Le Berry Républicain, “En chemin, la pensée vient en
Transcription
Le Berry Républicain, “En chemin, la pensée vient en
LE BERRY REPUBLICAIN LUNDI 21 SEPTEMBRE 2015 9 Région Cher BOURGES ■ Invité par le Berry républicain, Axel Kahn, donnera une conférence mercredi au muséum En chemin, la pensée vient en marchant Invité par le Berry républicain, Axel Kahn, scientifique, écrivain, sera présent mercredi 23 septembre, à 20 heures, au muséum pour une conférence sur le thème : pensées sur les chemins de France. INTERVIEW Dominique Delajot [email protected] ■ D’où vous est venu ce dé- sir de traverser à pieds en 2013 et 2014 la France selon deux diagonales. J’avais décidé de mettre mes pas dans ceux de Jac q u e s L a c a r r i è re a p r è s avoir lu son ouvrage Che min faisant. C’est aussi le résultat d’une interroga tion alors que j’étais à cinq ou six mois de la fin de mon mandat de prési dent de l’université de Pa risDescartes. Je chemi nais dans ma campagne, le berceau familial, juste à l’intersection entre la Bourgogne et la Champa gne, et je me demandais ce que j’allais faire. Les possibilités les plus bana les me venaient à l’esprit, mais rien me tentait plus que de mettre vraiment à exécution ce vieux projet. ■ Vous évoquez dans un de vos deux derniers ouvrages l’importance d’une rencontre ? Il y a eu le souvenir de ce vieil homme du Sancy qui m’avait dit : « Vous savez monsieur, chacun d’entre nous choisit sa vie. » Et donc si je me transformais comme le disait Lacarrière en cheminot vagabond, c’est clair que je choisis sais vraiment ma vie et que ce n’était pas la vie qui me poussait dans le sens de la plus grande pente. C’est aussi et vrai ment pour la quête de la beauté. Depuis très long temps, il me semble que l’émotion esthétique a été un marqueur très précoce de l’humanisation de nos ancêtres. Cette émotion esthétique était un amplificateur très important de l’humanisa tion parce que l’émotion partagée fait société et j’ai le sentiment que hors sa connexion à l’économie aujourd’hui la place faite à cette sensibilité esthétique est le parent pauvre des priorités derrière l’utilité, la rentabilité. ■ Pour vous, que signifie la marche ? D’abord c’est une activi té aussi naturelle pour moi que de respirer, de manger, de boire et de penser. Il y a un rapport évident entre la marche et la pensée. Ce rapport est connu depuis très long temps. Les péripatéticiens marchaient pour penser. Toute une famille de phi ■ Une même passion : la marche Généticien, médecin, chercheur, écrivain, Axel Kahn décide en 2013 de traverser la France d’Est en Ouest. De cette expérience il en fait deux livres : Pensées en chemin, ma France des Ardennes au pays basque. En 2014 son second périple d’Ouest en Est, de la Bretagne à Menton sera beaucoup plus difficile. Il écrit un second livre dans la foulée Entre deux mers, voyage au bout de soi. Le Berry républicain a invité Axel Kahn pour une conférence au muséum de Bourges mercredi 23 septembre, à 20 heures. Cette conférence entre dans le cadre de l’exposition de Michel Barbaud au muséum sur l’Himalaya. Il existe un point commun entre les deux hommes. Un point que partagent de nombreuses personnes : la passion de la marche. ■ ge de plus 500 habitants il y a une usine, dans un pays qui a subi des dom mages extraordinaires, cela a énormément ali menté ma réflexion. Com ment un pays qui a été aussi mal vu de la républi que, est aujourd’hui une des régions où le chômage est le plus faible avec une activité incroyable ? Cela confirme qu’à côté des pa ramètres objectifs, il existe un paramètre subjectif très fort qui armait les po pulations des territoires contre la crise, la dureté des temps. AXEL KAHN. Un cheminot vagabond parti à