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ANALYSE
2015
DROIT AU LOGEMENT DÉCENT : ENTRE PRINCIPES
ET RÉALITÉ
Par Marie Bernaerts
Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles asbl
Avec le soutien du service de
l’Éducation permanente de la
Fédération Wallonie-Bruxelles
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DROIT AU LOGEMENT DÉCENT : ENTRE PRINCIPES ET RÉALITÉ
Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles
Voici venu le deuxième volet de notre cahier sur le logement. Après avoir envisagé la
situation française sous l’angle d’un mouvement social, nous vous proposons un état
des lieux de la question pour la Belgique. La Constitution belge a consacré le droit
au logement comme part intégrante et essentielle de la dignité humaine. Affirmation
forte, situation complexe.
Une analyse de Marie Bernaerts
D
epuis 1994, l’article 23 de notre Constitution consacre le droit au logement comme faisant partie de la dignité humaine, issue de l’affirmation des droits économiques, sociaux
et culturels. Au cours de cette analyse, nous explorerons les avantages et limites de
cette inscription constitutionnelle. Nous tenterons, grâce à une remise en contexte socio-culturelle, de comprendre comment et pourquoi l’affirmation d’un droit fondamental ne résout
pas la question de l’accès au logement pour tous. Après avoir défini la notion de dignité humaine
en droit, nous interrogerons la notion centrale d’habitat qui découle du droit au logement décent.
Ensuite, nous nous pencherons sur l’application de la loi, de la contrainte qu’elle pose aux répercussions sur le terrain. Pour conclure, nous évoquerons une particularité culturelle belge liée à la
promotion de la propriété comme l’une des clefs d’explication de l’exclusion des plus précaires au
logement. D’autres facteurs seront abordés par la suite dans le cadre de ce cahier sur le logement.
DE LA DIGNITÉ HUMAINE
La notion de dignité humaine apparaît en droit positif1 après la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.2 Toutefois, elle constituait
déjà un principe général sur lequel s’appuient plusieurs droits d’où découlent l’abolition de l’esclavage ou l’interdiction de la torture par exemple. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous
explique la juriste Muriel Fabre-Magnan, « il ne [s’agit] plus d’opposer la liberté au despotisme mais la
dignité à la barbarie »3. Autrement dit, le concept de dignité humaine vient pallier les carences des
droits de l’Homme traditionnels4, centrés sur l’individu, la liberté, l’autonomie. La dignité apparaît
alors à la fois comme le fondement même du droit et son but ultime, elle est l’axiome de base du
système juridique, son principe premier. La dignité exige de protéger la personne humaine « contre
toute forme d’asservissement et de dégradation ».5 Deux idées sous-tendent cette définition :
premièrement, la personne humaine reconnue comme une personne juridique ne peut en aucun
cas être réduite à l’état d’objet ou d’animal ; deuxièmement, la dignité exige que soient assurés les
besoins vitaux de la personne humaine. C’est dans cette seconde optique que s’inscrit le droit au
logement tel que posé par la Constitution belge.
1 Le « droit positif » désigne à l’ensemble des règles applicables un moment donné dans un espace juridique déterminé.
2 FABRE-MAGNAN Muriel, « La dignité en droit : un axiome », in Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2007/1,
volume 58, p. 3. Cf. notamment Préambule de la Déclaration : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de
la justice et de la paix dans le monde. »
3 EDELMAN Bernard, cité par FABRE-MAGNAN Muriel, op. cit., p. 5.
4 Historiquement, la première génération des droits fondamentaux sont les droits politiques, le droit au logement s’inscrit dans la seconde vague des droits de l’Homme, à savoir les droits économiques, sociaux et culturels.
5 FABRE-MAGNAN Muriel, op. cit., p. 25 : formule du Conseil constitutionnel français, admise comme « définition à
minima » de la notion de dignité humaine en droit.
