Assurance transport et subrogation en Italie

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Assurance transport et subrogation en Italie
Décembre 2015
Claudio Perrella
Assurance transport et
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subrogation en Italie
Claudio Perrella et Adeliana Carpineta
Adeliana Carpineta
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Table des matières
1. Le système des juridictions italiennes
2. La procuration
3. La procédure rapide
4. Les frais
5. Les mesures provisoires
6. Le droit d’agir
7. Les actions subrogées
8. La cession de droits et réclamations: forme et limites
9. La responsabilité contractuelle et délictuelle
10. L’exclusion de la responsabilité
11. L’action directe contre l’assureur du transporteur
12. L’action contre le transporteur domestique
12.1. Le régime de responsabilité et limitations
12.2. La prescription
13. Les actions contre les transporteurs CMR
13.1. L’application de la Convention
13.2. La responsabilité
13.3. La limitation de responsabilité
13.4. La prescription
14. Les actions contre les transporteurs multimodaux
15. Les actions contre les transitaires et les agents
16. Les recours concernant des contrats de dépôt, entreposage, manutention, logistique
17. Les actions contre le transporteur maritime
17.1. L’identification du transporteur, le régime de responsabilité et la charge de la preuve
17.2. La limitation de responsabilité
17.3. La prescription et l’extension
17.4. La notification des actes judiciaires aux agents
18. Les clauses de juridiction et d’arbitrage
19. La saisie des navires
19.1. La procédure
19.2. Les saisies selon la Convention de Bruxelles du 1952
19.3. Les garanties et les lettres d’engagement
19.4. La responsabilité pour saisies illégitimes
20. Les actions contre les transporteurs aériens
20.1. Le régime de responsabilité
20.2. La prescription
20.3. Les actions contre les manutentionnaires
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Assurance transport et subrogation en Italie
1. Le système des juridictions italiennes
Trois niveaux de juridiction existent en Italie : en première instance, le
recours est présenté au Juge de Paix ou au Tribunal (en fonction du seuil et
de l’objet du recours). Le second degré de juridiction est la Cour d’Appel. Le
niveau le plus élevé est celui de la Cour Suprême (Cassation) qui n’est pas
juge du fond de l’affaire mais uniquement de la forme, contrairement aux
juridictions de première et deuxième instance. Les décisions de la Cour de
Cassation ne constituent pas un précédent contraignant pour les Cours de
niveau inférieur, mais elles exercent néanmoins une influence,
particulièrement celles prises par la Cour en session plénière et concernant
des sujets controversés.
Les phases les plus importantes de la procédure devant les Cours italiennes
sont: 1) l’assignation (un délai minimum de 90 jours doit être assuré au
défendeur pour sa comparution à la première audience; ce délai étant étendu
jusqu’à 150 jours dans le cas où le défendeur serait domicilié à l’étranger); 2)
le mémoire en réplique du défendeur déposé auprès de la Cour ; 3) la
première audience pour la discussion de l’affaire pendant laquelle le juge ou
les parties peuvent soulever des questions préliminaires (par exemple,
incompétence de la juridiction ou absence d’intérêt à agir) avant d’examiner
le fond de l’affaire.
Sur requête de l’une des parties, il existe trois étapes devant le juge: la
première pour le dépôt des dossiers qui contiennent davantage de détails
et /ou clarifient les déclarations et les requêtes initiales; la deuxième pour
répondre aux dossiers susmentionnés, pour la formulation des preuves et le
dépôt des documents ; la troisième pour les réponses limitées à la contrepreuve. Puis, le juge examine les preuves et auditionne les témoins.
Le juge peut aussi nommer un expert quand le sujet demande l’évaluation
d’aspects techniques. Après l’examen des preuves, le juge fixe une dernière
audience durant laquelle les parties font leur déclaration finale. A l’occasion
de cette audience, le juge laisse 60 jours aux parties pour le dépôt de leurs
conclusions finales ainsi que 20 jours pour répondre aux conclusions
adverses. Le juge émet ensuite son jugement final.
La procédure peut être assez longue (malgré plusieurs réformes du code de
procédure civile qui ont été mises en œuvre pour accélérer les procédures),
mais la phase initiale pour la présentation des requêtes probatoires est assez
brève et demande que l’on recueille et prépare rapidement tous les éléments
disponibles.
De plus, la plupart des exceptions et réclamations (virtuellement toutes les
exceptions préliminaires et techniques) doivent être soulevées dans le cadre
du premier mémoire en défense qui sera déposé 20 jours avant la date de la
première audience; de ce fait le temps disponible pour préparer la
comparution et une défense efficace peut être limité.
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Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
2. La procuration
Le dépôt d’un recours, la présentation d’une demande, la comparution devant
la Cour ainsi que toutes les activités légales devant les Cours, sont effectués
par un avocat muni d’une procuration donnée par son client.
