La pharmacogénomique et la warfarine
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La pharmacogénomique et la warfarine
Notes sur les technologies de la santé en émergence La pharmacogénomique et la warfarine Sommaire 9 Des algorithmes posologiques établis en fonction des caractéristiques génétiques, démographiques et cliniques individuelles peuvent réduire au minimum le risque de saignement à l’instauration du traitement par la warfarine. 9 L’analyse pharmacogénomique devrait accompagner (non pas remplacer) la surveillance du Rapport international normalisé (RIN) usuelle. 9 Des études prospectives devront déterminer si l’analyse pharmacogénomique améliore l’évolution de l’état de santé du patient, cerner les groupes de patients les plus susceptibles d’en profiter et préciser les risques et les coûts de cette analyse. Plusieurs essais cliniques comparatifs et randomisés en cours évaluent l’influence de la pharmacogénomique sur l’exactitude posologique, sur le délai d’obtention et le maintien du RIN voulu, sur l’incidence des complications hémorragiques ou thromboemboliques, et les paramètres de la surveillance du traitement. 9 En août 2007, la FDA a modifié la monographie de la warfarine en indiquant que les variantes génétiques de CYP2C9 et de VKORC1 doivent être prises en considération dans la détermination de la posologie initiale. Des lignes directrices sur la posologie de la warfarine fondée sur la pharmacogénomique seront disponibles bientôt. Contexte La warfarine (Coumadin) est un anticoagulant oral indiqué dans la fibrillation auriculaire, l’infarctus du myocarde, la thrombose veineuse profonde ou l’embolie pulmonaire, et chez les porteurs de certaines valves cardiaques1. La warfarine interfère avec la synthèse hépatique des facteurs de coagulation formés à partir de la vitamine K2. Le saignement est l’effet indésirable le plus fréquent de la warfarine3. Même si le risque de complications hémorragiques est le plus élevé dans les 90 premiers jours du traitement, il perdure tout au long du traitement4. L’adaptation posologique fondée sur la pharmacogénomique pourrait diminuer le risque de saignement, accroître la précision posologique, raccourcir le délai de stabilisation de la dose et faciliter la tâche de cerner les patients traités au long cours pour qui la surveillance devrait être resserrée. Reprise avec autorisation de : JAMA 2006; sep 27, vol 296(12):1453-1454.© American Medical Association, 2006. Tous droits réservés. numéro 104 • octobre 2007 Illustration de Alison E. Burke. Technologie Au moins 30 gènes entrent en jeu dans le métabolisme et l’action de la warfarine2. Les polymorphismes, issus de la modification simple d’un nucléotide, de CYP2C9 (gène codant le cytochrome P450 2C9) et de VKORC1 (gène codant la sousunité 1 du complexe époxyde réductase de la vitamine K) exercent une grande influence sur la dose de warfarine. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) CYP2C9 code l’enzyme qui métabolise l’énantiomère S de la warfarine, qui est responsable de 60 % à 70 % de l’effet anticoagulant5. De nombreux polymorphismes de CYP2C9 ont été décrits6. Les allèles de CYP2C9 les plus étudiés sont *1 (le type sauvage) et les variants partiellement fonctionnels CYP2C9*2(430C>T) et CYP2C9*3(1075A>C). Des études démontrent que les variants alléliques CYP2C9*2 et CYP2C9*3 retiennent respectivement 12 % et 5 % de l’activité enzymatique de CYP2C9*12. Les porteurs de l’allèle CYP2C9*2, de l’allèle CYP2C9*3 ou des deux allèles métabolisent la warfarine plus lentement que les autres, d’où le risque d’hémorragie accru à la dose de warfarine standard5. La vitamine K époxyde réductase (VKOR), qui participe à la fabrication des facteurs de coagulation à partir de la vitamine K, est l’enzyme cible de la warfarine5. Celle-ci produit son effet anticoagulant en inhibant l’activité de VKOR, ce qui freine la synthèse de ces facteurs de coagulation. Des données probantes confirment que des haplotypes précis sont utiles dans la détermination de la