La musique, le cerveau et l`éducation Par Matthieu Paré, M.A.

Transcription

La musique, le cerveau et l`éducation Par Matthieu Paré, M.A.
La musique, le cerveau et l’éducation
Par Matthieu Paré, M.A. sciences de l’éducation
Depuis les quinze dernières années, les études en neurosciences sont plus nombreuses et
permettent d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes en jeu dans le cerveau
entrainés par la musique. Les récents travaux du psychiatre Normand Doidge du centre d’écoute
de Toronto montrent, par des cas à l’étude, que l’utilisation de la musique favorise une
neurostimulation lorsqu’écoutée de manière intensive, d’où découle un développement
neurologique autour des aires du cerveau traitant la musique et la langage. De fait, les connexions
synaptiques entres les hémisphères du cerveau et entre les structures postérieures et frontales sont
densifiées (Doidge, 2015). Le résultat final est que l’enfant, une fois «re-câblé» au plan
neurologique, est capable de neurodifférentiation. Cette amélioration semble pouvoir l’aider à
suivre le rythme de la classe, des discussions, mais aussi, de discriminer la voix de l’enseignant à
travers les bruits avoisinants des camarades. Pour les enfants tout venants, c’est une chose qui
peut être utile, mais chez l’enfant dyslexique ou ayant un TDAH, c’est autrement plus
fondamental.
L’importance des troubles neurodéveloppementaux
Rappelons à juste titre que la dyslexie toucherait jusqu’à 10% de la population et se
manifesterait par une mauvaise association entre graphèmes (signes écrits) et phonèmes (sons),
ainsi que par une incapacité à saisir rapidement un mot dans sa globalité (INSERM1, 2007;
Habib, 2000). La dyslexie est dite développementale, on entend par là qu’elle est un trouble
spécifique de l’apprentissage de la lecture même si les capacités intellectuelles sont normales
chez l’enfant, qu’il n’a pas de troubles psychiatriques ou neurologiques, qu’il provient d’un
milieu socio-culturel normalement stimulant et est scolarisé adéquatement (Chobert et al., 2012).
La dyslexie est considérée comme un trouble spécifique d’apprentissage faisant partie des
troubles neurodéveloppementaux, ceux-ci touchant près d’un enfant sur six dans les pays
industrialisés (Organisation mondiale de la Santé, 2001). Cette catégorie particulière de troubles
implique une diminution de la croissance et du développement normal du cerveau en provoquant
des retards sur tous les plans dont l’apprentissage, le comportement, l’aspect moteur ou la
mémoire, l’autisme ou encore la paralysie cérébrale (Institut Douglas, 2012). C’est dans cette
optique que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est également
considéré comme un trouble neurodéveloppemental, tout comme l’Alzheimer (APA, 2013).
D’ailleurs, la dyslexie et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité sont deux
troubles en forte comorbidité, la prévalence dans la population des enfants augmentant jusqu’à
près de 30 % selon les études (Froehlich et al., 2007, INSERM, 2007 ; Akinbami et al., 2011). Ce
qu’implique le TDAH est l’inattention et l’hyperactivité/impulsivité comprenant des
comportements comme l’incapacité à focaliser sur les détails, des difficultés à organiser les
tâches et activités personnelles, parler et bouger excessivement jusqu’à ne plus être capable de
rester assis sur un siège (Ibid., 2013). Les enfants présentant des symptômes en bas âge, soit
autour de 3 à 4 ans (par exemple, un tempérament agité, de l’impulsivité et de l’hyperactivité, de
1
Nous utilisons l’abréviation INSERM pour rendre compte des travaux du comité composé, pour ce numéro, des
auteurs : Barrouillet, P., Billard, C., de Agostini, M., Démonet, J. F., Fayol, M., Gombert, J. E., Rondet-Grellier, C.
et autres collaborateurs.