Les procurations données hors d’Italie doivent être légalisées et apostillées
conformément à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 (ratifiée en
Italie par la Loi 20 décembre 1966 n° 253), ou être légalisées par l’Ambassade
ou par le Consulat Italien du pays d’émission.
Les Cours italiennes sont assez sévères lors du contrôle de la validité des
procurations établies à l’étranger, il est donc très important de s’assurer que
toutes les formalités ont étés satisfaites: par exemple, la validité d’une
procuration a été niée dans des situations où la certification de l’acte par le
notaire différait en temps et en lieu de sa signature1.
Toutefois, l’apostille n’est pas nécessaire, pour les procurations délivrées
dans les pays signataires de la Convention de Bruxelles de 1987 qui a aboli la
nécessité du sceau pour les actes émis au sein de l’Union Européenne,
Convention qui, à ce jour, a été ratifiée par la Belgique, le Danemark, la
France, l’Irlande et l’Italie; ces actes sont dispensés de l’apostille en vertu
d’accords bilatéraux.
Les avocats italiens sont compétents pour légaliser les procurations qui leur
sont données, à condition qu’ils aient eu la possibilité d’identifier la partie
signataire de l’acte2.
Il est aussi possible de déposer un recours et d’intenter une action en justice
sans procuration: dans ce cas, l’acte judiciaire n’est pas enregistré dans la
liste des actes relatifs à l’affaire, la procédure est suspendue et une nouvelle
procuration devra être émise en bonne et due forme dans un délai de 6 mois.
La nullité ou l’irrégularité d’une procuration peut être soulevée lors de la
première audience conformément à l’article 182 du Code de Procédure
Civile : le juge fixe une date limite pour l’émission d’une nouvelle procuration
régulière qui ratifiera l’activité déjà accomplie. Bien qu’il soit souhaitable de
produire une procuration régulière dès le début de la procédure, la
disposition (introduite depuis peu Italie dans le Code de Procédure Civile)3
permet de remédier aux irrégularités qui jusqu’à récemment risquaient de
compromettre le procès.
1 Cassation n° 3410/2008 Media Barter c. Cairo Communication; Cassation n° 13228/2008
Tomoana Pelt Processors Ltd c. Conceria Pellami Gasm.
2 Cassation n° 5840/2007, Alpina Versicherung A G c. Royal & Sun Alliance.
3 Loi 69/2009
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Assurance transport et subrogation en Italie
Les procurations ayant une validité limitée ne sont pas acceptées et celles
données pour une durée limitée (souvent émises dans plusieurs juridictions)
seront probablement considérées comme nulles et non avenues par la Cour.
3. La procédure rapide
Le code de procédure civile italien prévoit une ‘’voie rapide’’ pour les
créanciers qui ont des titres certains (généralement des factures et livres de
comptabilité).
L’injonction de payer (« decreto ingiuntivo ») est émise sans la comparution
du débiteur après un examen sommaire de la requête par le juge. L’acte
devient exécutoire en l’absence d’une opposition formelle du débiteur dans
un délai qui peut varier, mais qui généralement est de 40 jours. Si le débiteur
forme une opposition dans le délai fixé, l’exécution de la décision peut être
suspendue et une procédure ordinaire est ouverte. Le créancier peut
néanmoins obtenir l’exécution immédiate de la décision si l’opposition
semble prima facie dénuée de fondement suffisant.
4. Les frais
Pendant la procédure, chaque partie supporte ses propres frais. La règle
générale est que la partie perdante est « condamnée aux dépens », même si la
liquidation des frais est normalement inférieure aux frais effectivement
engagés par la partie gagnante.
Au cas où les parties gagnent à parts égales ou que le cas en l’espèce nécessite
un examen complexe ou dégage de nouveaux principes de droit, ou pour
« tout autre bonne raison » (généralement quand la jurisprudence est
instable et que les éléments abordés sont controversés) le juge peut décider
de compenser les frais et chaque partie supporte ses propres frais.
Sur demande spécifique, le juge peut décider la compensation des frais pour
abus de procédure (quand, par exemple, le plaignant savait – ou devait savoir
– avant de déposer le recours qu’il n’y avait pas d’éléments suffisamment
probants pour intenter une procédure).
Selon une récente réforme du Code de Procédure Civile4, si le dommage
n’excède pas la somme offerte pour régler le litige et si cette somme a été
refusée, le juge peut ordonner que la partie gagnante paye néanmoins les
frais légaux engagés après le refus de la proposition.
4 Law n°69/2009
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Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
5. Les mesures provisoires
Les Cours italiennes peuvent ordonner des réparations provisoires comme la
saisie-arrêt, les mesures conservatoires, les décisions de gel.
Le juge fait un examen sommaire de la requête et concède la mesure si la
réclamation introduite semble à première vue bien fondée (« fumus boni
juris ») et si le requérant prouve qu’il est exposé à des dommages au cours de
la procédure ordinaire (« periculum in mora »).
