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Par Étienne Mathey, avocat associé, Sébastien Crepy, avocat, et Claire Mahieu.
Les écueils à éviter en matière de gouvernance
de sociétés holdings de LBO
LES POINTS CLÉS
renforcer la validité des conventions de management fees
mettre en évidence le caractère animateur de la société holding de reprise au plan fiscal
éviter l’annulation des engagements de non-concurrence des managers
prévenir les difficultés liées à la révocation des dirigeants
Au sein d’un groupe sous LBO, la désignation dans une SAS d’une personne morale comme dirigeant
permet d’éviter certains écueils et d’optimiser la gouvernance. Confier la présidence de la société cible
à la société holding de reprise renforce son caractère animateur au plan fiscal et permet par ailleurs
la désignation de directeurs généraux personnes physiques.
Par un arrêt du 15 mars 20114, la
Chambre commerciale de la Cour de
cassation a également posé l’exigence
du versement d’une contrepartie pour
une clause de non-concurrence stipulée non pas dans le contrat de travail du
manager concerné mais dans un pacte
d’actionnaires auquel ledit manager
était partie.
Sur la base de cette décision portant sur
des faits très particuliers, une partie de
la doctrine a parfois trop vite affirmé
que toute clause de non-concurrence
requiert le versement d’une contrepartie financière dédiée. Or, certaines
décisions récentes5 montrent que cette
solution doit être étendue aux dirigeants qui ont la qualité de salarié6, et
ceci que l’engagement de non-concurrence soit formalisé dans un pacte ou
dans un contrat de travail.
Mais aucune décision n’a à ce jour
imposé une telle contrainte aux associés ou aux mandataires sociaux qui
n’ont pas la qualité de salarié.
En vertu de la jurisprudence récente,
dès lors qu’un manager ou un associé
d’une société bénéficie par ailleurs d’un
contrat de travail, il convient d’être très
SUR LES AUTEURS
L
a notion de gouvernance
renvoie spontanément à une
notion de « bien gouverner »
et aux règles applicables au sein des
sociétés cotées. La gouvernance, c’est
aussi « piloter la performance ». Face à
la créativité poussée à son paroxysme,
certaines règles juridiques fondamentales - bonne foi ou loyauté - refont
surfaces pour prévenir les conflits
d’intérêts dans les groupes sous LBO.
Chacun recherchera le subtil équilibre
permettant de considérer le suivi précis de l’activité comme une supervision diligente et non une gestion de
fait pour réduire les risques de responsabilité qui peut l’accompagner. Voici
quelques réflexions, à la lumière de la
jurisprudence récente, pour transformer les contraintes de gouvernance en
opportunités.
Éviter la remise en cause des
conventions de management fees
Les conventions de management fees
permettent à une société d’externaliser
une partie des fonctions de direction,
qui seront fournies par une structure
ad hoc, souvent constituée par le dirigeant. Ce schéma apporte plus de souplesse aux modalités de rémunération
des dirigeants. Le dirigeant peut alors
être rémunéré, alternativement ou de
Sébastien Crepy, avocat
manière combinée en tant que salarié,
travailleur indépendant ou encore
associé percevant des dividendes, et
ce, en fonction de sa situation.1
Cependant, la Cour de cassation est
intervenue sur cette pratique pour en
limiter l’utilisation. Par deux arrêts
récents2, la Chambre commerciale de
la Cour de cassation a considéré que
les conventions de management fees
portant sur des fonctions de direction
étaient nulles du fait de leur absence de
cause. Les conséquences de la nullité
des conventions de management fees
sont lourdes. Outre, un risque pénal de
qualification d’abus de biens sociaux,
les versements effectués au titre de ces
conventions devront être remboursés
et peuvent également caractériser un
acte anormal de gestion au plan fiscal.3
Dans un groupe sous LBO, l’externalisation des fonctions de direction au
niveau de la holding de reprise s’avère
donc sensible. La convention ne devra
pas porter sur les fonctions intrinsèques de direction, telles que définies
par la jurisprudence, mais privilégier
des fonctions techniques.
Une solution, plus simple et sécurisante, consiste à désigner la holding
comme président de la société cible
et de la rémunérer au titre de son
mandat social. Sauf montants exces-
Étienne Mathey est associé au sein du
département corporate de Paul Hastings. Il
se concentre dans le domaine des fusions et
acquisitions, du private equity et du droit boursier.
Monsieur Mathey se concentre également sur
les aspects de contentieux de droit des sociétés.
