Chicago Bulls 1996 NBA

Transcription

Chicago Bulls 1996 NBA
NBA
Chicago Bulls 1996
Les piranhas de Chicago
Les Golden State Warriors
de Stephen Curry se sont
lancés sur la piste des
Chicago Bulls du trident
mythique Michael Jordan,
Scottie Pippen, Dennis
Rodman, qui a établi, il
y a vingt ans, un record
complètement fou : 72
victoires dans une seule
saison NBA.
Icon Sport
Michael Jordan et Scottie Pippen ont approuvé
le trade car même à 34 ans, The Worm, Le Ver,
souple et hyper tonique, est un phénomène
athlétique, un tueur, qui possède un instinct sans
égal pour ramasser les balles sous le cercle.
Scottie Pippen est d’autant plus enclin à apprécier
ce renfort qu’il n’a pas su assumer la pression du
leadership pendant les dix-huit mois d’abstinence
de Jordan. Il a eu des problèmes avec la police,
sa femme, les fans et avec Toni Kukoc à qui il a
failli faire une tête au carré. Une chose est d’être le
lieutenant de Jordan, un Batman, une autre d’être
Superman. « Quand Michael et Horace sont partis,
mon rôle a changé, je suis devenu The Man.
Maintenant, Michael est revenu. Dennis (Rodman)
s’occupe du rebond et je suis redevenu l’homme
à tout faire. J’ai dû bosser dur pour m’améliorer
mais d’instinct, je peux jouer les cinq positions »,
analyse lucidement Pippen qui demeure souspayé, 2 925 000$ l’année, soit moins que Kukoc,
Ron Harper et quantité d’autres joueurs de la ligue
cent fois moins talentueux.
Dès novembre, Scottie Pippen accumule deux
triple-doubles et quatre double-doubles. Lors de la
première victoire sur les Charlotte Hornets, Michael
Jordan score 42 points. C’est parti, même si la
série victorieuse initiale prend fin au 6e match à
Orlando. Du 29 décembre au 2 février, les Bulls se
révèlent invincibles en dix-huit matches. « On ne
les rattrapera jamais, ce n’est même pas la peine
d’essayer », concède Penny Hardaway, le meneur
d’Orlando. Leurs démonstrations se tiennent dans
des salles combles et, à l’extérieur, les fans portent
souvent les maillots numéro 23, celui de Jordan ou
91, celui de Rodman, et ils y sont chaleureusement
applaudis. Toutes les communautés sont
concernées. Un soir, au United Center, un groupe
de religieuses déploient une banderole où l’on peut
lire « les sœurs adorent les Bulls ». Chacun est
bien conscient que le fameux record de seulement
13 défaites des Los Angeles Lakers de Wilt
Chamberlain et Jerry West est en danger.
A
18 • Jeudi 10 décembre 2015 • BH #119
Tous les trophées aux Bulls
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près une première retraite
anticipée, Michael Jordan est
revenu aux affaires en mars
1995. Il s’est contenté d’un tour de
chauffe et n’a pu empêcher les Bulls
de se faire éliminer en playoffs par les
Orlando Magic de Shaquille O’Neal.
Jordan est unanimement considéré
comme le meilleur joueur de tous
les temps et on pressent qu’à 32 ans la Ferrari
possède toujours des chevaux sous le capot. Plus
question d’un plan de reconstruction sur cinq ans.
« Avec Michael dans l’équipe, le titre est le seul
objectif », clame le coach Phil Jackson.
Un mouvement n’est pas passé inaperçu durant
l’été. Les Bulls ont acquis Dennis Rodman, un
double mètre en provenance des San Antonio Spurs
pour combler un vide au poste de power forward
depuis le départ d’Horace Grant. Rodman est un
drôle de loustic. Un ancien Bad Boy de Detroit avec
un look futuriste. De plus en plus de tatouages
apparaissent sur son corps alors que la mode n’a
pas encore touché la NBA. Il embrasse des hommes
sur la bouche, se fait les ongles et porte des boucles
d’oreille, mais assure ne pas être bisexuel. Il est
sorti avec la flamboyante chanteuse Madonna alors
au zénith de sa popularité planétaire. Rodman est
arrivé à Chicago avec les cheveux rouges et le logo
des Bulls teint en noir derrière la tête et changera
plusieurs fois de colorisation. Il a tout compris en fait
du business américain. C’est un impulsif qui n’en
fait qu’à sa tête. « Bon débarras ! », a commenté
le general manager des Spurs, un certain Gregg
Popovich. Le classieux pivot David Robinson en
rajoute une louche : « il ne va pas me manquer.
C’est vrai qu’il apporte énormément quand il joue,
en défense et au rebond notamment. Mais faire
partie d’une équipe, c’est plus que des rebonds
ou défendre. Faire partie d’une équipe, c’est être
à l’heure, faire ce que les autres font et non pas se
mettre à l’écart. »
ÂÂScottie Pippen
(à gauche) et
Michael Jordan
en 1996 avec les
Chicago Bulls.
Michael Jordan est un formidable scoreur mais la
marque des Chicago Bulls, c’est la défense. Tout
le monde doit s’y mettre. Le pivot australien Luc
Longley et Ron Harper, les deux autres membres
du cinq majeur, sont au diapason, alors que le
Croate Toni Kukoc, perle européenne arrivée deux
ans auparavant de Trévise, peu habitué à pareille
rudesse paraît parfois en décalage. La rumeur
veut que les matches les plus intenses aient lieu…
aux entraînements des Bulls. Le pivot canadien
Bill Wennington témoigne : « avant le retour de
Jordan et l’arrivée de Rodman, Scottie faisait ce
qu’il voulait à l’entraînement. Mais maintenant, tu
as Michael et Scottie pour te sauter à la gorge.
