Juillet 1942 Futurs chars et futurs avions

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Juillet 1942 Futurs chars et futurs avions
Juillet 1942
9 – Préparer l’avenir
Futurs chars et futurs avions
1er juillet
2 juillet
Lancement du CERS
Hammaguir – Du fait de l’augmentation régulière de l’activité sur le site, les recherches
menées par Jean-Jacques Barré et René Leduc sont désormais coiffées par une nouvelle
structure : le CERS, ou Centre d’Essais et de Recherche du Sahara. Le CERS est placé sous
l’autorité directe du ministre de la Défense. Ce rattachement apparaît logique, l’activité du
centre étant officiellement le développement d’un missile à longue portée combinant fusée,
statoréacteur et système de guidage avancé. Dans la réalité, personne (et surtout pas le
ministre lui-même) n’est dupe du fait que le missile est trop ambitieux pour être opérationnel
de sitôt. Comme il l’admettra dans ses Mémoires de Guerre (tome 3, Le Salut), De Gaulle
place déjà « les pions de la France » pour l’après-guerre...
3 juillet
4 juillet
Ecole de téléguidage
Hammaguir – Un Caudron Luciole décolle de la piste du centre d’essais. Ce biplan, humble
et vaillant serviteur de l’Armée de l’Air, a servi sous bien des cieux pendant de longues
années. Cette solidité et sa stabilité naturelle l’ont fait choisir pour le programme en cours.
En tant qu’avion d’entraînement, le Luciole est biplace et, comme sur beaucoup d’avions de
ce type, le pilote est assis derrière l’élève pour des raisons de centrage. Mais ce matin, il n’y a
pas d’élève en place avant, où est installé un lourd empilement de coffrets contenant un
dispositif pour le moins complexe. Une série de gyroscopes assure la stabilité de route sur les
trois axes. Mais la partie la plus intéressante est un appareillage mécanique destiné à assurer
un vol automatique. Le plan de vol prévu a été codé sous forme de cartes perforées similaires
à celles des pianos mécaniques, qui actionnent un dispositif électromécanique qui transmet les
ordres aux gouvernes. A terme, l’ensemble doit permettre un vol autonome sur de longues
distances en remplacement du guidage radio, trop vulnérable au brouillage.
Lors de ce premier vol, un “instructeur” restera en place arrière, veillant sur la double
commande, au cas où l’engin ferait des siennes… L’objectif à moyen terme est de monter le
système sur un chasseur, afin de tester le système de guidage complexe aux grandes vitesses
que doit atteindre l’obus propulsé par la fusée Barré.
Les essais menés sur le Luciole vont buter sur le même problème que ceux sur le Voisin dans
les années 20, à savoir (entre autres) une incapacité à faire face aux rafales de vent,
notamment dans la tenue de cap. Le jeune René Hirsch, à l’aube d’une brillante carrière
d’ingénieur, essaiera une série de dispositifs inspirés du Leo-48, ailes oscillantes et “cornes”
(surfaces verticales supplémentaires), qui doivent permettre au “pilote de fer” de résister aux
rafales. Ils auront cependant un succès mitigé.
Pendant ce temps, les essais du Leduc se poursuivent. Le Bloch 175 a effectué plusieurs
dizaines de largages du modèle à l’échelle !. Les essais du modèle à l’échelle 1/2 se
poursuivent sur le dos du MB-161 et le jour de son premier largage approche.
5-6 juillet
7 juillet
Comment remédier aux déficiences de la Panzerwaffe
Rastenburg (la “Tanière du Loup”) – La direction de la Heereswaffenamt se réunit pour
discuter les résultats de la mission envoyée évaluer les déficiences de l’arme blindée
allemande sur le front russe (voir annexe C Y6).
A la grande consternation de tous les officiers généraux présents, il est vite évident, selon tous
les rapports recueillis, que les véhicules blindés de la Wehrmacht sont sérieusement surclassés
par les T-34 et les KV-1 russes (comme la bataille de Pskov va encore le montrer le même
jour de façon dramatique).
Des engins tels que le Pz-II ou même le Pz-38(t) sont devenus pratiquement inutiles. Le PzIII, cheville ouvrière des Panzerdivisions, est totalement dépassé en puissance de feu comme
en blindage par les nouveaux chars moyens et lourds des Russes. Le nouveau char de percée,
le Pz-V, manque gravement de puissance de feu. Il sera relativement facile de lui donner un
armement plus puissant, mais on ne pourra rien faire pour modifier le blindage vertical de ses
flancs. Le Pz-IV est plus facile à construire en grand nombre que le Pz-V, mais sa protection
est encore moins satisfaisante. La seule solution est de développer de nouveaux blindés. Un
Comité spécial Blindés (PanzerStaß) est alors organisé sur l’ordre de Todt pour rédiger des
programmes concernant un char moyen et un char lourd. Il est cependant évident qu’aucun de
ces véhicules ne pourra équiper les unités de première ligne avant fin 1943.