l’opposition) ont plus de chances de développer le trouble tôt, qui se formalisera ensuite dès
l’entrée à l’école (Dumas, 2007). Alors que bon nombre d’enfants devenus adolescents
connaissent une diminution des symptômes, plus de la moitié continue à avoir le trouble et parmi
eux, entre 50 et 65% l’ont encore à l’âge adulte selon les études (Ibid., 2007). Les enfants garçons
consistent en la population la plus à risque de développer le trouble, dans une proportion de deux
à neuf fois plus élevée que les filles (Ibid., 2003). Les difficultés vécues sont nombreuses et se
complexifient avec le temps : alors que l’enfant désobéit, est négatif, est facilement contrarié et
réagit mal à l’autorité, une fois au primaire, s’ajoute au tableau la désorganisation dans les tâches
et les comportements et les difficultés d’attention à la tâche (Ibid., 2007). S’ensuit alors des
risques importants au plan relationnel, que ce soit le rejet social ou le développement de
l’incapacité à être en relation avec les autres, par la présence d’agressivité (Barkley et Murphy,
2010). Il est intéressant de constater, à travers l’histoire du diagnostic de TDAH, qu’on l’a
associé à un autre diagnostic, à savoir le désordre des processus centraux de l’audition (CAPD).
Ce diagnostic comportait comme caractéristique des difficultés d’hyperactivité, d’inattention et
d’attention de courte durée, tout en impliquant, comme son nom l’indique, une difficulté à diriger
son attention auditive.
Les approches explicatives du TDAH
Dans les années 2000, les approches neurocognitives (Restrepo parle aussi de
neuroéducation alors que Schulkin parle plutôt de neuroscience sociale) témoignent en faveur de
l’entraînement des fonctions cognitives chez les enfants TDAH en se basant sur l’hypothèse de la
plasticité du cerveau (Halperin et Healey, 2011). Les recherches scientifiques dans ce champ
pointent du doigt l’inhibition comportementale parmi les fonctions exécutives. L’enfant inattentif
serait possiblement un enfant à lent tempo cognitif, sluggish cognitive tempo (Barkley, 2012), qui
toucherait non seulement à la cognition, mais aussi à l’émotion vécue2 (Restrepo, 2014). Il est
donc question du syndrome des fonctions exécutives3 du cortex frontal dans le TDAH (Ibid.,
2012 ; Barkley, 2012). Dans une étude réalisée auprès de 25 adultes atteint d’un TDAH ayant eu
une histoire d’enfance empreinte de la maladie et ayant des enfants TDAH, l’utilisation de la
tomographie à émission de positrons (PET)4 a permis de montrer que ces individus avaient une
activité cérébrale frontale et striale significativement plus faible (Ibid., 2006). Pour sa part,
l’imagerie par résonance magnétique (MRI) a permis de localiser plus spécifiquement le niveau
anormal d’activité dans la partie pré-frontale du cerveau et de constater plusieurs différences
structurelles des cerveaux des TDAH par rapport aux cerveaux considérés normaux (Idem).
2
L’émotion est imbriquée directement dans les ressources cognitives, elle est un levier qui mène vers l’action,
faisant partie même de la biologie individuelle (Schulkin, 2013). Pour la présente recherche, nous incluons l’émotion
dans l’ensemble du fonctionnement cognitif car elle est intrinsèquement reliée tel que nous venons de le mentionner.
3
Réfèrent à un ensemble hétérogène de processus cognitifs qui permettent de contrôler le comportement. Le contrôle
exécutif s’avère crucial pour les comportements orientés vers un but. Se retrouvent dans cette catégorie : la
flexibilité, l’inhibition (autocontrôle et autorégulation), la mémoire de travail, la planification et le contrôle des
interférences.
4
La tomographie par émission de positons (TEP) est une modalité d'imagerie médicale qui mesure la distribution
tridimensionnelle d'une molécule marquée par un émetteur de positons. L'acquisition est réalisée par un ensemble de
détecteurs répartis autour du patient. Une nouvelle génération d'appareils TEP/tomodensitomètre (TDM) offre des
informations complémentaires qui permettent de corriger l'atténuation, de localiser les lésions et d'optimiser les
procédures thérapeutiques (De Dreuille, Maszelin, Foehrenbach, Bonardel, et Gaillard, 2004, p.2).
Semrud-Clikeman et R. Pliszka (2005), dans leur revue de littérature, arrivent à la conclusion que
des changements dans les structures du cerveau et particulièrement via l’activation de la zone
pré-frontale peuvent être constatées avec la prise de médication.
