LA REFORME DE LA PRESCRIPTION
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LA REFORME DE LA PRESCRIPTION
LA REFORME DE LA PRESCRIPTION Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 Par Michel AVENAS Avocat à la Cour, animateur du centre Enadep de Toulouse Elle est d’application immédiate. Elle réduit considérablement les délais de prescription. Elle supprime le régime distinct du délai de prescription en matière délictuelle et contractuelle. Elle indique clairement que les règles de prescription de l’action civile devant les juridictions répressives relèvent des règles pénales et non civiles. La loi nouvelle, en recomposant les articles 2219 à 2283 du code civil, prend le parti de définir plus précisément le moyen qui permet d’acquérir (la prescription acquisitive – nouvel article 2258 du code civil) et celui qui permet de se libérer (la prescription extinctive – nouvel article 2219 du code civil). Il existe désormais deux titres distincts dans notre code civil : le titre XX réformé sur la prescription acquisitive et le titre XXI nouveau sur la prescription acquisitive. Nous n’aborderons pas la question de la prescription acquisitive qui reste marginale dans le contentieux que nous traitons pour nous consacrer à la prescription extinctive. LE PRINCIPE : le système original mis en place par la réforme fait que la prescription extinctive repose désormais sur deux délais : - Un délai de droit commun de 5 ans pour les actions mobilières et personnelles et de 30 ans pour les actions réelles immobilières. - Un délai limite, qualifié par certain de délai « butoir » ou de « plafond de prescription » d’une durée de 20 ans et dont le point de départ est fixe mais qui n’a pas vocation à s’appliquer à tous les cas… et qui notamment ne s’applique pas aux actions réelles immobilières. - En revanche et dans ce droit commun de la prescription, la loi a prévu un seul et même point de départ : le « jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » Il nous faut donc oublier le principe de la prescription trentenaire pour intégrer celui de la prescription de 5 ans. Le législateur a cherché à ramener les délais de prescription à 5 ans et les changements sont importants puisque, pour ne citer que le plus symbolique, en matière commerciale : le nouvel article L 110-4 du code de commerce ramène le délai de prescription de 10 ans à 5 ans. LES EXCEPTIONS ET LES CAS PARTICULIERS : mais il n’est pas allé jusqu’au bout de l’uniformisation de tous les délais de prescription et il subsiste des domaines où le délai de prescription plus court, d’autres où il sera plus long et d’autres encore, pour lesquels le point de départ de la prescription sera différent. En particulier, la loi nouvelle a prévu des exceptions pour les dommages corporels, le droit de la construction, le titre exécutoire, les actions en nullité du mariage, le droit de la consommation. 1°) la réparation du préjudice corporel En matière de réparation du préjudice corporel et il fallait distinguer, selon que la réparation du préjudice relevait soit d’une responsabilité contractuelle, soit d’une responsabilité délictuelle : dans le premier cas, le délai de prescription était de 30 ans (responsabilité du médecin) et dans le second cas, le délai de prescription était de 10 ans (coups et blessures, accident de la circulation). La loi du 17 juin 2008 rompt définitivement avec la distinction entre responsabilité délictuelle et contractuelle et elle introduit une durée différente de la prescription, en fonction de la nature du dommage. Désormais, la prescription sera de 10 ans pour toutes les actions en responsabilité, nées en raison d’un événement ayant entrainé un dommage corporel. Il faut donc en conclure que si l’action en responsabilité porte seulement sur la réparation d’un préjudice matériel, alors le délai de droit commun de 5 ans aura vocation à s’appliquer (article 2224 du code civil). Ainsi, en matière d’accident de la circulation, la réparation du préjudice corporel va se prescrire par 10 ans « à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé » (article 2226 du code civil) mais la réparation des préjudices matériels (perte de salaires, destructions d’objets, perte d’une chance, etc…) se prescrira par 5 ans « à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 du code civil). Il est à noter que le délai de prescription est porté à 20 ans, lorsque les dommages corporels ont été causés par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur (article 2226 alinéa 2 du code civil). Il ne faut pas oublier que la loi du 17 juin 2008 a modifié l’article 10 du code de procédure pénale qui est désormais rédigé ainsi : « lorsque l’action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique. Lorsqu’elle est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du code civil »… Ainsi, une demande en réparation des dommages corporels résultant de coups et blessures volontaires se prescrira dans un délai de 3 ans devant les juridictions répressives et se prescrira dans un délai de 10 ans devant les juridictions civiles. 