Cela a fait monter l’intensité de plusieurs crans.
Puis Dennis est arrivé, et il oblige les autres à
bien jouer contre lui sinon il est sans pitié. Alors
oui, à l’entraînement, tu te défonces, sinon t’es
mal. » D’ailleurs, Phil Jackson envoie souvent les
réservistes sur le terrain dans le dernier quart-temps
lorsque les têtes des adversaires ont déjà roulé dans
Par Pascal LEGENDRE
«ÂOn ne les rattrapera
jamais, ce n’est même
pas la peine d’essayer.»
Penny Hardaway
la sciure. À l’inverse, quand
il y a danger, Jordan sort ses
biceps comme à Vancouver
où il passe 19 points aux
Grizzlies en sept minutes
et demi. Certains matches
donnent lieu à de sacrées
castagnes. Il arrive même à Phil Jackson de perdre
sa légendaire zénitude comme à Miami où il traite
les arbitres de « F…ing assholes ». Mais ce soir-là, le
véritable responsable de la défaite des siens est Rex
Chapman, enragé, sublimé, qui réussit 9 de ses 10
tirs à trois-points et score 39 points.
Une seule fois, début février, les Bulls perdent à
deux reprises, à Denver et à Phoenix. Ce soir-là,
dans l’Arizona, Charles Barkley cumule 35 points et
16 rebonds afin de permettre aux Suns de rattraper
un débours de 17 points et de l’emporter, 106 à 96.
Les Bulls connaissent un seul vrai coup de mou,
à New York, s’inclinant de 28 points (72-104) sous
les coups de boutoir de Pat Ewing (26 points et 14
rebonds). Le 8 avril, ils échouent pour la première
fois au United Center face à Charlotte. Le 20 avril,
toujours à domicile, ils cèdent face aux Pacers,
mais gagnent une dernière fois le lendemain à
Washington, c’est leur 72e succès.
Avant la saison, His Airness envisageait de
s’économiser un peu, mais en fait il a joué près
de 38 minutes en moyenne, les 82 matches de
la saison, pour tourner une fois encore à plus de
30 points (30,4) tout en améliorant grandement
sa productivité à trois-points (42,7%). Chicago
termine avec la meilleure attaque (105,2 pts), la
troisième défense (92,9 pts concédés) et seul
David Robinson a capté davantage de rebonds
que Dennis Rodman. Jordan est élu MVP, Pippen
et lui sont inclus dans la All-NBA First Team, et
avec Rodman ils sont conviés évidemment dans la
All-Defensive First Team. En bonus, Toni Kukoc est
élu meilleur sixième homme, Phil Jackson gagne le
trophée de coach of the year, et Jerry Krause, celui
d’executive of the year. La coupe est archi pleine.
Dédié à James Jordan
Arrivent les playoffs. Les Bulls ne laissent qu’une
manche, aux Knicks, lors des trois premières
séries. En finale, les Seattle Supersonics de
Shawn Kemp paraissent de
tendres ablettes pour ces
piranhas. Surtout que les
Bulls s’imposent lors des
trois premiers matches.
Les Sonics subissent à La
KeyArena l’humiliation d’une
répétition de la cérémonie de remise des trophées.
Le champagne et les T-shirts de champion sont
livrés dans le vestiaire des Bulls. Le président Bill
Clinton a prévenu le public relation de la franchise
de Chicago qu’il va appeler les champions
juste après la cérémonie. « Nous avons gagné
14 rounds, le 15e est mercredi », frime Dennis
Rodman dont l’un des meilleurs potes, Eddie
Vedder, natif de la ville, est le chanteur de Pearl
Jam, un immense groupe de rock’n roll, et a promis
une nouba d’enfer.
C’est dans ces moments-là qu’un type se charge
souvent de gâcher la fête et devient un héros, au
moins pour un soir. Son nom est Nate McMillan,
dix ans de NBA derrière lui, et qui jusque là a dû
regarder du banc ses équipiers se faire écorner par
ces taureaux furieux. McMillan souffre le martyr
à cause d’une hernie discale. Son entrée en jeu,
son courage, subliment les Sonics qui prennent
les Bulls à la gorge et avec la rage des humiliés
ne lâchent pas leur proie. Pire, ou mieux si l’on est
placé du côté du Pacifique, Seattle récidive lors
du Game 5 repoussant encore le sacre des Bulls.
Ce n’est donc que la deuxième fois que Chicago
est vaincu deux fois de suite en cette saison
historique.
Fin de l’histoire. Dans le troisième quart-temps du
Game 6, Dennis Rodman accomplit trois minutes
de folie et les Bulls s’échappent pour de bon.
Au buzzer, Michael Jordan récupère le ballon
du match et s’écroule sur le terrain en pleurs.
L’émotion est intense. « Je pensais à mon père
depuis le début du match », confiera t-il plus
tard. James R. Jordan a été assassiné trois ans
auparavant par deux voyous sur une aire de repos
d’une route de Caroline du Nord. Sa disparition a
influé sur la décision de son fils de se mettre une
première fois en retrait de la NBA. Son quatrième
titre de champion et cette saison d’anthologie lui
sont dédiés. ●
Les 5 meilleures équipes de l’histoire
(Pourcentage de victoires et victoires/défaites)
69/13
84,0%
68/13
82,9%
68/14
Boston Celtics
84,1%
69/13
Philadelphia 76ers
84,1%
Chicago Bulls
Chicago Bulls
72/10
Los Angeles Lakers
87,8%
Saison
1995-96
1971-72
1996-97
1966-67
1972-73
BH #119 • Jeudi 10 décembre 2015 • 19