La notion de préjudice a été en quelque sorte étendue afin d’inclure des
dommages ne peuvant pas être facilement ou totalement réparés, mais elle
est encore interprétée sévèrement par les Cours italiennes qui, réclament
généralement la preuve de la détérioration de la situation financière du
débiteur, pouvant compromettre le recouvrement de la créance.
Occasionnellement, les Cours italiennes ont rejeté les demandes d’arrêt
conservatoire ou de saisie lorsque le créditeur avait (par exemple concédant
des reports ou tolérant des délais) permis au débiteur de diminuer sa
solvabilité ou lorsque la solidité financière du débiteur était insuffisante dès
le début.
6. Le droit d’agir
Selon la loi italienne (le principe est établi par l’article 1689 du Code Civil
italien, une disposition similaire à l’article 13 du CMR) l’expéditeur a le droit
de chercher compensation des dommages et poursuivre en justice le
transporteur jusqu’à ce que le destinataire devienne partie au contrat de
transport en demandant la livraison de la marchandise. Cette demande peut
être orale et aucune formalité particulière n’est requise.
Pour ce qui est des réclamations découlant de contrats de transport maritime
représentés par un connaissement, le droit d’agir en justice est normalement
reconnu en faveur du porteur légitime du connaissement ; quelques
jugements ont retenu qu’une fois que la circulation du connaissement est
accomplie, la partie pouvant prétendre à une réclamation est le propriétaire
effectif de la marchandise (malgré l’indication d’un destinataire différent
dans le connaissement) mais la question fait l’objet de débats.
Deux récentes décisions de la Cassation ont retenu que les agents qui agissent
au nom d’un mandant non révélé (ce qui a lieu généralement quand un
transitaire est nommé; aux termes de la loi italienne – article 1737 du Code
Civil - les transitaires stipulent le contrat de transport en leur nom mais pour
le compte du mandant) sont la seule partie pouvant réclamer des dommages
et intérêts, même quand le mandant révèle son identité et envisage de
remplacer l’agent.
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Assurance transport et subrogation en Italie
L’expéditeur et le destinataire (et leurs assureurs subrogés) doivent donc
vérifier que la cession de droits est valable chaque fois qu’un agent agit pour
leur compte mais en son nom aux termes d’un contrat avec le transporteur5.
La jurisprudence italienne est assez sévère dans l’application du principe
établi par l’article 1689 c.c.; la règle est que la livraison (ou la simple
demande de livraison) transfère le droit d’agir en justice en faveur du
destinataire, même si ce dernier a omis ou refusé de payer le prix de la
marchandise ou, aux termes des conditions de vente, si la partie exposée aux
risques de dommage ou de perte pendant le transport est en réalité
l’expéditeur/vendeur.
Afin d’atténuer les conséquences de cette disposition, quelques décisions ont
retenu que le transfert du droit d’agir ne peut être déclenché que par une
demande de livraison faite lorsque l’on est certain que le destinataire est à
connaissance du dommage subi, c’est-à-dire par l’expression d’une intention
délibérée de remplacer l’expéditeur dans l’exercice des droits et des
réclamations découlant du contrat de transport.6 Toutefois, la grande
majorité des décisions appliquent strictement l’article 1689 du code civil: la
plus grande attention est donc nécessaire pour décider au nom de quelle
partie le transporteur doit être poursuivi et pour l’obtention de cessions de
droits.
7. Les actions subrogées
Quand les assureurs indemnisent les pertes de leurs assurés, ils sont
autorisés par la loi italienne à intenter une action subrogée contre les tiers
responsables du dommage ou de la perte (article 1916 du Code Civil).
L’assureur devient titulaire des droits de l’assuré et il est subrogé dans tous
les droits et recours de l’assuré à partir du moment de l’accident qui a causé
la perte (mais il n’est pas autorisé à exercer des droits dont ne dispose pas
l’assuré). La subrogation de l’assureur est souvent contestée par la
défenderesse
Selon la loi italienne il y a en effet deux systèmes principaux de subrogation:
a) le premier fonctionne par accord et/ou attribution des droits. Cet accord
peut être concomitant au paiement (article 1201 du code civil) ou peut suivre
le paiement au moyen d’attribution de droits (article 1260 du code civil).
b) le deuxième, par effet de la loi, conformément à l’article 1916 du Code
Civil: quand l’indemnité est payée conformément à une obligation
contractuelle valable, les droits de l’assuré seront automatiquement
transférés à l’assureur.
5
Cassation n° 13375/2007, Castagnoli FormConsulta c. Schenker Italia ; Cassation SU n°
24772/2008, Pagani c. Fall.Sala
6 Cassation n° 8151/1996 Filk c. Quadrifoglio ; Cassation n° 12744/1999. Soc. Alitalia c. Ferraro.
7
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
Au cours des vingt dernières années de nombreux différends sont nés
d’affaires où la transmission de droits semblait inefficace, soit parce que
l’accord de subrogation n’avait pas été conclu en même temps que le
paiement de l’indemnité, soit parce que les assureurs n’étaient pas obligés de
payer l’indemnité conformément au contrat d’assurance.7
Il est de jurisprudence constante que le défendeur a le droit de demander la
présentation de la police d’assurance afin de vérifier si l’indemnité a été payée
en faveur du détenteur des intérêts assurables et, au cas où il en résulterait
que l’indemnité a été indûment versée (c’est-à-dire en faveur de la partie qui
n’est pas exposée aux risques de transit), l’assureur subrogé pourrait échouer
s’il poursuivait l’action en recouvrement.