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DROIT AU LOGEMENT DÉCENT : ENTRE PRINCIPES ET RÉALITÉ
Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles
ARTICLE 23 DE LA CONSTITUTION BELGE
Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant
compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et
déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
1° le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une
politique générale de l’emploi, visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi
stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération
équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective ;
2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et
juridique ;
3° le droit à un logement décent ;
4° le droit à la protection d’un environnement sain ;
5° le droit à l’épanouissement culturel et social ;
6° le droit aux prestations familiales.
DU DROIT CONSTITUTIONNEL À L’HABITAT
Dans l’esprit des Droits de l’Homme, le législateur belge a donc fait du droit à un logement décent
une exigence constitutionnelle, comme élément constitutif de la dignité humaine. Mais, dans les faits,
l’exclusion du logement touche encore de nombreuses personnes dans notre pays. Dès lors qu’il
n’existe quasiment pas de statistiques officielles concernant leur nombre, il convient de se fier aux
associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion afin de pouvoir l’évaluer. En 2012, le service
de lutte contre la pauvreté du SPP fait état de 17 000 sans-abris en Belgique6 (chiffres repris par le
SPP Intégration sociale). L’IWEPS7 considère pour sa part que la Wallonie comporte environ 5 000
sans-abris en 2007. A Bruxelles, la Strada8 a dénombré 2 603 personnes sans abri durant la nuit du
6 novembre 2014. Il convient de préciser que ces chiffres ne peuvent tenir compte des personnes
totalement désocialisées ou encore des illégaux qui échappent au radar des structures d’aide. En
outre, il faut garder à l’esprit que le phénomène du sans-abrisme est protéiforme. Ainsi, les personnes contraintes à loger dans leur voiture, ou à changer d’endroit chaque soir (chez des amis ou
autre) viennent encore grossir les chiffres précités dans des proportions difficiles à estimer.
Par ailleurs, il faut considérer toute la frange de population qui se trouve en situation de mal-logement, puisque la Constitution affirme le droit à un logement décent. Le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels, dans son article 11, parle quant à lui de « logement suffisant », mais les deux vocables se réfèrent à la même conception du logement, articulée selon deux
critères principaux.9 Tout d’abord, le logement décent (ou suffisant) doit être plus qu’un simple toit
6 http://www.luttepauvrete.be/chiffres_sans_abri.htm.
7 Institut Wallon de l’Evaluation et de la Prospective Statistique.
8 Centre d’appui au secteur bruxellois d’aide aux sans-abris.
9 DE SCHUTTER Olivier, BOCCARDORO Nathalie, « Le droit au logement dans l’Union européenne », in CRIDHO
working paper, 2/2005, p. 6.
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DROIT AU LOGEMENT DÉCENT : ENTRE PRINCIPES ET RÉALITÉ
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et quatre murs, ce qui le distingue de l’hébergement (d’urgence). Ensuite, il doit être habitable en ce
qu’il doit offrir « l’espace convenable et la protection contre le froid, l’humidité, la chaleur, la pluie,
le vent ou d’autres dangers pour la santé, les risques dus à des défauts structurants et les vecteurs de
maladies »10 et en outre se situer dans un lieu où il existe « des possibilités d’emploi, des services de
santé, des établissements scolaires, et centres de soins pour enfants et d’autres services sociaux ».11
Ici, nous ne nous attarderons pas sur des estimations globales du phénomène, encore plus aléatoires
car ces critères sont difficilement quantifiables et peuvent varier selon les perceptions, mais nous
allons développer la notion centrale d’habitat.
