Nature du lexique émotionnel produit en situation d

Transcription

Nature du lexique émotionnel produit en situation d
Canadian Journal of Experimental Psychology / Revue canadienne de psychologie expérimentale
2014, Vol. 68, No. 3, 166 –178
© 2014 Canadian Psychological Association
1196-1961/14/$12.00 http://dx.doi.org/10.1037/cep0000019
Nature du lexique émotionnel produit en situation d’appréciation et de rejet
de dessins d’humour noir et d’humour non noir
Marlène Aillaud et Annie Piolat
Université Aix-Marseille
L’objectif de cette étude est de montrer que le traitement de situations d’humour noir appréciées et
rejetées provoque des réactions émotionnelles différentes de celles provoquées par des situations
humoristiques plus standards. Aussi, après avoir évalué le degré d’incongruité, de surprise, de clarté et
de drôlerie de 18 dessins soit d’humour noir, soit d’humour non noir, 283 étudiants ont choisi le dessin
qu’ils avaient le plus apprécié et celui qu’ils avaient le moins apprécié. Ils ont justifié par écrit ces choix
en décrivant leur ressenti émotionnel. Les résultats mettent en évidence une singularisation de l’humour
noir concernant les émotions associées à l’appréciation et au rejet de dessins humoristiques. Les
participants exploitent plus de lexiques émotionnels pour décrire leur ressenti face à un dessin d’humour
noir que face à un dessin d’humour non noir. Pour les deux types d’humour et pour les dessins appréciés
et non appréciés, les participants utilisent le lexique émotionnel de valence positive et négative, car leur
ressenti émotionnel est complexe et ambivalent. Ces résultats sont expliqués avec la théorie de
l’évaluation cognitive de l’émotion (Sander & Scherer, 2009) qui implique une évaluation via des normes
sociales et qui permet de comprendre que le contenu transgressif de l’humour noir provoque proportionnellement plus d’émotions de valence négative.
Mots-clés : humour noir, lexique émotionnel, valence positive, valence négative, ecriture.
incite des participants, à qui on a présenté soit des dessins d’humour
noir, soit des dessins d’humour plus standard à expliciter par écrit ce
que ces dessins provoquent chez eux comme ressentis émotionnels.
Inviter les participants à verbaliser leurs émotions à propos d’un
dessin qu’ils apprécient et d’un dessin qu’ils rejettent est une technique de recueil de données novatrice, car elle n’a pas été exploitée
par les recherches du domaine, alors qu’elle devrait permettre de
mieux cerner l’éventail des émotions ressenties. Pour atteindre ce but,
nous poursuivons dans cette étude les objectifs décrits ci-après.
Le terme « humoristique » est généralement employé pour
qualifier des situations qui font rire ou sourire et qui provoquent
donc des émotions positives. Force est de constater que selon la
nature du contenu véhiculé, une blague, un dessin ou une vidéo
peut faire rire ou pas et être plus ou moins appréciée. En effet,
l’humour qualifié de noir a la particularité de mettre en scène des
thématiques transgressives. Il fait rire certaines personnes et en
choque d’autres. Cette recherche a comme but majeur de déterminer la nature des émotions provoquées par des situations
d’humour noir et d’humour plus standard. Nous ne disposons pas,
en effet, de suffisamment d’informations sur la nature de réactions
émotionnelles positives, mais aussi négatives, lorsque le contenu
des situations contrevient aux normes sociales, aux croyances. Les
travaux sur l’humour hors norme tels que l’humour agressif
(Herzog, Harris, Kropscott & Fuller, 2006; McCauley, Woods,
Coolidge & Kulick, 1983; Saroglou, Lacour & Demeure, 2010), ou
encore l’humour malsain (Herzog & Bush, 1994; Herzog &
Karafa, 1998; Saroglou & Anciaux, 2004) ont eu comme objectif
essentiel d’en évaluer l’appréciation ou le rejet. Selon nous, ces
travaux n’ont pas permis de suffisamment cerner la variabilité des
émotions associées au fait d’aimer ou d’éprouver du rejet à l’égard
de certains contenus humoristiques. Aussi, la présente recherche
L’humour provoque-t-il seulement des
émotions positives ?
Selon le modèle cognitif de Suls (1972), l’effet comique d’une
situation est déclenché par la mise à jour de l’incongruité
humoristique qui est opérée en deux étapes successives. Plus
précisément, les mécanismes de traitement inclus dans la première
étape permettent la reconnaissance de l’incongruité, c’est-à-dire la
détection d’un événement, d’une situation ou d’un fait divergent et
non conforme aux caractéristiques fonctionnelles les plus fréquentes qui le régissent habituellement. La seconde concerne les
traitements à l’œuvre pour résoudre l’incongruité en élaborant une
représentation intégrée des éléments divergents. Selon cet auteur,
seules trois émotions associées à ces deux étapes procédurales
peuvent advenir : l’émotion de surprise provenant de la
reconnaissance de l’incongruité, celle de plaisir déclenchée par sa
résolution ou, à l’inverse, celle de perplexité associée à l’échec de
la résolution de l’incongruité. Pour cet auteur, la nature des expériences émotionnelles ne dépendrait donc que de la résolution
(ou pas) de l’incongruité sans qu’il soit fait référence au contenu
de la situation humoristique, à l’état émotionnel préalable de la
personne ou encore à d’autres de ses caractéristiques. Or de nom-
Marlène Aillaud et Annie Piolat, Centre de Recherche en psychologie de
la connaissance, du langage et de l’émotion, Département de psychologie,
Université Aix-Marseille.
Toute correspondance concernant le présent article doit être adressée à :
Marlène Aillaud, Centre de recherche en psychologie de la connaissance,
du langage et de l’émotion, Département de psychologie, Université AixMarseille, 29, av. Robert-Schuman, 13621 Aix-en-Provence Cedex 1,
France. Courriel : [email protected]
166
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
breux travaux ont mis en évidence l’importance de ces sources de
variations (pour une revue, voir Aillaud, 2012; Martin, 2007;
Ruch, 2007). De ce fait, concevoir comme le fait Suls (1972) que
seulement trois types d’émotions peuvent être déclenchées par les
situations humoristiques nous paraît trop restrictif. Comme nous
l’avons décrit dans un modèle cognitivo-émotionnel du traitement
de l’humour, la nature des expériences émotionnelles provoquées
par l’humour s’avère nettement plus diversifiée (pour une présentation détaillée de ce modèle, voir Aillaud & Piolat, 2013).
Comment étudier le contenu émotionnel associé au
traitement de situations d’humour noir et non noir ?
Les études qui évaluent l’impact de l’humour sur l’état émotionnel des individus peuvent être regroupées selon deux approches. La première approche consiste à analyser l’impact de
l’humour sur l’amélioration de l’état psychologique en termes
de bien-être. Celui-ci favorise, d’une part, la diminution du
stress en suscitant des émotions agréables, telles que la gaieté,
la joie et, d’autre part, neutralise les émotions négatives, telles
que la tristesse ou la mélancolie (par ex., Cann, Calhoun &
Nance, 2000; Fredrickson, Mancuso, Branigan & Tugade, 2000;
Szabo, 2003). Ainsi, l’humour fonctionnerait dans certaines
situations comme un coping (Nezlek & Derks, 2001). Cependant, il faut noter que cet impact peut être modulé par le type de
sens de l’humour que possèdent les individus (Craik, Lampert
& Nelson, 1996; Kuiper, Grimshaw, Leite & Kirsh, 2004; Ruch,
2007). La seconde approche cherche à établir les états émotionnels des individus après qu’ils aient produit des blagues ou à la
suite de la présentation de situations humoristiques (par ex.,
Ruch, 2007; Szabo, Ainsworth & Danks, 2005). De façon non
surprenante, l’humour induit des états émotionnels de valence
positive, comme la joie et la gaieté. Toutefois, il faut souligner
que les procédures expérimentales utilisées par ces recherches
précisent peu la nature des émotions de valence positive provoquées par l’humour.
Par ailleurs, certains travaux ont mis en évidence que le
contenu de l’humour (par ex., l’humour « dégoûtant » étudié par
Hemenover & Schimmack, 2007) présenté aux individus peut faire
basculer la valence des émotions qu’ils ressentent (pour une revue,
voir Martin, 2007; Ruch, 2007). Les thématiques de l’humour
influencent donc la nature des ressentis émotionnels (Aillaud,
2012; Aillaud & Piolat, 2012; Hemenover & Schimmack, 2007;
Herzog & Anderson, 2000; Herzog & Karafa, 1998; Martin, 2007;
Martin et al., 2003) pour les raisons suivantes. L’humour noir met
fréquemment en scène des contenus variés pouvant concerner la
sexualité, la mort, la religion, l’origine sociale ou ethnique, ou
encore le handicap physique ou intellectuel. Sa mécanique contribue à déprécier, déconsidérer, dégrader les protagonistes impliqués. Ainsi, l’humour qualifié par certains auteurs de « malsain »
discrédite en général l’intégrité physique et mentale d’une personne ou d’un groupe social (Mindess, Miller, Turek, Bender &
Corbin, 1985). L’humour qualifié « d’agressif » selon Saroglou et
al. (2010) ou encore Herzog et al. (2006) menace les valeurs et
l’éthique d’une société ou d’une communauté en les dénigrant. En
conséquence, le but principal de cette étude est de déterminer plus
précisément la palette des émotions que ressentent des individus
relativement à des situations d’humour non noir ou d’humour noir.