Il est donc demandé aux assureurs de vérifier attentivement s’ils
indemniseront une partie qui est en droit de recevoir l’indemnité, tandis
qu’ils doivent en même temps obtenir une attestation (reçu formel) de la part
de l’assuré et/ou de la partie qui a le droit de poursuivre le transporteur.
En règle générale, selon la loi italienne, la propriété des biens passe
automatiquement du vendeur à l’acheteur au moment de la conclusion du
contrat de vente relatif à des marchandises bien identifiées; en cas de vente
de marchandise non spécifiée la propriété des biens passe à l’acheteur une
fois que la marchandise a été identifiée; quand la marchandise doit être
transportée d’un endroit à un autre, les biens sont généralement identifiés au
moment de la livraison au transporteur ou au transitaire. Une exception
concerne le transport de lots de marchandises en vrac: dans ce cas la
spécification est faite au moment de la livraison effective au destinataire.8
L’expéditeur/vendeur a le droit de percevoir l’indemnité d’assurance quand il
a conservé la propriété de la marchandise ou quand l’expéditeur a supporté le
risque lié au transport en vertu d’un accord dérogeant au principe général de
transfert du risque prévu par l’article 1510 c.c. selon lequel les risques (et –
pour les marchandises non spécifiées en vrac – la propriété) sont transférés
lors la livraison au transporteur. L’accord doit être clair et précis: les clauses
ambiguës (en particulier, celles qui se réfèrent à l’imputation des frais de
transport) sont généralement considérées comme dépourvues d’effets pour
différer le transfert des risques et de la propriété.
Conformément à une jurisprudence constante9, la subrogation se produit une
fois que l’assureur a payé l’indemnité et qu’il a manifesté son intention
d’exercer son droit d’agir comme subrogé. Bien que quelques décisions aient
admis que l’intention de remplacer l’assuré dans l’exercice de ses droits à
l’encontre des tiers pourrait se manifester pour la première fois dans l’acte
7 Cassation n° 7300/1991. SIAT c. Adriatiça di Navigazione ; Cassation n° 6455/1994, Levante
Assicurazioni c. Fumagalli ; Cassation n° 919/1999. The Tokio Marine and Fire Insurance co. Ltd c.
Japan Air LInes.
8 Cassation n° 8861/1996, Fall. Agenzie Generali caffé c. Soc.Messican Caffé ; Cour d’Appel de
Gênes 4 Juillet 2008 Ortofrutticola Acese Slr c. UMS Generali Marine e Siat.
9 Cassation n° 9469/2004, SIAT Assicurazioni c. Gestione Industrie Confezioni.
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Assurance transport et subrogation en Italie
d’assignation,10 il est sage d’envoyer une mise en demeure de subrogation
demandant réparation avant de signifier l’assignation. Cette notification est
irréversible: une fois envoyée, l’assuré perd son droit à réclamer
indemnisation; en revanche, avant la notification l’assuré conserve ses droits
même dans le cas où il a perçu des indemnités.
Compte tenu de ce qui précède, au cas où l’action de subrogation exposerait
l’assureur à des exceptions ou des objections relatives au titre ou à la
subrogation, il est monnaie courante en Italie que celui-ci s’entende avec
l’assuré afin que l’action soit menée au nom de l’assuré mais pour le compte
de l’assureur (qui supportera les frais de justice de l’action).
8. La cession de droits et réclamations: forme et limites
Au vu des dispositions de l’article 1689 du code civil et de la jurisprudence
italienne concernant le droit d’agir, les assureurs devraient toujours insister
pour recevoir une cession des droits résultant du contrat de transport signée
par le destinataire chaque fois qu’ils indemnisent l’expéditeur/le vendeur ou
une partie qui ne coïncide pas avec le destinataire. Il peut être très utile de
vérifier si des commissionnaires ont agi pour le compte des chargeurs et
chercher à obtenir également la cession de leurs droits.
Selon la loi italienne la prescription peut être évitée par l’envoi d’une
demande de paiement ou une lettre demandant réparation (ou une
assignation dans les cas où la réclamation est soumise à un délai plus strict,
défini par la loi italienne comme « decadenza ») seulement si c'est le fait de la
partie qui a le droit de recours.
De ce fait, une requête envoyée au transporteur par l’expéditeur quand la
marchandise est arrivée à destination et a été livrée au destinataire peut être
dénuée d’effets.
