voulant que les lois de la nature, les phénomènes naturels et les idées abstraites ne puissent être protégés par un brevet. Il s’inquiétait aussi du fait que la promotion de l’innovation en soit par conséquent limitée. STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: ACTUALITES - PROPRIETE INTELLECTUELLE - JANVIER 2009 2 Le juge Newman a argué que l’opinion de la majorité allait à l’encontre de la loi et de la jurisprudence ainsi que du mandat constitutionnel puisqu’elle excluait plusieurs types d’inventions qui appliquaient les technologies électroniques et photoniques actuelles, en plus d’autres processus qui traitaient des données et des renseignements de façon innovatrice et qui pouvaient être brevetés par le passé. Application de Bilski Le 19 décembre 2008, la Cour d’appel fédérale des États-Unis a appliqué machinalement la décision Bilski à l’affaire Classen Immunotherapies, Inc. c. Biogen IDEC et al. (Fed. Cir. 19 déc. 2008), qui traitait de demandes de brevets en matière de diagnostique dans le domaine des sciences de la vie. Les demandes en litige couvraient une méthode visant à savoir si un calendrier d’immunisation affectait l’incidence ou la gravité d’une maladie chronique d’origine immunologique dans un groupe de mammifères en traitement par rapport à un groupe de contrôle de mammifères, et une méthode visant à établir le calendrier optimal d’immunisation. Les étapes comprenaient l’immunisation des mammifères et la comparaison des données entre les deux groupes de sujets. La Cour de district a jugé que les demandes quant à la relation entre le moment de la vaccination et le développement de la maladie ne pouvaient être brevetées parce qu’elles traitaient d’un phénomène naturel. La Cour d’appel a confirmé la décision dans son jugement : [TRADUCTION] À la lumière de notre décision dans l’affaire In re Bilski, 545 F.3d 843 (Fed. Cir. 2008) (plénière), nous confirmons le jugement sommaire de la Cour de district indiquant que ces demandes ne sont pas valables en vertu de 35 U.S.C. §101. Les demandes du Dr Classen ne sont pas « liées à une machine ou à un appareil particulier » et elles ne « transforment pas un article donné pour le mettre dans un autre état ou en faire un autre article ». Bilski, 545 F.3d, 954. Nous confirmons donc la décision. La Cour n’a pas fourni de raisonnement ni d’explication supplémentaire sur l’affaire Bilski, par exemple quant à la définition de « transformation ». La demande de brevet pourrait possiblement être accordée si le développement de la maladie était illustré sur un ordinateur de diagnostique ou que le processus était lié à un appareil d’une autre façon. Des questions semblables ont été soulevées pour l’invention dont il est question dans l’affaire Prometheus c. Mayo, qui traite de la corrélation entre la quantité de métabolite de médicament dans le corps et la dose optimale de médicament. L’USPTO a également considéré cette invention comme un phénomène naturel non brevetable et l’affaire est actuellement en attente d’examen par la Cour fédérale. Il sera intéressant de voir si la Cour fédérale applique le jugement Bilski de la même façon que dans l’affaire Classen. Et maintenant? À la lumière de l’affaire Bilski, les sociétés devraient revoir tout leur portefeuille de brevets américains pour identifier ceux qui pourraient maintenant être vulnérables et contestés par leurs concurrents parce qu’ils couvrent des objets non brevetables. Les brevets accordés au cours des deux dernières années pourraient faire l’objet d’une nouvelle demande de brevet pour inclure des restrictions supplémentaires et répondre au critère « machine ou transformation ». La décision Bilski n’a pas d’incidence importante sur la rédaction des brevets de méthodes commerciales et de logiciels au Canada parce que la législation y a toujours été plus restrictive dans ce domaine qu’aux États-Unis. Depuis la décision de 1981 dans l’affaire Schlumberger Canada Ltd. c. Commissioner of Patents [(1981) 56 C.P.R. (2d) 204 (FCA)], les inventions liées à des logiciels sont brevetables si le nouveau logiciel est associé à du matériel informatique, même si l’élément matériel est minime. Avant 2005, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) appliquait une approche assez restrictive quant à la décision Schlumberger, puisqu’il était d’avis que les programmes d’ordinateurs n’étaient pas brevetables en eux-mêmes au Canada, étant simplement considérés comme des principes scientifiques ou des théorèmes abstraits. Toutefois, des brevets canadiens ont été accordés pour des systèmes et des appareils qui utilisent un logiciel. Dans un cas particulier, l’inclusion d’une pièce précise de matériel informatique banal, soit de la mémoire morte, suffisait à rendre brevetable la mémoire morte qui stockait le nouveau programme logiciel. Depuis 2005, l’OPIC a relâché son interprétation de la décision Schlumberger. Ses lignes directrices indiquent maintenant que pour qu’un logiciel puisse être breveté, il doit être « [u]n acte ou une série d'actes exécutés par un STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: ACTUALITÉS - PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - JANVIER 2009 3 agent physique sur un objet physique et produisant dans cet objet un changement de caractère ou de condition » et « doit donner des résultats essentiellement économiques en rapport avec les métiers, l'industrie ou le commerce ». Les exigences d’agent physique et de changement sont semblables au critère « machine ou transformation » maintenant appliqué aux États-Unis. On s’attend à ce que l’affaire Bilski fasse l’objet d’un appel à la Cour suprême, qui pourrait bien sûr modifier ou renverser la décision de la Cour d’appel. Il est donc possible qu’on entende encore parler de Bilski. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec votre avocat de Stikeman Elliott, la rédactrice en chef, Justine Whitehead ([email protected]) ou un membre de notre groupe de propriété intellectuelle. Le groupe de la propriété intellectuelle de Stikeman Elliott : OTTAWA Stuart C. McCormack [email protected] Kim D.G. Alexander-Cook [email protected] Nicole Brousseau [email protected] D. Jeffrey Brown [email protected] Craig Collins-Williams [email protected] Eugene F. Derényi [email protected] Randall Hofley [email protected] Nicholas McHaffie [email protected] Ryan Sheahan [email protected] Vivien Tzau [email protected] Justine M. Whitehead [email protected] TORONTO Kathryn I. Chalmers [email protected] Martin Langlois [email protected] Nicholas Whalen [email protected] Alison J. Youngman [email protected] MONTRÉAL Bruno Barrette [email protected] Marc-André Coulombe [email protected] Mortimer Freiheit [email protected] Benoît Huart [email protected] CALGARY Nick J. Kangles [email protected] www.stikeman.com Pour vous abonner au présent bulletin ou vous désabonner de celui-ci, veuillez communiquer avec nous à [email protected]. Cette publication ne vise qu’à fournir des renseignements généraux et ne doit pas être considérée comme un avis juridique. © Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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