Les articles en page couverture de l`African Agenda sur - twn
Transcription
Les articles en page couverture de l`African Agenda sur - twn
La Société des mines d’or de Bonte arrête ses activités, laissant dans son sillage une destruction massive L’histoire de l’extraction des ressources naturelles de l’Afrique par les sociétés multinationales est pleine de conséquences environnementales, économiques et sociales graves pour les communautés locales et les gouvernements africains, comme le montre le cas des Mines d’Or de Bonte au Ghana, écrit *Cornelius Adedze. Les Mines d’Or de Bonte, détenues à 85 % par une société canadienne, qui exerce ses activités dans le District ouest d’Amansie au Ghana, ont brusquement arrêté leurs activités, laissant dans leur sillage des terres dégradées « non-récupérées », des compensations non versées aux agriculteurs dont les terres faisaient partie de leurs concessions et le non-paiement d’indemnités de départ du personnel. En l’espace d’une semaine, la société des mines d’or a été liquidée sans qu’on suive les procédures prévues en cas de fermeture d’une mine. Selon les calculs approximatifs, la société doit environ 18 millions de dollars aux entreprises et services publics comme la Société d’Energie Electrique du Ghana, le Fisc, Total Ghana Ltd., et la Sécurité Sociale, ainsi que des sociétés de crédit-bail, telles que GhanaLease et LeaseAfric. La société a laissé comme legs sur les huit kilomètres de terres faisant de sa concession sont des monts de pierres et de sables entremêlés de « mares de sédiments ». Ces derniers sont maintenant devenus des terrains de reproduction pour les moustiques et d’autres agents vecteurs des maladies d’origine hydrique. Constituée en société en 1989, la Société des Mines d’Or de Bonte est détenue à 85 % par Akrokeri-Ashanti Gold Mines du Canada et a un bail de 30 ans sur sa concession située a Bontesu. Au moment de la liquidation, la société avait deux directeurs canadiens, à savoir Michael Wood, Directeur Général, et Douglas Mills, Directeur de l’Exploitation. Les deux expatriés ont quitté le pays bien avant la fin du processus de liquidation. Coup de choc Pour les 400 ouvriers de la société, la nouvelle de la liquidation de la Société des Mines d’Or de Bonte est venue comme un choc, étant donné qu’il n’y avait aucun signe précurseur de la tragédie. « La fermeture est un grand choc pour la plupart d’entre nous, puisque nous avons avions travaillé jusqu’au dernier jour. Il n’y avait aucun préavis. Le bruit courait à propos de la fermeture imminente mais cela a été démenti par la direction quand nous l’avons interpellée », a dit Amofah Acheampong, agent de sécurité qui a travaillé pendant plus de quatre ans comme employé temporaire, en déplorant son sort. Les ouvriers attribuent la responsabilité de cet état de chose à la mauvaise gestion, même si l’on doit croire au prétexte que la société tournait à perte. Selon ces mêmes ouvriers, en période de production élevée, d’autres expatriés – la plupart d’entre eux des Canadiens – étaient engagés pour faire des travaux que les ghanéens peuvent faire. En effet, au moment de la fermeture de la mine, les tentatives d’exporter le dernier lingot d’or ont été bloquées par les ouvriers. La police et les autorités politiques ont dû intervenir pour assurer le dépôt du lingot auprès de la Banque Centrale du Ghana. Depuis lors, les mines sont sous la protection des militaires armés de AK 47. La Commission des ressources minérales et la Chambre des Mines ont également exprimé leur choc absolu à l’égard de la liquidation de la société minière de Bonte. Le Directeur exécutif de la Commission des ressources minérales a réitéré que la situation constitue un « embarras » pour l’industrie minière, car outre le fait que la direction de la mine n’avait pas dévoilé ses intentions de liquider la société, elle n’a jamais fourni à la Commission assez d’ informations. La directrice exécutive de la Chambre des mines était furieuse parce qu’elle ne pouvait pas croire à la hâte avec laquelle la société avait procédé à la liquidation. Elle prétendait que le processus devrait durer trois mois au minimum et non pas une semaine comme c’est le cas de la mine de Bonte. « Je suis surprise ; on nous a pris au dépourvu. La Société des Mines d’Or de Bonte nous doit à peu près 2600 $ EU », a déclaré Joyce Aryee, Directrice Exécutive de la Chambre des Mines Pourtant, M. Mike Cawood, Directeur Général de la Société, est membre exécutif de la Chambre des Mines. Aucunes obligations destinées à la régénération des terres L’organisme chargé de la protection de l’environnement s’est aussi plaint de l’incapacité de la Société de mettre à disposition des obligations destinées à la régénération des terres (2 $millions) et de prendre des dispositions en vue de la régénérer les zones exploitées. Les observateurs reprochent les institutions réglementaires, telles que la Commission des ressources