Les assureurs doivent donc s’assurer que la cession des droits est obtenue
immédiatement, bien avant la prescription, et que l’existence d’une cession
antérieure à la formulation des réclamations est prouvée sans le moindre
doute: un système très simple, habituellement utilisé pour certifier la date
d’émission de la cession, est d’envoyer par lettre recommandée une copie du
document contenant la cession, en s’assurant que le document est muni d’un
timbre-poste portant la date de réception.
9. La responsabilité contractuelle et délictuelle
En droit italien, il y a deux sources principales de responsabilité :
10 Cassation n° 4211/2002, Ignazio Messina c. S.I.A.D.
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Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
1. La responsabilité résultant de la violation d’un contrat (responsabilité
contractuelle) et
2. la responsabilité pour les dommages causés à des tiers en l’absence d’une
relation contractuelle, alors que la responsabilité civile est engagée par une
faute d'imprudence ou de négligence (responsabilité extracontractuelle).
Bien qu’il soit possible en principe de présenter un recours contre un
transporteur (ou le fournisseur des services de transports) sur les fondements
cumulés de la responsabilité contractuelle et délictuelle, la jurisprudence
italienne ne l’admet que dans des cas très spécifiques.
La responsabilité résultant de la violation d’un contrat est prévue aux articles
1218-1229 du Code Civil italien.
Selon l’article 1218 c.c. la partie qui a enfreint le contrat doit compenser les
dommages à moins que la violation ne soit excusée par la loi (force majeure)
ou par un accord (par exemple grâce à une clause d’exemption). Les critères
pour l’évaluation des dommages sont établis par les articles 1223-1227 c.c.:
l’indemnité comprend la perte subie (damnum emergens) et les bénéfices
escomptés (lucrum cessans) selon la tradition du droit romain, à condition
qu’il soient tous deux une conséquence immédiate et directe de la rupture.
L’article 1225 c.c. établit une autre limitation: à moins que l’infraction ne soit
faite par malveillance ou mauvaise foi, les dommages réparables sont limités
au préjudice que le débiteur pouvait prévoir comme résultant de la violation
sur la base d’une estimation prudente et diligente.11 Un jugement fondé sur la
vraisemblance et la probabilité des faits (pas seulement de manière
hypothétique) est requis, à la lumière de circonstances qui étaient
effectivement connues du débiteur. 12
Enfin, selon l’article 1227 c.c., quand la partie lésée a contribué aux
dommages de par sa négligence, l’indemnisation est revue à la baisse
conformément à la nature et à l’importance de la responsabilité du créditeur
et des conséquences qui en découlent.
Pour ce qui concerne les réclamations en cas de responsabilité délictuelle, le
plaignant doit prouver les dommages et intérêts réclamés qui ne sont pas
limités à ceux raisonnablement prévisibles et, en tout état de cause, doivent
être directement liés à un comportement négligent.
10. L’exclusion de la responsabilité
Plusieurs transporteurs, transitaires et opérateurs logistiques italiens
adoptent des termes et conditions générales qui contiennent des clauses
d’exclusion de la responsabilité, prévoyant, par exemple, que le transporteur
11 Cassation n° 5896/1983 Cardinali c.Cons. Agr. Ancona.
12 Cassation n° 18239/2003 Davex Moda c. Righi.
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Assurance transport et subrogation en Italie
n’a aucune responsabilité pour la perte de chances et autre, ou limitant la
responsabilité.
L’exclusion des clauses de responsabilité est considérée comme
potentiellement déloyale par la loi italienne et est assujettie à de strictes et
spécifiques conditions de validité: selon l’article 1341 c.c. de telles clauses
doivent renvoyer à une clause ad hoc du contrat ou aux termes et conditions
générales et doivent être expressément approuvées et acceptées.
Conformément à l’article 1229 c.c. l’exclusion générale et préalable de
responsabilité est caduque en cas de dol ou de faute lourde.
11. L’action directe contre l’assureur du transporteur
Une action directe en responsabilité à l’encontre de l’assureur du
transporteur n’est pas permise par le droit italien (une telle possibilité est
prévue pour un nombre limité de cas d’assurance obligatoire comme, par
exemple, la responsabilité relative à la circulation de véhicules à moteur)
aucun recours direct n’est permis en cas d’assurance non obligatoire, comme
la responsabilité découlant des contrats d’assurance de transport de
marchandise.
Des difficultés peuvent surgir quand le transporteur ne se présente pas
durant le débat ou s’il a manqué de présenter une réclamation à l’encontre de
son assureur.
12. L’action contre le transporteur domestique
Le transport routier domestique est réglé par les articles 1683-1702 du Code
Civil italien (Le Décret n° 286/2005 statue sur d’autres questions relatives à
l’exécution du transport et à la responsabilité du transporteur) : ces
dispositions sont applicables si le lieu de prise en charge et le lieu de livraison
de la marchandise sont tous deux situés en Italie.
