La Chine abandonne la politique de l`enfant unique
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La Chine abandonne la politique de l`enfant unique
2 | international 0123 SAMEDI 31 OCTOBRE 2015 DÉMOGRAPHIE CHINOISE La Chine abandonne la politique de l’enfant unique Pour faire face au vieillissement de la population et favoriser la consommation intérieure, Pékin autorise tous les couples à avoir un deuxième enfant pékin - correspondance D ans un revirement historique, trentesix ans après avoir limité les couples à une seule naissance, le Parti communiste chinois (PCC) a annoncé, jeudi 29 octobre, l’adoption d’une politique permettant d’avoir deux enfants. Cette décision a été annoncée à l’issue de quatre jours de réunion de son comité central, qui a approuvé le treizième plan quinquennal, feuille de route économique, politique et sociale qui guidera la Chine jusqu’en 2020. Ce changement a pour but de « répondre au défi du vieillissement de la population » et « d’améliorer la stratégie de développement démographique », a expliqué un communiqué. La décision était attendue après que le premier ministre, Li Keqiang, eut évoqué en mars une prochaine vague d’ajustements. Les Chinois, préoccupés par leur nombre qu’ils voient comme un poids autant que comme un élément de puissance, ont reconnu au strict contrôle des naissances, mis en place en 1979, d’avoir accéléré la transition démographique. Les officiels mettaient en avant les 400 millions de naissances évitées – un chiffre douteux, car fondé sur des projections de natalité bien antérieures aux changements économiques. Le « planning familial » est devenu au fil des années synonyme de violente intrusion de l’Etat dans le plus intime de la vie des citoyens. Obsédés par des statistiques déterminantes pour leurs carrières, ses officiels avaient recours aux avortements forcés, selon des procédés barbares et, pour éviter la récidive, allaient jusqu’à imposer la ligature des trompes. Au mois de juin 2012, l’opinion chinoise avait été choquée en découvrant sur les réseaux sociaux la photo d’une jeune femme de la province du Shaanxi, Feng Jianmei, épuisée sur un lit d’hôpital au côté du fœtus, après un avortement sous la contrainte à sept mois de grossesse. Le couple avait déjà un enfant de 5 ans et n’avait pas les moyens de payer l’amende de 40 000 yuans (5 750 euros). Le mois suivant, Zhang Erli, un ancien directeur des statistiques au sein de la Le « planning familial » est devenu au fil des années synonyme de violente intrusion de l’Etat dans le plus intime de la vie des citoyens puissante Commission nationale de la population et du planning familial (qui a depuis fusionné avec le ministère de la santé), exprimait ses remords pour le coût de l’enfant unique sur les femmes de son pays sur la chaîne de télévision Phoenix, de Hongkong. « Je suis désolé pour nos femmes chinoises. Je me sens assez coupable. Les femmes chinoises ont fait un sacrifice énorme », reconnaissait M. Zhang, soulignant la responsabilité du gouvernement. 1,7 enfant par femmes Le problème des enfants dont la naissance n’a jamais été déclarée et qui ont le plus grand mal à progresser dans la société faute d’existence sur les registres officiels subsiste. Il a par ailleurs fallu interdire, en 2001, aux médecins de révéler aux futurs parents le sexe de l’enfant et procéder à des campagnes d’affichage de propagande dans les villages, afin de réduire le nombre d’avortements sélectifs de filles. Certains couples vont réaliser ces échographies à l’étranger. Du fait de l’enfant unique et d’un biais culturel, 118 garçons naissent en Chine pour 100 filles, alors que la moyenne mondiale est de 103 contre 107. L’officiel retraité Zhang Erli juge la décision de jeudi bienvenue, mais bien tardive. Arrivé dans les bureaux du planning familial en 1988, il dit avoir eu dès 1995 la conviction personnelle que « vivre une vie heureuse est plus important que le contrôle de la population ». Il y a dix ans, M. Zhang calculait avec des démographes que la main-d’œuvre aura considérablement réduit à l’horizon 2035, avec pour conséquence un fort impact sur l’économie. « Il aurait été préférable de procéder à ce changement plus tôt et beaucoup d’entre nous avaient écrit au gouvernement pour exprimer ce sentiment », dit M. Zhang. Mieux vaut tard que jamais, juge-t-il, « mais le moment le plus approprié pour revenir sur cette politique est déjà derrière nous ». A 1,36 milliard d’habitants