En focalisant notre attention sur les fonctions exécutives, il s’avère que le
dysfonctionnement des circuits neuronaux chez le TDAH impliquent l’inhibition, l’attention, la
temporalité, la régulation de la motivation et des affects (Barkley, 2012; Rubia, 2011). À la
manière de Barkley et Rubia, plusieurs autres auteurs ont nommé une série de fonctions touchées,
tel que le modèle de Brown (1994 dans Barkley, 1997) témoignant d’un groupe de six fonctions
altérées telles que la discipline, l’activation, le focus, l’effort, la régulation des émotions, la
mémoire et l’action, le tout en interaction non-hiérarchique (Goupil, 2014). Ce qui retient notre
attention est la classification de Miyake (2000) des trois fonctions exécutives de base : la
flexibilité, la mise-à-jour et l’inhibition. Celles-ci se décrivent ainsi :
La première permet l’adaptation aux situations changeantes du contexte, la deuxième la
mise à jour des informations dans la mémoire de travail et la troisième l’inhibition des
réponses automatiques ou routinières, mais non pertinentes pour la tâche en cours. Bref,
nous devons dans toutes les activités et contextes de la vie quotidienne prendre des
décisions, sélectionner les réponses appropriées au contexte et choisir entre plusieurs
options (Restrepo, 2014, p.11 soumis).
Derrière ces trois fonctions exécutives, il semble qu’un neurotransmetteur joue un rôle central. En
effet, certaines études montrent clairement que chez les enfants TDAH, il y a présence d’un faible
taux de dopamine dans leur cerveau lié potentiellement à une faible motivation intrinsèque,
lesquelles sont inter-reliées (Schulkin, 2013) et nécessaires à haut niveau dans la mise-en-œuvre
de l’attention et la concentration, d’où découle l’inhibition de comportements inadéquats
(Restrepo, 2014 ; Ibid., 2013). La dopamine serait essentielle également dans le langage,
l’organisation des pensées et du mouvement, le calcul, l’effort lié à la récompense, le contrôle
moteur des systèmes nerveux de toutes les vertèbres, la motivation et le comportement général et
musical (performance, perception, syntaxe et connexions affectives) (Ibid., 2013, p. 68). Chez les
TDAH spécifiquement, la dopamine influencerait leur niveau d’attention à l’information
provenant de l’environnement, c’est-à-dire la capacité qu’ils ont à diriger leur attention vers
l’extérieur (Idem). Toutefois, la dopamine ne serait pas en cause chez tous les individus TDAH,
mais bien chez certains types qui se distinguent au plan morphologique (ce qui pourrait expliquer
que la médication ne fonctionne pas pour tous les enfants) : un cortex frontal droit et un noyau
caudé gauche plus petits (Filipek et al., 1997 ; Semrud-Clikeman et Pliszka, 2005). Le noyau
caudé est une structure «intimement connectée au neurotransmetteur dopamine» (Ibid., 2005,
p.176) et plus cette structure est petite, moins elle permet à l’hémisphère droit d’inhiber les
réponses inappropriées (Idem). Enfin, la dopamine pourrait potentiellement être augmentée par
certains stimuli externes tel que la musique (Zatorre et Salimpoor, 2013), la nourriture, les
médicaments et les récompenses (Schulkin, 2013).
Une autre structure du cerveau pourrait également être en cause, à savoir la région
postérieure du corps calleux (impliquant une activité moindre dans les régions pariétales et
occipitales du cerveau) où l’on retrouvait chez certains TDAH moins de matière blanche. Cette
différence pourrait potentiellement diminuer la communication entre les parties du cerveau, ainsi
ne pas permettre à l’enfant d’accéder à ses expériences et connaissances antérieures (Parties
postérieures du cerveau) pour les utiliser concrètement devant les situations et défis du présent
(Parties frontales) (Semrud-Clikeman et Pliszka, 2005). C’est ce que révèle également le modèle
de l’attention de Posner (1994). Cette information pourrait potentiellement justifier l’utilisation
de la musique comme traitement, nous le verrons plus loin, car il semble que la musique est
traitée dans l’ensemble du cerveau, permettant ainsi une communication entre ses diverses
structures, selon que l’on parle du rythme, de la hauteur ou tout autres composantes de cette
musique (Hébert et Cuddy, 2006).