12.1. Le régime de responsabilité et limitations
Le transporteur est responsable du moment de la prise en charge de la
marchandise jusqu’au moment de sa livraison, et il peut éviter sa mise en
cause seulement en prouvant que la perte ou le dommage est dû à des
événements accidentels inhérents aux défauts de la marchandise, à l’absence
ou à l’insuffisance de l’emballage.
L’article 1693 c.c. établit une présomption de responsabilité ex recepto, qui
peut être réfutée uniquement par la preuve d’une cause de dommage ou de
perte qui doit être clairement identifiée et dépasser complètement la
responsabilité du transporteur.
11
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Normalement, le transporteur est considéré responsable en cas de vol (dans
ce cas il est souvent exclu des bénéfices de la limitation) et aussi en cas de
hold up, puisque le transporteur doit prouver que le vol était inévitable, que
la perte de la marchandise a eu lieu avec violence ou menaces et dans des
circonstances qui ont rendu l’événement inévitable et imprévisible. 13
L’article 1696 c.c. prévoit une limitation de responsabilité du transporteur de
1 € par kilo de poids brut de la marchandise perdue ou endommagée (cette
limite peut être augmentée par accord écrit) et cette limite de responsabilité
est exclue si le demandeur prouve que le dommage a été causé par
malveillance ou par grave négligence (un concept qui implique un degré de
négligence moins grave que celui prévu dans le CMR).
La négligence grave est généralement établie par les Juridictions italiennes en
cas de hold up dans un parking sans surveillance, ou quand le transporteur
n’a pas adopté des mesures convenables de sécurité ou s’il est incapable de
clarifier les circonstances de la perte ou du hold up.14 La limitation établie
par l’article 1696 c.c. est en effet peu efficace et elle oblige les juridictions
italiennes à prendre une approche assez stricte et précise lors de l’évaluation
du comportement du transporteur et de son droit à bénéficier de la
limitation.
12.2. La prescription
Le délai de prescription pour agir sur la base d’un contrat de transport routier
soumis à la loi italienne est d’un an comme établi par l’article 2952 du Code
Civil italien.
Ce délai court à partir de la date de livraison de la marchandise ou de la date
à partir de laquelle la marchandise aurait dû être livrée.
La prescription peut être évitée en envoyant une demande de paiement écrite
exprimant l’intention d’exercer le droit à être dédommagé: un nouveau délai
de prescription court à partir de la réception de la demande et le demandeur
doit donc envoyer une nouvelle demande de paiement (ou déposer un autre
recours) avant l’expiration du délai de prescription.
13. Les actions contre les transporteurs CMR
13.1. L’application de la Convention
13 Cassation n° 24209/2006, DHL International Srl c. Wintertour.
14 Tribunal de Milan 23 mars 2000. Winterthur c. DHL International; Cour d’Appel de Gênes 20
mai 1999, Nuti c. Nasta ; Tribunal de Cagliari 25 mai 1998, Padana Assicurazioni c. Soc.
Autotrasporto Trans Tirreno ; Tribunal de Turin 9 avril 1993, The Sea Insurance co. Ltd c. Chirone ;
Tribunal de Côme, 5 mai 1997, Winterthur c. Transcar.
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Assurance transport et subrogation en Italie
La jurisprudence italienne relative à l’application de la Convention CMR est
assez singulière.
La Cour Suprême (bien que sa position soit généralement critiquée par les
auteurs italiens et régulièrement contestée par les tribunaux et les cours
d’appel) a, à de nombreuses reprises, estimé que l’application de la CMR n’est
pas automatique et qu’elle est subordonnée à l’existence d’un accord entre les
parties. Cet accord peut être prouvé par exemple par la référence à la CMR
dans la lettre de voiture ou l’échange de correspondances qui se réfèrent aux
termes du CMR. Selon quelques décisions très récentes, un accord oral
(confirmé par témoins) pourrait également être suffisant. 15
Le débat avait un sens il y a encore quelques années, quand le Code civil
italien ne prévoyait aucune disposition limitant la responsabilité du
transporteur et quand la Cour retenait l’application du droit italien plutôt que
de la CMR, le transporteur ne pouvant ainsi invoquer la limitation de
responsabilité.
L’article 1696 c.c. contient désormais une disposition qui applique les limites
de responsabilité de la CMR à tous les transports internationaux routiers; de
ce fait, la limite de 8,33 SDR par Kilo s’applique également aux transports
pour lesquels l’application de la CMR est contestée ou incertaine.
En ce qui concerne la compétence juridictionnelle, les Cours italiennes
n’hésitent pas à appliquer l’article 31 de la CMR16 sur la base du principe que
la CMR prime sur le Règlement Communautaire 44/2001/EC.
13.2. La responsabilité
Le transporteur est responsable du moment de la prise en consignation de la
marchandise jusqu’à la livraison et il est assujetti à une présomption de
responsabilité ex recepto qui ne peut être rejetée qu'en prouvant la
survenance d’une des circonstances exonérant le transporteur établies à
l’article 17 de la CMR, identifiant la cause du dommage ou de la perte et
prouvant que l’événement échappait entièrement à la responsabilité du
transporteur.