en 2014, selon la Banque mondiale, la population chinoise est toujours la première de la planète, mais elle pourrait être détrônée rapidement par l’Inde. L’indice de fécondité chinois est tombé à 1,7 enfant par femme et seulement 17 % des Chinois ont aujourd’hui moins de 14 ans, contre une moyenne mondiale de 27 %. A celle des droits humains – qui d’ailleurs n’était pas évoquée dans la décision de jeudi – s’est donc progressivement ajoutée une évidence démographique. Le vieillissement constituera un fardeau pesant sur les épaules de la nouvelle génération chinoise, qui devra financer les personnes âgées, un modèle résumé par la formule « 4-2-1 », un jeune travailleur qui aurait tous ses grands-parents devant potentiellement leur venir en aide, ainsi qu’à ses père et mère. Arrivé à la tête du PCC il y a trois ans, Xi Jinping a procédé à un implacable resserrement sur le débat politique, mais s’est en revanche montré ouvert à des évolutions sur des questions de nature plus sociale, au premier rang desquelles le planning familial mais aussi le « hukou », un passeport intérieur limitant l’accès aux services publics des ruraux migrant vers les villes qui est progressivement réformé. L’annonce d’une « politique des deux enfants », fruit déjà largement mûr, contribuera à prouver que les réformes avancent à bon train dans un contexte de ralentissement économique qui laisse champ aux voix s’interrogeant sur la capacité de l’équipe du tout-puissant Xi Jinping à moderniser la Chine. Pour le démographe Liang Zhongtang, de l’Académie des sciences sociales de Shanghaï, la réforme annoncée jeudi s’imposait au pouvoir. Malgré ce changement, M. Liang continue de soutenir qu’il n’est pas dans les prérogatives de l’Etat de Dans un village près de Shangrao, dans l’est de la Chine. QILAI SHEN/PANOS-REA fixer le nombre d’enfants auxquels le peuple a droit de donner naissance. « Ce n’est pas une question d’un ou de deux, il faut se débarrasser entièrement de la politique de planning familial. Le nombre d’enfants qu’a un couple est une décision qui lui appartient à lui, pas au gouvernement », dit M. Liang. Des effets limités En novembre 2013, un an après l’accession de M. Xi au poste de secrétaire du parti, le PCC avait annoncé ouvrir la possibilité d’avoir un deuxième enfant si un En 2050, 370 millions de personnes âgées RÉPARTITION DE LA POPULATION CHINOISE, PAR TRANCHE D’ÂGE, EN MILLIONS DE PERSONNES* 2013 1 500 Assouplissement de la politique de l’enfant unique 1979 Politique coercitive de l’enfant unique ÉVOLUTION DE LA PYRAMIDE DES ÂGES CHINOISE, À FÉCONDITÉ CONSTANTE DÉFICIT DE FEMMES 2015 Aujourd’hui Abandon de la politique de l’enfant unique Hommes Dans 35 ans Tranches d’âge 100 Femmes 90 Hommes Femmes 80 80 + 70 60 1970 Politique des « mariages tardifs, naissances peu nombreuses », incitant à se limiter à deux enfants 1 000 50 65-79 40 30 20 10 0 75 15-64 500 0 Millions de personnes TAUX DE FÉCONDITÉ, NOMBRE MOYEN D’ENFANTS PAR FEMME EN ÂGE DE PROCRÉER 6,1 75 75 0 Millions de personnes 75 POPULATION, EN MILLIONS D’HABITANTS* 1 880 6,3 Chine 544 1 304 Inde 1,5 0-14 ans 376 0 1950 1960 1970 1980 * Après 2015, projections à fécondité constante 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 1950-1955 INFOGRAPHIE : FRANCESCA FATTORI, HENRI-OLIVIER 2010-2015 - 1950 2015 2050 SOURCE : NATIONS UNIES, WORLD POPULATION PROSPECT, THE 2015 REVISION international | 3 0123 SAMEDI 31 OCTOBRE 2015 Xi Jinping en plein activisme économique Les autorités misent sur l’innovation et la consommation pour soutenir la croissance L’ambition des dirigeants est que l’économie chinoise ait doublé de volume entre 2010 et 2020 pékin - correspondance D ans les salons de l’hôtel Jingxi, tenu par l’Armée populaire de libération, les membres du comité central du Parti communiste chinois (PCC) ont planché pendant quatre jours, du lundi 26 au jeudi 29 octobre, sur la feuille de route qui guidera l’économie chinoise jusqu’en 2020. Le rendez-vous est entouré d’un certain secret, étant limité au sérail. La réunion devait d’abord confirmer la puissance qu’a su concentrer autour de lui le secrétaire général du PCC, Xi Jinping, en trois années au pouvoir. Selon la presse officielle, plus de la moitié (104 sur 205) des membres du comité central ont déjà été « promus, rétrogradés ou expulsés » depuis son accession, à l’automne 2012, lors du 18e congrès. Le PCC a ainsi entériné la décision d’exclure de ses rangs Ling Jihua, l’ancien