2°) la responsabilité des constructeurs La loi du 17 juin 2008 consacre l’uniformisation de tous les délais d’action des différentes responsabilités des constructeurs qui était proposée par la doctrine. Le bouleversement est considérable alors même que l’article 19 de la loi du 17 juin 2008 se contente d’indiquer : « I- dans le premier alinéa de l’article L.111-24 et dans le second alinéa de l’article L.111-33 du code de la construction et de l’habitation, la référence : 2270 est remplacée par la référence : « 1792-4-1 » II- dans le troisième alinéa de l’article L.631-7-1 du même code, la référence : « 2262 » est remplacée par la référence : « 1792-4-1 ». Aucun changement à signaler de l’article 1792 à l’article 1794 du code civil ; la présomption de responsabilité pesant sur les constructeurs et assimilés demeure intacte et avec elle, la jurisprudence y attachée. Ce qui change, c’est la création de l’article 1792-4-1 du code civil en remplacement de l’article 2270 de ce même code ; or, celui-ci va mettre en place une prescription « négative » puisqu’il ne s’agit pas de prescrire à compter d’une date mais de dire que le constructeur est « déchargé des responsabilités et des garanties pesant sur lui (…) après 10 ans, à compter de la réception des travaux » (article 1792-4-1 du code civil). La loi vient préciser le régime de la prescription, applicable selon le professionnel et la nature de l’ouvrage ou des éléments d’équipement concernés : - elle sera de dix ans à compter de la réception, pour l’application des articles 1792 à 1792-2 et pour l’article 1792-4 du code civil : c’est-à-dire pour les ouvrages réalisés par les constructeurs, tels que définis à l’article 1792-1, les dommages affectant la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, lorsqu’ils font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert et le fabricant d’un ouvrage ou d’une partie de l’ouvrage. - Elle sera de 2 ans à compter de la réception pour les autres éléments d’équipement de l’ouvrage (c’est la garantie de bon fonctionnement, article 1792-3 du code civil) Bravo ! Le législateur a remplacé un délai de 10 ans par un délai de… 10 ans ! Mais dans cette matière, le changement le plus radical provient de la disparition du délai de prescription de trente ans qui était attaché à la responsabilité contractuelle et qui avait conduit à s’interroger sur la survivance d’une action en responsabilité de droit commun, après l’expiration du délai de la garantie décennale. La survivance d’une responsabilité contractuelle, distincte de la présomption édictée par les dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil, ne présente plus d’intérêt puisqu’elle n’est plus d’une durée de 30 ans mais désormais de 5 ans. Les hésitations de la jurisprudence peuvent être oubliées, puisque désormais, le délai de droit commun pour les constructeurs est de 10 ans, à compter de la réception et il sera de 2 ans, pour ce qui demeure la garantie de bon fonctionnement. En dehors de ces délais, plus de salut ! 3°) l’exécution des titres exécutoires 29 ans après un jugement de condamnation à payer une somme d’argent, le créancier pouvait poursuivre le recouvrement d’une créance dont les intérêts dépassaient de plus de 10 fois le montant du principal… La loi du 17 juin 2008 met fin à cet avantage ; ce qui aura pour conséquence première de rendre plus difficile les cessions de créance entre les organismes financiers et para-financiers. La prescription trentenaire n’est plus et désormais, l’article 3-1 nouveau de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précise que « l’exécution des titres exécutoires visés aux 1° à 3° de l’article 3 » de cette même loi ne peut plus être poursuivie que pendant 10 ans. Les paragraphes 1° à 3° de la loi du 9 juillet 1991 concernent : 1°) les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ainsi que les transactions soumises au président du tribunal de grande instance lorsqu’elles ont force exécutoire ; 2°) les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution ; 3°) les extraits des procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties. De ce fait sont exclus de ce délai allongé de 10 ans, les trois autres paragraphes de cet article 3 et les titres concernés ne sont pas des moindres, puisque