167
De l’intérêt de demander aux participants d’expliquer
ce qu’ils ressentent pour déterminer le contenu
émotionnel déclenché par des situations d’humour
noir et non noir
L’idée selon laquelle il est possible d’accéder aux émotions
ressenties par des individus, via ce qu’ils en disent, prend tout son
sens si l’on se réfère à la théorie de l’émotion que défendent
Sander et Scherer (2009). Ces auteurs appuient leur théorie sur le
processus d’évaluation cognitive (voir Lazarus, 1982) qui permet
aux individus de ressentir des émotions. Ils trouvent essentiel de
pouvoir rendre compte du fait que des situations font réagir certains individus et pas d’autres, ou encore que les individus ne
ressentent pas tous la même émotion à propos d’une même situation. Selon ces auteurs, quatre groupes d’évaluations cognitives
permettent d’accorder de la signification à la situation en cours de
traitement et, dans certains cas, provoquer une émotion. Les deux
premiers sont automatiques : détection de la pertinence et de la
nouveauté de la situation, suivie de l’analyse des causes qu’elles
provoquent. Cette conception est en accord avec celle de Meyer,
Reisenzein et Schützwohl (1997), qui centrent leur analyse uniquement sur les conditions du déclenchement d’une émotion de surprise. Les deux autres types d’évaluation cognitive concernent
l’évaluation de la capacité à composer avec l’événement, suivie de
celle de son évaluation pour soi en fonction de ses normes internes.
De telles évaluations cognitives de la situation, l’activation physiologique, la préparation à l’action, l’expression émotionnelle,
comme celles du visage, ainsi que le sentiment émotionnel composent et qualifient l’émotion qui survient. Les individus confrontés au même événement (ici une situation humoristique) peuvent
alors, via leurs évaluations cognitives, ressentir des émotions de
nature différente qu’ils peuvent exprimer en rendant compte de
leurs sentiments émotionnels.
Ainsi, en nous appuyant sur la théorie de l’évaluation cognitive
de l’émotion (Sander & Scherer, 2009; Scherer, 2000), nous nous
attendons à ce que des individus confrontés à des dessins
d’humour standard (non noir) éprouvent des émotions de valence
positive. Toutefois, le contenu de ces émotions peut être relativement différencié, car résultant des processus d’évaluation qui
aboutissent à l’élaboration d’un ressenti non obligatoirement
équivalent. Comparativement, le traitement de situations d’humour
noir (dans le cadre de cette recherche des dessins) devrait impliquer des évaluations cognitives débouchant sur des réactions émotionnelles différentes de celles provoquées par des situations humoristiques plus conformes aux normes sociales. Les émotions
ressenties pourraient être de valence positive puisqu’il s’agit
d’humour, même noir, mais elles devraient être accompagnées
d’émotions négatives puisque cette forme d’humour implique de
contrevenir aux standards normatifs même s’il s’agit d’en rire.
Ainsi, l’humour noir devrait provoquer des émotions mixtes, selon
l’hypothèse la plus probable (Hemenover & Schimmack, 2007).
Compte tenu du fait que nous nous attendons à ce que des
dessins d’humour noir provoquent des émotions de valence mixte,
nous trouvons pertinent d’inclure dans le dispositif expérimental le
fait de faire choisir aux participants un dessin apprécié et un dessin
rejeté (facteur « Choix »). Nous faisons l’hypothèse que dans le cas
de l’humour non noir, mais plus encore dans le cas de l’humour
noir, la nature de l’explicitation des émotions ressenties devrait
être ainsi contrastée entre les situations humoristiques définies
AILLAUD ET PIOLAT
168
comme plaisantes et celles définies comme déplaisantes. Une
personne peut apprécier certains dessins d’humour noir même si
elles les jugent hors normes. Elle peut donc, dans ce cas, faire part
de différentes émotions positives ainsi que de quelques émotions
négatives. Mais elle peut aussi rejeter d’autres dessins qu’elles
estiment trop agressifs, malsains, transgressifs et expliciter alors
plus d’états émotionnels de contenu nettement plus repoussant.
C’est ce que devrait permettre de mettre en évidence la comparaison des émotions verbalisées pour un dessin apprécié et un dessin
qui déplait, et ce dans le cas de l’humour noir et de l’humour non
noir. Il s’agit donc de mettre en évidence que le contenu émotionnel associé au fait que l’on apprécie ou pas des dessins sera
différent selon que l’humour sera noir et non noir.
Méthode
Participants
Trois cents étudiants (150 hommes et 150 femmes) de psychologie d’Aix-Marseille Université, en secteur Lettres et Sciences
humaines, ont accepté de participer à l’expérience conduite entre
septembre et décembre 2010. La moyenne d’âge était de 20 ans et
6 mois (É.-T. ⫽ 2,96). Toutefois, seules les deux productions de
283 participants ont pu être prises en compte. En effet, celles de 17
participants (9 femmes et 8 hommes) n’ont pu être intégrées dans
le traitement des données, car ces sujets n’ont pas suivi les consignes de production d’écrire à la fois dans la condition « Plaire »
et dans la condition « Déplaire ». La répartition des participants
dans les conditions expérimentales est présentée dans le Tableau 1,
chaque participant produisant deux textes (dessin humoristique
ayant plu et dessin humoristique ayant déplu) dans une seule des
deux conditions expérimentales (Humour non noir ou Humour noir).
Matériel expérimental
Dix-huit dessins d’humour non noir et 18 dessins d’humour
noir ont été retenus pour la présente étude. Nous avons choisi
des dessins humoristiques ne comportant pas de langage.
L’incongruité qui provoque l’effet comique est ainsi limitée au
seul contenu du dessin, sans qu’un rapprochement entre des propos
inclus dans le dessin et les éléments dessinés soit nécessaire pour
la découvrir et influence le traitement du dessin (voir Shultz,
1974). De plus, afin de contrôler les effets du style graphique, les
dessins choisis sont composés par un unique dessinateur qui propose des dessins d’humour noir et non noir comme c’est le cas du
dessinateur Serre (http://www.serre-humour.com/). Son ayant
droit nous a accordé le droit d’en exploiter quelques-uns pour
l’expérience, mais pas de les diffuser dans une publication.
L’Annexe A décrit le contenu des dessins d’humour noir et non
noir qui ont été les plus fréquemment aimés et rejetés et, de ce fait,
en donne des exemples.
Pour choisir ces dessins en étant sûres qu’ils étaient clairement
perçus comme des dessins d’humour noir ou d’humour non noir,
nous avons ainsi procédé. Un échantillon de 61 dessins sélectionnés sur le thème du bien-être/mal-être, que celui-ci soit physique
ou mental, a été soumis à la méthode des juges. Vingt-cinq juges
(âge moyen ⫽ 26 ans, É.-T. ⫽ 2,55; 14 femmes et 13 hommes)
contactés par courriel ont été volontaires. Individuellement, ces 25
juges ont évalué les 61 dessins affichés les uns à la suite des autres
dans un ordre aléatoire. À côté de chacun de ces dessins figurait un
tableau comportant cinq choix (sans humour, humour pas du tout
noir, humour un peu noir, humour noir et humour très noir); la
consigne était de cocher la réponse correspondant à leur évaluation. Aucune définition de l’humour noir ne leur a été donnée. À
l’aide des scores moyens obtenus pour ces 61 dessins, les 18 dessins
ayant obtenu le score le plus élevé à la catégorie Humour pas du tout
noir ont été retenus pour la condition « Humour non noir ». Les 18
dessins ayant obtenu le score le plus élevé à la catégorie Humour très
noir ont été retenus pour la condition Humour noir.
Dispositif expérimental et procédure
La procédure expérimentale (présentation des consignes, des
dessins humoristiques, des différentes tâches) et le recueil des
réponses des participants (expression de jugements, saisie écrite
des explications à l’aide d’un traitement de texte simplifié) ont été
gérés par un programme établi à cet effet : le logiciel HumourOne.
Ce logiciel s’est avéré indispensable afin de procéder à diverses
obligations méthodologiques au fur et à mesure du déroulement de
l’expérience : attribution des participants à une condition expérimentale, contre-balancement d’activités, présentation aléatorisée
des dessins d’humour non noir ou d’humour noir.
La procédure a été la suivante. Préalablement à la réalisation de
l’expérience, le participant installé devant un ordinateur était informé
très succinctement par affichage sur l’écran du thème de l’expérience
et des tâches à effectuer pendant la passation afin d’accepter (ou non)
de participer à l’expérience en donnant son consentement. À la suite
de son acceptation, il lui était alors demandé de remplir une fiche de
renseignements (sexe, âge, profession, niveau et filière d’étude) qui
s’affichait sur l’écran de l’ordinateur. Une fois ces renseignements
fournis, 18 dessins humoristiques (non noir ou noir selon l’attribution
aléatoire à une de ces deux conditions expérimentales) étaient présentés automatiquement au format 600 ⫻ 800 pixels pendant une durée
de six secondes par dessin. Kohn, Kellermann, Gur, Schneider et
Habel (2011) ont, en effet, montré dans une étude comportementale
qu’en moyenne 5,2 (É.-T. ⫽ 0,8) secondes suffisent pour la com-
Tableau 1
Effectifs des participants (moyenne d’âge, écart type) selon les deux conditions expérimentales
(humour non noir et humour noir) et selon leur genre
Effectifs (N ⫽ 283)
Humour noir (n ⫽ 138)
Humour non noir (n ⫽ 145)
Hommes
Femmes
71 (M ⫽ 21, É.-T. ⫽ 2,80)
72 (M ⫽ 21, É.-T. ⫽ 2,99)
67 (M ⫽ 19, É.-T. ⫽ 2,14)
73 (M ⫽ 20, É.-T. ⫽ 2,84)
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
préhension d’un dessin humoristique et la production d’une réponse.