la rencontre d’un territoire et de ceux qui l’habitent. PHOTO PHILIPPE BIGARD losophes grecs, les Cyré naïques, ne pensaient qu’en marchant. Nietzsche disait qu’il n’était possible de penser qu’autrement qu’en marchant et je pourrais continuer ma li tanie. Les hommes d’égli se savent très bien pour que les prêtres, les moines arrivent à penser, à prier, il faut un déambulatoire. Dans notre monde moder ne nous sommes telle ment bombardés de solli citations, d’informations, de sujets, que le temps laissé à la pensée autono me est de plus en plus ré duit. Marcher c’est l’activi té de loin la plus propice à une pensée déconnectée de l’exigence d’une réacti vité rapide. Pour para p h ra s e r De s c a r t e s : j e marche donc je suis. ■ Sur votre chemin vous avez croisé beaucoup de pèlerins et vous ne partagez pas cette conviction religieuse ? Je n’ai pas de quête mys tique. Je ne vois pas la né cessité de faire l’hypothèse d’une transcendance, d’un Dieu et de ce point de vue je suis d’une parfaite tran quillité et en même temps je suis extrêmement inté ressé par tout ce qui cons titue un ressort d’une acti vité humaine de qualité. Étant un amoureux de la beauté, je ne peux pas ne pas m’interroger sur cette foi profonde qui a fait bâ tir ces églises romanes ces cathédrales. Je continue à avoir un dialogue avec les gens de foi. ■ Nous pourrions presque dire qu’avec ces marches vous avez fait campagne ? Vous avez raison, je me suis fait cette réflexion moi aussi. Évidemment je ne faisais pas campagne pour obtenir des suffrages. Mais j’arpentais la France, j’étais ce cheminot vaga bond pour partager mes émotions de confrontation à la beauté. Quand j’ai constaté la difficulté des populations des territoires que je traversais, j’ai voulu comprendre un peu ce qui se passait. Comment on en était arrivé là, quelle était la construction histo rique, psychologique, poli tique de leur réaction à cette situation. Plus qu’une campagne, j’ai mené une enquête. ■ Avez-vous été surpris par des régions ? Il y a des régions qui m’ont surpr is par leur beauté. Il y a des émotions auxquelles je m’attendais, comme à être ému par le mont Gerbier de Jonc. Cela faisait soixante dix ans que j’étais dans la frustration d’être un en fant des pays de Loire et de n’avoir jamais vu les sources de la Loire. Près de chez vous, je connais sais le pays de George Sand, je connaissais l’éco le picturale de Crozant, mais quand je suis arrivé dans toute cette région qui va de Gargilesse jus qu’à Fresselines en pas sant par Crozant, le long de la vallée de la Creuse, ca a été un éblouissement. Pour moi c’est un haut lieu esthétique de France. D’un point de vue écono mique les Mauges ont été une grande surpr ise. Quand j’ai traversé la Loi re à Ancenis et que je me suis mis a marcher dans ce territoire ou il n’y a rien d’extraordinaire mais que dans presque chaque villa ■ Vous avez d’autres projets ? Maintenant je marche tout le temps. Je me dis que si je veux continuer à être aussi bien il faut que j’en garde un peu sous la pédale. Donc je ne vais pas refaire quelque chose comme ma diagonale de 2014, qui était très dure. Je suis en train d’écrire un autre livre et je vous l’ai dit manger, boire respirer, penser et marcher c’est un ensemble, c’est ma quinte magique, j’ajouterais à cela l’écriture. ■ è Pratique. Entre deux Mers et Pensées en chemin, paru aux éditions Stock. 19 euros. la conférence d’Axel kahn à Bourges au muséum a lieu le mercredi 23 septembre à 20 heures. Entrée libre selon les places disponibles « Je marche donc je suis. » AXEL KAHN r! e g n a h c e d s p m e I l es t g ra nd t r de votre rég ion ie il b o m im te si e L Auvergne . Bourgogne . Centre . Limousin . Poitou . Rhône Berry