chef de cabinet du président Hu Jintao, ainsi que neuf autres officiels. Toutefois, il semble ne pas avoir été question de la promotion de généraux proches de M. Xi au sein de la Commission militaire centrale, ce qui lui permettrait de positionner davantage de ses hommes au prochain congrès, en 2017, à mi-mandat. « La campagne anticorruption a déjà porté un coup au moral de l’armée et il ne veut plus lancer de nouvelle controverse d’ici là », estime Willy Lam, politologue à l’université chinoise de Hongkong et auteur récemment d’un livre sur Xi Jinping. seul des deux parents est lui-même enfant unique. Il s’agissait déjà là d’une ouverture, puisqu’il fallait auparavant que les deux futurs parents soient fils et fille uniques pour être autorisés à donner la vie une seconde fois. D’autres exceptions couraient de plus longue date, notamment pour les paysans ayant d’abord eu une fille et pour les ethnies minoritaires. Or les effets de la réforme de 2013 restent aujourd’hui relativement limités. Le pays a enregistré 16,8 millions de naissances en 2014, soit 470 000 de plus que l’année précédente. Les maternités n’ont pas été prises d’assaut. Selon une étude réalisée plus tôt en 2015, sur les onze millions de couples qui remplissaient le critère d’un seul parent lui-même enfant unique et pouvaient ainsi profiter de la réforme de l’automne 2013, seuls 40 % disaient en fait envisager un second enfant. C’est que les jeunes couples n’aspirent absolument pas à fonder des familles nombreuses. A Shanghaï, une étude réalisée par l’université Fudan a montré en mars que seulement 15 % des femmes de la ville la plus peuplée du pays, et aussi l’une des plus riches, seraient désireuses d’avoir deux enfants : 58 % d’entre elles citaient le poids financier comme principal motif de refus, venaient ensuite le problème des crèches pour s’occuper des enfants et le prix des logements. « L’impact démographique se fera peut-être ressentir dans dix ans, mais il ne sera pas majeur car les jeunes d’aujourd’hui ne désirent pas avoir davantage d’enfants », estime Zhang Erli, le haut officiel retraité du planning familial. p harold thibault « Il est peu probable que cette décision permette à la fécondité de remonter » Le contrôle des naissances était de plus en plus contesté, souligne la démographe Isabelle Attané Questions sur la croissance Le Global Times veut désormais inscrire l’activisme du secrétaire Xi dans le sens de l’efficacité économique, et non de la purge politique. Ce journal cite Zhang Xixian, un professeur à l’école du parti, selon lequel ces changements de personnel « ont aidé à choisir des dirigeants d’action et de bravoure, dont la Chine a besoin pour s’attaquer aux problèmes économiques et s’assurer d’un départ fort pendant le treizième plan quinquennal ». C’est que les questions sur la croissance chinoise se font entendre. Comme le faisait valoir l’agence de presse officielle, Chine Nouvelle, « La Chine entre dans une phase-clé pour échapper au piège du revenu intermédiaire ». La formule fait référence aux pays, d’Amérique latine par exemple, qui ont su s’extirper de l’extrême pauvreté sans parvenir ensuite à établir l’économie de forte valeur ajoutée des nations les plus riches. Le ministre des finances, dans un discours à l’université de Tsinghua, à Pékin, en mars, donnait à « 50-50 » les chances que la Chine stagne dans cette situation. Les dirigeants chinois ont déjà réaffirmé leur ambition de parvenir à ce que l’économie chinoise ait doublé de volume entre 2010 et 2020. Selon l’agence Bloomberg, citant des sources anonymes, le premier ministre, Li Keqiang, aurait évoqué lundi 23 octobre dans le cadre du plénum la nécessité pour parvenir à l’objectif d’une société de « modeste prospérité » de maintenir une progression annuelle de 6,5 %, même si la seule formule employée dans les communiqués officiels est « croissance économique moyenne à haute ». L’économie chinoise a progressé de 6,9 % au troisième trimestre sur un an selon les données officielles, en deçà de l’objectif fixé par Pékin pour 2015. Pékin promet pour cela de miser sur davantage d’innovation et une meilleure allocation des ressources, et de renforcer la consommation, alors que la moitié du PIB est encore drainée par l’investissement. Les détails sont attendus ultérieurement. p h. th. DORMEZ MIEUX SOULAGEZ VOTRE DOS A PRIX EXCEPTIONNELS ENTRETIEN L a mise en place en 1979 de la politique de l’enfant unique, trois