minérales, la Chambre des Mines et l’Organisme chargé de la protection de l’Environnement d’avoir permis à la société de fermer ses portes sans remplir les obligations prévues par la loi. Pour certains d’entre eux, le fait que la Société des Mines de Bonte a pu mener ses activités comme elle l’a fait sans qu’ils ne le sachent fleure la complicité, la négligence, ou l’indifférence pure et simple envers les travailleurs, les collectivités locales et leurs moyens de subsistance ainsi que du revenu qui revient à l’Etat. Comment toutes ces institutions pourraient-elles expliquer le manque d’informations sur les mesures prises par la direction de la Société si elles entreprenaient les contrôles réglementaires de routine des sociétés minières ? Le cas de la Société minière de Bonte semble justifier les doutes que nourrit la société civile à propos de la sincérité des appels lancés par l’industrie minière en faveur de codes volontaires et non obligatoires pour réglementer les activités dans le secteur, comme l’exige le processus d’Evaluation des Industries Extractives (EIE) de la Banque mondiale. 2 Pour les collectivités locales vivant à la périphérie de la concession de la Société minière, la fermeture des mines a empiré davantage la situation. Pendant les quinze ans d’exploitation par la société minière, certaines collectivités locales n’ont reçu aucune indemnité pour avoir cédé leurs terres à la société minière. Ironiquement, sachant bien qu’elle allait entrer en liquidation, la société a émis des chèques pour ces paysans, et sur présentation de ceux-ci, ils ont été rejetés par les banques, car les comptes de la société étaient gelés. Concernant la responsabilité sociale, les collectivités locales n’ont pas pu en aucune façon tirer parti des activités de la société, car pendant les quinze ans d’opérations de la société, celle-ci n’a pas en aucune manière aider ces collectivités, pas une clinique, pas une école. En effet, la route qui mène aux villages de Mputuo et de Bontesu où se trouve la mine est dans un très mauvais état et est mieux adaptée pour des véhicules tout terrain. Pour la population de la communauté, la mine de Bonte constitue une autre histoire triste des sociétés étrangères qui, avec l’aide de leurs amis, épuisent les ressources naturelles des communautés pauvres sans que ces dernières en tirent profit. Cet état de choses soutient la thèse de l’EIE selon laquelle il faut obtenir le consentement préalable des communautés avant d’entreprendre toute activité dans le secteur extractif, et la nécessité de procéder à la répartition équitable des ressources. Ceux qui avaient espéré que la vente des actifs pourrait compenser la dette de la société ont été complètement déçus, car la société se servait en grande partie de matériel loué à bail pour entreprendre ses opérations. En effet, dès l’annonce de la liquidation de la société la plupart des sociétés de bail se sont précipitées sur les sites d’exploitation pour récupérer tout matériel disponible. Tout ce que l’on peut trouver sur le site sont des véhicules en panne et des immobiliers de peu de valeur. Le cas la société Bonte remet en cause la disposition qui permet aux sociétés étrangères de retenir 60% de leurs recettes à l’étranger pour l’achat des matériels non disponibles dans le pays. Les codes miniers La facilité avec laquelle la société a été liquidée, sans prendre en compte ses obligations vis-à-vis des ouvriers et des paysans dont les terres sont appropriées et des institutions privées et publiques auxquelles elle doit des sommes d’argent, jette des doutes sur le code minier. La majorité des codes miniers en vigueur dans les pays africains (comme le montre l’article suivant) ont été conçus avec le concours de la Banque mondiale de manière à servir les intérêts des sociétés multinationales sans égards pour les pays africains, tout ceci dans le but d’attirer l’investissement direct étranger. L’exemple de la société Bonte nous apprend beaucoup de leçons, car il est vraisemblable que la société (sous l’apparence de Bonte Gold Holdings) se transforme en Golden Ray Lt, une société. qui a acquis une concession à Kwabeng dans la Région Est du Ghana, et dont les principaux actionnaires sont Michael Cawood (ancien Directeur Général de Bonte) et Douglas Mills (ancien Directeur de l’Exploitation de Bonte). Vu la controverse qui règne sur la liquidation des Mines d’or de Bonte, il serait intéressant de voir comment deux de ses anciens directeurs qui ont quitté le pays avant que le processus de liquidation ne soit achevé retourne au Ghana comme actionnaires majoritaires dans une autre société minière dont ils essaient d’oblitérer les rapports avec la société Bonte. 