Puis, les participants ont été incités à évaluer chacun de ces dessins
(présenté dans un ordre aléatoire) selon quatre critères : incongruité,
surprise, clarté et drôlerie sur une échelle de Likert en 4 points (1 ⫽
pas du tout, 2 ⫽ un peu, 3 ⫽ très, 4 ⫽ extrêmement). L’ordre
d’affichage des critères était aléatoire pour chacun des dessins. Afin
que chacun des critères de jugement soit compris de façon comparable
par les participants, une définition formulée en question a été affichée
à l’écran durant toute la durée de la tâche de jugement : a) critère
Incongruité : La scène représentée par l’image est-elle plus ou moins
inconvenante, déplacée ? b) critère Surprise : La scène représentée
par l’image est-elle plus ou moins surprenante ? c) critère Clarté :
Est-il plus ou moins facile d’identifier la scène comme étant humoristique ? d) critère Drôlerie : La scène représentée par l’image est-elle
plus ou moins drôle ? (N.-B : les résultats associés à cette partie de la
procédure ont été publiés dans Aillaud et Piolat, 2012. Toutefois, nous
avons repris une part des données et procédé à de nouvelles analyses,
expliquées dans l’annexe C). Une fois l’étape du jugement terminée,
l’ensemble des dessins humoristiques mis au format 185 ⫻ 140 pixels
était affiché selon un ordre aléatoire précédé de l’une des deux
consignes suivantes (succession aléatoire de ces deux consignes) : 1)
consigne Plaire : Voici l’ensemble des dessins que vous avez vus. En
cliquant sur le dessin de votre choix, indiquez celui que vous avez le
plus apprécié. Explicitez par écrit en quoi ce dessin vous a plu en
indiquant avec précision votre ressenti émotionnel et affectif; 2)
consigne Déplaire : Voici l’ensemble des dessins que vous avez vus.
En cliquant sur le dessin de votre choix, indiquez celui que vous avez
le moins apprécié. Explicitez par écrit en quoi ce dessin vous a déplu
en indiquant avec précision votre ressenti émotionnel et affectif. Le
participant explicitait par écrit avec un traitement de texte simplifié,
proche du traitement de texte « Word Office », les raisons de son
choix. Afin de procéder à un débriefing, une fois ces activités terminées, trois photos humoristiques choisies par des étudiants pour leur
humour « léger » étaient présentées au format 600 ⫻ 800 pixels
(http://www.humour.com/photos/). Puis l’expérimentateur s’entretenait avec le participant afin de répondre à ses questions et lui
expliquer les principaux objectifs de la recherche.
Cette procédure implique que le participant réalise plusieurs
activités de façon successive (juger 18 dessins, choisir un dessin
apprécié et un dessin rejeté, en expliquer les raisons en décrivant
son ressenti émotionnel). Elle lui impose donc un travail intense
pendant au moins une heure, temps qu’il n’était pas possible de
faire passer à deux heures pour lui soumettre tous les dessins.
De plus, il était impossible de l’inviter à faire de même pour l’autre
humour même à l’occasion d’une autre session. En réalisant cette
autre session concernant l’autre type d’humour, le participant
aurait perçu un des enjeux majeurs de la recherche, à savoir
comparer des réponses à propos de l’humour noir et de l’humour
non noir. Aussi, les deux conditions expérimentales « humour noir
versus humour non noir » sont réalisées par des groupes de
participants différents. Dans chacune de ces conditions expérimentales, les participants choisissent un dessin parce qu’ils
l’apprécient et un autre parce qu’ils ne l’aiment pas, puis les
commentent chacun selon les consignes.
Variables dépendantes
Ces variables concernent le lexique émotionnel présent dans les
écrits justifiant un dessin apprécié ou rejeté. L’identification de ce
169
lexique émotionnel a été entreprise avec le logiciel EMOTAIXTropes (Piolat & Bannour, 2009a & b). EMOTAIX-Tropes est un
scénario (une base lexicale de 4000 termes) piloté par Tropes
(http://www.tropes.fr/) qui est un logiciel d’analyse de texte (syntaxe, référents lexicaux, etc.). Quand le scénario EMOTAIX (autrement dit, ce dictionnaire lexical organisé et ne concernant que le
lexique de l’émotion et de l’affect) est activé, cet outil permet
de cerner automatiquement et de catégoriser le lexique concerné
contenu dans des textes (N.-B. : les modalités d’élaboration, le
mode d’emploi et l’outil sont gratuitement téléchargeables à
l’adresse suivante : http://sites.univ-provence.fr/wpsycle/outils_
recherche/outils_recherche.html). Ce scénario intègre les émotions
de base (colère, peur, tristesse, etc.), mais aussi les émotions
sociales (admiration, courage, orgueil, etc.) ainsi que les affects et
les sentiments de bien-être et de mal-être (stress, fatigue, bonheur,
etc.). Des informations complémentaires sur la catégorisation des
émotions et donc sur les variables dépendantes qui suivent sont
données dans l’Annexe B ainsi que des exemples d’explicitations
faites par les participants.
Les 283 textes produits dans la condition « Plaire » et les 283
textes produits dans la condition « Déplaire » ont été analysés à
l’aide des trois variables dépendantes suivantes : 1) charge émotionnelle : occurrences du lexique émotionnel/nombre total de
mots (afin de tenir compte des variations de volume verbal constatées entre les participants, cette pondération s’avérait indispensable); 2) proportion du lexique de valence négative et positive :
occurrences de lexique émotionnel négatif (ou positif)/occurrences
de lexique émotionnel (ces proportions étant complémentaires, les
analyses statistiques présentées ne concernent que la proportion de
lexiques de valence négative, ce lexique traduisant l’impact émotionnel que peuvent provoquer des dessins d’humour noir); 3) pour
rendre compte plus précisément de la nature des émotions présentes
dans les explications écrites, la répartition dans les six supercatégories
a été utilisée (« Bien-être vs Mal-être », « Bienveillance vs Malveillance », « Sang-froid vs Anxiété »). Toutefois, les participants ont
utilisé une faible quantité de termes émotionnels. Afin de réaliser
des comparaisons statistiques, nous avons repéré les textes qui
comportaient au moins un terme de lexique émotionnel se référant
à l’une de ces supercatégories ainsi qu’aux deux catégories
« Surprise » et « Impassibilité ».
Résultats
Choix majoritaires de dessins qui ont plu et déplu
(approche qualitative)
Dans la condition Humour noir ou dans la condition Humour
non noir, les 283 participants n’ont pas tous choisi le même dessin
plaisant et déplaisant (voir l’Annexe A pour une description succincte du contenu des dessins les plus fréquemment désignés). Les
thèmes d’humour noir non apprécié les plus fréquemment choisis
concernent un contenu particulièrement agressif qui renvoie à de la
violence et à de la souffrance ressenties (morceaux de corps sur le
ring) ou pouvant advenir (instruments de chirurgie). Ainsi, les
thèmes des dessins d’humour noir non appréciés concernent un
contenu particulièrement agressif qui renvoie à de la violence et de
la souffrance subies (morceau de corps sur le ring) ou pouvant
advenir (instruments de chirurgie). Les dessins qui sont appréciés
170
AILLAUD ET PIOLAT
évoquent la mort (suicide, guillotine, cercueil), celle-ci étant
présentée de façon absurde. Les thèmes d’humour non noir qui
n’ont pas été appréciés présentent des actes médicaux anormaux,
contradictoires avec la compétence que l’on attend du milieu
médical. Ils font aussi faire référence à des thèmes trop fréquemment exploités, par exemple « glisser sur une peau de banane ».
Les dessins d’humour non noir qui ont plu ont pour point commun
de dénigrer des sportifs excessivement athlétiques ou une activité
physique absurde (pelleter inefficacement).
Contenu des justifications (approche statistique)
Pour les variables dépendantes « charge émotionnelle » et
« proportion de lexique émotionnel négatif », les données ont été
soumises à une ANOVA avec le facteur Choix (Plaire vs Déplaire)
en mesure répétée et le facteur Humour (Humour non noir vs
Humour noir) en variable intersujets.
Charge émotionnelle totale
Comparativement au nombre total de mots (M ⫽ 149, É.-T. ⫽
3,77) qu’ils produisent en moyenne, les participants exploitent en
moyenne une très faible quantité de lexiques émotionnels (M ⫽
10,89, É.-T. ⫽ 0,37; soit un pourcentage moyen de 7,33%). Dans
la Figure 1, cet écart est indiqué pour chacune des conditions
expérimentales. Il était donc important de pondérer les occurrences
de lexique émotionnel par le nombre total de mots.
La charge émotionnelle est significativement plus importante
pour les participants qui s’expriment à propos d’un dessin
d’humour noir (M ⫽ 7, 30 %, É.-T. ⫽ 3,22) que pour ceux qui
s’expriment à propos d’un dessin d’humour non noir (M ⫽ 6,60 %,
2
É.-T. ⫽ 3,35), F(1, 281) ⫽ 4,39, MSE ⫽ 0,006, p ⬍ 0,05, ␩partiel
⫽
1,5 %. La charge émotionnelle n’est pas significativement différente lorsque les participants s’expriment à propos d’un dessin
qui leur a plu (M ⫽ 7,52 %, É.-T. ⫽ 3,13) ou qui leur a déplu (M ⫽
6,71 %, É.-T. ⫽ 3,22), F(1, 281) ⫽ 1,56, ns. L’interaction des
modalités des facteurs Choix et Humour n’est pas significative,
F(1, 281) ⫽ 1,09, ns.
Proportion du lexique émotionnel négatif
Les proportions du lexique de valence négative et celle de
valence positive qui ont été calculées sont complémentaires.
Figure 2. Pourcentage de lexique émotionnel de valence positive et de
valence négative en fonction des facteurs Choix (Plaire vs Déplaire) et
Humour (Humour non noir vs Humour noir).
Comme l’indique la Figure 2, dans la condition « Plaire », les
participants ont utilisé proportionnellement plus de lexiques de
valence positive que négative et ils ont fait l’inverse dans la
condition « Déplaire », répondant ainsi à la consigne.
L’évaluation de l’impact des facteurs expérimentaux (Choix et
Humour) a été faite sur la seule proportion de lexiques négatifs.
Cette proportion est significativement plus importante pour les
participants qui s’expriment à propos d’un dessin d’humour noir
(M ⫽ 56,08 %, É.-T. ⫽ 33,21) que pour ceux qui s’expriment à
propos d’un dessin d’humour non noir (M ⫽ 43,04 %, É.-T. ⫽
2
33,07), F(1, 281) ⫽ 41,64, MSE ⫽ 2,41, p ⬍ 0,0001, ␩partiel
⫽
12,9%. La proportion de lexiques émotionnels négatifs est significativement plus importante lorsque les participants s’expriment à
propos d’un dessin qui leur a déplu (M ⫽ 71,75 %, É.-T. ⫽ 27,42)
que d’un dessin qui leur a plu (M ⫽ 27,06 %, É.-T. ⫽ 23,82), F(1,
2
281) ⫽ 431,105, MSE ⫽ 28,26, p ⬍ 0,0001, ␩partiel
⫽ 60,7 %.