Dans son ouvrage « J’habite donc je suis. Pour un nouveau rapport au logement »12, Nicolas Bernard13
nous explique que les personnes mal-logées, plus qu’un toit, réclament un lieu de vie avant tout.14
En effet, le logement est un lieu d’épanouissement qui contribue grandement à forger notre identité
sociale et culturelle. L’habitat est le supplément d’âme du logement. Habiter, c’est s’approprier un
lieu, le rendre vivant et viable. Au-delà du logement strico sensu, l’habitat ne peut faire abstraction de
l’environnement, de la diversité socio-culturelle d’un quartier, de la qualité du vivre ensemble. Ces
questions doivent nécessairement être prises en compte lorsqu’il s’agit de repenser le plan d’urbanisme d’une ville ou de concevoir des logements sociaux. Ainsi, les logements sociaux sont souvent
d’une architecture frustre, situés dans des banlieues reculées parfois réduits à de simples abris. Il en
résulte alors un détricotage du tissu social dans des cités déshumanisantes, nous indique Nicolas
Bernard.15 Nous le voyons, au-delà des simples conditions matérielles liées au logement, solutionner
le problème du mal-logement nécessite de prendre en compte des réalités bien plus profondes.
DU DROIT CONSTITUTIONNEL, SON CONTEXTE ET SON
APPLICATION
Pour les raisons que nous venons d’énoncer, le droit au logement a donc été élevé au rang des
droits fondamentaux. Toutefois, son inscription dans la Constitution belge n’a pas eu pour effet de
résoudre « magiquement » l’accession à un logement décent pour tous les Belges.Tout d’abord, l’article 23 ne contient pas d’obligation de moyens à mettre en œuvre à la fin d’atteindre le logement
décent pour tous. Ensuite, l’article 23 introduit dans sa seconde partie la notion « d’obligations correspondantes », qui s’inscrit dans le paradigme de l’Etat social actif développé depuis le début des
années 90. Cette nouvelle configuration institue la pratique du contrat (social) comme instrument
privilégié de l’action sociale : tout droit s’accompagne d’obligations correspondantes (un droit = un
devoir). La juriste Isabelle Hachez16 estime que ces obligations correspondantes « doivent s’analyser
essentiellement comme des restrictions qui peuvent être apportées aux droits économiques, sociaux
et culturels énoncés dans cette disposition ».17 Gunther Maes18 nous explique que cette logique va
à l’encontre de l’esprit du Constituant de 1831, dont « le but était d’inscrire dans la Constitution
10 Observation générale n° 4 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels cité par DE
SCHUTTER Olivier, BOCCARDORO Nathalie, op.cit., p. 7.
11 Idem.
12 BERNARD Nicolas, J’habite donc je suis. Pour un nouveau rapport au logement, Bruxelles, Labor coll. Quartier Libre,
2005.
13 Nicolas Bernard est professeur de droit à l’Université Saint-Louis de Bruxelles et spécialiste des questions liées au
droit au logement.
14 BERNARD Nicolas, op.cit., p. 15.
15 Ibidem, p. 36.
16 Isabelle Hachez est professeure de droit à l’Université Saint-Louis de Bruxelles.
17 HACHEZ Isabelle, citée par BERNARD Nicolas, « Le contrat d’intégration sociale comme matérialisation paradigmatique des « obligations correspondantes » de l’article 23 de la Constitution ? », in OST François, DUMONT Hugues,
VAN DROOGHENBROECK Sébastien dir., La responsabilité, face cachée des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles 2005,
p. 325.
