RAPPORT ATELIER VMA ok - Enda

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RAPPORT ATELIER VMA ok - Enda
ATELIER NATIONAL D’INFORMATION ET DE PARTAGE SUR
LA VISION DU RÉGIME MINIER DE L’AFRIQUE (VISION MINIÈRE AFRICAINE - VMA)
16 septembre 2014, Hôtel NDIAMBOUR
Conclusions et recommandations
I. Introduction
Le Centre Africain pour le Commerce, l’Intégration et le Développement (Enda CACID) en
partenariat avec le Ministère de l’Industrie et des Mines et l’appui d’Open Society Initiative
for West Africa (OSIWA) a organisé à Dakar, le 16 septembre 2014 un atelier national
d’information et de partage sur la Vision du régime minier de l’Afrique, communément
appelée Vision minière africaine (VMA). .L’atelier a été une occasion pour Enda CACID de
lancer son nouveau programme sur la Gouvernance des ressources naturelles en Afrique.
Cette rencontre a permis aux différents participants de discuter sur le contenu et les enjeux
de la VMA et de dessiner ensemble des stratégies pour assurer le plaidoyer en vue de
promouvoir cette initiative continentale qui préconise une gestion plus avantageuse des
ressources minières.
Près de 86 personnes ont pris part à cette rencontre dont :
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20 fonctionnaires des administrations publiques (industries et mines, commerce,
environnement, finances, investissement) ;
22 acteurs de la société civile ;
5 acteurs du secteur privé ;
3 élus locaux ;
1 parlementaire ;
35 journalistes dont 4 invités comme participants pour suivre les débats.
L'atelier a fait l'objet d'une importante couverture médiatique avec la présence de plus
d'une dizaine de chaines de télévision et radio et des journaux; écrits et en ligne, qui ont
facilité la communication et le partage des informations avec l'opinion.
o Les chaînes de télévision : Africable, 2S tv, Sen tv, RTS, RDV etc. ;
o Les quotidiens : le Soleil, Walf Quotidien, le Quotidien, la Tribune, le Populaire,
Sud Quotidien, Direct infos etc. ;
o Les radios : ZIK Fm, Sud FM, Trade FM, Rewmi FM et Siweul FM ;
o Et les sites en ligne : Seneweb, l’Économiste international, journalbic.com, APA
news, sunu news.
II. La mise en débat de la problématique de la gouvernance des ressources minières:
principaux constats
Reconnaissant que l’exploitation et la commercialisation des ressources naturelles ont
permis de mobiliser d’importants capitaux et contribué à la croissance économique
enregistrée dans plusieurs pays africains ces dernières années, et conscients de la nécessité
de promouvoir une bonne gestion des ressources minières, les participants ont salué les
efforts consentis par les Chefs d’États et de gouvernements africains qui ont adopté en
février 2009, la Vision du régime minier de l’Afrique (VMA), qui fut suivie la même année de
la Directive de la CEDEAO sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques du
secteur minier. Au niveau national, l’État du Sénégal a commencé la révision de son code
minier en vue de tirer pleinement profit de l’exploitation de ses ressources minières, en
cohérence avec la VMA et la Directive de la CEDEAO.