L’interaction entre les modalités des facteurs Choix et Humour
tend à être significative, F(1, 281) ⫽ 3,659; MSE ⫽ 0,24, p ⫽
2
0,056, ␩partiel
⫽ 1,3 % (voir Figure 3).
Cette tendance à l’interaction peut être décrite de la façon
suivante. La proportion de lexiques négatifs est plus importante
pour les participants qui s’expriment à propos d’un dessin
d’humour non noir qui a déplu comparativement à celui qui a plu,
t(144) ⫽ 16,92, p ⬍ 0,0001, d de Cohen ⫽ 2,10. Cet écart est
moins important pour les participants qui s’expriment à propos
d’un dessin d’humour noir, t(137) ⫽ 12,65, p ⬍ 0,0001, d de
Cohen ⫽ 1,54.
Nature du lexique émotionnel utilisé
Figure 1. Nombre moyen de mots écrits et nombre moyen de mots du
lexique émotionnel selon le facteur Choix (Plaire vs Déplaire) et le facteur
Humour (Humour non noir vs Humour noir).
Les 283 participants sont libres d’exprimer ce qu’ils ressentent
à propos d’un dessin qu’ils ont choisi. Pour déterminer si certaines
des thématiques véhiculées par ce lexique sont significativement
dépendantes des facteurs « Choix » et « Humour », nous avons
comptabilisé les effectifs de textes qui contiennent au moins une
unité lexicale appartenant à une thématique donnée (pour
l’organisation de ces thématiques appelées super-catégories, voir
l’Annexe B ainsi que Piolat & Bannour, 2009a, 2009b). Il faut
noter que certains textes comportent deux ou trois termes appartenant à une catégorie, d’autre un seul terme et, enfin, d’autres
aucun terme de cette catégorie. Cette variation n’est pas prise en
compte par les calculs ci-après.
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
Figure 3. Pourcentage de lexique émotionnel de valence négative en
fonction de la Condition Choix (Plaire vs Déplaire) et du type d’Humour
(Noir vs Non noir).
Afin de déterminer l’influence du facteur Choix sur l’utilisation
du lexique, des comparaisons d’effectifs à l’aide de chi-carré ont
été utilisées pour chacune des catégories lexicales. Les résultats
sont regroupés dans le Tableau 2. Globalement, lorsque les participants s’expriment à propos du dessin apprécié, ils exploitent les
catégories de lexique émotionnel différemment de lorsqu’ils
s’expriment à propos du dessin rejeté, ␹2(7) ⫽ 252,56, p ⬍ 0,0001,
V de Cramer ⫽ 0,37.
Plus précisément, les participants qui s’expriment à propos d’un
dessin apprécié sont plus nombreux à utiliser au moins un terme de
lexique relevant du Bien-être, de la Bienveillance, du Sang-froid et
de la Surprise, que ceux qui s’expriment à propos d’un dessin qui
a déplu. En revanche, les participants qui s’expriment à propos
d’un dessin apprécié sont significativement moins nombreux à
utiliser au moins un terme du lexique relevant du Mal-être, de
la Malveillance et de l’Impassibilité. Enfin, les participants
n’exploitent pas différemment le lexique de l’Anxiété selon que le
dessin leur a plu ou déplu.
Puisque lorsque les participants s’expriment à propos du dessin
apprécié ou rejeté, ils exploitent différemment les catégories de
lexique émotionnel, les comparaisons permettant de tester un éventuel effet du facteur Humour ont été calculées dans la condition
Plaire puis dans la condition Déplaire (pour les deux conditions,
voir le Tableau 3).
Dans la condition Plaire, l’effectif de participants utilisant au
moins un terme de lexique des catégories Mal-être et Anxiété est
significativement plus élevé dans la condition Humour noir que
dans la condition Humour non noir (voir le Tableau 3). Pour les
autres catégories, les résultats ne sont pas significatifs. Dans la
condition Déplaire, l’effectif de participants utilisant au moins un
terme de lexique de la catégorie Bien-être est significativement
moins important pour ceux qui s’expriment à propos d’un dessin
d’humour noir que pour ceux qui s’expriment à propos d’un dessin
d’humour non noir. Pour les autres catégories, les résultats ne sont
pas significatifs.
Discussion
Cette étude a pour fonction de contribuer à la détermination de
la nature des émotions positives, mais aussi négatives, que provoque une situation humoristique. Aussi, nous avons mis au point
une procédure expérimentale qui permet aux participants
171
d’expliciter leurs ressentis émotionnels par écrit. Deux objectifs
ont guidé notre démarche : 1) déterminer les émotions de valence
positive et négative provoquées par des dessins humoristiques
selon qu’ils sont d’humour noir ou d’humour plus standard; 2) affiner
cette détermination en proposant aux participants de s’exprimer à
propos d’un dessin apprécié et d’un dessin non apprécié.
Notre premier objectif avait donc comme fonction de montrer
que l’humour provoque une palette d’émotions plus étendue que
celles qui sont classiquement évoquées, comme la perplexité,
quand l’incongruité de la situation présentée n’est pas comprise, ou
le sentiment que c’est surprenant et drôle quand elle l’est. À la
suite du modèle princeps de Suls (1972), qui n’évoque que ces
trois types d’émotions, la résolution de l’incongruité est considérée
comme l’élément clé à reconnaître et à résoudre afin d’en rire.
Aussi, nombreuses sont les recherches qui ont testé le niveau de
drôlerie éprouvée selon les types de contexte ou la nature et les
caractéristiques de l’incongruité (par ex., Attardo, 2001; Canestrari
& Bianchi, 2012; Hempelmann & Attardo, 2011; Hillson & Martin,
1994; Samson & Hempelmann, 2011). Nous estimons que les
travaux qui ont exploité le niveau de drôlerie (ou encore le sentiment de gaité; Ruch, 1997) comme indicateur pour analyser
l’impact de situations humoristiques et même la verbalisation des
participants, comme ceux de Samson et Hempelmann (2011) pour
établir si l’incongruité a bien été détectée, ne nous renseignent pas
suffisamment sur la palette possible des émotions ressenties quand
une situation est jugée comme très drôle ou pas du tout drôle. Pour
réaliser ce type d’études, les chercheurs ont exploité diverses
sortes d’humour (agressif, malsain, dégoutant, noir; Hemenover et
Schimmack, 2007; Herzog et al., 2006) ainsi que diverses thématiques (religion, sexualité, racisme, etc.; Herzog & Hager, 1995;
Saroglou et al., 2010; Wilson & Molleston, 1981). Pour notre part,
nous avons demandé à des participants de verbaliser à propos de
dessins, soit d’humour noir soit d’humour non noir, les émotions
qu’ils ressentent. Les thématiques abordées par les dessins
d’humour noir concernent la maladie, la mort ou encore une
absence de respect de l’intégrité du corps. Elles sont donc transgressives et remettent en cause des principes moraux et éthiques
concernant ces situations graves et désespérées de la vie quotidienne.
Nos résultats montrent que la principale attente selon laquelle
l’humour noir, comparativement à un humour plus standard,
déclenche des émotions positives (il s’agit de dessins humoris-
Tableau 2
Effet du facteur « choix » (Plaire vs Déplaire) (valeur du chi
carré, valeur de la probabilité) sur les effectifs de participants
ayant utilisé au moins un terme des différentes catégories de
lexique émotionnel
Catégories du lexique
émotionnel
Plaire
Déplaire
␹2(1)
p
Bien-être
Mal-être
Bienveillance
Malveillance
Sang-froid
Anxiété
Surprise
Impassibilité
271
173
239
99
35
49
75
19
160
264
86
206
12
47
22
102
28,59
18,98
72,03
37,53
11,25
0,04
28,96
56,93
⬍0,0001
⬍0,0001
⬍0,0001
⬍0,0001
⬍0,001
ns
⬍0,0001
⬍0,0001
AILLAUD ET PIOLAT
172
Tableau 3
Effet du facteur « humour » (noir vs non noir) (valeur du chi carré, valeur de la probabilité) sur les effectifs de participants dans la
condition Plaire et Déplaire ayant utilisés au moins un terme des différentes catégories de lexique émotionnel
Plaire
Déplaire
Catégories du lexique
émotionnel
Humour noir
Humour non noir
␹2(1)
Valeur de p
Humour noir
Humour non noir
␹2(1)
Valeur de p
Bien-être
Mal-être
Bienveillance
Malveillance
Sang-froid
Anxiété
132
112
117
54
20
33
139
61
122
45
15
16
0,18
15,03
0,10
0,82
0,71
5,90
ns
⬍0,001
ns
ns
ns
⬍0,05
67
128
35
107
5
29
93
136
51
99
7
18
4,22
0,24
2,98
0,31
0,33
2,58
⬍0,05
ns
ns
ns
ns
ns
tiques qui doivent amuser), mais aussi une forte proportion
d’émotions négatives, est nettement attestée dans les écrits des
participants. Il faut aussi noter que lorsque les participants
s’expriment à propos de dessins d’humour plus standard, ils explicitent aussi, même si c’est en moindre quantité, des émotions
négatives. La reconnaissance et la résolution de l’incongruité des
situations ne provoquent donc pas uniquement de l’amusement, de
la gaité comme beaucoup d’études à la suite de celle de Suls
(1972) l’ont régulièrement avancé. La découverte d’éléments absurdes, même s’ils sont tolérables parce que sans danger pour les
normes internes des individus, s’accompagne aussi de quelques
émotions de valence négatives.
De plus, il est important de noter que l’humour noir provoque
l’expression d’une plus grande quantité d’émotions proportionnellement au volume verbal produit. Ce résultat inédit s’avère compatible avec ceux de Hemenover et Schimmack (2007), qui ont
montré que des stimuli qui provoquent des sentiments de dégoût et
d’indignation peuvent être toutefois perçus comme humoristiques.