18 Gunther Maes est professeur de droit à l’Université de Hasselt.
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DROIT AU LOGEMENT DÉCENT : ENTRE PRINCIPES ET RÉALITÉ
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des droits clairement exigibles, dont on pouvait se prévaloir à l’encontre des pouvoirs publics. »19
Dans cet esprit, il paraît difficile de concilier un droit fondamental « absolu » avec une pratique d’action publique qui édicte des conditions préalables d’accès au logement. Si le but - louable - de l’Etat
social actif est de responsabiliser les individus en les incitant à prendre conscience de leurs droits
et obligations, il risque au passage de laisser sur le carreau les plus faibles et les plus désocialisés. Or,
c’est précisément pour eux que le droit au logement devrait constituer le filet ultime de sécurité. Se
pose alors la question de la mise en pratique effective du droit au logement : selon Nicolas Bernard,
l’urgence sociale liée au mal-logement nécessiterait que l’on envisage d’assortir le dispositif actuel
d’une obligation de résultat.20 Par ailleurs, dans une logique de responsabilisation individuelle, les
pouvoirs publics peuvent être amenés à perdre de vue la nécessité d’apporter des solutions globales à un problème de société. Toutefois, il convient de préciser que la jurisprudence récente tend
à distinguer le premier alinéa de l’article 23 (« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la
dignité humaine ») du reste du texte, pour lui conférer un effet direct. En ce sens, l’accès à la dignité
humaine se verrait détachée des obligations correspondantes.21
Sur le plan pratique, la mise en œuvre de la « compétence logement » est confiée aux régions depuis
les années 1980.22 Notre pays compte donc trois codes du logement distincts pour les régions flamande, bruxelloise et wallonne. Ce découpage correspond également à trois réalités différentes sur
le terrain. En Flandre, le « wooncode » suscite la polémique s’agissant des conditions linguistiques
liées à l’attribution des logements sociaux. Nous nous situons bien ici dans la logique de l’Etat social
actif, un contrat est passé entre les autorités et le demandeur : il doit s’engager à apprendre le
néerlandais pour se voir attribuer un logement social. Cette mesure vise les migrants, mais également
les francophones désireux de s’installer en Flandre. Sous couvert de politique d’intégration, on peut
y voir une mesure susceptible de mettre à mal le droit fondamental au logement. Toutefois, la Cour
constitutionnelle a jugé cette pratique valide dans son arrêt n°101/2008. A ce jour, seules les communes à facilités continuent d’être exemptées de cette obligation linguistique. Cela n’empêche pas
des associations comme la « Liga voor Mensenrechten »23 d’y voir une mesure discriminatoire au
regard des droits fondamentaux.
La Wallonie, quant à elle, fait face à un phénomène inquiétant depuis environ 25 ans : la pérennisation
du logement en camping. En effet, de plus en plus de gens faisant face à de graves difficultés pour
payer leur loyer choisissent de résider dans des équipements à vocation touristique (caravanes,
chalets, mobil homes, etc.). Ainsi, un rapport d’octobre 2014 de l’IWEPS nous indique que 8 512
habitants étaient concernés par ce phénomène en 2012, ce qui constitue une augmentation de 9%
par rapport à 2008.24 Sur le plan matériel, l’accès à l’électricité et à l’eau potable peut s’avérer problématique et donner lieu à des conditions de vie précaires. Sur le plan socio-culturel, ce mode de
vie peut conduire à une marginalisation de ces personnes et partant leur occasionner des difficultés
d’accès au travail, par exemple. Dans la Région Bruxelloise, il faut pointer particulièrement le manque
criant de logements sociaux par rapport à l’inflation des demandes. Ainsi, environ 30 000 ménages
19 MAES Gunther, « Vers un droit effectif au logement. Réflexion sur l’application de l’article 23 de la Constitution »,
Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, minutes du colloque : « Réflexion sur l’effectivité du
droit au logement en Belgique », 2011.
20 BERNARD Nicolas, « Vers un droit effectif au logement. Quelques réflexions quant à la faisabilité d’un système identique à celui mis en place en France ou en Ecosse », Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale,
minutes du colloque : « Réflexions sur l’effectivité du droit au logement en Belgique », 2011.
21 BERNARD Nicolas, La réception du droit au logement par la jurisprudence. Quand les juges donnent corps au droit
au logement. (Chroniques de jurisprudence), coll. Les dossiers du journal des tribunaux, Larcier, novembre 2011. Sur indication de l’auteur.
22 1980 pour la Flandre et la Wallonie, 1989 pour la Région Bruxelloise en raison de sa mise en place plus tardive.
23 La ligue des droits de l’Homme flamande, cf. notamment : « Woondoce : la ligua voor Mensenrechten réagit », http://
www.liguedh.be/2007/349-wooncode-la-liga-voor-mensenrechten-reagit.
