HIVERNAL”

Transcription

HIVERNAL”
uENTRAÎNEMENT
GUY THIBAULT
Ph. D., conseiller
scientifique de
l’Association cycliste
canadienne et professeur
associé, Département de
kinésiologie de l’Université
de Montréal
Notre expert vous répond…
À quelle intensité faut-il faire les fractions
d’effort d’une séance d’EPIC ?
Vous devez trouver cette intensité par essais
et erreurs : elle doit augmenter sensiblement
d’une répétition à l’autre du début à la fin de
la séance et votre degré global de fatigue au
terme de la séance doit être élevé, mais non
maximal. En général, on exécute les fractions
d’effort à un peu plus de 100 % de sa
puissance aérobie maximale, à condition d’y
aller vraiment mollo pendant les périodes de
récupération.
”HIVERNAL”
training
Comment améliorer son aptitude
cycliste d’un cran sans
nécessairement suivre un plan
d’entraînement complexe ou
fastidieux ? Un programme axé sur
deux séances hebdomadaires
intensives d’EPI convient
parfaitement !
78
- JANVIER 2012/TOP VELO
Le saviez-vous ?
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L’EPIC a été développé dan
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UPREMIÈRE SÉANCE : L’EPIC
La première des séances
hebdomadaires intensives
proposées est une séance
d’entraînement par intervalles
courts (EPIC).
Il existe de nombreuses formes d’EPIC. Dans la
forme particulière que je propose, il s’agit de faire
des fractions d’effort de seulement 15 secondes,
entrecoupées de périodes de récupération active
(pédaler sans effort) de même durée. Les habitués
appellent cela “faire du 15-15”. Comme l’indique le
tableau, il s’agit de faire du 15-15 en séries de
quatre minutes, de trois minutes trente secondes ou
de trois minutes. Ces séries sont regroupées en
blocs de quatre, trois ou deux séries. Étant donné
que le nombre de séries par bloc et le nombre de
répétitions par série diminuent, et que la durée de la
récupération (active) entre les séries augmente tout
au long de la séance, la motivation demeure élevée
tout au long de la séance.
Si vous n’êtes pas certain d’avoir la condition
physique pour passer à travers cet EPIC sans vous
blesser ou vous épuiser, suivez une progression au
fil des séances, tant sur le plan du volume que sur
celui du degré de difficulté. Vous pourriez par
exemple débuter avec une seule série par bloc, pour
n’exécuter que 21 répétitions plutôt que 65, comme
le veut la formule complète.
CAS N° 1
ÉCHAUFFEMENT : 10 min
uBLOC N° 1
Schéma : 15 s effort, 15 s de récup
4 séries de 4 min
Récup entre les séries : 1 min
DURÉE DU BLOC : 20 MIN
uBLOC N° 2
Schéma : 15 s effort, 15 s récup
3 séries de 3 min 30 s
Récup entre les séries : 1 min 30 s
DURÉE DU BLOC : 15 MIN
uBLOC N° 3
Schéma : 15 s effort, 15 s récup
2 séries de 3 min en mode 15-15
Récup entre les séries : 2 min
DURÉE DU BLOC : 10 MIN
RETOUR AU CALME : 5 MIN
Le principal avantage de l’EPIC est qu’il permet de
cumuler un très grand volume de pédalage à
intensité élevée, sans nécessairement
s’accompagner d’une très grande fatigue. Il n’est
donc pas surprenant que des observations de
terrain et des recherches indiquent que l’EPIC
s’accompagne d’une amélioration plus rapide et
plus prononcée de l’aptitude aérobie et de la
capacité anaérobie (et donc de la performance
cycliste) que la plupart des autres méthodes
d’entraînement.
Parmi les variantes possibles de la composition de
base proposée dans le tableau, celles qui me
semblent les plus appropriées sont les suivantes :
e deux séries pour chacun des blocs ;
r récupération de 30 secondes plutôt que de
À noter
15 secondes entre les répétitions ;
t récupération active d’environ cinq
Pendant des séances suivant les trois dernières
variantes, on peut se pousser un peu plus à
chaque fraction d’effort, sans nécessairement
cumuler plus de fatigue.
minutes ajoutée entre les blocs ;
u récupération passive plutôt qu’active
entre les répétitions.
UDEUXIÈME SÉANCE : L’ULTIME
CAS N° 2
Elle peut sembler complexe au premier coup d’œil
(tableau). Mais sa structure est relativement simple.
En effet, les répétitions, les séries et les blocs sont
systématiquement calés à l’intérieur d’un segment
d’une minute, de cinq minutes et de quinze minutes,
respectivement.