Tout se passe comme si le contact à la nature de l’incongruité
présente dans des dessins d’humour noir était plus engageant, plus
intense émotionnellement et ne pouvait pas laisser indifférents les
participants sur le plan émotionnel. Le contenu des dessins implique d’accorder à des informations taboues, transgressives, la propriété d’être amusantes. Les participants doivent accepter de
« comprendre » ce qui, dans les dessins proposés, peut être
agréable et drôle. Nous pouvons en inférer que les évaluations
cognitives (Sander & Scherer, 2009) que font les participants des
dessins d’humour noir, comparativement à celles faites pour les
dessins d’humour non noir, provoquent des sentiments plus complexes.
Le deuxième objectif a consisté à cerner les ressentis émotionnels selon que le dessin est apprécié ou non. Afin d’obtenir une
détermination plus précise de la nature des émotions positives et
négatives déclenchées par l’humour noir, il était, en effet, important que le design expérimental invite les participants à s’exprimer
à propos de dessins qu’ils ont estimés comme étant plaisants ou
déplaisants. Selon nous, il n’est pas possible d’envisager un appariement obligatoire et univoque entre aimer ou pas un dessin
humoristique et la valence des émotions qu’il provoque. Autrement dit, il est peu probable que seules des émotions de valence
positive soient ressenties pour un dessin aimé et seules des émotions de valence négative soient ressenties pour un dessin rejeté.
Les sentiments émotionnels provoqués par l’humour, et surtout
l’humour noir, sont, selon nous (voir Aillaud & Piolat, 2013),
suffisamment complexes pour analyser les différences de ressentis
émotionnels explicités selon ces deux conditions expérimentales.
L’attente selon laquelle les participants exploiteront du lexique
émotionnel positif comme du lexique négatif pour traduire les émotions ressenties à l’égard d’un dessin apprécié comme d’un autre
dessin peu apprécié est nettement confirmée par nos différents résultats. Ce constat doit, cependant, être modulé lorsqu’on analyse plus en
détail le contenu de ces deux catégories de lexique émotionnel.
Il faut rappeler au préalable que nous disposons de résultats
concernant d’autres observations que celles liées au lexique utilisé.
Pour ce qui concerne la thématique des dessins d’humour noir et
non noir choisis comme étant appréciés et non appréciés par les
participants (voir l’Annexe A), nous avons constaté que lorsqu’elle
représente des actes agressifs qui détruisent l’intégrité physique
des personnes ou dénigre des actes professionnels, elle ne plait pas.
En revanche, lorsqu’elle présente des situations dont la mise en
scène absurde rend tolérable le fait de discréditer la mort ou une
activité sportive, alors elle peut plaire. Pour ce qui concerne les
jugements portés aux seuls dessins qui ont plu et déplu sur plusieurs critères (incongruité, surprise, clarté, drôlerie; voir l’Annexe
C et, pour les résultats concernant les 18 dessins, voir Aillaud &
Piolat, 2012), nous avons constaté que le fait de trouver amusant
(ou pas) un dessin d’humour noir dépend du niveau de transgression que tolèrent les participants. Selon le modèle de Sander et
Scherer (2009), cette tolérance est sans doute liée à l’exploitation
de leurs systèmes de normes internes activées lors de leurs évaluations cognitives de la situation. Pour ce qui concerne les émotions
explicitées par écrit, plusieurs résultats sont à noter. Le premier est
évident. Quand ils n’apprécient pas un dessin, les participants le
justifient en exploitant une plus forte proportion de lexiques de
valence négative (colère, rage, dégoût, frustration, embarras, horreur, tristesse, etc.) que quand ils l’apprécient (plaisir, aimer,
heureux, calme, amusement, bonheur). Mais il ne s’agit que d’une
proportion. Il n’est donc pas possible d’établir une stricte relation
de cause à effet entre le fait d’apprécier (ou pas) une situation
humoristique présentée dans un dessin et la valence des termes
émotionnels exploités. D’ailleurs, dans le cas d’un dessin choisi,
parce qu’apprécié ou non apprécié, les participants ont exploité
une plus forte proportion de lexiques émotionnels négatifs pour un
dessin d’humour noir que pour un dessin d’humour plus standard.
Ainsi, l’humour noir, même lorsqu’il est apprécié, provoque de
nombreux ressentis émotionnels négatifs qui sont associés à des
émotions positives (voir l’exemple d’explicitation écrite donnée
par un participant à la fin de l’Annexe B). Ce résultat, compatible
avec ceux de Herzog et al. (2006) obtenus à l’aide seulement d’une
échelle de drôlerie, le complète et le renforce.
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
L’analyse plus détaillée des catégories d’émotions (voir
l’Annexe B pour des exemples) explicitées par les participants
dans leurs écrits apporte d’autres observations inédites. Les catégories de valence positive (Bien-être, Bienveillance et Sang-froid)
ont été utilisées par un plus grand nombre de participants que
celles de valence négative (Mal-être, Malveillance) quand, quel
que soit le type d’humour, ils s’expriment à propos d’un dessin qui
leur plait et, inversement, quand le dessin leur déplait. Le sentiment de surprise est cité par un plus grand nombre de participants
quand le dessin plait, et celui d’impassibilité par un plus grand
nombre quand le dessin déplait. Ces résultats, même s’ils concernent des émotions rarement évoquées dans les études sur l’humour,
peuvent sembler trop convenus. Toutefois, ils mettent en évidence
la nécessité de contrôler dans la procédure de recherches sur
l’humour cette source de variation. En effet, pour un même type
d’humour (noir ou plus standard), les participants peuvent ressentir
et exprimer des émotions de valence nettement contrastée quand
ils apprécient ou non une situation humoristique. Enfin, le type
d’humour joue un rôle important dans le ressenti émotionnel.
Ainsi, apprécier un dessin d’humour noir, comparativement à
apprécier un dessin d’humour plus standard, incite les participants
à exploiter de façon significativement différente deux catégories
d’émotion de valence négative (Mal-être et Anxiété). De plus,
quand il déplait, l’humour noir incite moins que l’humour standard
à exprimer des émotions de Bien-être. Ces résultats confortent
notre conception selon laquelle l’humour noir, même s’il plait,
remet en cause les standards normatifs des participants lors de leur
évaluation cognitive de la situation en provoquant plus émotions
négatives (Scherer, 2000; Sander & Scherer, 2009).
Pour conclure, nous souhaitons souligner que la très grande
majorité des recherches sur le traitement de l’humour ne donnent
pas la parole aux participants, mais les incitent, par exemple, à
juger selon une échelle de drôlerie, des situations humoristiques.
Ce faisant, ils se privent d’une information capitale, à savoir la
diversité du ressenti émotionnel des individus. Cette diversité naît,
selon nous, des traitements cognitifs réalisés pas-à-pas au contact
d’une situation humoristique (voir Aillaud & Piolat, 2013, pour un
modèle procédural du traitement des situations humoristiques qui
inclut les possibles réactions émotionnelles). La présente étude met
en évidence la complexité du ressenti émotionnel, même quand le
contenu des situations humoristiques est relativement standard et
qu’elle est appréciée. Notre but était de rendre compte de la palette
des émotions ressenties selon des sources de variations comme le
contenu plus ou moins transgressif de l’incongruité, ou comme le
fait d’apprécier ou non une situation. Il a été atteint et le recours à
la théorie de l’évaluation cognitive de l’émotion (appraisal theory
of emotion) de Sander et Scherer (2009) qui permet de comprendre
pourquoi une telle variété émotionnelle peut advenir lors de la
confrontation à ce type de situation. Il nous semble fondamental de
poursuivre dans cette voie en intégrant d’autres sources de variations dont certains travaux ont montré l’impact sur l’évaluation de
la drôlerie de situations d’humour comme le genre des individus
(par ex., Aillaud & Piolat, 2012; Dyck & Holtzman, 2013) ou
encore leur sens de l’humour (par ex., Martin, 2007; Ruch, 2007).
La question est posée : selon certaines de leurs caractéristiques
personnelles, la nature des émotions ressenties sera-t-elle comparable ?
173
Abstract
The aim of the present research was to show that the appreciation
and the rejection of dark humorous cartoons trigger different
emotional reactions compared to nondark ones. Thus, participants
rated each humorous cartoon on incongruous, surprising, understanding and funniness scales. Then they chose the one they most
like and the one they most dislike. Finally they explain the reasons
of their choice and their emotional experience. Results highlighted
that dark honour’s appreciation and rejection trigger specific emotional experience. Participants used more emotional lexicon to
describe the emotional experience associated with dark humorous
cartoons. For dark and nondark humorous cartoons and for the one
they liked and the one they disliked, participants used both positive
and negative emotional lexicon because their emotional experience
is complex and ambivalent. Appraisal theory of emotion (Sander &
Scherer, 2009) can explain these results. This cognitive theory
involves an assessment via social norms and may explain that
transgressive content of dark honour trigger proportionally more
emotions of negative valence.
Keywords: dark humor, emotional lexicon, negative valence, positive valence, writing
Références
Aillaud, M. (2012). Compréhension et appréciation de l’humour noir :
approche cognitivo-émotionnelle. (Thèse de doctorat inédite.) Université
Aix-Marseille, Aix-en-Provence, France.
Aillaud, M., & Piolat, A. (2012). Influence of gender on judgment of dark
and non-dark humor. Individual Differences Research, 10, 211–222.
Aillaud, M., & Piolat, A. (2013). Compréhension et appréciation de
l’humour : approche cognitivo-émotionnelle. Psychologie française.
http://dx.doi.org/10.1016/j.psfr.2013.04.001
Attardo, S. (2001). Humorous texts: A semantic and pragmatic analysis.
New York, É.-U. : Mouton de Gruyter. http://dx.doi.org/10.1515/
9783110887969
Canestrari, C., & Bianchi, I. (2012). Perception of contrariety in jokes.
Discourse Processes, 49(7), 539 –564. http://dx.doi.org/10.1080/
0163853X.2012.710524
Cann, A., Calhoun, L. G., & Nance, J. T. (2000). Exposure to humor before
and after an unpleasant stimulus: Humor as a preventative or a cure.
