The Good Life - France USA Media
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the GOOD wOrLD the GOOD wOrLD THE GOOD Tv THE GOOD Tv HBO chronique d’une chaîne subversive Connue pour ses séries de qualité, la chaîne américaine à péage a révolutionné le paysage audiovisuel des Etats-Unis. Récit d’une réussite exceptionnelle. 4 5 Par Guillaume Serina 116 7 8 vateur qui a fait signer à tous les élus républicains du Congrès la promesse de ne jamais augmenter les impôts, quelles que soient les circonstances. Et se lâche contre ceux qui justifient l’acquittement de George Zimmerman, le meurtrier du jeune Trayvon Martin en Floride. « Obama a fait une visite surprise à la conférence de presse de son porte-parole à la Maison Blanche. Un Noir qui arrive dans une salle par surprise ! Heureusement que ce n’était pas en Floride ! » lâche-t-il dans son monologue d’ouverture. sur HBO. Et ses téléspectateurs sont connus pour être exigeants sur la qualité et pour leur niveau d’éducation », reprend Michael O’Connell. Robert ompson. Si, sur les 16 programmes proposés par HBO, deux seulement vous intéressent, la chance pour que vous vous abonniez est quand même grande. » HBO l’a bien compris, étant arrivée sur le marché du câble bien avant ceux qui apparaissent aujourd’hui comme des dinosaures : ESPN (sport, 1979), CNN (info, 1980) et MTv (musique, 1981). Finalement, peu importe l’audimat ; pour HBO, ce qui compte, c’est le nombre d’abonnés. D’où cette grande liberté. Au-delà de la simple réussite d’un modèle économique audacieux, HBO se mue en révolutionnaire à la fin des années 80. « La percée date de 1988, avec la diffusion du mockumentary “Tanner ’88” », relate Robert ompson. Réalisé par Robert Altman, ce faux documentaire suit les traces d’un candidat à la présidence au cours des élections primaires. « C’est à ce moment-là que les professionnels de la télévision se sont aperçus de ce qu’il était possible de faire. » A la même époque, « Hill Street Blues » cartonne sur la chaîne hertzienne NBC. Les dirigeants de HBO s’en inspirent pour faire de la télévision autrement, « de la télévision sophistiquée », comme le résume le professeur ompson. La chaîne surfe alors aussi sur la relative faiblesse d’Hollywood. Tout au long des années 90, HBO s’impose, avec Showtime, son concurrent le plus direct, comme un acteur principal du paysage audiovisuel américain. Une Liberté de ton « Sur HBO, quelqu’un comme Bill Maher peut s’exprimer librement, car il n’est pas soumis à la réglementation classique de la Federal Communications Commission, explique Michael O’Connell, journaliste au Hollywood Reporter. Surtout, il n’est pas placé sous la surveillance des annonceurs qui pourraient prendre ombrage de ses commentaires. » Et pour cause, il n’y a pas de publicité sur HBO. Un business-model qui permet donc une grande liberté de ton, y compris dans les séries télévisées. Dans « Entourage », qui a duré huit saisons (2004-2011), on ne comptait plus les scènes dénudées et les gros mots prononcés par les héros, un groupe de jeunes New-Yorkais du Queens amis d’une star montante d’Hollywood. Une critique grinçante du monde de l’entertainment industry. « Il y a une plus grande tolérance 2 3 PHOTOS : EMMANUELLE CHOUSSY – DR La salle est chauffée à blanc. La centaine de personnes massées dans un studio de CBS, sur Beverly Boulevard, à Los Angeles, n’attend que lui. Lui, c’est Bill Maher. Cet acteur de 57 ans qui a commencé dans le one-man show – et qui continue d’en faire régulièrement –, est devenu l’un des hommes les plus influents d’Hollywood… et de Washington. « Real Time with Bill Maher », en direct tous les vendredis soir, est un talk-show à la fois humoristique et politique. Ce libertarien affiché, procannabis et antiguerre, qui ne cache pas avoir contribué pour un million de dollars à la dernière campagne de Barack Obama, reçoit des stars et des élus de tous poils. Ensemble, ils décryptent l’actualité de la semaine. Façon très corrosive et très directe. A côté, Jon Stewart, de « Comedy Central », passe pour un enfant de chœur. Cette liberté de ton, Maher ne peut la trouver