Très récemment, la Cour Suprême a analysé les dispositions de l’article 17.4
e) de la CMR qui prévoient que le transporteur est exonéré dans le cas où la
marchandise n’est pas convenablement arrimée. La Cour a précisé que
l’absence de responsabilité est présumée dans tous les cas où, à la lumière des
circonstances, il apparait que le dommage a été probablement causé par une
préparation insuffisante/inadéquate de la marchandise pour le transport et
15 Cassation n° 2529/2006 Assocam c. Reiser Curioni ; Cassation n° 11282/2005 Geologistic c.
Socata.
16 Cour de Vérone, 19 septembre 2006, HB Transport Lagerhaus GmbH. c. Werner Kohmamm ;
Cour d’Appel de Trieste, 11 septembre 2002, Generali c. Hermanos Rodriguez SA.
13
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
que, dans ce cas, c’est le demandeur qui doit prouver que la perte ou le
dommage a été causé par le transporteur17.
En cas de transport de marchandises sensibles, le transporteur peut rejeter la
responsabilité en prouvant que toutes les mesures raisonnables avaient été
prises pour éviter le dommage, sur la base des circonstances et des
instructions reçues.18
Bien que la jurisprudence sur ce thème soit très limitée, la compensation
pour le fret, la TVA, les droits de douane et autres frais sont en principe
récupérables; une décision du Tribunal de Milan19 a abordé le sujet en
reconnaissant le droit de récupérer ces frais; bien que le cas ne concernait pas
un transport CMR, le principe devrait s’appliquer aux recours relatifs aux
transports internationaux routiers. En ce qui concerne la récupération des
droits d’accises, prévus parmi d’autres frais à l’article 23.4 de la CMR, le
problème n’a toujours pas été abordé.
13.3. La limitation de responsabilité
La jurisprudence italienne n’a dégagé que les concepts de fraude et de
négligence grave, et la doctrine de la faute intentionnelle est souvent
inconnue des Cours italiennes. La notion de négligence grave (colpa grave)
implique un degré de négligence inférieur à celui prévu dans la CMR, et en
établissant si un transporteur en régime de CMR a le droit d’invoquer la
limitation, les Cours locales auront tendance à adopter des paramètres qui
sont normalement appliqués aux transports nationaux; par conséquent, de
sévères décisions refusent au transporteur le bénéfice de la limitation et
peuvent surprendre lorsqu’elles sont comparées aux normes en vigueur dans
d’autres juridictions européennes.
La Cour Suprême a récemment émis deux jugements sur la question qui ne
sont pas tout à fait conformes et qui ont laissé ouverts plusieurs points de
débat.
Par un premier jugement20, la Cour a exprimé le principe que les termes
«Faute intentionnelle ou un défaut qui conformément à la jurisprudence de
la Cour ou du tribunal saisi de l’affaire est considéré équivalent à une faute
intentionnelle» implique un concept de «dol éventuel». On entend par dol
éventuel le comportement d’une extraordinaire et inexcusable négligence
ainsi que le manquement à une précaution minimale conduisant à présumer
que, même si le responsable ne voulait pas causer de dommage, il a accepté et
tenu compte des conséquences nuisibles de son comportement. Il semblerait
ainsi que la Cour ait approuvé la définition de faute intentionnelle (wilful
17
Cassation n° 2483/2009, Gebruder GmbH. C. Incare Srl et Schenker Italiana Spa.
18 Cassation n° 14680/2003, Fiorani c. Sieve.
19 Tribunal de Milan 13 octobre 2004, Ichemco Srl Sittam Spa, Agenzia Marittima le Navi.
20 Cassation n° 11362/2006, Bormioli c. Middlegate Europe Ltd.
14
Assurance transport et subrogation en Italie
misconduct) telle qu’elle a été élaborée par les Cours britanniques: l’intention
de faire quelque chose que l’on sait erroné ou une action imprudente, dans le
sens où l’acteur est conscient qu’une perte pourrait en résulter. Ce
comportement doit être prouvé par le demandeur qui prétend empêcher au
transporteur de limiter sa responsabilité.
Par une deuxième et plus récente décision21, la Cour semble avoir restauré sa
position précédente, affirmant que dans le système légal italien les
conséquences dérivant de négligence grave sont équivalentes à un dol et il
n’est pas exigé que le transporteur soit au courant du risque au moment où il
a causé le dommage. En effet, la Cour a exclu le droit du transporteur à
bénéficier de la limitation dans un cas où le chauffeur avait livré la
marchandise à un entrepôt acceptant un récépissé signé par une partie non
identifiée.
En conclusion, en Italie le transporteur est exposé à un plus haut risque de
perdre le droit à la limitation de la responsabilité par rapport à d’autres
juridictions CMR.
13.4. La prescription
Conformément à l’article 32 de la CMR la prescription est suspendue en
envoyant un avis de réclamation exprimant l’intention de réclamer des
dommages et intérêts.