Humor: International Journal of Humor Research, 13, 177–191. http://
dx.doi.org/10.1515/humr.2000.13.2.177
Craik, K. H., Lampert, M. D., & Nelson, A. J. (1996). Sense of humor and
styles of everyday humorous conduct. Humor: International Journal of
Humor Research, 9, 273–302. http://dx.doi.org/10.1515/humr.1996.9.34.273
Dyck, K. T. H., & Holtzman, S. (2013). Understanding humor styles and
well-being: The importance of social relationships and gender. Personality and Individual Differences, 55, 53–58. http://dx.doi.org/10.1016/j
.paid.2013.01.023
Fredrickson, B. L., Mancuso, R. A., Branigan, C., & Tugade, M. M.
(2000). The undoing effect of positive emotions. Motivation and Emotion,
24, 237–258. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3128334/
Goel, V., & Dolan, R. J. (2007). Social regulation of affective experience
of humor. Journal of Cognitive Neuroscience, 19, 1574 –1580. http://dx
.doi.org/10.1162/jocn.2007.19.9.1574
Hemenover, S. H., & Schimmack, U. (2007). That’s disgusting!. . . but
very amusing: Mixed feelings of amusement and disgust. Cognition
and Emotion, 21, 1102–1113. http://dx.doi.org/10.1080/
02699930601057037
174
AILLAUD ET PIOLAT
Hempelmann, C. F., & Attardo, S. (2011). Resolutions and their incongruities: Further thoughts on logical mechanisms. Humor International
Journal of Humor Research, 24, 125–149. http://dx.doi.org/10.1515/
HUMR.2011.008
Herzog, T. R., & Anderson, M. R. (2000). Joke cruelty, emotional responsiveness, and joke appreciation. Humor: International Journal of Humor
Research, 13, 333–351. http://dx.doi.org/10.1515/humr.2000.13.3.333
Herzog, T. R., & Bush, B. A. (1994). The prediction of preference for sick
humor. Humor: International Journal of Humor Research, 7, 323–340.
http://dx.doi.org/10.1515/humr.1994.7.4.323
Herzog, T. R., & Hager, A. J. (1995). The prediction of preference for
sexual cartoons. Humor: International Journal of Humor Research, 8,
385– 405. http://dx.doi.org/10.1515/humr.1995.8.4.385
Herzog, T. R., Harris, A. C., Kropscott, L. S., & Fuller, K. L. (2006). Joke
cruelty and joke appreciation revisited. Humor: International Journal of
Humor Research, 19(2), 139 –156. http://dx.doi.org/10.1515/HUMOR
.2006.007
Herzog, T. R., & Karafa, J. A. (1998). Preferences for sick versus nonsick
humor. Humor: International Journal of Humor Research, 11, 291–312.
http://dx.doi.org/10.1515/humr.1998.11.3.291
Herzog, T. R., & Larwin, D. A. (1988). The appreciation of humor in
captioned cartoons. Journal of Psychology, 122(6), 597– 607. http://dx
.doi.org/10.1080/00223980.1988.9915534
Hillson, T. R., & Martin, R. A. (1994). What’s so funny about that? The
domains-interaction approach as a model of incongruity and resolution
in humor. Motivation and Emotion, 18, 1–29. http://dx.doi.org/10.1007/
BF02252473
Kohn, N., Kellermann, T., Gur, R. C., Scneider, F., & Habel U. (2011).
Gender differences in the neural correlates of humor processing: Implication for different processing modes. Neuropsychologia, 49, 888 – 897.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neuropsychologia.2011.02.010
Kuiper, N. A., Grimshaw, M., Leite, C., & Kirsh, G. (2004). Humor is not
always the best medicine: Specific components of sense of humor and
psychological well-being. Humor: International Journal of Humor Research, 17(1), 135–168. http://dx.doi.org/10.1515/humr.2004.002
Lazarus, R. S. (1982). Thoughts on the relations between emotion and
cognition. American Psychologists, 37, 1019 –1024. http://dx.doi.org/
10.1037/0003-066X.37.9.1019
Martin, R. A. (2007). The psychology of humor: An integrative approach.
Burlington, É.-U. : Elsevier Academic Press.
Martin, R. A., Puhlik-Doris, P., Larsen, G., Gray, J., & Weir, K. (2003).
Individual differences in uses of humor and their relation to psychological well-being: Development of the Humor Styles Questionnaire. Journal of Research in Personality, 37, 48 –75. http://dx.doi.org/10.1016/
S0092-6566(02)00534-2
McCauley, C., Woods, K., Coolidge, C., & Kulick, W. (1983). More
aggressive cartoons are funnier. Journal of Personality and Social Psychology, 44, 817– 823. http://dx.doi.org/10.1037/0022-3514.44.4.817
Meyer, W.-U., Reisenzein, R., & Schützwohl, A. (1997). Towards a
process analysis of emotions: The case of surprise. Motivation and
Emotion, 21, 251–274. http://dx.doi.org/10.1023/A:1024422330338
Mindess, H., Miller, C., Turek, J., Bender, A., & Corbin, S. (1985). The
Antioch humor test: Making sense of humor. New York, É.-U. : Avon Books.
Nezlek, J., et Derks, P. (2001). Use of humor as a coping mechanism,
psychological adjustment, and social interaction. Humor: International
Journal of Humor Research, 14(4), pp. 395– 413. http://dx.doi.org/
10.1515/humr.2001.011
Piolat, A., & Bannour, R. (2009a). An example of text analysis software
(EMOTAIX-Tropes) use: The influence of anxiety on expressive writing. Current Psychology Letters. Brain, Behavior and Cognition, 5(2).
[http://cpl.revues.org/index4878.html].
Piolat, A., & Bannour, R. (2009b). EMOTAIX: Un scénario de Tropes
pour l’identification automatisée du lexique émotionnel et affectif.
L’Année psychologique, 109, 657–700. http://dx.doi.org/10.4074/
S0003503309004047
Ruch, W. (1997). State and trait cheerfulness and the induction of exhilaration: A FACS study. European Psychologist, 2(4), 328 –341. http://
dx.doi.org/10.1027/1016-9040.2.4.328
Ruch, W. (2007). Sense of humor: A new look at an old concept. Dans W.
Ruch (éd.), The sense of humor: Explorations of a personality characteristic (pp. 3–14). New York, É.-U. : Mouton de Gruyter.
Ruch, W., & Hehl, F.-J. (1987). Personal values as facilitating and inhibiting factors in the appreciation of humor content. Journal of Social
Behavior and Personality, 2, 453– 472. Consulté sur Internet, à http://
psycnet.apa.org/PsycINFO/1989-08360-001
Ruch, W., & Rath, S. (1993). The nature of humor appreciation: Toward an
integration of perception of stimulus properties and affective experience.
Humor: International Journal of Humour Research, 6, 363–384. http://
dx.doi.org/10.1515/humr.1993.6.4.363
Samson, A. C., & Hempelmann, C. F. (2011). Humor with backgrounded
incongruity: Does more required suspension of disbelief affect humor
perception? Humor: International Journal of Humour Research, 24,
167–185. http://dx.doi.org/10.1515/HUMR.2011.011
Sander, D., & Scherer, K. R. (2009). Traité de psychologie des émotions.
Paris, France : Dunod.
Saroglou, V., & Anciaux, L. (2004). Liking sick humor: Coping styles and
religion as predictors. Humor: International Journal of Humor Research, 17, 257–277. http://dx.doi.org/10.1515/humr.2004.012
Saroglou, V., Lacour, C., & Demeure, M. E. (2010). Bad humor, bad
marriage: Humor styles in divorced and married couples. Europe’s
Journal of Psychology, 3, 94 –121. http://dx.doi.org/10.5964/ejop.v6i3.210
Scherer, K. R. (2000). Psychological models of emotion. Dans J. Borod
(éd.), The neuropsychology of emotion (pp. 137–162). Oxford/New
York, É.-U. : Oxford University Press.
Shultz, T. R. (1974). Order of cognitive processing in humor appreciation.
Canadian Journal of Psychology, 28, 409 – 420. http://dx.doi.org/
10.1037/h0082006
Suls, J. M. (1972). A two-stage model for the appreciation of jokes and
cartoons: An information-processing analysis. Dans J. H. Goldstein &
P. E. McGhee (éds), The Psychology of Humor: Theoretical perspectives
and empirical issues (pp. 81–100). New-York, É.-U. : Academic Press.
Szabo, A. (2003). The acute effects of humor and exercise on mood and
anxiety. Journal of Leisure Research, 35, 152–162.
Szabo, A., Ainsworth, S. E., & Danks, P. K. (2005). Experimental comparison of the psychological benefits of aerobic exercise, humor, and
music. Humor: International Journal of Humor Research, 18(3), 235–
246. http://dx.doi.org/10.1515/humr.2005.18.3.235
Wicker, F. W., Thorelli, I. M., Barron, W. L., & Ponder, M. R. (1981).