nous y trouvons : 4°) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ; 5°) le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non paiement d’un chèque ; 6°) les titres, délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. Si le 5°) paragraphe est gratifié d’un délai très court, de 6 mois ou de un an, en application de l’article L 131-59 du code monétaire et financier, les paragraphes 4°) et 6°) ne peuvent être rattachés à aucun délai « spécial » ; dès lors, l’exécution se prescrira par le délai de droit commun de 5 ans (article 2224 du code civil). Cette prescription de 10 ans (ou plus brève) n’aura pas vocation à s’appliquer si les actions en recouvrement des créances qui sont constatées dans les titres exécutoires « se prescrivent par un délai plus long. » Par exemple : en matière de réparation du préjudice corporel résultant de violences contre un mineur, le délai de prescription est de 20 ans et dès lors, le recouvrement de la créance, fixant la réparation des dommages, se prescrira par 20 ans. Enfin, il est à noter que le délai butoir ne s’appliquera pas à la prescription des titres exécutoires. Quelques précisions complémentaires sur les délais spéciaux que la loi complète ou aménage. Quelques rappels sur les causes de suspension ou d’interruption de la prescription. Dans le précédent article1, nous avons rappelé que le système original mis en place par la réforme faisait que la prescription extinctive reposait désormais sur deux délais : - Un délai de droit commun de 5 ans pour les actions mobilières et personnelles et de 30 ans pour les actions réelles immobilières ; - un délai limite, qualifié par certain de délai « butoir » ou de « plafond de prescription » d’une durée de 20 ans et dont le point de départ est fixe mais qui n’a pas vocation à s’appliquer à tous les cas… et qui notamment ne s’applique pas aux actions réelles immobilières. - En revanche, la loi a prévu un seul et même point de départ : le « jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Nous avons également vu que la loi contenait de nombreuses exceptions et nous avons déjà examiné les cas particuliers de la réparation des dommages corporels, du droit de la construction et du titre exécutoire. Poursuivant ce tour d’horizon, il nous reste à dire quelques mots sur les actions en nullité du mariage et le droit de la consommation. Nous aborderons ensuite, le mécanisme de la suspension et de 1 Paru dans le Bulletin du Barreau, janvier-février 2009, n° 123. l’interruption de la prescription, utilement complété par la nouvelle loi. 1°) Les actions en nullité du mariage Les articles 181, 184 et 191 du code civil sont modifiés par la loi du 17 juin 2008. Les modifications apportées au code civil viennent : - En premier lieu : préciser le délai de prescription pour les actions en nullité absolue. Cette précision n’est que la conséquence de la réduction du délai de droit commun qui passe de 30 ans à 5 ans et dans la mesure où le législateur n’a pas voulu soumettre certaines actions à cette prescription « abrégée », il fallait énumérer les domaines qui lui échappaient, et ce d’autant qu’il s’agit des actions en nullité absolue, d’ordre public, ouvertes à tout intéressé et au ministère public, en vertu de l’article 184 du code civil : • Les actions en nullité pour défaut d’âge légal (article 144 du code civil), • le défaut de consentement (article 146 du code civil), • le défaut de comparution personnelle (article 146-1 du code civil), • la bigamie (article 147 du code civil), • les empêchements à mariage (article 161, 162 et 163 du code civil), • les actions en nullité pour clandestinité (article 191 du code civil). Jusqu’alors, ces textes ne prévoyaient pas de délai de prescription ; en l’absence de texte, ces actions en nullité auraient dû se prescrire selon le délai de droit commun, soit avec la nouvelle loi, 5 ans ; ce que le législateur n’a pas voulu… - En deuxième lieu : fixer différemment le point de départ de l’action en nullité pour vice de consentement de l’article 181 du code civil. L’ancienne rédaction de l’article 181 du code civil prévoyait la possibilité d’agir en nullité, soit dans un délai de 5 ans à compter du mariage mais également depuis que l’époux a acquis sa pleine liberté ou depuis que l’erreur a été par lui reconnue. Le nouvel article 181 du code civil ne prévoit plus qu’un seul point de départ à l’action en nullité : « cinq ans à compter du mariage ». Le législateur a voulu limiter dans le temps les actions en nullité, afin de ne pas laisser trop longtemps les mariages dans l’incertitude de leur validité. Conclusion : - Si nous nous plaçons sur le terrain de l’absence de