3 Le désordre écologique créé par la mine d’or de Bonte, ajouté à son endettement vis-à-vis des propriétaires des terres, des institutions privées et publiques, témoigne des effets des codes miniers sur-libéralisés qui sont devenus le lot des pays africains qui regorgent de ressources minérales. La situation ne s’améliore pas, étant donné que davantage de pays africains, au nom d’investissement direct étranger, essaient de devancer l’un et l’autre dans le but de mettre en place des codes miniers plus libéraux qui donnent à l’investisseur étranger libre cours au détriment du bien-être socio-économique des pays et de leurs populations. Des appels lancés par la société civile par le truchement du rapport final de l’Evaluation de l’Industrie Extractive semble être voués à l’échec, car l’industrie appuyée paradoxalement par certains gouvernements africains, est prête à jeter à l’eau les recommandations de l’EIE. * Cornelius Adedze est Rédacteur adjoint de African Agenda 4 Codes miniers africains : une course vers l’abîme Dans sa tentative d’aider les sociétés minières à porter au maximum leurs bénéfices dans les pays africains, le Groupe de la Banque mondiale participe à l’élaboration des codes miniers qui prévoit à peine des cadres durables favorables à l’environnement et accordent peu d’importance aux intérêts socio-économiques des pays africains, écrit *Thomas Akabzaa. Après presque deux décennies de mise au point, de révision et de réexamen des codes miniers pour permettre aux pays africains dotés de ressources minérales et en concurrence l’un avec l’autre d’accéder au statut de pays le mieux adapté à aux investissements miniers, la Banque mondiale n’est pas toujours satisfaite. Malgré la mise en place des avantages fiscales nécessaires, la sécurité de jouissance des droits miniers et le retrait de l’Etat de la participation directe aux activités minières, la Banque estime maintenant que la seule façon par laquelle les pays africains dotés de ressources minérales peuvent rester très concurrentiels est de ne pas trop insister sur la protection de l’environnement. Ce point de vue a donc déclenché une course vers l’abîme, car les codes les plus intéressants sont ceux qui ne prendraient pas en compte la protection de l’environnement. Il en résulte que la plupart des pays n’imposent pas des restrictions en ce qui concerne les sites qui font l’objet d’exploitation minière. Les réserves forestières, les sites protégés, les patrimoines nationaux et les zones écologiquement sensibles ne constituent plus des obstacles quand il s’agit de l’exploitation minière. Réformes Tout a commencé avec l’avènement de l’ajustement structurel préconisé par le Groupe de la Banque mondiale et qui exige que les pays africains dotés de ressources minérales procèdent à la réforme du secteur minier comme l’une des conditionnalités clés du Programme d’ Ajustement Structurel introduit au milieu des années 80. Ces réformes reposaient sur la recapitalisation, la remise en état des installations, le désengagement de l’Etat du secteur minier et la privatisation des sociétés minières publiques. L’Etat devrait jouer de plus en plus le rôle d’administrateur et de régulateur de l’industrie minière, permettant ainsi au secteur privé d’entreprendre les activités liées à l’exploitation minière proprement dite. Le nouveau rôle assigné à l’Etat implique la promulgation des codes miniers favorables à l’investisseur, l’adoption de mesures micro- et macroéconomiques qui permettraient le rapatriement sans restrictions des bénéfices et la libéralisation des régimes de change monétaire. Parmi les pays qui ont adopté dès le début ces mesures, on peut citer le Ghana, le deuxième pays producteur d’or en Afrique. Le Ghana s’est conformé à ces exigences en 1983, et à la fin de l’année 1986 il a mis en place un code minier. Au paravant, le code minier faisait partie du code d’investissement général du pays. Les points saillants sont notamment, un régime fiscal libéral qui définit un certain nombre d’incitations fiscales 5 accordées aux investisseurs étrangers exerçant leurs activités dans le secteur minier. D’autres aspects saillants comprenaient des concessions en capitaux, telles qu’un amortissement de 75 % de l’investissement total au cours de la première année d’investissement et l’amortissement du reste à un taux de 50 % au cours des années ultérieures. L’impôt sur les sociétés est resté à 45 % des bénéfices nets comme dans tout autre secteur de l’économie. Les redevances à payer en ce qui concerne les ressources minérales varient entre 3 et 12 % suivant la marge d’exploitation de la société. Par ailleurs, le taux de participation de l’Etat à tout investissement minier est de 30% dont 10% sont obligatoires. Toutefois, conformément à la prescription du FMI et de la Banque mondiale, l’industrie minière lance actuellement un appel à une privatisation totale l’industrie. Vitrine Pour avoir fidèlement suivi ces prescriptions, le Ghana était considéré comme le pionnier et la vitrine de l’heureuse histoire de l’ajustement structurel. Les preuves de réussite sont l’installation de plus de 150 sociétés d’exploration et d’exploitation minières