1999_12_16_Opération`Mani pulite`au Tribunal de Bonneville

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1999_12_16_Opération`Mani pulite`au Tribunal de Bonneville
N° 49 -Jeudi
16Dé(~mbre
1999 •
Application des accords européens: 'à la demande des juges r01nains, la magistrature bonnevilloise interroge un Italien de Haute-Savoie
i1npliqué dans le financement occulte d'un parti politique transalpin
Opération« Mani pulite »au·tribunal de Bonneville Patrick-Alain Berfoni
·
1
L FUT UN TEMPS où Rome
. ·· 'n'était plus entièrement
, " dans Rome. Vendredi
après-midi 1'0. décembre"le
tribunal correctionnel de
\ Bonneville n'était plus tout à
fait le tribunal correctionnel
de Bonneville; Sur commission rogatoire internationa­
le de son homologue romai­
ne, la juridic,tion bon­
nevilloise a consacré une
audience spéciale à l'interro­
gatoire d'un Italien de Hau­
te-Savoie impliqué dans le
financement o'c culte d'un
parti politique de la Pénin­
sule. Quatre heures durant, .
en présence de deux magis­
trats,et de deux avocats trans­
alpins, le prévenu a répondu
aux questions du juge Franck
Guesdon et du procureur de
la République Bruno Char­
ve. Le tout en application des
accords de Schengen, con­
clus en 1985, et de la
Convention européenne
d'entraide judiciaire en
matière pénale, signée dès
1959.
blique à Milan, instigateur de
l'opération nationale Mani
plûite (Mains propres). Cou­ rant 1993, ce permanent poli­ tique dénonce au magistrat mil<!uais le financement
occulte du Parti. socialiste
démocratique italien (PSDI)"
membre d'un gouvernement
où se coalisent alors démo-,
crates-chrétiens, socialistes,
républicains, sociaux-démo­
crates et libéraux. L'enquê­
te qui s'ensuit provoque la
disgrâce d'une kyrielle d'en­
trepreneurs et de'politiciens.
. Parmi lesquels Gianni l?ran­
dini, ministre démo-chrétien
des Travaux publics. Disgrâ- •
ce, aussi, du dénonciateur.
i( Pour moi, il était devenu
impossible de vivre et travailler
en Italie », raconte Roberto
à la barre du tribunal de Bon­
[avocat napolitain Gaetano Balice, d~renseur d'un ex-député
A l'audience, le procureur de la République Bruno Charve
neville. B~nni du PSDI, incul­
[en photo: à gauchel,et son confrère romain Claudio Cano"i,
s'est fait l'interprète des magistrats du tribunal de Rome, assis en retrqJI.
pé et écroué pour sa partici­
(Photo d'archives)
co~seil d'un ancien ministre des TI'avaux publics,
pation à la collecte d'e
dait
à
la
juridiction
françai­
capitaux sales, il reçoit des
menaces par téléphone et se - à laquelle ressortit le . d'entreprises de travaux
nouveau domicile du préve­ publics susceptibles d' « aider
courrier. Sitôt remis en liber­
té, il se trouve «contraint de nu à Saint-Gervais-les­ , le Parti», Roberto est allé les
venir Il dans l'Hexagone. La Bains- d'interroger Rober­ lui remettre en main propre,
Haute-Savoie lui offr~ « lei to Buzio sur son rôle de au ministère, piazza dell'
Nep 1us vivre
Popolo . Brève rencontre: «Je
possibilité de reconstruire [sa] receveur des sommes.
et travaille-;,. au pays
'vie avec [sa] compagne». Une 1
. c------;:- .~ _
-- lui ai parlé deux sec01ides. Il a
' l ' . Fll 1
~. A '
P ,
Le nouvel hotehel-restau- pris la liste, Il m'a dit "Merci".
«Je considérais qu i n étaU 1 e eU1r9~~t~~ nn~cy. Inn- rateur saint-gervolain s'est ' Et je suis sorti ». Un autre jour
pas nat!4 rd de.se~.a:ire sur des t~IllPs, _.. ,1 pr-ei~ ~l oca- 1 présenté à la barre sans avo­
- « du temps a passé» ,
fàitsqui étaient généralisés et t1on-gera~ceSu.n l O e -r:s- i cat. Antonio Cariglia, ancien
qU,elques semaines ou
,
..
àla,col1naissancedetous».Et taurant a amt- GerVaIS-!'
niais > / - , le secrétaire Cari-.
. Ch
b
t secrétaIre polmque du PSDI,
. lB' s
Roberto Buzio, 51 ans
es- faml " sedPt d am reste , s'est déplacé en observateur
glia l'a.urait envoyé rencon­
aujourd'hui, a parlé. Pas à une ou tltu e e couver s. ·
,d
trer Antonio Crespo, ( une
1 ' t h ' ; et coprévenu,
e Me
, D' D
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n 'ünporte qui: à Antomo l
epUIS , 1 ( passe lut eures G
B l' flanque
db'­
s~ule fois», « un matin, cinq
, dl'
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aetano a lce, u aneau
Pietro, procureur e a Répu- par}our,~,:! CutSl1~_=-~_._ ~co~.:::1 de Na les. Il souhaite, «éven­
mil1utes ». Le directeur natio­
--- - -----------nalSsafil : «je remerCIe La
p
"
'
En application des accords européens d'entl~aide judiciaire, F
d"
. d tuellement », pOUVOIr « preCl- nal des Rou tes. lui aurait
r.~ance e m ~lvolr permIS e sel' les choses ». L'ex-ministre
le tlibunal de Bonneville a eu cl connaftre d'un dossier adressé des repl:oches: « Cres­
jatrecetraVal».