La dyslexie : compréhension et intervention
Du côté de la dyslexie, on pense qu’un problème précis se situe au niveau de la
conscience phonologique, de l’attention et de la discrimination sonore (Habib et Besson, 2008).
Grâce au potentiel de plasticité cérébrale, on peut penser reconfigurer certaines zones du cerveau
de l’enfant en intégrant de la nouveauté dans l’environnement immédiat, comme par exemple, en
lui fournissant un enseignement d’un instrument de musique. De fait, l’apprentissage de la
musique aurait des effets sur plusieurs plans, autant au niveau du traitement auditif, linguistique,
du langage parlé et écrit :
Relations supposées entre entrainement musical, traitement auditif
et aptitudes en langage oral et écrit
Langage, musique et plasticité cérébrale
il
stimulerait en temps réel trois sens précis : l’audition, la capacité visuelle et l’aspect
sensorimoteur (Habib, 2014). Dans cette intégration dite sensorielle, nous serions en mesure de
fournir une intervention multimodale dont les traces neurologiques seraient significativement
mesurables avec les imageries par résonance magnétique, mais aussi observable dans les
capacités améliorées d’apprentissage en classe. En ce sens, notre récente revue des programmes
expérimentaux et méta-analyses conduites à l’international concernant la remédiation de la
dyslexie témoigne en faveur des programmes visant les capacités visuelles (Fiset et al., 2006 ; De
luca et al., 2009 ; Savill et Thierry, 2012) ou auditives (Merzenich et al., 1996, Connolly et al.,
2000 ; Tallal, 2004; Lachmann et al., 2005 ; Galaburda, 2005 ; Bonte et al., 2006 ; Giraud et al.,
117
Tiré de Habib et Besson, 2008
Tableau I : relations supposées entre entraînement musical, traitement auditif et aptitudes en langage oral et
écrit (d’après Overy, 2003, et Tallal & Gaab, 2006).
Table I : supposed musical
relationshipse
between
musical training,
processing
and oral and
written language skills car
L’entrainement
démarquerait
desauditory
autres
stimulations
environnementales
2008) alors que d’autres suggérent de se centrer sur l’intégration multimodale des stimuli (Ernst
et Banks, 2002 ; Recanzone, 2003 ; Spence et Squire, 2003 ; Knill et Pouget, 2004 ; Ghazanfar et
Schroeder, 2006 ; Fetsch et al., 2013 ; Habib, 2014, Doidge, 2014; Van Atteveldt et al., 2014). La
morphologie différenciée de certaines structures du cerveau chez les musiciens, telles que le
planum temporal gauche (Schlaug, 2015 ; Zatorre et al., 2001) et le corps calleux, permettent de
penser que le fait de pratiquer la musique de manière régulière modifie foncièrement les
structures du cerveau, en particulier dans des zones qui influencent directement l’apprentissage
du langage (Habib et Besson, 2008) ou encore, la latéralisation corticale, cette dernière
demeurant toutefois à confirmer expérimentalement (Bryden et al., 1994). Quand nous parlons ici
de modification, on doit entendre que les structures corticales sont amplifiées en volume, mieux
et plus connectées entre elles : ni plus ni moins, le cerveau des musiciens est plus développé
précisément dans des structures-clés liées à l’apprentissage (Perception, traitement, production du
langage), mais aussi en globalité via la densification des réseaux de fibres neurales entre ces
structures des deux hémisphères cérébrales (Idem, 2008 ; Keller et Just, 2009).