24 « Enquêtes auprès des personnes résidant dans les équipements à vocation touristique. (Plan Habitat Permanent)»,
asbl RTA, in Rapport de l’IWEPS, octobre 2014.
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sont recensés sur une liste d’attente qui peut durer jusqu’à dix ans pour les familles nombreuses et
ce, sans compter les familles qui ne prennent plus la peine de s’y inscrire bien que leurs revenus le
leur permette, nous indique Nicolas Bernard.25
DES EXCLUS ET DES HOMMES
« Le Belge a une brique dans le ventre ». Bien que quelque peu éculée, la formule se fonde sur une
réalité culturelle très présente en Belgique : la très forte valorisation de l’accession à la propriété
immobilière. Ainsi, il existe de nombreux mécanismes fiscaux26 facilitant l’accès à la propriété, alors
que rien n’a été pensé en termes d’aide à la location (contrairement à la France, par exemple).27
Dans cette configuration culturelle, les plus pauvres, privés d’accès à la propriété, sont en quelque
sorte frappés d’une double peine. En outre, la répartition évolutive des compétences entre les instances fédérales et les Régions complique l’élaboration d’une politique cohérente dans le domaine.
A titre d’exemple, la fiscalité immobilière n’a été que très récemment transférée aux Régions.28 Bien
sûr, ces deux éléments ne suffisent pas à eux seuls à expliquer le sans-abrisme et le mal-logement
en Belgique. Toutefois, ils sont révélateurs d’une culture qui, tout en visant le bien-être - l’accès à la
propriété - fabrique des exclus parmi les plus précaires. D’autres facteurs d’explication qui ne font
pas précisément l’objet de cette analyse seront abordés dans le cadre de ce cahier sur le logement.
Cette analyse nous a permis de poser la difficile articulation entre le droit fondamental au logement
et sa mise en place concrète. Nous avons vu que le contexte culturel et social - valorisation de la
propriété et nouveau paradigme de l’Etat social actif - participait à la difficulté d’aboutir dans les faits
au logement décent pour tous. Dans ce contexte, il serait sans doute pertinent de réfléchir à la mise
en place d’une forme d’obligation de moyens et de résultats afin de parvenir au logement décent
pour tous. Juridiquement, il serait envisageable de donner à l’article 23 une applicabilité directe, dans
l’esprit du législateur de 1831 en s’appuyant sur la jurisprudence récente concernant l’effet direct
du premier alinéa de l’article 23 de la Constitution, à savoir l’affirmation de la dignité humaine. Quoi
qu’il en soit, force est de constater qu’une bonne politique du logement ne peut être appliquée sans
un arsenal juridique solide et cohérent d’une part et une attention toute particulière à l’égard des
populations les plus désocialisées d’autre part. En juin 2015, des associations se sont regroupées
au sein du « Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat », qui réclame à la fois l’applicabilité
directe de la Constitution et le droit à l’habitat tel que nous l’avons défini supra. Ce Rassemblement
fera l’objet de notre troisième analyse dans ce cahier sur le logement.
Marie Bernaerts,
Chargée de recherche à l’ARC asbl
25 BERNARD Nicolas, « Le logement social à Bruxelles : origines, perspectives d’avenir et comparaisons européennes »,
in Les cahiers des sciences administratives, n°13, pp. 77-78.
26 Par exemple : des réductions d’impôts à l’achat d’une habitation propre et unique, un abattement sur les droits d’enregistrement en Région Bruxelloise ou encore les réductions de revenu cadastral pour habitat modeste.
27 La France applique un système d’allocations au logement de trois types : l’aide personnalisée au logement, l’allocation
de logement familiale et l’allocation sociale de logement, source : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/
N20360, portail des services publics français.
28 Second volet de la 6e réforme de l’Etat en 2014, cf. BERNARD Nicolas, LEMAIRE Valérie, « La régionalisation du
« bonus logement » : vers une politique adaptée au contexte bruxellois ? » in Brussels Studies, n° 83, 26 janvier 2015.
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