Pour remédier provisoirement à cette situation très préoccupante, il est décidé d’utiliser les
châssis très fiables des Pz-II et des Pz-38(t) pour développer des chasseurs de chars dotés du
canon de 75 mm/L48 dès qu’il sera disponible en quantité. Les StuG-III vont aussi voir leur
armement renforcé, avec un canon de 75 mm/L43 (puis L/48) ou avec un obusier de 105 mm
pouvant tirer de puissants obus HEAT.
Quant aux chars, il est impossible d’arrêter la production du Pz-III, quelles que soient ses
limitations, car en l’absence d’un remplaçant performant, l’existence même des forces
blindées allemandes serait menacée. La seule solution est de réarmer le char avec le
50 mm/L60 ou avec le 75 mm/L24 utilisé jusqu’alors sur le Pz-IV (la taille de la tourelle du
Pz-III interdit d’installer un plus gros canon). Mais cette amélioration entre en concurrence
avec le programme des chasseurs de chars pour les canons de 50 mm/L60 AT.
En revanche, le Pz-IV et le Pz-V Leopard peuvent être nettement améliorés. Une nouvelle
tourelle permettra d’équiper le Pz-IV du 75 mm/L48. Les ingénieurs estiment à cinq mois le
délai nécessaire pour que les premiers chars de série commencent à sortir. La tourelle actuelle
du Pz-V peut immédiatement être équipée du 75 mm/L48 ; avec quelques modifications, elle
pourra recevoir le nouveau 75 mm/L70, dont les essais sont terminés. Cependant, le blindage
ne pourra être incliné. Le Pz-V n’aura finalement été qu’un bouche-trou.
Le développement du Panzer VI, alors au stade du prototype (le char de Henschel a été choisi
contre celui de Porsche), est accéléré et priorité absolue est donnée aux nouveaux projets.
MAN et Daimler-Benz sont prêts à concourir pour le futur char moyen, qui doit avoir un
blindage incliné, un large empattement, une vitesse maximum de 55 km/h et (à ce moment)
un canon de 75 mm/L70. Le résultat sera le fameux Panzer VII Panther.
Porsche et Henschel, de leur côté, décident de concourir pour le programme d’un char lourd
qui sera le monstrueux Panzer VIII Löwe, dont la célébrité dépassera de beaucoup le rôle
effectif.
Les deux programmes doivent être mis au point de toute urgence et la Waffenprüfamt-6
(section de développement des véhicules blindés de la Heereswaffenamt) demande que le
projet du Pz-VII lui soit soumis avant le 20 décembre 1942 et celui du Pz-VIII avant le 20
mars 1943. Le premier exemplaire de série du nouveau char moyen devra sortir le 1er août
1943, et le premier char lourd de série au début de 1944.
………
Ces décisions prises, Hitler propose de monter des canons Flak-36 ou 37 de 88 mm sur des
châssis ouverts, permettant d’obtenir rapidement des véhicules antichars très puissants (de
fait, le Führer avait noté dès 1938 le potentiel antichar du 88 mm antiaérien). Les officiers de
la Heereswaffenamt passent alors un moment difficile. Ils doivent en effet expliquer à Hitler
que son armée manque de canons de 88 parce qu’au milieu des années 30, “on” leur a laissé
prévoir une guerre violente mais de courte durée. Tous les canons de 88 mm ont reçu le tube
R.A.9, qui comprend une chemise, un manchon et un tube interne, tous trois découpés en trois
éléments, la section centrale comportant la première partie des rayures et le cône de forçage. Il
est de la sorte possible, au bout de 900 coups (la durée de vie prévue du tube), de démonter le
canon pour ne changer que la section centrale. Le tube R.A.9 permet donc de ne mettre en
réserve que des sections centrales, et non des tubes complets, ce qui est très économique en
temps de paix. Cependant, les tolérances industrielles dans la fabrication du tube sont très
réduites, en particulier pour la section centrale, et le nombre d’heures de travail nécessaires
pour produire un tube complet dépasse de beaucoup le nombre d’heures nécessaires à la
production d’un tube classique du même calibre. Cela n’aurait pas posé de problème si la
guerre avait été courte. Mais à présent, la Wehrmacht, qui possède une solide réserve de
sections centrales de 88 mm (ce qui lui permet de réparer les tubes abîmés), manque de
canons, et l’astuce technologique de leur fabrication représente un sérieux goulot
d’étranglement interdisant d’accélérer leur production, qu’il s’agisse des vieux Flak-36 ou 37
ou du nouveau Rheinmetall Flak-41. Les chaînes d’assemblage ne peuvent être rapidement
réorganisées, car presque toutes les machines-outils ont été conçues pour produire des tubes
de canon en trois sections et sont trop petites pour produire des tubes d’une seule pièce.