étrangères et une production minérale accrue. D’autres pays sont appelés à suivre l’exemple du Ghana ou courir le risque d’être marginalisés. On s’est servi donc du code minier du Ghana pour attirer d’autres pays tels que la Tanzanie, le Mali, la Zambie, le Burkina Faso, la Guinée et même la République Démocratique du Congo ravagée par la guerre. Grâce aux fonds de l’AMGI, de la CID et de l’IDA, et munis du code minier du Ghana comme schéma directeur minimum acceptable, ces pays ont commencé à élaborer leurs propres codes miniers. Entre 1994 et 1997, ces pays ont reçu des crédits dans le cadre de l’Assistance technique au Secteur Minier pour pouvoir créer un environnement propice à la promotion des investissements privés dans le secteur minier, accélérer le désengagement de l’Etat des activités d’exploitation minière et de la vente des mines appartenant à l’Etat aux acteurs privés afin d’assurer une contribution réelle et durable à la croissance de l’économie. La Tanzanie, la Guinée, la Zambie et le Mali ont commencé le processus de réformes dès 1994 et ont élaboré des codes miniers en 1998, alors que le Burkina Faso et le Mozambique ont commencé ce processus en 1997 et ont élaboré des codes miniers en 2000. Ces pays ont mis au point des codes miniers prévoyant des régimes fiscaux qui assurent aux investisseurs du secteur minier de grands avantages. Ces réformes avaient notamment comme points essentiels un taux de redevance de 3 %, une participation à 100% privée dans les entreprises minières, une augmentation du contingent du personnel expatrié, lequel contingent était fixé par l’investisseur. Le cadre du code minier de la Tanzanie n’était pas trop différent de ceux des autres pays de ce groupe. A l’instar du Ghana, ces pays ont connu au début une intensification au niveau des activités d’exploration et une augmentation de la production des minéraux. Pour la Tanzanie, la production de diamants est passée de 25 500 carats en 1994 à 354 400 carats en 2000, alors que la production d’or a enregistré une hausse de plus de 400 % pendant la 6 même période. A la fin de l’année 2000 le nombre de permis d’exploration délivrés dépassait 400. Davantage de libéralisation Les chiffres cités ci-dessus fournissent d’amples raisons pour se vanter du succès des Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), la nouvelle appellation du processus d’ajustement à la fin de l’année 2000 dans ces pays, et pour justifier les réformes préconisées ainsi que la libéralisation accrue des codes miniers. Ces pays se sont efforcés de maintenir la position du troisième producteur d’or sur le continent après l’Afrique du Sud et le Ghana. On avait dit aux premiers réformateurs, comme le Ghana, qui ont fourni le prototype pour le raffinement accru des réformateurs ultérieurs mais ont connu des fortunes mitigées, que leurs codes miniers manquaient de substance et par conséquent étaient à l’origine de la baisse des investissements dans le secteur. La bureaucratie qui régit l’industrie au Ghana devait être plus proactive, sinon le pays va perdre davantage d’investissement au profit de la Tanzanie, de la Guinée et du Mali et d’autres pays qui disposent des codes beaucoup plus libéraux. L’incapacité d’octroyer davantage de permis d’exploration et le fait que l’investissement s’est trouvé dans un état de marasme dans le secteur minier du Ghana de 1998 à 2000 sont attribuables à la non compétitivité du code minier. L’analyse n’a pas pu prendre en compte d’autres facteurs qui sont probablement à l’origine de cette tendance à la baisse au Ghana, à savoir le manque les sites de prospection et la chute du cours des métaux. Aucune allusion n’a été faite à l’effet de la chute des cours des métaux sur l’industrie. Entre 1997 et 2000 le cours de l’or est passé de 400$ à 260$ l’once. Au cours de ces années, l’escroquerie au niveau des sociétés internationales d’exploration a entraîné l’effondrement des valeurs de plusieurs sociétés inscrites à la bourse. Les scandales infâmes de Bre-X, qui se sont produits en Indonésie et qui ont anéanti plusieurs fonds de retraite investis à la Bourses de Vancouver et de Toronto, ont provoqué une baisse des investissements dans les valeurs d’or. Ces scandales, couplé à la chute libre du cours de l’or, ont fait baisser l’intérêt des investisseurs dans les valeurs de l’or et ont eu une incidence sur l’exploration dans l’ensemble. Codes précaires Quel qu’en soit le motif, les acteurs de l’industrie ont saisi l’occasion pour exiger que les producteurs de minéraux en Afrique entreprennent davantage de libéralisation sous prétexte de codes miniers fragiles, qui n’ont pas fourni les incitations nécessaires pour l’investissement. Le Ghana s’est plié à cette pression et en 2000 il a lancé un processus de révision de ses codes avec l’appui financier du Groupe de la Banque mondiale. Les consultants avaient comme modèle acceptable les codes de la Tanzanie, du Mali et