La Vision minière africaine préconise une exploitation transparente, équitable et optimale
des ressources minières en vue de soutenir une croissance durable et diversifiée ainsi que le
développement socio-économique. Elle donne une orientation politique globale aux efforts
de l’Afrique pour transformer le secteur minier afin de rompre avec son caractère enclavée,
en vigueur depuis l’époque coloniale. La VMA se fonde sur un postulat de déconstruction
des modèles et paradigmes qui ont gouverné l'exploitation des ressources minières jusqu'ici:
l'exploitation minière a été conçue sous une approche mono-sectorielle qui n'a pas
permis d'intégrer le secteur dans une perspective macroéconomique plus large et
d'établir des liens entre secteurs en amont et en aval. Si bien que les secteurs miniers
n'ont pas contribué à la création de la valeur ajoutée local grâce à la transformation
des minerais dans les pays de production;
Au lieu de contribuer à transformer les secteurs miniers, la plupart des tentatives de
réformes antérieures ont davantage consolidé les déséquilibres au profit des
entreprises car ces réformes ont été inspirées par les entreprises elles-mêmes
conformément à leurs propres intérêts;
La contribution du secteur minier au développement des pays africains producteurs
est restée essentiellement fiscale. Mais en même temps, les institutions financières
internationales et les entreprises ont encouragé les Etats à accorder aux
investisseurs de généreuses exonérations pour réduire les risques liées à la
prétendue instabilité qui existerait partout en Afrique;
Les cadres réglementaires qui régissent les secteurs miniers ont accordé une part
marginale aux impacts sociaux et environnementaux dans la mesure où ceux-ci sont
considérés comme des effets secondaires non désirés mais incontournables pour
atteindre les retombées positives résultant de l'exploitation des minerais;
Partout en Afrique, et pendant longtemps, l'agenda qui a inspiré les politiques minières a
été bâti avec les mêmes matériaux " la privatisation généralisée des sociétés d’État, la fin des
restrictions sur le contrôle étranger et sur le rapatriement des profits, un abaissement des
niveaux des taxes et des redevances, une restructuration des lois du travail pour permettre
plus de flexibilité et la fin des exigences de performance concernant des obligations en
matière d’approvisionnement local et d’emploi de la main d’œuvre locale"
la VMA doit mener à une intégration du secteur minier africain dans le processus de
développement économique et social du continent tiré par les ressources minières. Il est
généralement admis que les défis soulevés par la gouvernance des ressources minières en
Afrique ne se résument pas dans de simples problèmes de renforcement de capacités et
d'expertise, de transparence et de renforcement institutionnel. La VMA propose une
refondation et une transformation profonde et durable de la vision du secteur minier dans le
cadre d'un nouveau paradigme du développement lui même refondé. La question est de
savoir qui détermine la vision du développement en Afrique, qui en fixe les objectifs, planifie
la mise en œuvre et affecte rôle et responsabilité à chaque acteurs, y compris l'Etat, les
citoyens, les collectivités locales décentralisées, le secteur privé national et les investisseurs
étrangers.
Force est cependant de reconnaitre que les efforts consentis depuis maintenant plusieurs
années n'ont pas encore porté leurs fruits. Les réformes sont lentes, au meilleurs des cas, ou
simplement abandonnées dans beaucoup d'autres. A part de rares cas exceptionnels, la
situation reste globalement la même dans de nombreux pays africains et reste marquée par:
•
L’absence de corrélation entre croissance économique et amélioration des conditions de
vie des populations. Si la plupart des pays riches en ressources ont vu leur taux de
croissance augmenter de façon remarquable lors de la dernière décennie, la pauvreté
et les inégalités sont toujours présentes, laissant apparaitre une nette divergence entre
la richesse issue des ressources naturelles et le bien être des peuples. Loin de
contribuer à l’amélioration des conditions d'existence des populations, cette richesse
représente un facteur de dégradation de la situation politique et sociale dans certaines
localités qui abritent les mines. Cette situation soutient l’idée d’une malédiction des
ressources, encore appelée Dutsch Disease.
•
une faible part des recettes tirées de l’exploitation minière du fait de généreuses
exonérations accordées aux sociétés minières. En 2010 alors que les bénéfices nets
récoltés par les quarante plus grandes entreprises minières à l’échelle mondiale avaient
augmenté en moyenne de 156%, la part des pays n’avait progressé que de 60%, dont
l’essentiel réparti entre l’Australie et le Canada. Pour les pays africains, les parts ont été
nettement moindres du fait de ces exonérations accordées aux sociétés minières. Au
Sénégal par exemple, l'Etat a gagné 42 Milliards de Francs CFA entre 2005 et 2012, soit
l'équivalent de 7 milliards de CFA par an. Les pertes cumulées de l'Etat dans la même
période ont dépassé 400 milliards de FCFA;
•
la faibles des capacités techniques et le manque de ressources humaines pour maitriser
les enjeux financiers et en amont et en aval dans les contrats miniers;
•
le déficit en infrastructures ferroviaire et portuaire indispensables à la réalisation des
projets miniers dans le cadre de l’exploitation des ressources. C’est le cas notamment
du fer de la Falémé et des phosphates de Matam;
•
la faiblesse des capacités productives et d’exploitation interne qui justifient en partie le
recours aux entreprises étrangères dans la prospection et de l’exploitation minière;
•
le manque d’harmonisation des législations nationales de différents pays d'une même
région les poussant à rentrer en compétition en adoptant des législations laxistes au
profit des entreprises. Pour attirer les investissements dans le secteur minier, certains
États adoptent des niveaux de taxation faibles ainsi que des politiques d’investissement
allant parfois à l’encontre de leurs propres intérêts. D’autres pays africains vont même
jusqu’à accepter à ce que le contrat prime sur des lois nationales, en cas de conflit
entre le contrat et celles-ci;
•
La juxtaposition et l’incohérence des politiques nationales dans le secteur des mines, de
l’investissement et de l’environnement.