bl ' G'
,
ouvert par l'ancien procureur de Milan Antonio Di Pietro, po m'a dit que les entreprises
des Travaux pu lCS lanm
atyourd'hui sénateur [photo incrustée) . Pendant que Roberto Prandini" démo-chrétien, et
que le Parti avait signalées, que
Buzio, expert-comptable de le fonctionnaire Antonio . moi j'avais sigl1aléeS, l1'allaient
formation, s'acclimate aux .Crespo, qui régnait sur la
pas». Elles auraient manqué
fourneaux en deçà des Alpés, Régie nationale des rou tes
de «caractéristiques». En
les investigations judiciaires (ANaS), ont dépêché à l'au­
contrepartie, le haut fonc­
progressent . au-delà.L~s dience Me Claudio Cahovi,
tionnaire de l'ANaS lui aurait
magistrats du pool Mani pulf- de Rome. En l'absence de ses
gliSSé les noms ( de trois per­
te découvrent qùe le PSDI, clients, le code français de sonnes physiques», entrepre­
une fois installé au gouver- procédure pénale ne l'auto­
neurs de leur état. Roberto
nement avec ses alliés de la risera pas à intervenir. Le pré­
les aurait communiqués au
Démocratie chrétienne, a sident delajuridiction romai­
secrétaire social-démocrate
obhgé une demi-douzaine de ne et un représentant du
Cariglii. Qui l'aùrait chargé
chers d'entreprise à lui ver- parquet siègent, silencieux,
de contacter chacun des i
ser 850 millions de lires (près en léger retrait de Bruno --"m 'é cènes pressentis. Un troi­
de 2,9 millions de francs Charve, procureur de la
sième jour, enfü~, l'un d'eux
actuels). Faute de s'exécuter, République , Le magistrat
serait venu « directement }} au
les entrepreneurs risquaient bonnevillois relaie leurs
siège du PSDI, annonçant
de se voir interdire l'accès à questions. Le juge d'instruc­
sans autre forme depolites,­
des chantiers mis en œùvre tion Franck Guesdon prési­
se: «Je suis FerrerO et je dois
par l'Azienda nazionale delle de les débats, tenus en italien
donner ça au Parti. ». Ce j our­
strade (ANaS, Régie na~iona- mais transcrits en français sur
là, par la grâce de ce Ferrero
le des routes), dépendante de procès-verbal. Une interprè­
poches d'or, les sociaux­
Gianni Prandini, ministre - - .
démocratès italiens, qui accu­
te facilite les échanges.
démo-chrétien des Travaux
saient ( 12 milliards de dettes
Roberto Buzio entend assu­
publics. A l'issue de l'enquê- mer ses « responsabilitéS», et
bancaires», auraient hérïté
te, quatré hommes sont rend'une enveloppe contenant
elles seules. Désigné pour
voyés devant la Xe chambre
d'
100 millions de lires. Au pas­
organiser « les gran es mamLe dossier transmis par le~ magistrats romains à leurs homologues bonncvillois pénale du tribunal de Rome:
d
'
sage, Roberto Buzio a-t-il pro­
festations»
es SO~lam~concel'l1e le financement occulte d'un parti politique fondé le ministre Prandini ; Anto- démocrates péninsulaues, 11
fité de quelque retombée, à
par l'ancien présidwt de la République Giuseppe Samgat [photo incrustée ] nio Crespo, directeur géné- n'avait « nJ le pouvoir defaire
titre pàsonnel ? Lui, catégo­
Le 16,iuillet 1965, flanqu é de SOIl homologue français Charles de Gaulle. raI de l'ANaS; Antonio Cari­
rique: (Je n'ai jamais eu de
ee chef d'Etat italien avait inauguré le tunnel routier sous le Mont-Blallc ni
[celui)
de
décider
>l, Un jour, ­
glia, député et secrétaire
bél1éfice, Il n'y a qu'à voir mon
,
(Clichés "archives, Le Faucigll)' ,,')
politique du PSDI; le per- «peut-êtreen199111',le~ecré~
patrimoine et ce que je fais
manent Buzio, collecteur des taire politique Cangha lm
aujourd'hui». Puis, magistral:
fonds secrets. Le procès s'est aurait demandé de trouver,
.( Il faut travailler pour le Parouvert il y a deux ans. Il puis de «donner ~I au ~inistre
ti, pas pour soi-même». La
et allié Prandini trOIS noms
devrait s'achever l'an proleçon lui a été enseignée par
chain . Cité à comparaître Giuseppe Saragat, fondateur
' pour ( complicité de trafic
du PSDI en 1947, président
d'influence Il, Roberto s'es,t
de la République italienne de
refusé à regagner l'Italie, crai­
. 1964 à 71 . Le Piémontais
gnant de s'exposer à des
., Buzi(), "carté" à l'âge de 18
représailles. Début septembre
ans, sera son secrétaire pen­
dernier, la magistrature
dant dix-huit ans. « Simple­
romaine, appliquant les
•
ment ».
accords d'assistance euro­ péens, adressait donc une commission rogatoire inter,
... FAUCIGNY.
'- - - - - - ­
nationale à son homologue ~~___.___ _ __ ~e_Bonnevil1e. Elle deman- --",- -,,- .,,-----.. -------..- ------ --- .
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