Dans le cas de la dyslexie, il faut savoir que les mutations de gènes fabriquant des
protéines mettent en cause primaire particulièrement les gènes provenant du chromosome 6
(conscience phonologique) et 15 (lecture d’un mot) (Habib, 2000). Des anomalies migratoires
neuronales pourraient être le fruit de diverses conditions intra-utérines inappropriées, lésions
intra-utérines, infections, exposition toxique ou défaillance génétique, en particulier entre la
16ième et la 24ième semaines de gestation, la dyslexie prenant toujours sa source avant l’arrivée du
nourrisson dans le monde (Galaburda, 2005). Les recherches en imagerie fonctionnelle
permettent de montrer que le cortex auditif des enfants dyslexiques est différent de ceux des
lecteurs normaux dans une zone précise du langage : le faisceau arqué. Le faisceau arqué sous
forme de conduit est constitué de connexions axonales situées entre le centre de Wernicke
permettant de comprendre les mots entendus et le centre de Broca qui permet le langage. Une
toute récente étude expérimentale a su montrer, via les imageries de diffusion à tenseur, qu’une
intervention intensive auprès des enfants en difficulté de lecture permet d’augmenter la
connectivité, c’est-à-dire la densité, la directivité et la vitesse de traitement des informations
circulant dans les fibres neurales du faisceau arqué (Keller et Just, 2009) :
Connectivité du faisceau arqué lors d’une tâche de lecture
Tiré de Just et Keller, 2009
L’anisotropie fractionnelle, soit la mesure de l’organisation microstructurelle du faisceau arqué,
est fortement influencée par le degré de myélinisation axonale dans cette partie du cerveau, plus
la myélinisation est élevée, plus l’influx nerveux circule de manière optimale dans les fibres de
matière blanche (Idem).
Les études qui portent sur la modalité auditive de la dyslexie analysent plusieurs angles
essentiels : l’expérience musicale, la latéralisation de l’écoute, la discrimination sonore corticale
et la réception sonore des tons et syllabes, selon le type de dyslexie en présence (Lachmann et al.,
2005). Rappelons que la dyslexie comporte près d’une vingtaine de sous-types et que peu
d’études les ont discriminé (Dehaene, 2015). De manière donc générale, les études traitent de la
dyslexie au sens large, englobant tous les sous-types. En ce sens, une étude publiée en 2009
démontre que les dyslexiques se démarquent des lecteurs normaux dans la manière que leurs
systèmes auditifs intègrent les séquences d’informations sonores et les discriminent (Ouimet et
Balaban, 2010). Cette différence dans le traitement des tons serait potentiellement atténuée par
l’expérience musicale du sujet car chez le musicien, l’évaluation de la hauteur tonale est
normalement plus développée et maitrisée. L’équipe de Ziegler et al. démontre justement que les
enfants normaux utiliseraient davantage l’hémisphère droit pour lire de manière globale et
holistique alors que les dyslexiques eux, en plus de sous-utiliser l’hémisphère droit, auraient un
hémisphère gauche moins fonctionnel et s’attarderaient plus longuement à l’aspect analytique des
mots et phrases, ralentissant le processus d’acquisition de la lecture (Ziegler et al., 2012). De fait,
la vitesse de traitement temporel serait en cause dans la dyslexie (Habib, 2000 ; Zatorre et Belin,
2001 ; Spence et Squire, 2003 ; Galaburda, 2005 ; Van Atteveldt et al., 2014) et il semble que
par une stimulation musicale utilisant des structures rythmiques, on peut améliorer le traitement
linguistique. La musique organisée, rythmée et riche aurait le potentiel d’un transfert important
au plan du séquençage et de la segmentation, telle que la syntaxe. Elle permettrait globalement de
réactiver le système auditif défectueux en particulier dans l’hémisphère gauche (Habib, 2003).
Un programme d’entrainement phonologique de 80 heures augmenterait significativement
l’activité de cet hémisphère lors d’une tâche de lecture de syllabes/phonèmes, mais pourrait aussi
avoir un effet positif sur les différentes mémoires (Simos et., 2002 dans Habib, 2003 ; Eustache,
2015). Cela pourrait être dû au développement d’une plus grande sensibilité aux sons (Weiss et
al., 2013).
En guise de conclusion
Ce type de résultat demeure à préciser au regard d’autres études n’utilisant pas seulement
l’apprentissage de la musique, mais bien aussi la simple stimulation sonore intensive qui dans le
cas d’une large proportion de la population dyslexique, est beaucoup plus accessible. En ce sens,
des résultats probants ont été obtenus avec des patients atteints d’Alzheimer au niveau de trois
types de mémoire précises (épisodique, sémantique et implicite) grâce à la stimulation intensive
en améliorant les conditions de la mémoire pour bon nombre de patients5. Il semble ici que
l’aspect émotif est un liant entre musique et souvenirs induit (Vanstone et Cuddy, 2010). De fait,
l’induction d’émotions par la musique a des avantages tout au long de la vie sur un ensemble de
fonctions cognitives (Seither-Preisler et al., 2013) et sous-jacent, la musique donne l’élan qui
5Il ne faut que voir le documentaire Inside Alive (http://www.aliveinside.us/) de Dan Cohen en 2015 pour s’en
convaincre.