III. Actions urgentes pour lever les contraintes
Après l’identification de ces contraintes qui empêchent les pays africains de tirer pleinement
profit de leurs ressources minières, les participants ont insisté sur la nécessité de renverser
les tendances à travers la promotion et la vulgarisation d’une VMA qui prône une nouvelle
gouvernance des ressources minières orientée vers les intérêts des États africains.
Pour cela les participants ont invité les pays africains à:
aligner leurs législations internes sur les initiatives régionales et continentales comme
la VMA et la Directive de la CEDEAO entre autres;
adopter approche planifiée du développement faisant de l'exploitation des
ressources minière un pilier fondamental pour la transformation durable;
adhérer aux initiatives africaines et internationales pertinentes destinées à accroitre
la transparence et la bonne gouvernance du secteur minier, notamment l'initiative
pour la transparence des industries extractives (ITIE);
Il a ainsi été noté des progrès considérables dans certains pays qui ont adhéré à l'ITIE
• C’est le cas du Congo Brazzaville où le Parlement n’approuve pas le budget tant que
le rapport de l'ITIE ne lui est pas présenté;
• Il en est de même de la République Démocratique du Congo où la justice vient
d’ouvrir une enquête sur la disparition de 88 millions de dollars américains des
redevances payées au Trésor public par les industries minières du Katanga en 2010,
«dont on ne retrouve pas les preuves de paiement » à la Direction générale des
recettes administratives et domaniales (DGRAD). Une telle action fait suite au
rapport ITIE qui a permis de déceler ce manquement.
• Au Nigeria un rapport a révélé un écart des paiements d'impôts de l'ordre de 8,3
milliards de dollars entre 2009 et 2011.
Faisant fond sur ces bonnes pratiques qui se répandent progressivement sur le continent,
notamment dans les domaines de la transparence relative des contrats, la collecte des taxes
ainsi que dans la gestion des revenus et des dépenses, les participants ont invité les États à
faire preuve d'une vigilance accrue en mettant tout en œuvre pour accroitre leurs gains et
en les utilisant comme leviers dans des secteurs prioritaires du développement.
Pour atteindre ces objectifs, les gouvernements sont invités à mettre en place un système de
gouvernance participative, ouverte et inclusive du secteur minier pour, d'une part renforcer
la légitimité et l'appropriation des politiques et d'autres accéder à des ressources et des
compétences complémentaires.
VI. Recommandations pour une plateforme minimale d'action sur la gouvernance des
ressources minières
Les participants ont formulé les recommandations ci-dessous pour contribuer à faire du
secteur minier l'un des moteurs de l’industrialisation et du développement économique et
social.
•
Bâtir un espace de dialogue multi-acteurs qui inclut les Ministères (industries et
mines, commerce, environnement, finances, investissement; etc.); le secteur privé;
les Organisations de la société civile; les chercheurs ; les juristes
pour
promouvoirl’échange d’information, y compris des bases de données, sur les
dynamiques nationales, régionales et internationales liées à la gouvernance des
secteurs miniers. Sa constitution s’appuiera sur les participants à l’atelier mais pourra
être ouverte à d’autres acteurs importants dont les petits exploitants. Cette
plateforme pourra assumer toute mission de vulgarisation et d’appropriation de la
VMA, de la directive de la CEDEAO ainsi que de l’ITIE. Ceci devrait permettre
l’émergence et la constitution d’une masse critique d’acteurs partageant une "vision
commune" et un engagement commun pour la transparence dans la gestion des
ressources minières.