consentement, l’article 181 aura vocation à s’appliquer et le délai de prescription sera de 5 ans. - Si nous nous plaçons sur le terrain du vice de consentement, pour violence par exemple, alors l’article 146 aura vocation à s’appliquer et le délai de prescription sera de 30 ans. 2°) Le droit de la consommation La loi institue le principe d’une prescription de deux ans au profit des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs. L’article L.137-2 du code de la consommation est ainsi rédigé : « l’action des professionnels, pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans » Cet article remplace et élargit le délai de l’article 2272 abrogé qui prévoyait que l’action des marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux non-professionnels, se prescrit par deux ans. L’article L.137-2 du code de la consommation reprend à son profit cette prescription mais en opposant désormais le professionnel au consommateur et en élargissant son domaine d’application aux prestations de service. Attention : ce délai est opposable aux professionnels ; en revanche, le consommateur dispose d’un délai de 5 ans (c’est le délai de droit commun qui s’applique) pour agir contre son cocontractant professionnel, au lieu des 30 ans dont il disposait en matière contractuelle avant la réforme. La loi du 17 juin 2008 a également laissé subsister la législation, d’inspiration européenne, sur la responsabilité en matière de produits défectueux et elle a également laissé subsister les délais spéciaux propres à certaines matières : droit du crédit, droit des assurances, droit des transports. Dès lors, une même prestation sera susceptible de connaître des délais de prescription, selon que l’on se place du côté du professionnel ou du côté du consommateur. Exemple : un transporteur professionnel effectue un déménagement pour un particulier : le particulier disposera d’un délai d’un an pour agir en responsabilité contre le déménageur pour les objets cassés ou volés, alors que le professionnel disposera d’un délai de 2 ans pour engager une action en paiement contre le particulier. Il n’y a pas lieu de douter que l’avocat qui fournit une prestation de service à un particulier, doit être considéré comme un professionnel face à un consommateur et que de ce fait la prescription de deux ans pour le recouvrement de ses honoraires doit lui être appliquée. Mais elle sera de 5 ans, si le client est un commerçant, une personne morale, etc. En revanche, le consommateur disposera d’un délai de 5 ans pour agir en responsabilité, à compter de la « fin de la mission » de son conseil (article 2225 du code civil). 3°) Les causes de suspension et d’interruption de la prescription La loi du 17 juin 2008 a donné un cadre légal à des notions jurisprudentielles et le mécanisme de la suspension et de l’interruption trouve sa place dans le code civil, aux articles 2230 et 2231 du code civil : Cela permet de distinguer très nettement : - Le mécanisme de la suspension, qui « arrête temporairement » le cours de la prescription, « sans effacer le délai déjà couru » (article 2230). - Le mécanisme de l’interruption, qui « efface le délai de prescription acquis » et fait « courir un nouveau délai de même durée que l’ancien » (article 2231). Le report ou la suspension de la prescription Si la loi du 17 juin 2008 reprend de nombreuses dispositions déjà existantes, elle innove sur certains points. Reprenant intégralement l’article 2257 du code civil, qui devient l’article 2233 du code civil, la loi rappelle que la prescription ne court pas : 1°) à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive ; 2°) à l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu ; 3°) à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé ; La suspension de la prescription, contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, est reprise à l’article 2235 du code civil (ancien article 2252) et est également maintenue l’exception selon laquelle le bénéfice de cet effet suspensif est écarté en matière de créances périodiques (ancien article 2278 du code civil). L’article 2237 du code civil reprend l’effet suspensif contre l’héritier acceptant ; de même que celui applicable entre époux, mais avec cette précision qu’il est étendu entre partenaires d’un pacte civil de solidarité (article 2236 du code civil qui remplace et complète l’article 2252). La nouvelle loi fait sienne l’apport de la jurisprudence sur l’impossibilité d’agir, en introduisant un article 2234 nouveau dans le code civil, qui précise que la « prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir, par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ». Mais il existe deux nouveautés : - En