que sur Home Box Office (HBO). Sa précédente émission, « Politically Incorrect », était diffusée sur ABC, l’une des quatre grandes chaînes hertziennes dont il a été viré avec pertes et fracas avant de trouver refuge sur HBO où il est libre de faire ce qu’il veut. Selon Janice, une Afro-Américaine de 45 ans, originaire de l’Ohio et vivant à Los Angeles depuis vingt ans : « Le show est vraiment super bien écrit et, oui, je suis encore surprise de ce qu’il ose dire. » En cette soirée de fin juillet, Bill Maher passe sur le grill Grover Norquist, un ultraconser- 1 Des programmes diversifiés Ce business-model est la clé pour comprendre l’histoire, le présent et sans doute l’avenir de HBO. Lorsque Home Box Office a été fondée en 1972 par Charles Dolan, le câble était quasiment inexistant aux Etats-Unis. « En 1980, seuls 23 % des Américains avaient un abonnement au câble, se souvient Robert ompson, professeur de culture populaire et spécialiste de la télévision et du cinéma à l’université de Syracuse (Etat de New York). A la même époque, les gens buvaient de l’eau gratuitement, au robinet. Jamais ils n’auraient pensé acheter de l’eau en bouteille. Pareil pour la télévision. » Le parallèle est audacieux, mais il est explicite. Pourquoi les téléspectateurs, qui consommaient gratuitement quelques chaînes de télévision, allaient-ils payer pour en recevoir d’autres ? Et pourquoi paieraient-ils encore plus cher pour un abonnement à une chaîne premium comme HBO ? La réponse réside dans la programmation. Dans les années 80, HBO commence par proposer des sports ciblés, très peu diffusés par ailleurs : la boxe fut un produit d’appel. Puis les films très récents. La diversification des programmes a fait le reste. « Le pari était le suivant, explique 6 Les 7 plus grandes séries produites et diffusées par HBO «Oz» (1997). «Sex and the City» (1998). «Les Soprano» (1999). «Six Feet Under» (2001). «The Wire» (2002). «Entourage» (2004). «Game of Thrones» (2011). HBO en chiffres • HBO est une filiale du groupe Time Warner. • 29 millions d’abonnés. • Diffusion des programmes dans 151 pays. • Chiffre d’affaires : 3,6 milliards de dollars (1er trimestre 2013). • Plusieurs subdivisions parmi lesquelles : HBO Comedy, HBO Family, HBO Zone, HBO Latino. Et des bureaux de production internes comme HBO Films et HBO Documentaries. • Nominations aux Primetime Emmy Awards 2013 : 108. 1. LES BUREAUX DE HBO À SANTA MONICA, LOS ANGELES. 2. L’AFFICHE DE L’ÉMISSION « REAL TIME WITH BILL MAHER ». 3. « ENTOURAGE », CRITIQUE GRINÇANTE DE L’ENTERTAINMENT INDUSTRY. 4. « SEX AND THE CITY », LA SÉRIE CRUE QUI A CHANGÉ LA DONNE. 5. « GAME OF THRONES », UNE PRODUCTION PHARAONIQUE. 6. « LES SOPRANO », ÉLUE MEILLEURE SÉRIE DE TOUS LES TEMPS. 7. « OZ » OU LA CRITIQUE DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE AMÉRICAIN. 8. L’AMBITIEUSE ET INNOVANTE SÉRIE « THE WIRE ». 117 the GOOD wOrLD THE GOOD Tv La polémique « Luck » 2 étape de renforcement des fondations. Avant un décollage spectaculaire, tant en termes de créativité que d’influence, à la fin de la décennie. La série « Sex and the City » marque un tournant, car les quatre New-Yorkaises accro au shopping parlent surtout de sexe. Crûment. « C’est à ce moment-là que HBO est apparue comme étant à la mode », analyse Michael O’Connell. « C’était très différent de ce que l’on voyait par ailleurs, renchérit Robert ompson. C’était un peu comme “Friends”, mais avec la thématique du sexe en plus. Cette série a encouragé les scénaristes et les créateurs de séries à bouleverser le jeu et leur façon de travailler. » C’était en 1998. Mais c’était presque rien comparé au choc de 1999 : Tony Soprano. « Le » tournant, selon les observateurs. La Screen Writers Guild – le syndicat de scénaristes – a d’ailleurs élu « Les Soprano » meilleure série de tous les temps en début d’année. Tournée entre 1999 et 2007, elle a révolutionné la télévision d’aujourd’hui. « C’est la première série diffusée sur le câble à recevoir l’Emmy Award de la meilleure série dramatique, confirme Michael O’Connell. A partir de là, plus personne dans le milieu ne pensait “télé hertzienne, télé câblée”. Cela a changé l’industrie. » Désormais, le schéma de 13 épisodes par saison, au lieu des 22 standard, bouleverse l’écriture même des séries. Des chaînes câblées classiques, comme AMC (qui diffuse « Mad Men » et « Breaking Bad ») ou FX (« American Horror Story » et « Damages ») ont commencé à prendre exemple sur le modèle des « Soprano » et de HBO. Résultat : la qualité des séries est montée d’un cran. voire de deux si l’on considère les productions pharaoniques (100 millions de dollars pour « Game of rones » lancée en 2011 – dont chaque épisode rapporterait 2,5 millions de dollars à l’international). 1. « SIX FEET UNDER », SÉRIE MÉTAPHYSIQUE ET ROMANESQUE. 118 2. « LUCK », ANNULÉE PAR HBO APRÈS NEUF ÉPISODES. Comme au cinéma Les séries ne sont pas les seules concernées par ce changement de donne. Les téléfilms également. Aujourd’hui, HBO produit et diffuse des films qui auraient jadis trouvé leur place au cinéma. Et les stars accourent. Phil Spector, film sur la vie du producteur de musique aujourd’hui incarcéré pour meurtre, avait cette année une distribution emmenée par Al Pacino et Helen Mirren. Quant au dernier Steven Soderbergh, Behind the Candelabra, avec Michael Douglas et Matt Damon, il était en compétition au Festival de Cannes. S’il sera visible sur les grands écrans en Europe, il a été diffusé en exclusivité sur HBO. Qui avait coproduit le film. Aucun grand distributeur américain ne s’est aventuré à acheter les droits pour un film dont le héros est un pianiste star gay et mort du sida dans les années 80. Ce qui est révélateur à la fois de la frilosité des grands studios hollywoodiens et du rôle que la chaîne a réussi à endosser. De nos jours, la créativité est définitivement du côté de la télévision et HBO a opéré ce changement. « HBO a été le catalyseur de cette créativité, estime Michael O’Connell. Lorsque vous parlez aux grands acteurs aujourd’hui, ils sont tous très excités à l’idée de travailler pour HBO. » Et Robert ompson d’ajouter : « C’est devenu le standard révéré. » Evidemment, un tel succès, à la fois économique et critique, attise la concurrence. Showtime tient la dragée haute, avec des séries comme « Dexter » et « Californication ». Les chaînes classiques du câble, on l’a vu, ne sont plus en reste. Alors, quid de l’avenir ? Le businessmodel de HBO peut-il continuer à fonctionner de la sorte pendant longtemps ? Le professeur ompson ne se risque pas au-delà de cinq ans, tant l’industrie est en plein bouleversement. « Je suis très confiant pour HBO. Mais l’arrivée de Netflix sur le marché change tout de même les choses. » Notamment avec la possibilité de télécharger et donc de regarder tous les épisodes d’une saison en une fois pour les séries produites par Netflix, comme « House of Cards », avec Kevin Spacey, et « Arrested Development », avec Jason Bateman, en 2013. D’ailleurs, Netflix vient de dépasser HBO en nombre d’abonnés. Un tournant ? « Il est clair qu’avec cette nouvelle concurrence, plus celle d’iTunes et d’Apple TV, le téléspectateur a de plus en plus de possibilités », relève Michael O’Connell. Mais tant que le nombre d’abonnés progresse de trimestre en trimestre, ce qui est le cas, « le modèle fonctionne ». Les dirigeants de HBO parient maintenant sur l’offre mobile avec HBO Go. L’audiovisuel connaît sa révolution technologique. HBO conservera-t-elle un coup d’avance ? n PHOTOS : DR 1 Sur le papier, la série « Luck », lancée en 2011, avait tout pour cartonner. Des stars oscarisées (Dustin Hoffman, Nick Nolte), un scénario ambitieux autour du monde mystérieux et controversé des courses de chevaux, un cadre de rêve avec les montagnes et les palmiers de Californie du Sud et un hippodrome historique, Santa Anita. Seulement voilà, HBO s’est retrouvée au cœur d’une polémique : plusieurs chevaux sont morts sur le tournage, comme l’ont révélé des associations relayées par la presse. La saison 2, d’abord confirmée et en cours de tournage, a été purement et simplement annulée par HBO. Un procès contre la chaîne est toujours envisagé. L’épisode est calamiteux pour l’image de la chaîne.