des pays semblables. Le régime fiscal prévu dans le nouveau projet de loi sur l’exploitation minière au Ghana est réduit à 32 % ; les redevances varient entre 1 et 3 % ; le taux d’amortissement des 7 investissements est augmenté, soit 80 % au cours de la première année d’investissement et 50 % par la suite ; la liste des articles exempts d’impôt aux ports d’entrée a été élargi ; il est également prévu une augmentation du contingent pour le personnel expatrié ; le retrait complet de l’Etat des activités minières et la possibilité de transférer les droits miniers entre les investisseurs. Le projet de loi a également proposé que les impôts sur les bénéfices additionnels, qui faisaient partie du code « défavorable », soient supprimés. En plus, les propositions demandent qu’il y ait une sécurité accrue en ce qui concerne les droits miniers. Il a été également proposé que la période de détention d’une licence d’exploration soit portée de trois ans à six ans et que le bail pour les activités minières soit de 30 ans. Il est paradoxal de noter que, si le nouveau projet de loi du Ghana n’a pas encore été voté par le parlement, on continue à dire à la Tanzanie, au Mali et à la Guinée et au reste des réformateurs de la deuxième génération que leurs codes deviendraient bientôt caducs et que le Ghana est la prochaine destination pour l’investissement minier, si le nouveau projet de loi sur les ressources minérales est voté par le parlement. On demande à ces pays de procéder à la refonte de leurs codes peu intéressants s’ils veulent rester compétitifs – un souhait auquel les gouvernements de ces pays ne peuvent pas manquer. Une démarche évidente à suivre est que ces pays demanderaient une autre assistance financière en vue de procéder à la refonte de leurs codes dans le but de les rendre plus compétitifs que ceux des pays comme le Ghana. Il est évident que lorsque le nouveau projet de loi sur les ressources minières, qui a pris un retard considérable, sera voté, il sera déjà vétuste. Cela signifie que le Ghana devrait procéder à l’examen de son code minier une troisième fois pour pouvoir rester compétitif. La question qui se pose est quand est-ce que prendra fin le cycle de la course vers l’abîme ? Du moins, ce que ces pays ont pu réaliser est qu’ils continuent de sombrer ensemble et à la même allure dans la pauvreté ; ils se trouvent tous dans la même zone de misère noire si l’on prend en compte l’échelle de l’Indice de la Pauvreté et du Développement Humain. * Thomas Akabzaa est professeur au Département de Géologie, Université du Ghana, Legon. 8 Les gouvernements africains et l’industrie minière tentent de compromettre le rapport de l’EIE Les gouvernements africains et les sociétés minières ont demandé au Groupe de la Banque mondiale de ne pas mettre en oeuvre les recommandations du rapport de l’Evaluation des Industries Extractives, écrit * Abdulai Darimani. Le Rapport final de l’Evaluation des Industries Extractives (EIE) trouve à redire au rôle que joue la Banque mondiale au niveau de la réforme des politiques générales dans l’industrie extractive, politiques qui ont eu un impact négatif sur les communautés et l’environnement et ont mené à l’abus des droits humains. Le rapport préconise un changement radical de la part de la Banque en ce qui concerne son rôle dans le financement de tels projets, et qu’elle mette fin au soutien qu’elle accorde à certains de ces projets. L’évaluation, un processus consultatif qui comportait des ateliers régionaux, des projets de recherche, des visites d’inspection de quatre sites de projets, la participation aux conférences internationales et la tenue de consultations informelles avec les parties prenantes, a abouti à la publication d’un rapport final à la suite de la réunion consultative finale qui s’est tenue à la mi-décembre, 2003 à Lisbonne au Portugal. Le rapport affirme les critiques et les préoccupations exprimées depuis longtemps par la société civile africaine et de nombreux autres groupes concernés de par le monde. Les recommandations exigent que la Banque entreprenne des réformes importantes, y compris l’adoption de mesures supplémentaires en vue de la réduction de la pauvreté, le retrait immédiat du financement des projets de charbon dans le monde entier et la réduction progressive du soutien qu’elle accorde à la production pétrolière d’ici à l’an 2008 ; l’amélioration de la protection des droits humains; que les populations indigènes et les communautés touchées par les activités du secteur extractif donnent leur accord préalable ; que la Banque mette fin au soutien accordé aux technologies minières destructrices. Le rapport préconise également que la Banque prépare et publie les analyses des bénéfices nets – y compris les mouvements des recettes fiscales aux niveaux tant national que local, les impôts et d’autres sources de revenus pour chaque projet ; mette à jour et applique dans sa totalité la Politique en