dose7. Les polymorphismes découlant d’une modification simple d’un nucléotide dans l’haplotype A (−1639G>A, 1173C>T, 1542G>C, 2255T>C, 3730G>A), comparativement aux allèles de type sauvage dans l’haplotype B, sont des indicateurs permettant de déterminer si la dose de warfarine sera basse (génotype AA), intermédiaire (génotype AB) ou élevée (génotype BB)7. Les tests de pharmacogénomique actuels sont en mesure de détecter les variants CYP2C9*2(430C>T), CYP2C9*3(1075A>C) et VKORC1 (−1639G>A)8-10. Ces tests ont recours à l’amplification de séquences d’ADN par la réaction en chaîne de la polymérase (PCR). Ils ont pour objectif de faciliter la détermination de la posologie de warfarine personnalisée. Reste à savoir si, dans le cas de la warfarine, l’analyse pharmacogénomique devrait englober d’autres variants alléliques. Réglementation Au Canada, les tests de pharmacogénomique destinés à des fins diagnostiques et de prise en charge thérapeutique font partie des dispositifs médicaux de la classe III, et leur commercialisation doit être autorisée par Santé Canada11. Aucun test pharmacogénomique conçu pour l’adaptation posologique de la warfarine n’est sur le marché canadien actuellement (entretien personnel du 10 juillet 2007 avec Sebastien Landry, Santé Canada, Ottawa). Il est possible, toutefois, de commander directement des tests commercialisés aux États-Unis. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a préparé des guides d’utilisation des tests de pharmacogénomique12,13, qui peuvent néanmoins être utilisés en clinique sans que la FDA en approuve la mise en marché. Les tests disponibles chez nos voisins du Sud sont ceux de Genelex [Warfarin (Coumadin) Target Dose Safety Test]8, de Clinical Data, Inc. (PGxPredict:WARFARIN™)9, et de Kimball Genetics, Inc. (Warfarin DoseAdvise™)10. Ces tests doivent se conformer aux normes américaines Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA), mais l’organisme n’en évalue pas la validité, ni l’utilité clinique. Les laboratoires cliniques ont la possibilité de développer et de valider leurs propres tests, mais ceux-ci doivent respecter les normes CLIA. Plusieurs fabricants, dont AutoGenomics, Third Wave Technologies, Luminex et Nanogen, mettent au point des épreuves génétiques qui devront faire l’objet de l’aval de la FDA. En septembre 2007, la FDA a autorisé la commercialisation du Nanosphere Verigene Warfarin Metabolism Nucleic Acid Test14. Groupe cible En Amérique du Nord, la warfarine est l’anticoagulant de prédilection dans le traitement de plus de trois mois15. Selon une source d’information, plus de 200 000 Canadiens inscrits à un régime d’assurance médicaments public sont actuellement traités par la warfarine au long cours16. Pratique actuelle Le Rapport international normalisé (RIN), expression normalisée du temps de Quick, représente la mesure de l’effet anticoagulant de la warfarine. Dans la plupart des cas, l’objectif thérapeutique est un RIN de 2,5 (gamme de 2,0 à 3,0)1. Les algorithmes posologiques classiques procèdent par tâtonnement pour modifier la dose initiale de 5 mg ou de 10 mg chez les personnes de race blanche et de 3,5 mg chez les Asiatiques5. Les lignes directrices actuelles préconisent d’entreprendre la surveillance du RIN après les deux ou trois premières doses15. Pour obtenir l’anticoagulation optimale par la warfarine, la surveillance stricte est essentielle en raison de l’étroitesse de la marge thérapeutique, de la grande variabilité de la réponse d’une personne à une autre et des nombreuses interactions médicamenteuses et L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) 2 alimentaires17. Le suivi est particulièrement important chez les personnes âgées et les personnes à risque de saignement élevé15. Il s’ensuit que la vérification du RIN chaque jour, ou aux deux jours, au début est nécessaire pour établir le niveau d’anticoagulation souhaité. L’état stationnaire (concentration sanguine du médicament constante) s’installe habituellement en trois à cinq jours. Quand l’effet