Relationships among affective and cognitive factors in humor. Journal
of Research in Personality, 15, 359 –370. http://dx.doi.org/10.1016/
0092-6566(81)90033-7
Wilson, D. W., & Molleston, J. L. (1981). Effects of sex and type of humor
on humor appreciation. Journal of Personality Assessment, 45, 90 –96.
http://dx.doi.org/10.1207/s15327752jpa4501_18
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
175
Annexe A
Description du contenu de quelques dessins d’humour noir et non noir
Les dessins qui sont succinctement décrits ci-après correspondent aux choix majoritaires de dessins qui ont plu et déplu pour les
deux types d’humour. Comme il n’est pas possible de les reproduire, car le dessinateur ne nous y a pas autorisés, ils sont rapidement
commentés afin de pointer, de façon qualitative, les aspects plus ou
moins transgressifs des thèmes qu’ils présentent et qui peuvent être
à l’origine de ces choix : 1) Deux dessins d’humour noir ont
majoritairement déplu : un ring de boxe sur lequel se trouvent des
morceaux de corps montrant que le combat a été féroce et destructeur (Dessin 8); une collection d’instruments de chirurgie ressemblant à des outils de bricolage, ce qui rend cruelle l’idée de les
utiliser (Dessin 14); 2) trois dessins d’humour noir ont majoritairement plu : un homme qui, la corde au cou, souhaite se suicider en
se pendant à un arbre très petit et qu’il arrose (Dessin 5); un
malade transporté vers l’hôpital qui regarde des croque-morts qui
en sortent en transportant plusieurs cercueils (Dessin 4); un
bourreau qui actionne une guillotine pour exécuter un con-
damné, mais qui, dans le même temps, se pendra quand le
tranchant de la guillotine tombera (Dessin 18); 3) trois dessins
d’humour non noir ont majoritairement déplu : un médecin qui
examine la langue d’un patient en la déroulant avec une clé,
comme si c’était une boîte de conserve (Dessin 28); un patient
chez un dentiste et dont la dent attachée à la poignée de la porte
ne pourra être arrachée qu’à son ouverture (Dessin 24); un
patineur chutant en glissant sur une peau de banane traînant sur
la patinoire (Dessin 34); 4) quatre dessins d’humour non noir
ont majoritairement plu : une statue d’athlète grec qui est
entouré de canettes de bière et qui fait un pied de nez (Dessin
32); plusieurs hommes situés chacun au fond d’un trou qu’ils
creusent tout en remplissant avec leurs pelletées le trou qui est
derrière eux (Dessin 20); un athlète qui fait ressortir son biceps
qui a la forme d’un cerveau (Dessin 25); un skieur nautique qui
tamponne un arbre anormalement planté au milieu de l’eau
(Dessin 22).
Annexe B
Exemples de termes émotionnels identifiés automatiquement par EMOTAIX-Tropes
(Piolat & Bannour, 2009a & b)
Le scénario EMOTAIX est une base lexicale qui contient 4000
termes répartis selon leur sens en six supercatégories qui se correspondant deux à deux en fonction de la valence positive et
négative des termes qu’elles regroupent : Bien-être vs Mal-être ,
Bienveillance vs Malveillance , Sang-froid vs Anxiété». Ces supercatégories sont elles-mêmes subdivisées en d’autres souscatégories plus spécifiques sur le plan de leur contenu. Ces grains
plus fins d’analyse n’ont pas été pris en compte dans les résultats
de la présente publication, aussi nous ne les présentons pas ici et
nous gardons comme appellation des catégories d’émotions repérées
dans les écrits des participants le nom des supercatégories. Deux
autres catégories de lexique – dont la valence positive ou négative ne
peut être définie qu’en fonction du contexte dans lequel ces termes ont
été utilisés par le participant – sont aussi repérées, à savoir la Surprise
et l’ Impassibilité. Afin d’illustrer les termes qui ont été repérés et
catégorisés avec le scénario EMOTAIX, nous présentons ci-après
quelques énoncés extraits des justifications écrites des participants. Il
faut noter que, dans un bref énoncé, plusieurs émotions ont pu être
explicitées. Lors de l’analyse des justifications, elles ont été comptabilisées au sein de leur catégorie. Toutefois, pour les exemples
suivants, nous n’avons souligné en gras que les termes appartenant à
la supercatégorie illustrée.
1) Catégorie Bien-être. « Le dernier aspect qui m’interpelle
c’est que la simple guillotine avec un condamné à mort me
révolterait alors que la présence du bourreau bientôt pendu me
rend cette vision de mort imminente plus douce, plus irréelle,
moins douloureuse voire hilarante ! » « Quoi qu’il en soit c’est un
très bon strip, avec beaucoup de finesse, il m’a donc rendu plutôt
heureux. Finalement on peut rire de tout, même de la fatalité
humaine et je trouve cette image bien, car très légère et en même
temps posant des problèmes beaucoup plus profonds. » « Et ainsi
avec ces souvenirs et cette image je ressens un sentiment de joie,
de bien-être d’avoir ri et de m’être rappelé certains souvenirs
drôles. »
2) Catégorie Mal-être. « La vue de cette image me rend donc
triste et légèrement en colère contre celui qui s’est senti bon de me
rappeler ces sentiments. » « C’est sûrement pour ça que je n’aime
pas cette image, parce qu’elle se moque de quelque chose que j’ai
vécu et qui est, non pas traumatisant, mais très éprouvant. »
« Cette image est pour moi une façon de se moquer du malheur
des autres. » « Tout d’abord en voyant le visage de l’homme sur
l’image je me suis senti un peu gênée voir triste, car il exprime
vraiment du désespoir du malheur il m’a fait de la peine. »
« Peut-être suis-je même un peu frustré parce que je ne la
comprends pas justement cette image ! » « Cette image m’a plu,
tout d’abord parce qu’elle traite d’un sujet assez morbide avec
beaucoup d’humour. »
(Annexes continue)
176
AILLAUD ET PIOLAT
3) Catégorie Bienveillance. « C’est cette image que j’ai
préférée, car je la trouve extrêmement drôle. Ce que j’aime c’est
que lorsque l’on voit cette image on rigole tout de suite, on ne
réfléchit pas au sens de l’image, car il n’y en a pas. » « C’est tout
l’esprit de cette image qui est fort plaisante pour moi. D’où cette
envie de rire de ma part. »
Catégorie Malveillance. « Alors même si cette image n’a rien
de vraiment choquant dans le sens où il n’y a pas de choses
répugnantes ou sexuelles cela m’a mis en colère qu’on fasse de
l’humour noir sur la religion et qu’on est en plus choisi Jésus. »
« Donc si je devrais expliquer ce que je ressens en voyant cette
image, je dirais que je ressens de la colère, de l’énervement, de la
haine. Je dirais même que cette image me révolte et que les
dessinateurs me répugnent. » « Au niveau de mes sentiments, je
suis choqué, je trouve ça irritant, ça m’énerve, et je suis en colère
que l’on se moque des filles grosses. » « En définitive, cette image
me choque, me bouleverse et m’enrage par son symbolisme
néfaste et macabre, me réconforte parce qu’elle donne un sentiment de justice, me déconcerte parce qu’elle est ignoble dans le
fond ! » « Mon ressenti émotionnel et affectif que je peux avoir à
l’égard de cette photo est de l’ordre de l’agacement, l’ennuie, le
mépris, mais également de la compassion à l’égard de l’auteur de
cette image ridicule. » « Cette image m’énerve particulièrement,
parce que je ne supporte pas qu’on rigole de la mort, le fait
d’imaginer une personne décédée à l’intérieur et de voir qu’ils font
une course, qu’il joue de ça pour soi-disant faire un dessin humoristique . . . »
5) Catégorie Sang-froid. « Après avoir vu l’image, je me
sens plus calme que précédemment, et je suis relativement détendue. »
6) Catégorie Anxiété. « Le fait de voir quelque chose de
complètement déplacé, qui a fait appel à ma mémoire, me rappeler
que j’ai déjà était dans cette situation avec un léger embarras à
contribuer à la drôlerie de l’image. » « On peut noter qu’il y a une
belle synchronisation entre les entrées et les sorties, ce qui accroit
le sentiment de drôlerie en se disant que ce bonhomme ne sera pas
tout seul, ce qui est assez horrible en soi. » « Elle est en réalité
horrible par ce qu’elle montre, mais il est marrant de voir le
bourreau mourir dès lors qu’il infligera la mort. »
7) Catégorie Surprise. « Cette image me paraît à la fois drôle
et surprenante. Elle est en réalité horrible par ce qu’elle montre,
mais il est marrant de voir le bourreau mourir dès lors qu’il
infligera la mort. » « Cette image m’a plu, car je l’ai trouvé drôle
et inattendue contrairement à d’autres prototypes d’image drôle
trop courante celle-ci m’a surprise, je ne m’y attendais pas. »
8) Catégorie Impassibilité. « Mon état émotionnel face à
cette image est donc plutôt un état neutre, je ne ressens rien en la
voyant, juste de la perplexité et une constante interrogation : en
quoi est-elle drôle bon sang ? » « Peut-être que replacer dans son
contexte celle-ci retrouve son sens et son caractère humoristique,
mais ce n’est pas le cas pour moi ici, en conséquence je n’ai aucun
ressenti émotionnel qu’il soit positif ou négatif, je reste neutre et
en cliquant sur l’image suivante je l’ai déjà oubliée. »
De plus, afin d’exemplifier l’entièreté d’une justification produite par écrit par les participants et la nature du lexique qui a été
comptabilisé, nous en reproduisant une ci-après et, pour limiter le
volume de cette annexe, seulement pour une des quatre conditions
expérimentales (participant n° 143 : condition humour noir et
condition déplaire) : « Je n’ai pas du tout aimé [malveillance] cette
image, car elle provoque [malveillance] en moi une sorte de
dégoût [malveillance] !! Je trouve cette image vraiment écœurante [malveillance], dès que je l’ai vue j’ai ressenti [mal-être] un
malaise [mal-être] face à ce qui est représenté. Je n’ai pas du tout
compris le côté comique de cette dernière, je ne vois même pas
comment on pourrait en rire [mal-être]. Le ring est un lieu de
bataille certes, mais pas un abattoir. Je suis très sensible [mal-être]
à ce que je vois, le sang et les organes éparpillés de cette manière
me donnent la nausée [malveillance]. Les organes y sont déchiquetés et envahissent tous l’espace. Cette image est tout à fait
répugnante [malveillance] selon moi. Elle m’interpelle tout de
suite et me choque [mal-être]. Lorsque je la regarde c’est
l’incompréhension totale, de 1 je ne vois pas vraiment pourquoi on
a représenté cela et de 2 quel est le but de ce dessin. Je n’ai pas du
tout aimé [malveillance] la présence de sang, la présence de tous
ces organes emmêlés comme cela. Le fond gris fait tout de suite
ressortir ces éléments tout à fait morbide [mal-être] et répugnant
[malveillance]. »
Enfin, pour illustrer l’ampleur des émotions mixtes explicitées à
la suite d’un dessin d’humour noir, voici un extrait du texte écrit
par un participant à propos du dessin n° 4, dessin fréquemment
choisi et apprécié : « La moue sidérée et terrifiée du pauvre
patient devant la fatalité est vraiment drôle, si on apprécie ce
genre d’humour. On peut noter qu’il y a une belle synchronisation
entre les entrées et les sorties, ce qui accroît le sentiment de
drôlerie en se disant que ce bonhomme ne sera pas tout seul, ce
qui est assez horrible en soi. Ce genre d’humour plutôt noir me
plait beaucoup, car il permet de dénoncer ou de critiquer un
système, pourvu qu’on y réfléchisse. Il demande de la réflexion et
du recul, et l’effet comique augmente d’autant plus que l’image est
choquante, incongrue. C’est pour cela que cette image m’a beaucoup plu, car elle a, outre son aspect incisif, probablement pour but
de dénoncer des problèmes d’incompétences au sein de certains
hôpitaux, où des patients subissent des injections mortelles de
produits curatifs, par exemple. En bref, quelques secondes de pur
plaisir ! »
(Annexes continue)
LEXIQUE ÉMOTIONNEL EN RÉACTION ÀDES DESSINS D’HUMOUR NOIR ET NON NOIR
177
Annexe C
Résultats complémentaires concernant les quatre jugements opérés sur les dessins qui ont plu et qui ont déplu
Une situation humoristique est considérée comme étant appréciée de manière optimale, donc provoquant des émotions positives, si elle obtient un score élevé de drôlerie sur une échelle de
Likert allant de « pas drôle du tout » à « extrêmement drôle »
(Ruch, 2007). Cependant, Ruch et Rath (1993) ont souligné qu’un
score élevé de drôlerie pouvait aussi être accompagné d’une évaluation négative sous forme de rejet. Faire juger des situations
humoristiques seulement selon leur niveau de drôlerie s’avère
donc insuffisant. Plusieurs travaux ont, de plus, montré que le
niveau de drôlerie était positivement corrélé au niveau de surprise
(Herzog & Bush, 1994; Herzog & Hager, 1995; Herzog & Karafa,
1998; Wicker, Thorelli, Barron & Ponder, 1981). Enfin, la clarté
d’une situation comique, autrement dit le fait de la comprendre,
constitue aussi un critère dans l’appréciation de l’humour (Herzog
& Bush, 1994; Herzog & Larwin, 1988).