permet à un enfant dyslexique ou TDAH de mettre en branle ses fonctions via d’abord et avant
tout, par une motivation nécessaire à apprendre. Elle constitue une porte d’entrée dans le domaine
affectif, lieu où parfois personne ne réussit adéquatement à pénétrer pour permettre autant à la
pensée imaginaire qu’à la pensée conceptuelle de se développer. Cette pensée imaginaire est liée
à un ensemble d’affects se révélant dans des mouvements expressifs (Vygotsky, 1971), qui se
lient à la pensée rationnelle tout comme à la pensée fantaisiste (Archambault et Venet, 2007),
laquelle atteint sa plénitude en étant croisée à la pensée conceptuelle (Ibid., 2007). Ainsi, dans les
écoles du Québec, l’élève, tel que le reconnaît le MEQ, nécessite un développement global,
susceptible d’être favorisé notamment par l’enseignement de la musique (Vincent, 2004). Si la
musique est reconnue comme une matrice d’édification de l’identité collective et individuelle
(MCCF, 2010), elle est, en outre, un moyen de stimuler la créativité et l’imagination
(Archambault et Venet, 2007), la formation de la mémoire à long terme, la concentration et
l’attention de l’individu, en plus de lui donner la satisfaction, la motivation, la stimulation, la
gestion de l’émotivité et de l’expression de soi (Vincent, 2004). Il semble ainsi que musique,
cerveau et éducation soient intimement reliés, ce que les chercheurs en neuroscience de la
musique des années 2000 tenteront sans relâche de démontrer.
American Psychiatric Association (2013). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder:
Fifth Edition, (DSM-V). Washington, DC : American Psychiatric Association.
Akinbami, L. J., Liu, X., Pastor, P. N., & Reuben, C. A. (2011). Attention Deficit Hyperactivity
Disorder among Children Aged 5-17 Years in the United States, 1998-2009. NCHS Data
Brief. Number 70. Centers for Disease Control and Prevention.
Archambault, A. et Venet, M. (2007). Le développement de l’imagination selon Piaget et
Vygotsky : d’un acte spontané à une activité consciente. Revue des sciences de
l’éducation, 33(1), Document téléaccessible à l’adresse <http://www.erudit.org/
revue/RSE/2007/v33/n1/016186ar.html>.
Barkley, R. A. (2012). Executive functions: What they are, how they work, and why they evolved.
Guilford Press.
Barkley, R. A., Murphy, K. R., & Fischer, M. (2010). ADHD in adults: What the science says.
Guilford Press.
Barrouillet, P., Billard, C., de Agostini, M., Démonet, J. F., Fayol, M., Gombert, J. E., RondetGrellier, C. et autres collaborateurs (2007). Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie. Bilan
des données scientifiques. Édition INSERM.
Bonte, M. L., Poelmans, H. et Blomert, L. (2007). Deviant neurophysiological responses to
phonological regularities in speech in dyslexic children. Neuropsychologia, 45(7), 14271437.
Bryden, M. P., McManus, I. C. et Bulmanfleming, M. B. (1994). Evaluating the empirical
support for the Geschwind-Behan-Galaburda model of cerebral lateralization. Brain and
cognition, 26(2), 103-167.
Connolly, J., D’Arcy, R., Newman, R., & Kemps, R. (2000). The applica- tion of cognitive eventrelated brain potentials (ERPs) in language-impaired individuals: Review and case
studies. International Journal of Psychophys- iology, 38(1), 55–70.
De Luca, M., Burani, C., Paizi, D., Spinelli, D. et Zoccolotti, P. (2010). Letter and letter-string
processing in developmental dyslexia. Cortex, 46(10), 1272-1283.
De Dreuille, O., Maszelin, P., Foehrenbach, H., Bonardel, G. et Gaillard, J. F. (2004). Principe et
technique de la tomographie par émission de positons (TEP). EMC-Radiologie, 1(1), 235.