Sébastien Crepy est collaborateur au sein du
département Corporate de Paul Hastings. Il
concentre son activité dans le domaine des
fusions et acquisitions et du private equity.
Claire Mahieu, qui a travaillé chez Paul Hastings,
a participé à la rédaction de cet article.
sifs, les risques de remises en cause de
la rémunération de la holding sont
ainsi limités. À noter cependant que
cette solution n’est envisageable que
dans l’hypothèse où la société cible
est une société par actions simplifiée
qui, seule, permet de désigner une personne morale (française ou étrangère)
comme président.
Une convention pourra détailler les
prestations effectuées par la holdingprésidente et ses modalités de rémunération. D’un point de vue fiscal,
cette solution simplifiera la preuve du
caractère animateur de la holding, réalité parfois délicate à établir alors que sa
portée est très structurante.
Validité de la clause
de non-concurrence
d’un manager actionnaire
En droit du travail comme en droit
commercial, le principe de liberté
d’exercice de son activité est fondamental. Par conséquent, toute restriction de concurrence doit répondre
à un certain nombre de conditions
pour être valable. L’évolution du droit
du travail subordonne la licéité des
clauses de non-concurrence au respect
des exigences de nécessité et de proportionnalité ainsi qu’à l’octroi d’une
contrepartie financière.
vigilant sur la contrepartie applicable à
sa restriction de concurrence, laquelle
devra a minima être évaluable financièrement.
En pratique, il conviendra d’identifier
les managers de la holding de reprise
également salariés de l’une des sociétés
du groupe sous LBO. S’ils ont la qualité de salarié à un ou plusieurs de ces
niveaux, il faudra prendre en compte
cet élément dans la détermination de la
contrepartie à leur obligation de nonconcurrence.
La désignation d’une personne morale
comme président de la société cible
et des autres sociétés du groupe sous
LBO est également une des solutions
envisageables pour réduire ce risque.
Permettre un changement
plus rapide et plus efficace
du management
Dans le cadre d’un groupe sous LBO,
une personne peut avoir la qualité de
dirigeant au sein de plusieurs sociétés. La révocation d’un dirigeant qui
exercerait ses fonctions au sein d’une
cascade de sociétés, prévoyant chacune un processus long et différent
de révocation peut être une source de
déstabilisation pour le groupe.7 Il est
dans l’intérêt d’un groupe sous LBO
de pouvoir révoquer rapidement et
efficacement un dirigeant dans les
filiales et les sous-filiales, dès lors qu’il
a été révoqué dans la société de tête du
groupe.7
La première solution consiste à prévoir
une bonne articulation des statuts des
sociétés du groupe sous LBO, notamment en facilitant la convocation
des organes sociaux. Cette solution
n’écarte pas la nécessité de respecter
des procédures distinctes pour chacune
des sociétés du groupe. Les procédures
de révocation entraînent toujours un
certain degré de complexité, confirmé
par des rappels jurisprudentiels récents
de l’exigence du respect rigoureux des
procédures de révocation et de leurs
conséquences.8
Une deuxième solution consiste, à
nommer chaque société mère comme
président personne morale de sa filiale,
et ce, jusqu’au niveau le plus élevé du
groupe, où une personne physique
préside la société holding de reprise.
Alternativement, une seule société
peut aussi être désignée comme dirigeant de plusieurs ou toutes les sociétés
du groupe.
Dès lors, la révocation du dirigeant
personne physique au niveau de la
société-présidente entraîne le changement de dirigeant simultanément dans
toutes les sociétés. Cette solution est
simple et efficace.
. Donderro, « Coup d’arrêt à la pratique des manaB
gement fees », Gazette du Palais, 22 décembre 2012,
n° 357, p. 21
2
Samo Gestion Com., 14 septembre 2010, n° 09-16.084
et Mecasonic Com., 23 octobre 2012, n° 11-23.376
3
Y. Sexer et M. Laval, « Attention danger : la pratique
des management fees remise en cause par la Cour de
cassation », Le Monde du Droit.fr, 8 mai 2013
4
Com., 15 mars 2011, n° 10-13.824
5
Cass. soc. 9 janvier 2013 n° 11-26.418 et Cass. soc.
13 mars 2013 n° 11-21.150
6
A. Constantin, RTD Com. 2011, p. 361
7
CA Douai, Ch. 02 Sect. 02, 25 novembre 2010,
n° 09/01798
8
Cass. com. 14 mai 2013 n° 12-15.119 et CA Paris,
19 mars 2013, n°RG 12/03448
1
© Paul Hasting
Étienne Mathey, avocat associé
Paul Hastings