ans après la mort de Mao et au moment où Deng Xiaoping lançait sa politique de réformes et d’ouverture, s’expliquait par des raisons économiques. Tout comme son abandon, près de quarante ans plus tard, dans une Chine grisonnante et en quête d’un nouveau modèle de développement qui donne une part plus importante à la consommation. Mais, pour la démographe et sinologue Isabelle Attané, de l’Institut national des études démographiques, qui publiera en janvier chez Fayard La Chine à bout de souffle, l’autorisation accordée à tous les couples d’avoir deux enfants ne devrait pas permettre d’assister à une remontée de la fécondité. Pourquoi cette politique de l’enfant unique avait-elle été mise en place ? La Chine appliquait depuis 1971 une politique de contrôle des naissances, à la fois à la campagne (trois enfants maximum) et en ville (deux enfants maximum). Elle a été très efficace en termes de baisse de la fécondité dans les années 1970, mais elle était moins stricte. Deng Xiaoping, en arrivant au pouvoir en 1978, a lancé les réformes. Et la politique de l’enfant unique mise en place un an plus tard visait à permettre de soutenir cet objectif d’accélérer le développement du pays. L’argument était donc économique. Comment a-t-elle évolué ? Finalement, cette politique de l’enfant unique n’a concerné qu’une fraction de la population. Dans les années 2000, ce n’était plus qu’un tiers, car elle ne concernait plus que les grandes villes. Dès le début, en 1979, il était possible pour les couples composés de deux enfants uniques de faire deux enfants. A la fin de l’année 2013, après le troisième plénum, cette possibilité a été élargie aux couples dont l’un des deux conjoints seulement était enfant unique. Avec l’autorisation pour tous les couples d’avoir deux enfants, on assiste à un nouvel assouplissement du contrôle des naissances. Comment expliquer cette décision de l’abandonner ? Est-ce historique ? Oui. Il faut cependant se souvenir que, lors de sa mise en œuvre en 1979, il avait été expliqué que la politique de l’enfant unique était censée ne durer que trente ans, donc qu’elle serait provisoire. A partir des années 2000, la Chine a commencé à vieillir à un rythme soutenu. La communauté des démographes chinois et d’autres secteurs de la population ont prôné l’abandon de cette politique qui n’avait plus lieu d’être pour différentes raisons. En premier lieu, parce que la Chine va se retrouver avec une structure de population qui va commencer à devenir défavorable à son économie. Entre les années 1980 et la fin des années 2000, le pays a bénéficié d’une structure démographique extrêmement favorable : la part d’actifs, en gros les adultes – nous, les démographes, considérons que c’est la population âgée de 15 à 59 ans –, était exceptionnellement élevée. Elle a atteint jusqu’à 70 % de la population totale. Mais, depuis le début des années 2008, cette part commence à diminuer. Le nombre de personnes âgées va augmenter et, en raison de la baisse de la natalité, la population adulte va diminuer. L’assouplissement de 2013 a-t-il eu un impact ? Il ne s’est pas traduit par une remontée de la natalité. Aujourd’hui, ils autorisent tous les couples à avoir deux enfants. S’ils ont pris cette décision, c’est aussi pour répondre à la contestation croissante vis-à-vis de la politique de l’enfant unique, et je ne suis pas sûr qu’elle ait un impact significatif. Il est assez peu probable que cela permette d’une part à la fécondité de remonter significativement et d’autre part de lutter contre l’élimination des petites filles. Avoir un enfant coûte cher. Il y a très peu de structures d’accueil, et quand elles existent, elles sont chères, tout comme le système de santé ou l’université… Les études supérieures coûtent très cher également. Pour les familles, c’est un budget considérable. p propos recueillis par françois bougon - SOMMIERS MATELAS ixes ou relevables - toutes dimensions TRECA - TEMPUR - DUNLOPILLO - EPEDA - SIMMONS - STEINER - BULTEX... Matelas TRECA Gamme Hôtel A partir de 530 € couchage 140x190 Existe aussi en 160x200 CANAPES - SALONS - RELAX CONVERTIBLES - CLIC-CLAC pour couchage quotidien DIVA - NICOLETTI - BUROV - SITBEST... Canapé Convertible A partir de 990 € couchage 140x190 grand choix de tissus 50 av. d’Italie 75013 PARIS 247 rue de Belleville 75019 PARIS 148 av. Malakof 75016 PARIS 262 bd du Havre 95 PIERRELAYE .2 ") .0 -2 .. -:+6;*3(;157 !3(/,;/% %7 <3(7&% $ #?/(;91 1,3 85'%&54&58