Une approche universelle qui met l`élève au coeur du système

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Une approche universelle qui met l`élève au coeur du système
CENTENNIAL ACADEMY
Une approche universelle qui met l’élève au coeur du
système
25 octobre 2014 | Hélène Roulot­Ganzmann ­ Collaboratrice | Éducation
Est­ce qu’une
seule formule
éducative
convient à tous ? Non, répondent les spécialistes de la
question, qui sont de plus en plus nombreux à favoriser la
conception universelle de l’apprentissage (CUA). Mais si cette
méthode pédagogique, qui consiste à partir des besoins
spécifiques de chaque élève pour trouver des solutions qui
seront appliquées ensuite à tout le groupe, est de plus en plus
mise en oeuvre aux niveaux collégial et universitaire, elle
reste encore très minoritaire au primaire et au secondaire. Au
Québec, seule la Centennial Academy, établissement
anglophone privé situé dans l’arrondissement Côte­des­Neiges
à Montréal, a adopté cette approche.
Ce texte fait partie d'un cahier spécial.
La scène se passe visiblement en pleine brousse. Un singe, un
pingouin, un éléphant, un poisson, un phoque et un chien forment
une ligne. Derrière eux apparaît ce qui semble être un baobab.
Photo: Courtoisie Centennial Academy
Devant, un professeur assis à son bureau annonce à tous les
La Centennial Academy est le seul
établissement à avoir adopté la
candidats : « Aux fins d’une sélection impartiale, tout le monde doit
conception universelle de
être soumis au même examen : veuillez donc grimper à cet arbre ! »
l’apprentissage.
De quoi faire sourire ? Cette illustration est pourtant souvent utilisée par les défenseurs de la
conception universelle de l’apprentissage pour démontrer toute l’absurdité du système scolaire tel qu’il
est encore majoritairement pratiqué. Un enseignement et une évaluation qu’ils jugent trop rigides et
qui ne tiendraient pas compte du fait que la population est de plus en plus diversifiée.
« La CUA, c’est le futur dans nos sociétés de plus en plus mixtes, estime Angela Burgos, directrice de
la Centennial Academy. Quelque 90 % des élèves qui viennent chez nous présentent un diagnostic,
qu’il s’agisse d’autisme, d’hyperactivité, d’un trouble de l’attention, d’un retard moteur ou langagier.
Mais nous accueillons aussi des élèves dont la langue maternelle n’est ni le français, ni l’anglais, des
adolescents issus de l’immigration qui présentent une diversité culturelle ou religieuse, des étudiants
surdoués ou sous­doués. Tous ces jeunes qui ne peuvent pas réussir dans le système scolaire
classique et uniforme. »
CUA. Derrière ces trois lettres se cache donc une approche pédagogique originale. Une approche qui
met l’élève au coeur du système, ou plus précisément les élèves, et qui impose donc à l’enseignant de
s’adapter à chacun de ses groupes. Bref, qui part du principe qu’il n’existe pas un apprenant typique.
« Chaque personne a sa propre façon de recevoir l’information, explique Mme Burgos. Les habiletés et
le processus cognitif sont différents d’un individu à l’autre, mais aussi ils peuvent varier en fonction
des situations et des contextes et au fil du développement du cerveau. L’idée, c’est de répondre aux
besoins spécifiques de chacun pour en faire bénéficier tout le groupe. »
Ainsi, lorsque, en raison d’un trouble de l’anxiété, un élève refuse de faire un exposé oral, l’enseignant,
plutôt que de le stigmatiser, peut proposer à toute la classe de choisir entre la présentation devant le
groupe ou la création d’une capsule vidéo à la maison. Si, compte tenu de ses limitations, un autre a
besoin de plus de temps pour faire un examen, le professeur peut prévoir une évaluation plus courte
afin que tous puissent avoir le temps nécessaire pour la mener à terme. Dans le cas d’un autre encore
qui serait trop désavantagé si on tenait compte de ses fautes d’orthographe, l’encadrant peut doter
l’ensemble de la classe d’un correcteur orthographique afin de soutenir l’apprentissage de la langue.
Autre élément­clé de cette approche : l’environnement de travail, qui doit être propice aux études.
« Ça veut dire, d’une part, des groupes réduits, 18 apprenants au maximum, et ça signifie aussi que ce
sont les enseignants qui vont de classe en classe, les élèves restant dans le même milieu, où ils ont
leur propre étagère, leur propre ordinateur personnel, explique la directrice de la Centennial Academy.
D’autre part, les lumières sont tamisées, les salles de classe sont moquettées, afin d’atténuer le bruit.
Ça signifie également que tout fonctionne selon une routine très stricte. Un lundi est un lundi et il se
déroule toujours de la même façon. Ça rassure les élèves. Une fois que l’enseignant a identifié les
divers besoins de son groupe en début d’année, il trouve des solutions et il explique à tous comment
son cours va fonctionner et se dérouler. Ensuite, il ne doit pas en déroger. Apprendre, c’est périlleux,
poursuit Mme Burgos. Les élèves se mettent en danger. Pour qu’ils y parviennent, on doit donc créer
un environnement dans lequel ils se sentent émotionnellement en sécurité. »
Si la méthode pédagogique adoptée diffère du schéma classique, la Centennial Academy ne satisfait
pas moins au programme québécois d’éducation, et les élèves qui sortent du secondaire peuvent
envisager de continuer au collège et à l’université. L’établissement se targue d’ailleurs de voir 96 % de
ses élèves sortir diplômés du secondaire en cinq ans, alors même que la plupart d’entre eux
présentent des troubles divers et variés.
« La conception universelle de l’apprentissage forme des jeunes plus autonomes, résilients, engagés,
équilibrés, qui savent ce que c’est que de travailler en groupe, d’être partenaires dans un projet, de
trouver leurs propres solutions, assure Mme Burgos. Bref, ils sont mieux armés pour entrer dans l’âge
adulte. »
La Centennial Academy accueille chaque année 200élèves en secondaire et elle dispose également d’un
collège basé sur le même principe. Son enseignement n’est cependant proposé qu’en anglais.
« Nous avions l’intention d’ouvrir un secteur francophone, explique Sophie Léger, directrice adjointe de
l’établissement. Mais il aurait fallu revoir tous nos protocoles, tout adapter, c’est vraiment très lourd.
En revanche, nous recevons des élèves francophones, que nous accompagnons pour qu’ils puissent
suivre dans des classes en langue anglaise. Cela dit, nous avons une recette qui fonctionne et nous
aimerions bien en faire profiter les écoles francophones, qu’elles soient publiques ou privées. Ça
pourrait prendre la forme d’un partenariat. Parce que c’est certain que, si on regarde à la fois
l’évolution de la composition de la société, l’augmentation de certains diagnostics comme
l’hyperactivité ou l’autisme, le décrochage scolaire et les coupes dans les budgets des commissions
scolaires… La conception universelle, c’est la solution du futur, de nombreux chercheurs s’entendent
là­dessus. »
Renseignements : http://centennial.qc.ca
L’année scolaire coûte 18 000 $ tout compris (inscription, repas, ordinateur, etc.). Des bourses sont
proposées.