anticoagulant et la dose de warfarine sont stables pendant au moins une à deux semaines, la surveillance du RIN s’effectue en général aux deux à quatre semaines tout au long du traitement15. Données probantes Bien que des études démontrent que les polymorphismes de CYP2C9 et de VKORC1 influencent la détermination de la dose de warfarine, aucun essai clinique comparatif et randomisé n’illustre que l’analyse pharmacogénomique se traduit par l’amélioration des résultats cliniques. La plupart des études à ce jour sont de nature rétrospective ou transversale. Par conséquent, les patients qui cessent le traitement par la warfarine pour cause d’effets indésirables ou ceux pour qui il est difficile de déterminer une dose d’entretien thérapeutique n’ont probablement pas été pris en compte4. De plus, beaucoup d’études n’ont pas la puissance suffisante pour évaluer le risque de saignement. Plusieurs études rétrospectives se penchent sur l’influence du génotype de CYP2C9 sur la dose de warfarine et le risque de complications hémorragiques. Une méta-analyse récente couvrant neuf études comptant en tout et pour tout 2 775 patients (99 % de race blanche) constate que la différence moyenne de la dose quotidienne entre le génotype CYP2C9*1/*1 et le génotype CYP2C9*2/*2 est de 0,85 mg (IC de 95 % : 0,6 à 1,11; réduction relative de 17 %), entre le génotype CYP2C9*1/*1 et le génotype CYP2C9*2/*3 de 1,47 mg (IC de 95 % : 1,24 à 1,71; réduction relative de 27 %) et entre le génotype CYP2C9*1/*1 et le génotype CYP2C9*3/*3 de 1,92 mg (IC de 95 % : 1,37 à 2,47; réduction relative de 37 %)18. Les résultats de trois études (n=1 757) indique que le risque relatif de saignement du génotype CYP2C9*2/*2 est de 1,91 (IC de 95 % : 1,16 à 3,17), du génotype CYP2C9*2/*3 de 2,26 (IC de 95 % : 1,36 à 3,75) et de 1,77 (IC de 95 % : 1,07 à 2,91) pour le génotype CYP2C9*3/*318. Le risque de complications hémorragiques auquel arrive la méta-analyse franchit le seuil de la signification statistique, tandis que les données probantes issues de chacun des essais cliniques sont contradictoires19-22. Cette disparité tiendrait au traitement, à la surveillance ou aux critères de sélection différents d’un essai à un autre, et elle occasionnerait une sous-estimation du risque hémorragique. Une étude affirme que les variants alléliques de CYP2C9 sont des indicateurs prévisionnels indépendants de saignement au début du traitement (taux de risque=3,94; IC de 95 % : 1,29 à 12,06), sans pouvoir dire si le risque de saignement accru est toujours présent quand le traitement anticoagulant a été stabilisé19. Une autre étude mentionne que le délai d’obtention de l’état stationnaire est de six à huit jours pour ce qui est du génotype CYP2C91*/2*, et de 12 à 15 jours en ce qui concerne le génotype CYP2C91*/3*23. Cet allongement du délai d’obtention de l’état stationnaire peut avoir des répercussions à long terme sur la surveillance du RIN, particulièrement lorsque la dose de warfarine est modifiée. Des données probantes confirment que la stabilisation de la dose sera beaucoup plus longue (différence médiane de 95 jours) chez les personnes qui ont au moins un variant allélique19. Les allèles CYP2C9*2 et *3 se retrouvent dans la population de race blanche à une fréquence respective de 10 % à 15 % et de 5 % à 10 %17,24. Quant aux Afro-Américains, ils sont porteurs de l’allèle CYP2C9*2 dans une proportion de 2 % à 4 %, et de l’allèle CYP2C9*3 dans une proportion de 1 % à 2 %24. L’allèle CYP2C9*2 est absent dans la population asiatique, alors que la fréquence de l’allèle CYP2C9*3 est de 1 % à 4 %22. Les allèles CYP2C9*4 (chez les Japonais) et *5 et *6 (chez les AfroAméricains) n’auraient pas vraiment d’effet sur la dose de warfarine25. Il en ressort que le génotypage de CYP2C9 seulement ne serait utile que dans la population de race blanche26,27. Qui plus est, le génotype CYP2C9 ne serait à l’origine que de 20 % de la variabilité interindividuelle de la réponse à la warfarine, quand d’autres facteurs, dont l’âge, le