matière d’Habitat Naturel comme base de Zones interdites, et qu’elle refuse de financer les projets ou activités qui ont trait au pétrole, au gaz ou à l’exploitation minière (y compris les prêts à l’appui de réformes sectorielles, et l’assistance technique) susceptibles d’avoir une incidence sur les propriétés du patrimoine mondial existantes, les zones protégées actuelles, ou les habitats ou zones naturels cruciaux qui seront à l’avenir désignés comme zones protégées par les responsables nationaux ou locaux. Indicateurs anti-développement 9 Aux yeux de certains gouvernements africains et certaines sociétés, ces recommandations ne sont pas favorables au développement des pays africains riches en ressources minières. Au cours du processus de consultation, certains gouvernements et certaines industries ont essayé de rendre peu efficaces plusieurs de ces recommandations prometteuses. Toutefois, la société civile africaine et leurs homologues de par le monde ont tout fait pour retenir ces recommandations dans le rapport. Certains gouvernements africains et certaines industries collaborent avec le Groupe de la Banque mondiale pour retarder la mise en oeuvre des recommandations du rapport. Au cours de l’année passée, le Groupe de la Banque mondiale a encouragé les réformes du secteur extractif en Afrique grâce au soutien qu’il accorde à la libéralisation des échanges commerciaux et de l’investissement, à la privatisation des sociétés publiques, au renforcement des institutions et des capacités, et ceci apparemment dans le but d’améliorer les conditions de l’investissement direct étranger dans le secteur extractif, le financement direct des projets de l’industrie extractive dans le secteur privé grâce à la participation au capital, aux prêts et aux garanties. Les affiliés de la Banque mondiale ont aidé dans le financement en Afrique de grands projets fort controversés de l’industrie extractive dans le secteur privé. Dans le secteur pétolier/de gaz, la Banque a soutenu des projets controversés en Zambie et en Tanzanie. Les anciens mineurs artisanaux de la Tanzanie prétendent qu’une société canadienne et les autorités tanzaniennes ont obligé des dizaines de milliers de villageois à quitter le site des mines de Kahama dans la bande d’or de Bulyanhlu en 1996. L’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI), une branche privée de garantie du Groupe de la Banque mondiale, a soutenu ce projet trois ans plus tard. Plus tôt cette année, un groupe de ministres africains des mines, réuni à Johannesbourg, en Afrique du Sud, avait exprimé ses préoccupations à l’égard des recommandations du rapport final de l’EIE. Les ministres ont exhorté la Banque mondiale à ne pas adopter toutes les recommandations du rapport final de l’EIE, qui, à leur avis, pourraient être désastreuses pour les pays pauvres riches en ressources minières et qui comptent sur les projets miniers dans ces secteurs pour se développer. Les ministres auraient signalé que le rapport final de l’EIE n’a pas suffisamment pris en compte le fait que les industries extractives revêtent une importance capitale pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, et que pour certains pays ces industries représentent un moyen très important de génération de revenu pour la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux. Les ministres ont également exprimé leur préoccupation à l’égard des conditions préalables émises par le Groupe de la Banque mondiale en ce qui concerne les investissements dans les pays qui ont mis en place des critères de gouvernance solides et transparents. Ils estiment que l’incapacité d’un pays de répondre aux critères de gouvernance du GBM ne doit pas constituer un obstacle à l’accès au soutien tant financier que structurel dont ce pays a besoin pour la mise au point de tels mécanismes de gouvernance ; sinon les pays qui ont tant besoin de cette aide pour leur développement pourraient en être exclus et s’embourberont dans la pauvreté ou trouveront d’autres moyens peu convenables pour développer leur potentiel au niveau du secteur extractif. Auto-défense 10 Deux motifs auraient été à l’origine de ce point de vue des ministres. Le premier est l’auto-défense et le second est l’influence apparente exercée par les industries et les gouvernements de ces ministres. Depuis très longtemps, le secteur extractif en Afrique constitue l’un des domaines de corruption endémique et d’abus de pouvoir. La corruption endémique dans ce secteur profite aux gouvernants et aux riches, alors qu’elle marginalise les pauvres et les collectivités locales. La répartition inégale des avantages explique aussi la raison pour laquelle de nombreux gouvernements africains continuent de fermer les yeux sur l’abus des droits des communautés et des citoyens, le déclin des normes et des bénéfices nets de l’exploitation minière, l’extraction pétrolière et de gaz sur le continent. Les recommandations de l’EIE