premier lieu, la loi consacre la suspension de la prescription en cas de recours à une procédure de médiation ou de conciliation (article 2238 du code civil). Il s’agit de permettre aux parties qui choisiraient le recours à la médiation pour régler leur différend, de pouvoir entamer une procédure judiciaire sans encourir le risque d’une prescription. Le délai est alors suspendu du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Le délai recommencera à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. - En deuxième lieu, la loi innove en prévoyant que lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, la prescription est alors suspendue et ne recommence à courir que lorsque la mesure aura été exécutée, pour une durée qui ne pourra jamais être inférieure à 6 mois. Cette disposition est nouvelle puisque, sous l’empire de l’ancienne loi, le délai n’était pas suspendu pendant l’exécution de la mesure d’expertise. L’interruption de la prescription La plupart des causes d’interruption sont reprises par la loi nouvelle et leur régime en est précisé. Ainsi, on retrouve au rang des causes d’interruption : 1°) La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait : article 2240 du code civil, qui reprend l’article 2248 du code civil, après l’avoir expurgé de référence au possesseur qui renvoyait à la prescription. 2°) La demande en justice, même en référé et même si elle est portée devant une juridiction incompétente. Il en est de même lorsque l’assignation a été annulée pour un vice de procédure, qu’il s’agisse d’un vice de fond ou de forme (article 2241 du code civil). S’agissant de l’assignation en justice, le nouveau texte vient préciser les règles relatives à la prescription sur trois points : - La jurisprudence de la chambre mixte de la cour de cassation du 24 novembre 2006 est reprise ; ainsi, l’effet interruptif de la citation en justice s’applique à tous les cas d’incompétence et à tous les délais pour agir, y compris les délais de forclusion (article 2241 du code civil). - La règle de l’ancien article 2247 du code civil est inversée : désormais, l’effet interruptif perdurera si l’assignation est annulée pour vice de procédure (dernier alinéa de l’article 2241 du code civil). En revanche, l’effet interruptif est toujours non avenu si le demandeur se désiste, laisse périmer son instance ou si sa demande est définitivement rejetée (article 2242 du code civil). - L’article 2242 du code civil consolide la jurisprudence, en précisant que l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets, jusqu’à l’extinction de l’instance. 3°) un acte d’exécution forcée : sur cette question, la loi du 17 juin 2008 est venue substituer le terme d’acte d’exécution aux termes de commandement ou de saisie, qui étaient utilisés dans l’ancien article 2244 du code civil. Désormais, seul l’acte d’exécution forcée, qui répondra à la définition qui en est donnée par la loi du 9 juillet 1991, interrompt la prescription. Il faut en conclure que le commandement de payer ne constituera pas un acte d’exécution forcée et n’entrainera aucune interruption, il faudra un acte de saisie. Le référé : tantôt cause de suspension, tantôt cause d’interruption. Voilà une contradiction de la loi nouvelle puisque, suivant la nature des demandes, l’assignation en référé constituera, soit une cause de suspension, soit une cause d’interruption : - L’assignation en référé tendant à une mesure d’instruction avant tout procès, c’est-à-dire formulée en application de l’article 145 du code de procédure civile, constituera une cause de suspension. (article 2239 du code civil). - L’assignation en référé, formulée sur un autre chef de demande, constituera une cause d’interruption, même si elle est portée devant une juridiction incompétente ou encore si cette assignation a été annulée pour un vice de procédure, qu’il s’agisse d’un vice de fond ou de forme (article 2241 du code civil). Les dispositions transitoires et la réforme de la prescription appliquée à notre profession Après nos deux précédents articles, il nous reste à traiter des dispositions transitoires de la réforme et du régime de la prescription appliquée à notre profession 1°) les dispositions transitoires La loi du 17 juin 2008 est d’application immédiate à compter du 19 juin 2008 et les dispositions transitoires ont été définies par l’article 2222 du code civil : « La loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». Comme si cela n’était pas suffisant, l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 reprend les précisions données par l’article 2222 et il y ajoute l’indication suivante : « Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation ». Il faut donc distinguer deux situations selon que l’instance a été introduite avant ou après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. - L’instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, soit avant le 19 juin 2008 : maintien de la loi ancienne. - L’instance a été introduite après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, il faut prévoir plusieurs hypothèses : - Maintien de la loi ancienne si la prescription est acquise. - La nouvelle loi s’applique si la prescription n’est pas acquise, mais alors il faut distinguer selon que celle-ci allonge ou réduit le délai de la prescription ; Si allongement du délai de prescription, il est fait application du nouveau délai depuis le point de départ initial mais en tenant compte du temps déjà écoulé. Si réduction du délai de prescription, il est fait application du nouveau délai mais celui-ci ne court qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi ancienne. Exemple : - 1ère hypothèse : le délai est réduit ; ce qui aura vocation à se produire très souvent et notamment, dans le cas où la nouvelle loi ramène le délai de la prescription de 10 à 5 ans ; par exemple, en matière commerciale, en matière de dommages aux biens dans la responsabilité délictuelle,… o Il s’est écoulé 3 ans sous l’empire de l’ancienne loi, alors c’est un nouveau délai de 5 ans qui a vocation à s’appliquer, à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, soit à compter du 19 juin 2008 (lendemain de la publication de la loi dans le Journal Officiel). Le délai total (8 ans) ne dépassera pas le délai antérieur de 10 ans. o Il s’est écoulé 7 ans sous l’empire de l’ancienne loi, alors c’est un nouveau délai de 5 ans qui a vocation à courir, à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi mais cela porterait le délai à 12 ans et de ce fait, cela excèderait le délai de prescription antérieur de 10 ans. Le délai sera ramené à 10 ans, soit il restera 3 ans de prescription. - 2ème hypothèse : le délai est augmenté ; par exemple, la réparation du préjudice corporel en cas de violences contre un mineur et il s’est écoulé 7 ans depuis le point de départ ; il sera fait application du nouveau délai mais depuis le point de départ initial et il restera 13 ans. Autres exemples : - Une action se prescrit par 30 ans depuis le 1er janvier 1980, la prescription est acquise le 1er janvier 2010 mais la nouvelle loi ramène le délai de prescription à 5 ans. Le délai sera de 5 ans à compter du 19 juin 2008 mais sans pouvoir excéder la durée prévue par la loi antérieure ; donc pas de changement, la prescription sera acquise le 1er janvier 2010. - Une action se prescrit par 30 ans, à compter du 1er janvier 2006 et de ce fait, le délai aurait dû expirer le 1er janvier 2036. En exécution de la nouvelle loi, c’est un nouveau délai de 5 ans qui a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 et de ce fait la prescription sera acquise le 19 juin 2013. Petite astuce : les prescriptions dont le délai a été réduit à 5 ans et qui auraient normalement expiré plus de 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, expireront toutes le 19 juin 2013. Il faut donc être particulièrement vigilant à cette date car elle correspondra à un nombre important de prescriptions qui seront acquises à cette date. Quelques rappels sur les modes de computation des délais L’article 2228 du code civil rappelle que « la prescription se compte par jours, et non par heures » On en déduit : - que le jour correspondant au point de départ du délai n’est pas compris dans le délai. (dies a quo) ; - que la prescription n’est acquise que « lorsque le dernier jour du terme est accompli » (article 2229 du code civil) (dies ad quem). Bien évidemment, si le terme expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. 2°) la réforme de la prescription appliquée à notre profession Ce chapitre se propose de mettre en évidence les changements que la réforme de la prescription va apporter sur la gestion des cabinets d’avocats. L’avocat est lié à son client par un contrat, qui suppose la fourniture d’une prestation de services contre le versement d’un honoraire, dont la question du recouvrement peut se poser. Il entre dans la mission de l’avocat de suivre des procédures qui entraînent des frais (dépens, état de frais, etc.), de manier des fonds et de détenir des pièces. Les règles relatives à la prescription ont vocation à s’appliquer à l’ensemble de ces actes et cela se traduit par une diminution considérable de la durée de la garantie que l’avocat doit à son client et il en sera de même, en ce qui concerne l’action que le professionnel du droit serait susceptible d’engager à