• Mettre en place un réseau transversal pour la gouvernance des industries
extractives en y incluant tous les acteurs qui agissent en amont et en aval dans
l’exploitation minière. Ceci devrait permettre d’éviter les conflits souvent notés dans
les zones minières dus à un manque de dialogue. Cette initiative peut s'appuyer sur
les coalitions et réseaux existants en facilitant leur ouverture à d'autres acteurs.
• Garantir la cohérence intersectorielles entre les ministères pour éviter de créer des
ilots à l'intérieur de la politique gouvernementale. Toutes initiative portant sur la
réforme du code minier devrait impliquer les ministères des finances, du commerce,
de l'environnement, etc. De même toute initiative du ministre des investissements
dans le cadre de la promotion des investissements dans le secteur minier devrait se
faire en pleine intelligence avec le ministère de l'industrie et des Mines.
• Revoir à la hausse les taxes fiscales qui demeurent très faibles dans plusieurs pays et
réduire la période d’exonération parfois très longue (15 ans) pour le paiement de
l’impôt des entreprises minières. De telles mesures vont sans doute permettre de
rehausser les recettes fiscales tirées de ces transactions internationales pour de
nombreux pays.
• Harmoniser les politiques fiscales nationales avec les initiatives prises au niveau
continental (VMA) et régional (directive de la CEDEAO). Ceci devrait permettre au
continent de se doter à court terme d’une politique minière commune gage d’une
égalité de chance pour les pays face aux investisseurs qui ont tendance à cibler les
pays dont la législation est flexible dans ce domaine. De plus les pays d'une même
région pourront avoir un cadre de Co-apprentissage et de partage d'information et
de bonnes pratiques sous l'encadrement des institutions régionales comme la
CEDEAO et l'UEMOA.
• Mener un plaidoyer pour garantir l'effectivité de la responsabilité sociale des
entreprises mais s'assurer que celle-ci se substitue pas à la responsabilité de l’État
envers ses citoyens dans la mise en place des infrastructures de base et d’autres
biens publics. Les initiatives de responsabilité sociale des entreprises devraient
compléter les efforts de l’État et être encadrées par les autorités administratives et
les élus locaux;
• Renforcer les capacités des acteurs locaux en vue d’accroître le potentiel des petites
exploitations. Ceci devrait
améliorer les moyens de subsistance/survie et
l’intégration du monde rural à l’économie nationale.
• Assurer et promouvoir une participative active des femmes dans les processus
nationaux et régionaux liés à l'élaboration des politiques dans le secteur minier :
employées des industries minières, entrepreneures dans l’industrie extractive,
population riveraine des zones d’extractions, associations de femmes liées au secteur
extractif, elles doivent être inclues dans toutes les initiatives liées à la réforme des
secteurs miniers et bénéficier pleinement des avantages.
• Faire du secteur un des piliers de la transformation structurelle et du
développement économique du continent. À cet égard, le secteur minier ne sera plus
perçu comme une simple niche de prélèvement de taxes, mais comme secteur clé
capable d’accélérer l’industrialisation, la transformation structurelle et le progrès
économique et social.
• Éviter d’insérer dans les contrats miniers la clause de stabilisation qui empêche les
parties de renégocier le contrat lorsque les intérêts de l’une des parties sont
menacés. Dans la plupart des cas ce sont les intérêts du pays signataire qui sont
menacés. Pour éviter de "s'enfermer" dans les contrats les Etats sont invités à insérer
dans ceux-ci une clause de révision ou de renégociation flexible en vue de rétablir
l’équilibre du contrat, au cas où il viendrait à être rompu à la suite d’un changement
des circonstances initiales. Cette clause est d’autant plus importante que les contrats
miniers s’apparentent parfois à des contrats aléatoires (aucune des parties ne peut à
priori savoir ce qu’il tirerait de ce contrat) et dans la plupart des cas les pays africains
ont une faible capacité de négociation. En l’absence d’une clause de renégociation,
l’adaptation du contrat aux circonstances nouvelles n’est pas facile à entreprendre.
Le contrat étant un acte consensuel, la partie qui voudrait obtenir sa révision devra
compter sur la bonne foi de l’autre partie.
• Prévoir dans les contrats miniers des clauses liées au respect des droits de l’homme
pour garantir la sécurité, la santé et le bien être des populations locales.

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