envoient un signal non seulement à la Banque mondiale mais aussi à tous les principaux acteurs des industries extractives. De plus, la mise en oeuvre des recommandations donnera le ton pour que les gouvernements appliquent des recommandations semblables. Ce qui signifiera que les gouvernements seront dépouillés de leurs pouvoirs dictatoriaux et que la corruption sera réduite dans le secteur. Les sociétés minières et les associations de l’industrie minière, en particulier le Conseil international sur l’exploitation minière et les métaux (ICMM), basé à Londres, et les Associations de l’Industrie Minière de l’Afrique Australe (MIASA), qui regroupe les Chambres des Mines du Botswana, de la Namibie, de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie, de la Zambie et du Zimbabwe, ont fait écho du point de vue des ministres africains. Ces organismes ont argué qu’un certain nombre de recommandations contenues dans le rapport final de l’EIE ne sont pas fondées sur des recherches solides et constitueraient un obstacle à l’allégement de la pauvreté et au développement durable. Le président du géant de la société minière Anglo American, Mark Moody-Stuart, qui était membre du groupe consultatif de l’EIE pendant le deuxième semestre de 2003, a fait comprendre que l’effet net des recommandations du rapport final de l’EIE sera un quasi-désengagement de la Banque mondiale du secteur minier, du pétrole et du gaz. L’ICMM a exprimé ses préoccupations à l’égard de la proposition des conditions préalables relative à la gouvernance pour avoir accès à l’investissement de la Banque mondiale, conditions qui comprennent l’état de droit et l’absence voire le risque de conflit. Le Conseil estimait que ces conditions pourraient être trop exigeantes même pour les pays développés. Il craignait que les conditions préalables relatives à la gouvernance puissent avoir un effet involontaire susceptible d’empêcher la Banque mondiale d’apporter son concours aux projets dans les pays qui n’ont pas encore mis en place des progammes alternatifs de développement mais qui peuvent autrement attirer les investisseurs étrangers. Le Directeur Général de la Chambre du Commerce de l’Afrique du Sud, Mzolisi Diliza, fait siennes les préoccupations de l’ICCM. Dans une lettre envoyée au nom de la MIASA à M. Wolfenson, président de la Banque mondiale, il a noté qu’une grande partie du contenu du rapport de l’EIE compromet le rôle légitime des gouvernements. Ils concluent que l’adoption de toutes les recommandations du rapport de l’EIE conduira au mouvement massif de l’investissement direct étranger vers les marchés émergeants qui constituent parfois la seule voie pour le développement des industries extractives. Tout 11 cela n’est que de la rhétorique et la tactique manipulatrice des industries ancrées dans la conception bornée selon laquelle la seule voie du développement économique réside dans l’investissement direct étranger dans le secteur extractif. Le paradigme actuel de l’extraction des ressources minières ne profite pas aux pays africains riches en ressources minérales. Si l’investissement direct étranger dans les industries extractives en Afrique a augmenté au cours de ces deux dernières décennies, la pauvreté n’a pas baissé ; au contraire celle-ci a enregistré une hausse dans ces pays. L’Afrique australe est connue pour ses potentialités en ressources minières et pour son association historique de longue date avec l’extraction de ressources minérales, et pourtant le bilan du développement humain de la région ne s’est pas amélioré. Selon l’édition de l’année 2003 du rapport sur le Développement Humain du Programme des Nations unies pour le Développement, environ 20 millions de personnes - soit 19 % - de la population totale des six pays membres de la MIASA vivent de moins d’un dollar par jour, alors que 47 millions de personnes - soit 44 % - vivent de moins de deux dollars par jour. Le paradigme actuel de l’extraction de ressources minérales en Afrique n’est pas donc exploiteur et doit être soutenu dans sa mise en oeuvre. Plaidoyer en faveur des pauvres Pourquoi l’industrie se préoccupe-t-elle tant du retrait de la Banque mondiale des industries extractives à un moment où la Banque fournit moins de cinq pour cent du financement requis pour l’exécution des projets dans les industries minières, pétrolière et du gaz ? Il est étonnant de noter comment, face à la menace, l’industrie se transforme brusquement en le plus grand défenseur des pauvres lorsque Kathryn McPhail (ancienne chercheuse de la Banque) dit « Ce qui nous préoccupe au plus haut point n’est pas les conséquences pour l’industrie minière en tant que telle, mais les conséquences pour le développement au niveau des marchés émergeants ». Cet argument a été entretenu par une lettre venant des Equator Banks, un groupe d’investisseurs qui travaillent pour le compte de la Banque mondiale, qui dit « Nous croyons que l’EIE n’a pas suffisamment