l’encontre de son client : - L’action du client contre l’avocat : Dans la mesure où la nouvelle loi a supprimé le délai de 30 ans de la responsabilité contractuelle, le délai de droit commun de 5 ans paraissait devoir s’appliquer naturellement. C’est ce qu’est venu faire l’article 2225 du code civil. « L’action en responsabilité, dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par 5 ans à compter de la fin de leur mission ». L’article 2225 sert seulement à préciser le point de départ qui, en application du droit commun, aurait dû être « à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 du code civil) et qui devient « à compter de la fin de leur mission ». Mais il doit être noté, que la certitude de la prescription acquise n’apparaît qu’à l’expiration du délai « butoir » qui est de 20 ans « à compter du jour de la naissance du droit », sauf après avoir fixé dans le temps la date de la connaissance des faits lui permettant de l’exercer… Quel va être le jour de la fin de la mission ou encore de la naissance du droit ? Ce peut être : - le dernier acte de procédure du dossier : jugement, arrêt, - la dernière lettre adressée au client, - la clôture du dossier, - l’archivage du dossier, - etc. L’existence d’un jugement, d’un arrêt ne constitue pas forcément la fin de la mission ou encore la naissance du droit. Il est donc prudent de se ménager une preuve : acte d’acquiescement à un jugement ou accusé de réception de celui-ci, ou encore une lettre recommandée adressée au client pour l’informer et le mettre en demeure de prendre position. - Le recouvrement des honoraires La loi du 17 juin 2008 nous oblige à dissocier selon la qualité du client : - La prescription sera de 2 ans contre un particulier, c'est-à-dire un consommateur, « à compter de la prestation » - article L 137-2 du code de la consommation. - La prescription sera de 5 ans contre un commerçant. (article 2224 du code civil) - Le recouvrement des dépens La loi du 17 juin 2008 uniformise le régime du recouvrement des dépens, en modifiant les articles 1 et 2 de la loi du 24 décembre 1897, qui fixe désormais un délai unique de 5 ans alors qu’autrefois, il fallait distinguer le recouvrement contre le client (prescription 2 ans) et le recouvrement contre l’adversaire (prescription 30 ans). La réforme de la prescription, appliquée à la profession d’avocat, se présente comme suit : Matières Délais Textes Recouvrement des honoraires contre un consommateur Recouvrement des honoraires contre une personne, autre qu’un consommateur : commerçant, professionnel et institutionnel Contestation des honoraires par le client, consommateur ou autre Recouvrement des dépens contre le client ou l’adversaire, consommateur ou autre. Responsabilité professionnelle de l’avocat, y compris pour la perte des pièces à lui confiées, face au client, consommateur ou autre. 2 ans Article L 137-2 du code de la consommation Article 2224 du code civil 5 ans 5 ans Article 2224 du code civil 5 ans Article 2 de la loi du 24 décembre 1897 Article 2225 du code civil 5 ans Le tableau suivant présente quelques-unes des principales prescriptions qui subsistent dans notre droit positif et qui constituent autant d’exceptions aux règles générales nouvelles dégagées par la nouvelle loi. Malheureusement, cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive. Plus que jamais, la prudence s’impose ! NB : afin que ce tableau constitue un outil utile, il contient l’indication du texte applicable mais également, lorsqu’il est précisé, le point de départ du délai de prescription. LES PRESCRIPTIONS EN MATIERE CIVILE DEPUIS LA LOI DU 17 JUIN 2008 Et autres prescriptions encore applicables (liste non exhaustive) Durée de la prescription Domaine d’application Texte applicable Point de départ Imprescriptible Droit de la propriété 2227 Code Civil --- 30 ans Actions réelles immobilières 2227 Code Civil 30 ans Nullités absolues du mariage 30 ans Actions en réparation d’un dommage à l’environnement Prescription acquisitive 184 et 191 Code Civil (article 7 de la loi du 17.06.08) L 152-1 code de l’environnement Article 2272 alinéa 1 du Code Civil Article 2226 alinéa 2 du Code Civil A compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer A compter de la célébration 30 ans 20 ans 10 ans 10 ans 10 ans 10 ans 5 ans 5 ans 5 ans 5 ans Préjudices actes de torture ou de barbarie, violences et agressions + agressions sexuelles sur mineurs Exécution des titres exécutoires Actions en réparation d’un dommage corporel Actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous traitants Prescription acquisitive De bonne foi et avec un juste titre Droit commun Actions de notaires, huissiers et avoués en