Par ailleurs, des études ont analysé la nature des jugements
portés par les individus en fonction de la thématique de l’humour
(Herzog et al., 2006). Ruch et Hehl (1987) avaient déjà souligné
que le rejet des situations humoristiques est positivement corrélé
avec le fait que la thématique transgresse les normes morales.
Herzog et Bush (1994) ainsi que Herzog et Karafa (1998) ont mis
en évidence que l’humour malsain est moins estimé que l’humour
non malsain, soulignant également l’importance des normes sociales dans l’appréciation ou pas de l’humour. Goel et Dolan
(2007) ont démontré qu’une situation humoristique qui transgresse
les normes morales et sociales était moins appréciée, car jugée
comme moins drôle, qu’une situation comique socialement appropriée.
Enfin, dans une publication précédente (Aillaud & Piolat, 2012),
nous avons analysé les jugements donnés par les participants de la
présente publication au contact des 18 dessins d’humour noir et
des 18 dessins d’humour non noir. Nous avons mis en évidence
que les dessins d’humour noir ont été jugés comme plus incongrus
et plus surprenants que les dessins d’humour non noir. Les dessins
d’humour noir ont aussi été perçus comme moins clairs et moins
drôles que les dessins d’humour non noir. Pour apporter ici de
nouvelles données, nous avons repris les analyses en les limitant
aux jugements portés aux deux seuls dessins choisis par les participants comme ayant plu et n’ayant pas plu. Ces jugements ont
été faits selon quatre échelles (Incongruité, Surprise, Clarté et
Drôlerie; pour plus d’informations sur la procédure, voir Aillaud &
Piolat, 2012). Nous rapportons ici quelques résultats des analyses.
Les données (score du jugement du dessin qui a « plu » et du
dessin qui a « déplu ») ont été soumises à une ANOVA avec le
facteur Choix en mesure répétée et le facteur Humour en facteur
intersujets. Cette ANOVA à mesure répétée a été réalisée successivement pour chacun des critères de jugement (Incongruité, Surprise, Clarté et Drôlerie). Pour les critères de Clarté [F(1, 562) ⫽
159,50, MSE ⫽ 151,68, p ⬍ 0,0001, ␩p2 ⫽ 22,56 %] et de Drôlerie
[F(1, 562) ⫽ 769,22, MSE ⫽ 481,42, p ⬍ 0,0001, ␩p2 ⫽ 57,8 %],
les dessins qui ont déplu ont des scores significativement inférieurs
à ceux des dessins qui ont plus. Pour les critères Incongruité et
Surprise, les interactions entre les modalités des facteurs Choix et
Humour sont significatives. Dans le cas de l’Incongruité,
l’interaction est la suivante : F(1, 562) ⫽ 5,04, MSE ⫽ 5,32, p ⬍
2
0,05, ␩partiel
⫽ 0,9 %. Le dessin d’humour noir qui a le plus plu
(M ⫽ 1,92, É.-T. ⫽ 1,06) est jugé moins incongru que le dessin
d’humour noir qui a déplu (M ⫽ 2,24, É.-T. ⫽ 1,13), le Test Post
Hoc de Tukey’s HSD Humour Noir Plu vs Humour Noir Déplu,
p ⬍ 0,05 est significatif. En revanche, le dessin d’humour non noir
qui a le plus plu (M ⫽ 1,74, É.-T. ⫽ 1,01) n’est pas jugé significativement plus incongru que le dessin d’humour non noir qui a
déplu (M ⫽ 1,22, É.-T. ⫽ 0,90, HSD Humour non noir Plu vs
Humour non noir Déplu, p ⫽ 0,94, ns). Dans le cas de la Surprise,
l’interaction est la suivante : F(1, 562) ⫽ 8,89, MSE ⫽ 8,51, p ⬍
2
0,01, ␩partiel
⫽ 1,56 %. Le dessin d’humour noir qui a le plus plu
(M ⫽ 2,69, É.-T. ⫽ 0,98) n’a pas été jugé significativement plus
surprenant que le dessin d’humour noir qui a déplu (M ⫽ 2,54,
É.-T. ⫽ 1,03, HSD Humour Noir Plu vs Humour Noir Déplu : p ⫽
0,72, ns). En revanche, le dessin d’humour non noir qui a le plus
plu (M ⫽ 2,59, É.-T. ⫽ 0,10) a été jugé significativement plus
surprenant que le dessin d’humour non noir qui a déplu (M ⫽ 1,97,
É.-T. ⫽ 0,92, HSD Humour non noir Plu vs Humour non noir
Déplu, p ⬍ 0,0001). Des résultats complémentaires (résultats non
présentés dans l’annexe C) et compatibles avec ceux publiés par
Aillaud et Piolat (2012) sur ces données montrent que, quel que
soit le type d’humour qu’ils présentent, les dessins appréciés ont
été jugés plus surprenants, plus clairs et plus drôles que les dessins
qui ont été rejetés. Conformément aux résultats de Herzog et
Karafa (1998) et d’Aillaud et Piolat (2012), pour qu’une situation
humoristique soit jugée drôle – et de ce fait appréciée – il est
nécessaire qu’elle provoque à la fois un effet de surprise et que
l’individu reconnaisse facilement l’incongruité qui concourt à son
potentiel comique. Plus spécifiquement, les dessins d’humour noir
non appréciés ont été jugés plus incongrus (c’est-à-dire comme
plus déplacés, plus inconvenants) que les dessins d’humour noir
appréciés. Ces résultats qui concernent tous les dessins qualifiés de
plaisants ou de déplaisants soutiennent ainsi les observations faites
dans l’annexe A à propos des contenu des dessins majoritairement
choisis. Le fait de trouver amusant ou pas un dessin dépend du
niveau de transgression que tolèrent les individus quand ils exploitent leurs systèmes de normes internes pour leurs évaluations
cognitives (Sander & Scherer, 2009). Ces systèmes régulent le fait
de s’autoriser ou non à trouver drôle un dessin humoristique. On
peut noter, de plus, que les dessins d’humour standard qui ont été
appréciés ont été jugés comme plus surprenants que ceux qui ont
(Annexes continue)
178
AILLAUD ET PIOLAT
été rejetés. Ce résultat est conforme à celui de Herzog et Karafa
(1998), qui ont montré que l’évaluation de la drôlerie des blagues
était positivement corrélée à l’évaluation du critère de surprise.
L’émotion de surprise constitue bien un indicateur de la reconnaissance de l’incongruité, autrement dit d’une divergence entre
les éléments donnés dans le dessin et ceux qui sont classiquement
attendus dans la vie quotidienne (Meyer et al., 1997). Cette émotion peut être aussi considérée comme le résultat de l’application
de la première série des évaluations cognitives qui contribueront
au façonnement d’un épisode émotionnel selon Sander et Scherer
(2009). Toutefois, elle n’est pas suivie d’émotions seulement positives, car les évaluations postérieures réalisées à l’aide du système
de normes internes contribueront à l’élaboration simultanée de
ressentis émotionnels positifs et négatifs comme nous l’avons
mentionné précédemment.
Reçu le 16 juin 2013
Accepté le 17 février 2014 䡲
E-Mail Notification of Your Latest CPA Issue Online!
Would you like to know when the next issue of your favorite Canadian Psychological Association journal will be available
online? This service is now available. Sign up at http://notify.apa.org/ and you will be notified by e-mail when issues of interest
to you become available!
Avis par courriel de la disponibilité des revues de la SCP en ligne!
Vous voulez savoir quand sera accessible en ligne le prochain numéro de votre revue de la Sociétè canadienne de psychologie
préférée? Il est désormais possible de le faire. Inscrivez-vous à http://notify.apa.org/ et vous serez avisé par courriel de la date
de parution en ligne des numéros qui vous intéressent!