pris en compte le fait que les industries extractives sont cruciales pour la croissance économique mondiale et la réduction de la pauvreté ». Deux motifs animent la raison pour laquelle les industries se préoccupent des recommandations du rapport final de l’EIE. D’abord, la décision pourrait mener au retrait d’autres institutions financières du secteur, ce qui fera baisser d’une manière sensible les prêts accordés à l’industrie. En deuxième lieu, et ce qui est plus important, la crainte de l’influence des institutions de Breton Woods qui devient de plus en plus faible sur les politiques et pratiques gouvernementales qui sont cruciales pour assurer que l’industrie bénéficient de normes favorables. La Banque mondiale exerce une influence sur les stratégies de développement et les pratiques des pays en développement, en faisant de sorte que ceux-ci compromettent leurs politiques économiques, leur règlement en matière d’investissement et leurs projets qui profitent aux grandes sociétés transnationales. Même sans exercer la pression, il est invraisemblable que la Banque adopte intégralement le rapport de l’EIE. La Banque est une institution à but lucratif et y arrive en accordant 12 des prêts. Après avoir réussi à amener les gouvernements africains à réviser les codes régissant le secteur extractif, les industries extractives sont devenues les domaines de prêts à faible risque. Ce n’est donc pas par hasard que le Groupe de la Banque mondiale cherche à obtenir le soutien des industries extractives. Rejeter les éléments prometteurs du rapport montrera clairement que la Banque ne rend compte qu’au marché et non pas à la majorité des populations pauvres de l’Afrique. Dans ces circonstances, la Banque peut tenter d’être humaine au niveau de ses opérations en choisissant probablement le moyen terme et non nécessairement l’équilibre qu’a demandé Salim lorsqu’il a choisi comme titre du rapport final « Equilibrer les choses ». Un Nouveau Golf Persique L’Administration américaine est de loin la force la plus importante quand il s’agit de déterminer les priorités de la Banque mondiale. Elle peut exercer son véto lorsqu’elle constate tout changement de politique et selon la coutume désigne le président de la Banque, qui est généralement un expert du secteur financier. Face à la nouvelle offensive impérialiste américaine – la soi-disant guerre contre le terrorisme – les Etats-Unis ont mis au premier plan les ressources extractives de l’Afrique, qui doivent être contrôlées au pendant qu’ ils cherchent d’autres sources d’approvisionnement en pétrole. Le long du Golf de Guinée, désigné actuellement sous le nom du « Nouveau Golf Persique », les Etats-Unis cherchent d’une manière agressive à y établir des bases militaires. Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant que certains gouvernements africains collaborent avec la Banque mondiale pour supprimer les recommandations prometteuses du rapport. Le président du Groupe de la Banque mondiale, M. James Wolfenson, a créé le secrétariat de l’Evaluation des Industries Extractives (EIE) sous la présidence de Dr. Emil Salim, ancien ministre de l’environnement de l’Indonésie. Le secrétariat de l’EIE a la responsabilité d’évaluer les impacts des interventions du Groupe de la Banque mondiale dans les industries extractives, et de faire des recommandations quant au rôle futur de celui-ci dans les industries pétrolière, minière et de gaz. Le secrétariat a la responsabilité spécifique d’identifier les impacts négatifs des opérations de la Banque au niveau des industries extractives ; d’évaluer si les activités de la Banque dans ces secteurs peuvent promouvoir son mandat de réduire la pauvreté par le biais du développement durable; et de recommander les circonstances dans lesquelles la Banque devra continuer à apporter son concours aux projets extractifs. On attend toujours la réponse que la direction de la Banque va donner au sujet de l’EIE. Quand la direction de la Banque aura réagi, le grand public aura trente jours pour émettre des commentaires sur la réponse officielle. Ce moment-là sera crucial pour tous les détenteurs des droits d’interpeller la Banque sur des questions de réalités en vue de faire face au lobby des gouvernements africains et de l’industrie de retarder le rapport. Cependant, le soutien en faveur de l’EIE se répand de plus en plus dans le monde entier, car plus de cent députés de par le monde, la Commission européenne, six lauréats du Prix Nobel de la Paix, dont le militant de la lutte contre les mines terrestres, Joddy Williams, l’Archevêque Desmond Tutu de l’Afrique du Sud, et le Groupe de travail religieux qui traites des questions ayant trait àe la Banque mondiale et au Fonds monétaire 13 international (FMI), ont demandé que les recommandations de l’EIE soient entièrement mises en oeuvre. * Abdulai Darimani est Responsable des Programmes, Unité de l’Environnement, Third World Network-Africa. 14