recouvrement de leurs honoraires Actions en paiement ou répétition de salaire Actions résultant d’obligations entre commerçants ou entre Art. 3-1 loi 91-650 du 09.07.91 2226 al 1 Code Civil A compter du fait générateur du dommage A compter de la date de la possession A compter de la date de consolidation du dommage ou de l’aggravation 1792-4-3 Code Civil (1792-4-1 voir) A compter du jour où la décision devient exécutoire A compter de la consolidation ou de son aggravation A compter de la date de la réception 2272 alinéa 2 Code Civil A compter de la date de la possession 2224 Code Civil A compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits Article 2 de la loi du 24 décembre 1987 L 110-4 du code de commerce A compter de la naissance du droit commerçants et non commerçants 5 ans Actions en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination 5 ans Actions en responsabilité des personnes ayant assisté ou représenté en justice Actions en responsabilité des experts 5 ans 5 ans 4 ans 3 ans 3ans 3 ans 3 ans 2 ans 2 ans 2 ans 2 ans 2 ans 2 ans Actions en nullité de mariage Vices du consentement Dettes de l’Etat, des départements, des communes et des établissements publics L 1134-5 du code du A compter de la révélation de travail et 7 bis al. 1 de la discrimination la loi n° 83-6-3-4 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 2225 du Code Civil A compter de la fin de leur mission Droit commun Abrog. De l’article 6.3 de la loi du 29.06.71 Articles 180 et 181 du Code Civil Article 1 de la loi du 31/12/1968 Droit commun, à compter de la naissance du droit A compter du mariage Les actions en contrefaçon de brevets L’action en responsabilité du fait des produits défectueux L 615-8 du code de la propriété intellectuelle 1386-1 à 1386-18 du Code Civil Les actions en nullité d’une nullité commerciale ou d’actes postérieurs à sa constitution Les actions dirigées contre l’accepteur d’une lettre de change Les actions des professionnels pour les biens ou services qu’ils fournissent aux consommateurs Les actions relatives au statut des baux commerciaux Les garanties des professionnels du bâtiment pour les biens d’équipement Les actions dérivant d’un contrat d’assurance Les actions liées au crédit à la consommation L’action en responsabilité contre un huissier en raison de la perte des pièces du client L 235-9 du code de commerce A compter du 1er jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis A compter des faits qui en sont la cause A compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait eu connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du produit A compter du jour où la nullité est encourue L511-78 du code de commerce A compter de la date de l’échéance L 137-2 du code de la consommation A compter de la prestation L 145-60 du code de commerce 1792-3 du code civil A compter de la réception L 114-1 du code des assurances L 311-37 du code de la consommation 2 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 A compter de l’évènement qui lui a donné naissance A compter de l’évènement qui lui a donné naissance A compter de la fin de leur mission 1 an Les actions relatives au contrat de transport de marchandises L 133-6 du code de commerce 1 an Les actions du porteur d’une lettre de change contre les endosseurs et contre le tireur L 511-78 du code de commerce 1 an L’action du porteur de chèque bancaire ou postal contre le tiré Action en réduction du prix de vente d’un immeuble en raison d’un mesurage inexact Loi CARREZ Les actions des endosseurs d’une lettre de change les un contre les autres et contre le tireur Les actions en recours du porteur d’un chèque contre les endosseurs et les autres obligés Les actions en recours des divers obligés au paiement d’un chèque les uns contre les autres L 131-59 et L 755-7-4 du code monétaire et financier Article 46 de la loi du 10 juillet 1965 1 an 6 mois 6 mois 6 mois L 511-78 du code de commerce L 131-59 du code monétaire et financier L 131-59 du code monétaire et financier En cas de perte totale, à compter du jour où la remise de la marchandise aurait du être effectuée Dans les autres cas, à compter du jour où la marchandise aura été offerte ou remise à son destinataire A compter de la date du protêt dressé en temps utile ou de celle de l’échéance en cas de clause de retour sans frais A l’expiration du délai de présentation A compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente A compter du jour où l’endosseur a remboursé la lettre ou du jour où il a été luimême actionné A compter de l’expiration du délai de présentation A compter du jour où l’obligé a remboursé le chèque ou du jour où il a été lui-même actionné