Ponction du liquide cérébrospinal

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Ponction du liquide cérébrospinal
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CONGRÈS
Ponction du liquide cérébrospinal
Aspects pratiques
Le liquide cérébrospinal (LCS) est en contact étroit avec le parenchyme nerveux et peut être le témoin d'affections
neurologiques, notamment inflammatoires. Le Dr Laurent Fuhrer a rappelé, à l'occasion du premier congrès Best
Of Vétérinaire, les indications et la réalisation de la ponction de ce liquide.
Le LCS est produit par le plexus choroïde et baigne l'ensemble du système nerveux central : cerveau et moelle épinière, dont il assure l'interface avec la circulation générale
grâce aux barrières méningoencéphalique et hématoencéphalique. Sa composition normalement stable peut subir
des modifications lors de certaines affections.
Indications
Laurent Fuhrer
Dr en Sciences
Dip. ECVN
SAINT-AVERTIN (37)
Les affections inflammatoires représentent la principale
indication de la ponction du LCS. L'augmentation de la
cellularité est alors recherchée. Les affections inflammatoires regroupent les affections à médiation immune
(méningite aseptique, méningoencéphalite granulomateuse…), les affections infectieuses virales, parasitaires,
bactériennes et mycosiques (peu fréquentes en France).
Lors d'affections dégénératives et tumorales, le taux protéique est augmenté. On trouve rarement des cellules
tumorales dans le LCS à moins que la tumeur ne soit
proche des ventricules.
Les changements de composition du LCS dépendent également de la localisation lésionnelle : les affections des
méninges engendrent précocement des troubles du LCS,
les affections de l'encéphale se reflètent dans le LCS si
la lésion est proche des ventricules. Les affections de la
moelle épinière et des racines nerveuses sont une bonne
indication de ponction.
Réalisation pratique
Deux sites de ponction sont possibles : la voie haute
(grande citerne), en région atlanto-occipitale, et la voie
basse en région lombaire. L'identification des repères anatomiques est cruciale pour réussir la ponction sans risque
pour l'animal. Cet examen est réalisé sous anesthésie générale et de façon stérile, après tonte et désinfection du site
de ponction. On utilise une aiguille spinale (Spinocan®) dont
la taille (0,5-0,8 mm) et la longueur (50-88 mm) sont adaptées à la taille du chien. Un tube sec et un tube EDTA servent à récolter le liquide et à réaliser les analyses souhaitées.
La ponction en voie haute se pratique au centre d'un triangle
délimité par la pointe de l'occiput et les bords latéraux des ailes
de l'atlas. La tête du chien est fléchie par un aide afin d'ouvrir l'espace, ce qui est plus ou moins facile selon la race.
L'aiguille est orientée vers la pointe du nez et progresse
lentement, en ressortant le mandrin fréquemment jusqu'à
l'obtention des premières gouttes de LCS. Le principal avantage de cette voie est la possibilité d'obtenir suffisamment
de LCS pour réaliser les examens nécessaires. Cependant,
il existe un risque potentiellement fatal de ponction de la
moelle épinière. Ce site est contre-indiqué lors d'hypertension intracrânienne et de malformation occipitale (dysplasie).
La ponction en voie basse se pratique entre L4-L5 ou
L5-L6, le chien étant plié pour ouvrir les espaces intervertébraux. L'aiguille est introduite de façon oblique depuis
le bord caudal de l'apophyse épineuse dans l'espace sousarachnoïdien ventral. Les risques iatrogènes sont moindres dans ce site mais le volume de LCS récolté est plus
faible qu'en voie haute. La contamination sanguine du prélèvement est également plus fréquente car on traverse
les méninges. Lorsque l'animal est gras, les repères sont
plus difficiles à identifier et il ne faut pas hésiter à réaliser une radiographie pour s'aider à prendre ses repères.
Enfin, chez 30 % des chiens environ, le cône dural s'arrête avant L5 et il n'est pas possible d'obtenir du LCS
par cette voie.
Analyses immédiates
Les caractéristiques du LCS normal sont regroupées dans
le tableau suivant. Il convient d'analyser le LCS le plus
tôt possible, de préférence à la clinique juste après la ponction, car les cellules ont une durée de vie très limitée.
Lorsque l'on ne peut pas faire l'analyse rapidement, il
est possible de diluer le LCS dans du sérum autologue,
ce qui permet aux cellules de survivre environ 24 heures.
Le taux protéique est déterminé par réfractométrie et non
COULEUR
TURBIDITÉ
DENSITÉ
TAUX PROTÉIQUE
ALBUMINE
GLUCOSE
CELLULES
(Globules blancs
et rouges)
Eau de roche (rouge si hémorragie
récente, jaune si hémorragie
ancienne)
Translucide
(± trouble selon la cellularité)
1005
Voie haute < 0,25 g/l
Voie basse < 0,45 g/l
0,05-0,25 g/l
60-80 % de la glycémie
< 5 cellules/l
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Chien
par les analyseurs de biochimie classiques. On parle de
protéinorachie lors d'augmentation du taux protéique, fréquente lors d'affections inflammatoires et dégénératives,
mais malheureusement peu spécifique. Lors de contamination sanguine, il faut corriger le taux protéique en ôtant
0,01 g/l pour 1200 g/mm3.
L'analyse de la cellularité consiste à dénombrer les cellules puis à les identifier après sédimentation ou cytocentrifugation et coloration. Des hématies sont présentes
(hors contexte de contamination) lors de tumeur nécrosante
et de thrombo-embolie (érythrophagocytose ou embolie
fibro-cartilagineuse). La pléocytose est l'augmentation
du nombre de cellules nucléées. Le type et la proportion
des cellules observées permettent d'orienter le diagnostic :
population neutrophilique, lymphocytaire, mixte.
Analyses différées
La recherche d'agents infectieux fait appel essentiellement
à la sérologie et la PCR. Il est conseillé de demander les
deux analyses en même temps si elles sont disponibles.
En fonction des signes cliniques et des commémoratifs,
on recherchera un herpesvirus, un rhabdovirus ou le virus
de la maladie de Carré chez le chien, les virus de la PIF, du
FIV, du FeLV et un bornavirus chez le chat.
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Les affections bactériennes du système nerveux central
sont rares en France et font le plus souvent suite à une morsure à proximité de celui-ci. La turbidité du LCS est alors
élevée, on trouve essentiellement des neutrophiles. Les
germes les plus fréquents sont des streptocoques, des
staphylocoques, des klebsielles, des pasteurelles, dont
l'identification se fait par culture bactérienne.
Les parasites sont rarement observés directement dans le
LCS. On recherche principalement une néosporose chez
le chien et une toxoplasmose chez le chat par PCR et
sérologie.
Lors d'affection mycosique (cryptococcose rare en
France), la pléocytose est importante, généralement mixte,
parfois neutrophilique. Les agents mycosiques sont visibles à la cytologie.
La ponction du LCS est donc un geste technique à acquérir en s’entraînant sur un animal vivant de préférence,
avant de procéder à son euthanasie par exemple. Il
convient de respecter les délais d'analyses et d'en réaliser le plus possible au chevet de l'animal. n
Caroline Siméon
Docteur vétérinaire