Dehaene, S. (2015). Les neurones de la lecture. Conférences plénières du 4 juin, Colloque
international des neurosciences : des territoires de la recherche aux défis de l’éducation.
Document
téléaccessible
à
l’adresse :
http://www.uco.fr/evenements/colloqueneurosciences/conferences-plenieres-du-4-juin/
(consulté le 19 septembre 2015).
Doidge, N. (2015). The Brain's Way of Healing: remarkable discoveries and recoveries from the
frontiers of neuroplasticity. Penguin.
Ernst, M. O., & Banks, M. S. (2002). Humans integrate visual and haptic information in a
statistically optimal fashion. Nature, 415(6870), 429-433.
Eustache, F. (2015). La mémoire au fil du temps. Conférences plénières du 4 juin, Colloque
international des neurosciences : des territoires de la recherche aux défis de l’éducation.
Document
téléaccessible
à
l’adresse :
http://www.uco.fr/evenements/colloqueneurosciences/conferences-plenieres-du-4-juin/
Consulté le 19 septembre 2015.
Fetsch, C. R., DeAngelis, G. C., & Angelaki, D. E. (2013). Bridging the gap between theories of
sensory cue integration and the physiology of multisensory neurons. Nature Reviews
Neuroscience, 14(6), 429-442.
Filipek, P. A., Semrud-Clikeman, M., Steingard, R. J., Renshaw, P. F., Kennedy, D. N. et
Biederman, J. (1997). Volumetric MRI analysis comparing subjects having attentiondeficit hyperactivity disorder with normal controls. Neurology, 48(3), 589-601.
Fiset, D., Gosselin, F., Blais, C., et Arguin, M. (2006). Inducing letter-by-letter dyslexia in
normal readers. Journal of Cognitive Neuroscience, 18(9), 1466-1476.
Froehlich T.E., Lanphear B.P., Epstein J.N., Barbaresi W.J., Katusic S.K. et Kahn R.S. (2007).
Prevalence, recognition, and treatment of attention- deficit/hyperactivity disorder in a
national sample of US children. Arch Pediatr Adolesc, 161, 857–64.
Galaburda, A. M. (2005). Dyslexia : a molecular disorder of neuronal migration. Annals of
Dyslexia, 55(2), 151-165.
Ghazanfar, A. A., & Schroeder, C. E. (2006). Is neocortex essentially multisensory?. Trends in
cognitive sciences, 10(6), 278-285.
Giraud, K., Trébuchon-DaFonseca, A., Démonet, J. F., Habib, M., et Liégeois-Chauvel, C.
(2008). Asymmetry of voice onset time-processing in adult developmental
dyslexics. Clinical Neurophysiology, 119(7), 1652-1663.
Habib, M. (2014). Bases neuroscientifiques de l'utilisation de la musique dans la prise en charge
des enfants dyslexiques. ANAE. Approche neuropsychologique des apprentissages chez
l'enfant, 128, 37-46.
Habib, M., et Besson, M. (2008). Langage, musique et plasticité cérébrale: Perspectives pour la
rééducation. Revue de neuropsychologie, 18(1), 103-126.
Habib, M. (2003). Rewiring the dyslexic brain. Trends in Cognitive Sciences, 7(8), 330-333.
Habib, M. (2000). The neurological basis of developmental dyslexia. Brain, 123(12), 2373-2399.
Halperin, J. M. et Healey, D. M. (2011). The influences of environmental enrichment, cognitive
enhancement, and physical exercise on brain development: can we alter the
developmental trajectory of ADHD?. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 35(3), 621634.
Hébert, S., & Cuddy, L. L. (2006). Music-reading deficiencies and the brain. Advances in
Cognitive Psychology, 2(2-3), 199-206.
Institut Douglas (2012). Schizophrénie et troubles neurodéveloppementaux. Site télé-accessible à
l’adresse : «http://www.douglas.qc.ca/videos/128». Consulté le 10 juillet 2015.
Keller, T. A. et Just, M. A. (2009). Altering cortical connectivity: remediation-induced changes
in the white matter of poor readers. Neuron, 64(5), 624-631.