© Tacx
Il s’agit de faire trois blocs de trois séries de trois
répétitions de fractions d’effort de 40 secondes
(pendant le premier bloc de 15 minutes), de 30
secondes (deuxième bloc) ou de 20 secondes
(dernier bloc), entrecoupées de périodes de
récupération active “incomplète” de respectivement
20, 30 ou 40 secondes. Chaque série de trois
répétitions est suivie d’une récupération “complète”
(mouliner sans effort) de deux minutes, de sorte que
la série dure très précisément cinq minutes. Et
chacun des trois blocs (de trois séries chacun) se
fait en exactement quinze minutes.
Évidemment, vous pédalez à intensité plus élevée
au cours des fractions d’effort plus courtes, d’autant
Mieux qu’une séance
sous la pluie,
la séance
sur home-trainer !
plus qu’elles sont suivies de périodes de
récupération plus longues. Ainsi, l’intensité des
fractions d’effort augmentera du début à la fin de la
séance.
© Stéphane Guitard
J’appelle cette séance “ultime”
parce que je crois que c’est la
meilleure de toutes celles que j’ai
élaborées et testées jusqu’à
maintenant.
ÉCHAUFFEMENT : 10 min
uBLOC N° 1
Schéma : 40 s effort, 20 s récup
Répétition par séries : 3
3 séries, soit 3 x (3 x 40-20)
Récup entre les séries : 2 min
DURÉE DU BLOC : 15 MIN
uBLOC N° 2
Schéma : 30 s effort, 30 s récup
Répétition par séries : 3
3 séries, soit 3 x (3 x 30-30)
Récup entre les séries : 2 min
DURÉE DU BLOC : 15 MIN
uBLOC N° 3
Schéma : 20 s effort, 40 s récup
Répétition par séries : 3
3 séries, soit 3 x (3 x 20-40)
Récup entre les séries : 2 min
DURÉE DU BLOC : 15 MIN
RETOUR AU CALME : 5 MIN
Encore une fois, les variantes possibles sont
multiples. Je propose les suivantes :
e quatre répétitions par série plutôt que
trois, avec une récupération “complète”
d’une minute entre les séries ;
r récupération “complète” de sept minutes
entre les blocs ;
t récupération passive entre les répétitions.
À noter
Pendant des séances suivant ces trois
variantes, on peut se pousser un peu plus à
chaque fraction d’effort, sans nécessairement
cumuler plus de fatigue.
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uENTRAÎNEMENT
Certains cyclistes ont besoin de beaucoup de
variété dans leur entraînement, sans quoi la motivation n’est pas toujours au rendez-vous. Mais pour
d’autres – peut-être la majorité –, c’est la qualité
des séances qui prime, davantage que leur diversité.
Dans le prochain numéro, je proposerai une
formule mettant l’accent sur la variété. Mais examinons maintenant une formule efficace, bien que
simple.
La formule
Sans dénigrer la valeur des programmes d’entraînement détaillés, complexes et diversifiés, je
propose une formule simple qui a fait ses preuves,
tant chez des novices que chez des olympiens.
Elle convient aux cyclistes qui profitent d’un état
de forme leur permettant d’exécuter des séances
intensives sans risque.
Il s’agit de faire chaque semaine deux séances
intensives d’entraînement par intervalles (EPI) empruntant des schémas stimulants et efficaces. Quant
au reste de la semaine, on y va selon l’inspiration
du moment : repos passif (pas d’entraînement),
repos actif (mouliner sans effort, ni schéma particulier) ou entraînement complémentaire (musculation, course à pied, ski de fond ou autre). Il faut
tout simplement s’assurer que l’on sera en mesure
de faire les deux séances hebdomadaires d’EPI avec
l’énergie et la motivation requises. Évidemment, on
évitera de les faire deux jours consécutifs.
LE DICO
DE L’ENTRAÎNEUR
EPI : Entraînement Par Intervalle (ou Interval
training)
Séance d’entraînement alternant période de
pédalage intense et période de récupération,
selon un schéma préétabli. Cette méthode
permet de cumuler un plus grand volume
d’exercice à intensité élevée.
Aptitude aérobie : Capacité du système
cardiorespiratoire à transporter et à utiliser de
l’oxygène pour faire un travail musculaire.
Capacité anaérobie : Quantité totale d’énergie
fournie par le processus énergétique qui
n’utilise pas l’oxygène, durant un effort
menant à l’épuisement. Expression qui réfère
communément à l’aptitude à exécuter un bref
exercice extrêmement intense. On peut
distinguer la capacité anaérobie lactique et la
capacité anaérobie alactique, selon que l’on
se réfère au processus anaérobie qui produit
ou non du lactate. Dans les exercices brefs et
très intenses, la majeure partie de l’énergie
provient du processus anaérobie, car le
processus aérobie ne parvient pas à combler
tous les besoins énergétiques.