poids, le sexe et les médicaments d’usage concomitant, ont été pris en compte28. Les polymorphismes de VKORC1 à la suite de la modification d’un seul nucléotide exercent eux aussi une influence sur la dose de warfarine7,29-34. Les polymorphismes 1173C>T et −1639G>A commandent une dose basse de warfarine28. Toutefois, leur effet sur le risque de saignement au début du traitement n’a pas été évalué. Une étude rétrospective examine 186 Américains d’origine L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) 3 européenne soumis à un traitement de longue durée par la warfarine7. Les 10 polymorphismes les plus courants ont été combinés de façon à former cinq haplotypes principaux, répartis en deux groupes, celui de la dose basse de warfarine (haplotype A) et celui de la dose élevée de warfarine (haplotype B). La dose d’entretien quotidienne diffère de façon significative (p<0,001) selon l’une ou l’autre des trois combinaisons d’haplotypes, soit A/A, A/B ou B/B (respectivement 2,7±0,2 mg/jour, 4,9±0,2 mg/jour et 6,2±0,3 mg/jour). La différence est toujours de portée statistiquement significative lorsque le génotype de CYP2C9 est pris en compte. L’étude du génotype de 368 Américains d’origine européenne révèle que les polymorphismes de CYP2C9 et de VKORC1 sont à l’origine de la variation de la dose de warfarine dans une proportion respective de 6 % à 10 % et de 21 % à 25 %. L’étude de trois populations secondaires d’Américains d’origine asiatique, d’Américains d’origine européenne et d’Américains d’origine africaine indique que les haplotypes A et B représentent respectivement 99 %, 96 % et 62 % des haplotypes. De plus, l’haplotype A qui correspond à la dose basse se retrouve plus fréquemment chez les AsiatiquesAméricains (89 %) que chez les Euro-Américains (37 %) ou chez les Afro-Américains (14 %). Par conséquent, les variations génétiques de VKORC1 expliqueraient en partie les différences selon le groupe ethnique observées en pratique clinique et auraient plus de poids dans la variabilité de la réponse que le polymorphisme de CYP2C9. D’autres études constatent que les génotypes de VKORC1 et de CYP2C9, conjugués à des facteurs démographiques et cliniques, sont responsables de 50 % à 60 % de la variabilité de la dose de warfarine nécessaire pour obtenir l’anticoagulation optimale30,32,33,35-38. Quelques algorithmes posologiques incorporent des facteurs génétiques, des facteurs cliniques et des facteurs démographiques, mais il faudra tenir des essais cliniques prospectifs de grande envergure pour déterminer leur validité dans diverses populations39-42. Des résultas d’études pilotes prospectives41,43,44 indiquent l’adaptation posologique de la warfarine fondée sur la pharmacogénomique est faisable en pratique clinique ; ces études n’ont pas cependant la puissance suffisante pour détecter les différences sur le plan de l’évolution de l’état de santé des patients. Effets indésirables La warfarine entraîne souvent des complications hémorragiques qui donnent lieu à des visites aux urgences. Selon une étude, le nombre annuel de ces visites dans la période de 1999 à 2003 aux États-Unis s’élève à 29 00045. De plus, 9 766 incidents hémorragiques attribuables à la warfarine, dont 10 % ont été mortels, ont été signalés dans la période de 1993 à 200645. D’autre part, des données probantes démontrent que les patients traités par la warfarine sont hors du RIN souhaité le tiers du temps46. Une méta-analyse récente mentionne que 44 % (IC de 95 % : 39 % à 49 %) des complications hémorragiques surviennent quand le RIN est audessus de la marge thérapeutique et que 48 % (IC de 95 % : 41 % à 55 %) des incidents thromboemboliques se produisent lorsque le RIN est au-dessous de cette marge44. Des études devront examiner le risque d’effets indésirables découlant des inexactitudes de l’analyse pharmacogénomique (à savoir les faux positifs augmentant le risque d’accident vasculaire cérébral et les faux négatifs haussant le risque d’hémorragie)47. Administration et coût Le génotypage des