Knill, D. C. et Pouget, A. (2004). The Bayesian brain: the role of uncertainty in neural coding and
computation. TRENDS in Neurosciences, 27(12), 712-719.
Lachmann, T., Berti, S., Kujala, T., et Schröger, E. (2005). Diagnostic subgroups of
developmental dyslexia have different deficits in neural processing of tones and
phonemes. International Journal of Psychophysiology, 56(2), 105-120.
Merzenich, M., Jenkins, W., Johnston, P., Schreiner, C., Miller, S., & Tallal, P. (1996). Temporal
processing deficits of language-learning impaired children ameliorated by training.
Science, 271, 77–81.
Ministère de la culture, des communications, de la condition féminine (2010). La ministre Line
Beauchamp, présidente d'honneur du colloque de la Fondation Rues principales.
Document téléaccessible à l’adresse <http:/www.mcccf.gouv.qc.ca>.
Organisation mondiale de la santé (2001). La santé mentale dans le monde. Genève.
Ouimet, T., et Balaban, E. (2010). Auditory stream biasing in children with reading
impairments. Dyslexia, 16(1), 45-65.
Recanzone, G. H. (2003). Auditory influences on visual temporal rate perception. Journal of
neurophysiology, 89(2), 1078-1093.
Savill, N. J., et Thierry, G. (2012). Decoding ability makes waves in reading: Deficient
interactions between attention and phonological analysis in developmental
dyslexia. Neuropsychologia, 50(7), 1553-1564.
Schlaug, G. (2015). Musicians and music making as a model for the study of brain
plasticity. Progress in brain research, 217, 37-55.
Schulkin, Jay. (2013). Reflections on the Musical Mind : An Evolutionary Perspective. Princeton
University
Press.
Document
télé-accessible
à
l’adresse
suivante :
<http://www.myilibrary.com?ID=503066>. Consulté le 15 avril 2014.
Seither-Preisler, A., Parncutt, R., et Schneider, P. (2014). Size and synchronization of auditory
cortex promotes musical, literacy, and attentional skills in children. The Journal of
Neuroscience, 34(33), 10937-10949.
Semrud-Clikeman, M. et Pliszka, S. R. (2005). Neuroimaging and Psychopharmacology. School
Psychology Quarterly, 20(2), 172.
Spence, C., & Squire, S. (2003). Multisensory integration: maintaining the perception of
synchrony. Current Biology, 13(13), 519-521.
Tallal, P. (2004). Improving language and literacy is a matter of time. Nature Review
Neuroscience, 5(9), 721–728.
Van Atteveldt, N., Murray, M. M., Thut, G. et Schroeder, C. E. (2014). Multisensory integration:
flexible use of general operations. Neuron, 81(6), 1240-1253.
Van der Oord, S., Prins, P. J., Oosterlaan, J., & Emmelkamp, P. M. (2008). Efficacy of
methylphenidate, psychosocial treatments and their combination in school-aged children
with ADHD: a meta-analysis. Clinical psychology review, 28(5), 783-800.
Vanstone, A. D., et Cuddy, L. L. (2009). Musical memory in Alzheimer disease. Aging,
Neuropsychology, and Cognition, 17(1), 108-128.
Vincent, B. (2004). La musique et le développement de l’enfant. Gazette des thérapeutes musicothérapie.
Document
téléaccessible
à
l’adresse
suivante
:
<http://www.alternativesante.com/gazette/sections/section.asp?NoSection=68&NoA
rticle=359>.
Vygotsky, L. (1925/1971). The psychology of Art. Cambridge/Boston : The MIT Press.
Weiss, A. H., Granot, R. Y., & Ahissar, M. (2014). The enigma of dyslexic
musicians. Neuropsychologia, 54, 28-40.
Zatorre, R. J., & Salimpoor, V. N. (2013). From perception to pleasure: music and its neural
substrates. Proceedings of the National Academy of Sciences, 110 (Supplement 2), 1043010437.
Zatorre, R. J., & Belin, P. (2001). Spectral and temporal processing in human auditory
cortex. Cerebral cortex, 11(10), 946-953.
Ziegler, J. C., Pech-Georgel, C., George, F., et Foxton, J. M. (2012). Global and local pitch
perception in children with developmental dyslexia. Brain and language, 120(3), 265-270.