2® SEANCE DU 48- AVRIL 1951 Mme Renée Reyraud. Je parle en

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2® SEANCE DU 48- AVRIL 1951 Mme Renée Reyraud. Je parle en
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ASSEMBLEE' NATIONALE
— 2® SEANCE
Mme Renée Reyraud. Je parle en ce m o m e n t de l'occupation
de la France par les troupes américaines.
M. Félix Kir. Si je défends les Américains, je ne suis pas pour
cela l ' e n n e m i des Russes.
Mme Renée Reyraud. Je vous prie de ne plus m ' i n i e r r o m p r e ,
m o n s i e u r le chanoine.
M. Félix Kir. Je tenais à rétablir les faits. Il ne faut pas les
méconnaître.
Mme Renée Reyraud. La sensibilité des populations à toute
atteinte à noire indépendance nationale est toujours plue grande
et s'exprime sous différentes formes, n o t a m m e n t par l'isolem e n t dans lequel elle tient les troup^g d'occupation.
Je ne vous citerai q u ' u n seul exemple, qui est significatif. A
Bazas, c o m m u n e située près du camp du Poteau, les Américains, après avoir été chassés à deux ou trois reprises des salles
de danse où ils se présentaient, par la jeunesse de la localité,
organisèrent u n bai à grand renfort de publicité. Pas une seule
j e u n e fille, pas u n seul Français ne se présenta à ce bal.
Nos populations n ' a d m e t t e n t pas cette nouvelle occupation.
Elles n ' a d m e t t e n t pas ce stockage de munitions.
Leur opinion est ainsi r é s u m é e par le journaliste suisse
Fred Simpson, correspondant du journal Der Bund, de B e r n e :
« Qu'elles servent à u n e attaque américaine contre les Russes
ou dans l'éventualité d ' u n e agression soviétique, à la défense
de l'Occident, les munitions emmagasinées au Poteau ne n o u s
disent rien de bon. »
C'est bien pour préparer la guerre contre l'Union soviétique
que ces m u n i t i o n s sont stockées, m e t t a n t en péril la vie de
nos populations, et elles le c o m p r e n n e n t m i e u x chaque jour.
Avez-vous pensé à l'émotion des m a m a n s p r e n a n t connaissance des déclarations des dirigeants américains sur les possibilités de dépôt de b o m b e s atomiques en Europe ? Pourquoi
pas au Poteau, à Saint-Sulpice, à la Rochelle ?
Un commentateur de la radio américaine. Drew Pearson, a
annoncé il y a quelques mois que des b o m b e s atomiques
avaient ét3 envoyées en Europe et en Asie, prêtes à être utilisées sur simple ordie.
L'agence Associated
Press annonce, et confirme dans u n
deuxième c o m m u n i q u é , l'intention de l ' é t a t - m a j o r américain
d'installer près de Nîmes u n e base atomique géante et u n
dépôt de munitions. Songez au danger que constitue la présence de ces m u n i t i o n s et à l'angoisse des m a m a n s qui tremb l e n t pour la vie de leurs petits !
Vous devez comprendre combien est forte leur volonlé de
voir les Américains, qui apportent la mort sur notre sol,
r e t o u r n e r dans leur pays.
Les f e m m e s n e veulent pas de ce n o u v e a u danger, elles ne
veulent pas de cette nouvelle occupation, elles ne veulent
p a s de la guerre. 163 f e m m e s de la Gironde étaient présentes
lé U m a r s à l'assemblée nationale de Germevilliers, où 40.000
{flemmes de France sont venues r é c l a m e r le d é s a r m e m e n t
général pour sauver la paix.
La radio de M. Gazier a pu faire le silence sur cette grandiose manifestation. Les j o u r n a u x à la solde des dirigeants américains ont p u , en « j o u r n a u x bien informés », ignorer ce
grand r a s s e m b l e m e n t . Il n ' e n demeure pas moins que 40.000
f e m m e s , v e n a n t de tous les coins de France, ont crié à Gennevilliers leur volonté de défendre la vie de leurs enfants et la
paix, et vous devez en tenir compte.
Les f e m m e s dans leur usine, les m é n a g è r e s dans lejur quartier, les p a y s a n n e s dans leur village, se sont r é u n i e s , o n t élu
des déléguées, ou collecté dans chaque famille, auprès de
chaque camarade de travail, l'argent nécessaire au déplacem e n t de ces déléguées.
Songez - aux sacrifices des ouvrières, des ménagères pour
prélever une somme, aussi modique soit-elle, sur le b u d g e t
déjà si insuffisant pour assurer la vie de la famille. Mais elles
savaient que ce sacrifice était nécessaire pour lutter contre la
g u e r r e que vous préparez.
La volonté de paix des f e m m e s de France est si grande
qu'elles ont r é u n i en trois semaines les millions nécessaires à
ce g i a n d r a s s e m b l e m e n t , malgré les difficultés de plus en plus
grandes que crée votre politique dans les masses laborieuses.
Les 40.000 déléguées de Gennevilliers avaient le droit de dire
(qu'elles représentaient les f e m m e s de notre pays, car c'est
par centaines de milliers, par millions, qu'elles ont participé à.
la préparation de cette journée historique, et cela aussi, vous
devez le savoir.