variants de CYP2C9 ou de VKORC1 est possible à partir d’un prélèvement de salive ou de sang. Aux États-Unis, le délai habituel d’obtention des résultats est en moyenne de 24 à 48 heures8-10. Il existe des tests rapides d’une heure qui permettent de modifier la dose à la consultation48. L’analyse pharmacogénomique n’est pas là pour remplacer la surveillance du RIN usuelle ; elle augmentera donc les coûts du traitement par la warfarine. Le prix de certains des tests sur le marché américain va de 400 $US9 à 550 $US8. Voilà peu, un document de politique générale aux États-Unis a suggéré que le coût supplémentaire pourra être contrebalancé par la diminution des dépenses occasionnées par les effets indésirables, notamment les hémorragies et les accidents vasculaires cérébraux49. Deux évaluations économiques font état d’un coût marginal d’environ 6 000 $US pour éviter un épisode hémorragique par l’analyse des polymorphismes de CYP2C950,51. D’autres évaluations tenant compte de l’influence de l’analyse pharmacogénomique déterminée selon des estimations fiables des effets indésirables attribuables à la warfarine devront en confirmer l’avantage économique par rapport à la pratique standard52. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) 4 Activités dans le domaine Plusieurs nouveaux anticoagulants sont en cours de développement53. Tant le rivaroxaban (inhibiteur du facteur Xa) que le dabigatran (antagoniste du récepteur de la thrombine) sont à l’étude dans des essais cliniques de phase 3 en thromboprophylaxie postopératoire dans l’arthroplastie totale du genou ou de la hanche, dans la prévention et le traitement de la thromboembolie veineuse et en prévention de l’accident vasculaire cérébral en présence de fibrillation auriculaire53. Grâce à l’appareil portable de surveillance au point de service, il est désormais possible de surveiller le RIN hors du laboratoire, en clinique ou à domicile, par exemple16. Comme les résultats sont connus dans l’immédiat, il est facile pour le patient en autocontrôle ou le médecin de modifier rapidement la dose. Une méta-analyse révèle que les patients surveillant leur RIN à l’aide d’un appareil au point de service courent un risque moindre de décès ou d’incidents thromboemboliques, et qu’ils maîtrisent mieux le RIN que les patients soumis à la surveillance usuelle en laboratoire16. Il n’y a pas cependant de différences quant aux taux de complications hémorragiques entre ces deux groupes de patients. Taux d’utilisation En août 2007, la FDA a approuvé l’ajout d’information sur la pharmacogénomique dans la monographie de la warfarine54. Même si les variantes génétiques de CYP2C9 et de VKORC1 figurent désormais sur la liste des aspects à prendre en considération dans la prescription de warfarine, les recommandations précises sur la posologie n’ont pas changé55. Le médecin n’est pas tenu de prescrire une analyse génétique avant d’instaurer le traitement par la warfarine, et l’analyse génétique ne saurait retarder le début du traitement. La FDA a également ajouté un complément d’information génétique à la monographie du 6-mercaptopurine, de l’azathioprine, de l’irinotécan et de l’atomoxetine55. Plusieurs essais cliniques comparatifs et randomisés évaluent l’impact de l’analyse génétique sur la dose initiale, sur le délai d’obtention et de maintien du RIN souhaité, sur les taux d’hémorragie et d’incidents thromboemboliques et sur les paramètres de la surveillance du RIN, comparativement aux soins usuels56-59. D’autres études se penchent sur la conception de nouveaux nomogrammes et algorithmes posologiques précis prenant en compte de l’information d’ordre génétique et d’ordre clinique60,61. Un rapport récent de l’American College of Medical Genetics examine de façon approfondie les données probantes sur l’analyse génétique dans le traitement par la warfarine et cerne les aspects importants sur lesquels les connaissances sont lacunaires52. Il n’existe pas actuellement de lignes directrices fondées sur des données probantes quant à