Il n’y a guère de solution disponible.
Krupp fait alors une proposition qui paraît prometteuse : développer un canon antichar/canon
de char spécialement adapté à partir du Flak-41 de Rheinmetall. Mais si cette proposition est
acceptée avec joie, ces canons ne pourront être disponibles avant la fin de 1943.
[D’après l’ouvrage de Maurice Héninger « L’épreuve du feu – L’évolution des outils
militaires durant la Deuxième Guerre Mondiale » (Plon Ed., Paris, 1985)]
Les balbutiements du premier chasseur à réaction
Augsbourg – Le Fl.Kptn Fritz Wendel commence les essais de roulage du Me 262 V3, le
premier prototype uniquement propulsé par deux turboréacteurs Jumo 004. Après deux
longueurs de piste sur le terrain privé de Messerschmitt, le test doit être interrompu en raison
d’une panne de compresseur sur la turbine gauche.
8 au 11 juillet
12 juillet
Un 190 pour la haute altitude
Usines Focke-Wulf de Dessau (Allemagne) – Premier essai du Fw 190 V13, propulsé par un
moteur DB-603. Cet avion, le premier d’une série de cellules de “développement” (d’où la
lettre “V”), fait partie du programme d’amélioration du Fw 190, destiné à accroître les
performances de l’appareil à haute altitude. Ce programme comprend des avions à moteur
DB-603, à moteur BMW-801 et à moteur Jumo-213. Le BMW-801 TJ à turbocompresseur
commençant à être très en retard, les espoirs reposent dans l’immédiat sur les moteurs DB603 et Jumo-213.
13 juillet
14 juillet
Téléguidage
Hammaguir – Au cœur du Sahara aussi, on veut célébrer la Fête Nationale.
Le MB-161 Bordeaux, superbe dans sa livrée rouge et blanche haute visibilité, vole 4 000 m
au-dessus du désert. A ses côtés, un Potez 63-11 rescapés des combats de 40-41 emporte un
caméraman dans son nez vitré. Au sol, théodolites, enregistreurs Hussenot, équipes de
récupération, tout est en place.
Dans ce qui aurait dû être la cabine passagers du quadrimoteur si la guerre n’était pas passée
par là, les ingénieurs surveillent leurs instruments de mesures. Sur le dos du Bordeaux, le
Leduc 005 (ainsi baptisé car « il s’agissait d’un demi-010 ») est fin prêt. Le pilote Jean
Gonord met le grand composite en léger piqué, à 300 km/h. La manœuvre est délicate : si la
radio flanche, si le modèle n’effectue pas sa séparation correctement…
Au top donné par le navigateur du Potez, le modèle est libéré. Il se sépare immédiatement du
quadrimoteur qui accentue alors sa descente, « au cas où… » comme le racontera Gonord. Le
guidage radio commence alors sans problème, éprouvé qu’il a été sur le MB-175 pendant
plusieurs mois. Quelques minutes d’évolution plus tard, le modèle se pose sagement sous son
parachute. Vive la France !
15 au 17 juillet
18 juillet
Les progrès de la réaction
Ulm (Allemagne) – En fin de matinée, sur l’aérodrome de Lepheim, choisi pour la longueur
de sa piste, Fritz Wendel, pilote d’essai de Messerschmitt, fait décoller le Me 262V3 (code PC
+ UC), premier prototype du Me 262 propulsé par des turboréacteurs (les prototypes V9 et
V10 du Jumo 004). Le décollage est laborieux, car l’appareil, à train classique, est très
difficile à contrôler au manche à l’approche du point de rotation (quand il faut lever la queue
pour passer en ligne de vol). Cependant, une fois dans les airs, les performances sont
sidérantes ; Wendel atteint 720 km/h à 3 500 m.
19 au 31 juillet

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