C'est ainsi qu'ont été déléguées des f e m m e s de nos courageux dockers qui refusent de décharger le matériel de guerre,
des m a m a n s d'enfants f r é q u e n t a n t l'école Alphonse-Dupeux, de
DU 48- AVRIL
1951
Bordeaux, dont deux classes ont été mises à la disposition des
troupes d'occupation, pour leurs enfants, alors que n u l n ' i g n o r e
le drame du m a n q u e de locaux scolairep pour ies écoliers
français.
Ouvrières, ménagères, paysannes, elles sont venues à Gennevilliers dire l'angoisse des mères, leur volonté dé faire échec
aux préparatifs de guerre qui se concrétisent, à leurs y e u x ,
par la présence des Américains dans nos régions et par le
stockage du matériel de guerre.
Les Américains se conduisent comme en pays conquis. Les
lois françaises n'existent pas pour eux. Ils ignorent le code
français de la route. 11 n ' y a plus de sécurité pour les piétons,
les cyclistes, les automobilistes. Les voitures américaines roul e n t la nuit à vive allure, à pleins phares, m u n i e s d ' a m p o u l e s
blanches,- aveuglant ceux qui les croisent, dans le plus profond
mépris des règles de sécurité.
Ces. accidents sont, n o m b r e u x et leurs a ù t e u r s n ' e n ont cure.
I.e 9 mars, à Blaye, u n e vieille f e m m e est écrasée contre u n
m u r par u n camion américain. Le chauffeur continue sa r o u t e .
Que lui importe la vie d ' u n e f e m m e . Son seul souci, c'est
de vérifier à quelques kilomètres de l'accident si son camion
n ' a pas trop souffert.
La justice française, qui manifeste tant de zèle lorsqu'il
s'agit de poursuivre et de condamner les partisans de la paix,
laisse en paix les a u t e u r s d'accidents, coupables par surcroît
du délit cle fuite.
Cependant, à Bazas, u n e laitière dont le camion avait été
f o r t e m e n t e n d o m m a g é par u n chauffard américain qui, c o m m ç
à l ' h a b i t u d e , avait continué sa route, aï porté plainte avec
l ' a p p u i de toute la population et obtenu la traduction du coupable devant le tribunal correctionnel, qui ie condamna.
Les accidents provoqués par les troupes d'occupation, l e s
attentats auxquels se livrent les soldats américains, souvent e n
état d'ivresse, doivent être châtiés comme ils le méritent. Les
coupables doivent être traduits devant les t r i b u n a u x français.
Le préfet, loin de p r e n d r e des m e s u r e s pour la sécurité de
la population, a pris, ' l e 31 janvier 1951, en zélé serviteur
des maîtres de Washington, u n arrêté instituant e n Gironde
u n régime, spécial d'exception pour ces cainps militaires américains, qui sont déclarés zone interdite, avec interdiction cle la
circulation et du stationnement pour les véhicules et les piétons
dans u n r a y o n d ' u n kilomètre, et m u n i s de miradors.
Même interdiction sur u n e portion de la route nationale n° 132.
A quelques kilomètres de Bordeaux, en b o r d u r e de la voie
ferrée Paris-Bordeaux, le voyageur peut voir u n vaste terrain
entouré de fils de fer barbelé, sur lequel veillent deux miradors.
C'est le camp américain de Saint-Sulpice et Cameyrac, d'où ont
été expulsés des paysans. Ce camp a pris depuis samedi u n e
nouvelle physionomie, avec la présence de camions américains,
de jeeps, d'extincteurs d'incendie.
Sur ce camp, des pancartes ont été fixées portant la mention*
« Camp militaire », avec les couleurs françaises.
Vous voulez encore tromper les h a b i t a n t s . Ce camp n'est pas
u n camp militaire français, c'est un, camj) militaire américain.
Mais vous n'ignorez pas l'indignation de la population en face
de cette occupation qu'elle n ' a d m e t pas et vous cherchez par,
tous les m o y e n s à la camoufler.
Vous n ' y " r é u s s i r e z pas. Les Français savent que les Américains occupent notre pays pour préparer la guerre, et ils se
dressent avec t o u j o u r s plus de force contre l'occupation et
contre la guerre.
Vous avez peur du peuple, qui veut la paix. Les Américains,
non plus, ne sont pas tranquilles. C'est encore Sud-Ouest
dimanche qui n o u s fait connaître la désaffectation prochaine d e s
a p p o n t e m e n t s du Marquis, situés à quelques kilomètres de Bordeaux et la mise en état du port de Blayei, loin de toute agglomération importante, pour m i e u x camoufler leurs débarquements, comme ils ont d'ailleurs essayé de le faire en d é b a r q u a n t
de nuit, à la Pallice, u n bateau d é g r o u p é s américaines.
Ce j o u r n a l rappelle les importants travaux de dragage effectués avant le 28 novembre 1950, date d'arrivée du premier.
Victory ship, et continue a i n s i :
« C'est ainsi que le port de Blaye que l ' e n s a b l e m e n t r e n d a i t
b r u s q u e m e n t inutilisable a été, en l'espace d'une semaine, r e m i s
en état de recèvoir des transports américains. De n o u v e a u x
travaux ont été effectués plus r é c e m m e n t et Blàye pourra être,
dans u n avenir très prochain, la principale basé de débarquem e n t de matériel américain. » On est beaucoup plus pressé de
r e p a r e r le port de Blaye, p o u r le mettre; à la disposition des
troupes américaines que de faire des réparations dans les p o r t s
français pour les. utiliser, à des fins commerciales.

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