l’interprétation et à l’application des résultats de l’analyse génétique dans le traitement par la warfarine. Aux États-Unis, la National Academy of Clinical Biochemistry a mis sur pied un comité, formé d’experts provenant des milieux universitaires, industriels et gouvernementaux, qui formule des lignes directrices de pratique clinique à l’intention des scientifiques, des pharmaciens, des cliniciens et des organismes de réglementation62. En outre, la Critical Path Initiative de la FDA finance un projet de recherche dont l’objectif consiste à concevoir des algorithmes posologiques personnalisés dans le traitement par la warfarine54. Questions d’implantation La pharmacogénomique pose encore certains problèmes, notamment la normalisation et le contrôle de la qualité des tests, le stockage de l’information génétique et les questions d’éthique, dont la confidentialité et le risque de discrimination fondée sur la génétique63. Si l’analyse génétique est vouée à devenir une pratique courante, il sera nécessaire d’offrir de la formation sur l’interprétation et la diffusion des résultats d’analyse, par exemple, en matière de counseling des patients. Des données probantes indiquent que le polymorphisme d’autres gènes, qui influenceraient l’action et le métabolisme de la warfarine, dont PROC (protéine C), APOE (apolipoprotéine E), GGCX (gamma-glutamyle carboxylase), CALU (caluménine) et EPHX1 (époxyde hydrolase microsomale), modulerait également la réponse à la warfarine33,38,64-66. Quand tous les allèles qui influencent la réponse à la warfarine, sans égard à l’origine ethnique, auront été isolés, il sera possible de concevoir un algorithme posologique général, applicable à toute la population. Le rôle exact de la pharmacogénomique n’est pas tout à fait clair encore, et les données probantes sur son utilité clinique et économique, qui émergeront à l’avenir, préciseront sa place dans l’adaptation posologique de la warfarine. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) 5 (CDER); 2005. 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L'ACMTS remercie les examinateurs externes qui ont eu l'obligeance de commenter les versions précédentes de ce bulletin. Examinateurs : Pollen K.F. Yeung, BScPharm PhD, Université Dalhousie, Ronald E. Reid, BSP PhD, Université de la Colombie-Britannique. La production de ce rapport a été rendue possible par l’apport financier de Santé Canada et des gouvernements d’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, du NouveauBrunswick, de la Terre-Neuve-et-Labrador, des Territoires du Nord-Ouest, de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut, de l’Ontario, de la Saskatchewan et du Yukon. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé assume l’entière responsabilité de la forme finale et du contenu de ce rapport. Les opinions exprimées dans ce rapport ne représentent pas forcément celles du Santé Canada ou de gouvernements provinciaux ou territoriaux. ISSN 1488-6332 (en ligne) ISSN 1486-2972 (imprimée) CONVENTION DE LA POSTE-PUBLICATIONS NO 40026386 RETOURNER TOUTE CORRESPONDANCE NE POUVANT ÊTRE LIVRÉE AU CANADA À AGENCE CANADIENNE DES MÉDICAMENTS ET DES TECHNOLOGIES DE LA SANTÉ 600-865 AVENUE CARLING OTTAWA ON K1S 5S8 Pharmacogénomique : Étude, par analyse génétique, de l'effet des variantes génétiques sur la réponse à un médicament afin d'optimiser l'efficacité et de réduire au minimum les effets indésirables du traitement médicamenteux. Polymorphisme : Modification des nucléotides dans un gène. Type sauvage : Allèle de départ, choisi comme allèle de référence, d'un gène dans une population. Voici les numéros de référence des polymorphismes issus d'une simple modification d'un nucléotide, selon le fichier de données de NCBI : CYP2C9*2 (rs1799853), CYP2C9*3 (rs1057910), VKORC1 −1639G>A (rs9923231), −1173C>T (rs9934438), 1542G>C (rs8050894), 2255T>C (rs2359612), 3730G>A (rs7294). L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) est financée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.acmts.ca) 8