Source : Thibault, G., Sports d’endurance,
entraînement et performance, Amphora, 256
pp., 2011. Avec la permission de l’éditeur.
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- JANVIER 2012/TOP VELO
ON A
TESTÉ
Il va sans dire que toutes les séances débutent
par un échauffement progressif (au moins dix minutes), et se terminent par un retour au calme (au
moins cinq minutes).
p o ur
v ous
Avantages
En plus d’améliorer fortement l’aptitude aérobie
et la capacité anaérobie, les deux séances intensives
que je propose, de même que leurs nombreuses
variantes, développent aussi l’aptitude à relancer
l’effort alors que la récupération est incomplète.
Cette dernière qualité est particulièrement importante en situation de compétition où il y a de fréquents changements de rythme et de pente.
Autre avantage : elles requièrent peu de temps
(moins d’une heure), ce qui convient parfaitement
pour des séances hivernales sur home trainer ou
à l’extérieur quand il fait trop froid pour rouler longtemps.
Le dire, c’est bien. Le
faire, c’est mieux ! Alors
nous avons décidé de
tester les deux exercices
proposés pour vous en
dire plus !…
Conseils d’usage
Attention ! Pendant la première tout comme
pendant la seconde séance, il ne s’agit pas de
faire un sprint maximal à chaque fraction d’effort !
Il faut exécuter les premières à une intensité
plus élevée que celle de vos sorties continues,
mais en modérant vos efforts de sorte que vous
pourrez augmenter sensiblement l’intensité d’une
répétition à l’autre, sans toutefois terminer la séance
avec un degré de fatigue trop élevé. On sait qu’on
a exécuté une séance d’un degré “raisonnable” de
difficulté quand on la termine en sentant :
e qu’on a bien travaillé ;
r qu’on n’est pas épuisé ;
t qu’on aurait pu l’exécuter plus
intensivement si on l’avait voulu.
N’oubliez pas qu’une séance d’EPI ne doit pas
nécessairement être exténuante pour donner de
bons résultats. Toute autre chose étant par ailleurs
égale, l’EPI donne toujours de meilleurs résultats
que son contraire, l’entraînement continu, quel
qu’en soit le degré de difficulté.
Vous pouvez ne faire qu’une des deux séances
prescrites par semaine, par exemple si vous éprouvez de la difficulté à récupérer des séances précédentes. Inversement, si vous avez de la facilité à
récupérer, vous pouvez parfois en faire trois par
semaine, à condition que ce ne soit pas deux jours
consécutifs et d’y aller vraiment doucement les
autres jours.
Bref
Ces deux séances hebdomadaires intensives
d’EPI présentent donc plusieurs avantages. Notamment, elles donnent de bons résultats sans qu’il
soit nécessaire de s’imposer quoi que ce soit les
cinq autres jours de la semaine !
Dans le prochain numéro, on verra une formule
tout aussi efficace, où il y a une très grande diversité
des séances d’EPI.
■
© Olivier Haralambon
Diversité ou pas ?
En fait, je me suis essayé à la deuxième
séance proposée, la version “Ultime”,
principalement en raison du home-trainer
qui n’est pas idéal pour faire des 15/15 (à
cause de la mise en résistance du frein
électromagnétique qui met environ
5 secondes pour être véritablement actif à
chaque changement de rythme).
Sur cet exercice, la mémorisation des
répétitions est somme toute assez simple
puisque ce sont à chaque fois des blocs de
5 minutes (3’ d’effort et 2’ de récupération) à
répéter en tout 9 fois. L’erreur serait de
croire que les fractions de récupération
active, à intensité moyenne, sont faciles.
La première séance vous servira donc de
base de repère pour les suivantes, afin de
trouver la bonne intensité. L’erreur serait
aussi de vouloir partir trop vite, trop fort ou
d’avoir une résistance trop dure (mettez la
résistance à 0 pour les deux premières
séances) sur les premières séries, car cet
exercice est finalement assez long et intense
surtout si vous avez fait une véritable
coupure en fin de saison. Si à la fin de la
séance on sent un état de fatigue notoire
semant le doute quant à la possibilité d’en
refaire une autre dans la semaine,
finalement on récupère étonnement vite et
bien quelques heures après, au point de se
sentir prêt à en faire une autre session deux
ou trois jours plus tard…
Pascal Caré