Selon la jurisprudence italienne, le premier avis de réclamation suspend le
délai de prescription, qui ne court qu’à partir du moment où le transporteur
rejette la réclamation (il peut ainsi être indéfiniment suspendu dans le cas où
la réclamation n’est pas rejetée). S’il y a un rejet, un nouvel avis de
réclamation doit être envoyé par lettre recommandée avant que le délai d’un
an ne soit écoulé: cette nouvelle requête déclenche une nouvelle limitation
d’un an, qui peut être interrompue encore une fois par une autre lettre de
réclamation et ainsi de suite.
Autre sujet de controverse: s’il est strictement nécessaire que le refus du
transporteur d’endosser la responsabilité soit fait en retournant les
documents joints à la réclamation écrite, il vaudrait mieux considérer que le
délai court de nouveau dès que le transporteur a répondu en rejetant toute
responsabilité.
Il y a quelques années la Cour Suprême22 a retenu qu’en cas de rejet le
demandeur devait notifier une assignation dans ce délai afin d’interrompre la
prescription, mais un jugement plus récent23 a rétabli la jurisprudence
21 Cassation n° 24765/2008, Plan Fer c. Forgione.
22 Cassation n° 1272/2003, Ernest Hatl Internationale Transporte c. Spediz. Internaz.Terrestri aerei
marittimi.
23 Cassation n° 7258/2005, Cigola Internazionale Srl c. ACE Insurance SA
15
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
précédente, confirmant que lorsque le délai de prescription commence à
courir après le rejet, un nouvel avis de réclamation est suffisant pour
suspendre la prescription.
L’efficacité de la prorogation du délai est discutable sachant qu’il n’y a aucune
disposition en ce sens dans la CMR (contrairement aux règles de La HayeVisby) et, dans la mesure où selon la loi italienne (article 2936 c.c.) les
dispositions législatives fixant des délais de prescription ne peuvent être
modifiées ni prolongées par les parties, une prorogation du délai de l’article
32 de la CMR pourrait être considérée comme dépourvue d’effets/nulle par
une Cour italienne.
14. Les actions contre les transporteurs multimodaux
Jusqu’à présent les actions contre les transporteurs multimodaux ont été
considérées par les Cours italiennes (sur la base d’une approche souvent
critiquée par les auteurs italiens, mais plutôt constante) comme régies par les
dispositions du code civil italien. Les recours qui concernent les transports
multimodaux sont donc considérés généralement comme assujettis à la
prescription d’un an (ou 18 mois au cas où le transport commence ou
s’achève hors de l’Europe) prévue par l’article 2951 c.c. et à la limitation de
responsabilité, en accord avec les limites de la CMR, conformément à l’article
1696 c.c. (voir ci-dessus le paragraphe 13.1).
Cette position pourrait néanmoins changer au vu d’une récente décision de la
Cour Suprême, très minutieuse et détaillée, qui opte pour l’applicabilité du
système dit de « réseau » où la responsabilité du transporteur multimodal
pour des dommages localisés (c’est-à-dire les dommages dont la survenance a
été établie lors d’une étape particulière du transport), est déterminée en
fonction de la convention internationale ou du droit national applicable à
l’étape unimodale du transport durant laquelle le dommage est survenu.
15. Les actions contre les transitaires et les agents
Le contrat d’expédition est régi par l’article 1737 c.c. comme une sous-espèce
du contrat de mandat: le transitaire agit comme un agent non révélé et il
conclut le contrat de transport en son nom et pour le compte du mandant
sans révéler l’identité de ce dernier.
Le transitaire peut être considéré responsable pour faute, en particulier en
cas de choix négligent du transporteur24 ou de non conformité aux
instructions reçues; le fait que le transporteur choisi ait depuis longtemps
une réputation élevée est en principe suffisant pour exclure une
responsabilité pour mala electio (ou culpa in eligendo) en cas de non
24 Tribunal de Prato, 14 septembre 1982, Bettarini Spedizioni Internazionali c. Lanificio Chiti
16
Assurance transport et subrogation en Italie
exécution du transport, sauf si le transitaire pouvait savoir que le
transporteur avait rencontré des difficultés financières.
Cependant il est possible que le transitaire soit considéré responsable pour le
dommage ou la perte de la marchandise dans le cas où il agit comme
transporteur principal ou « contracting carrier ».
Le transitaire peut être considéré acteur principal selon le cas de l’espèce:
c’est le cas, selon la jurisprudence italienne, lorsqu’il a explicitement agi
comme transporteur (par exemple en émettant les documents de transport
indiquant le transitaire comme transporteur). L’indice généralement pris en
considération par les Cours locales pour évaluer si le transitaire a en effet
assumé la responsabilité du transporteur est la rémunération représentée par
une somme forfaitaire qui ne contient aucune indication du fret payé au
transporteur; un autre indice peut être la grande liberté de donner les
instructions au transporteur effectif, associée à un comportement qui porte
l’acteur principal à présumer que le transport est en effet effectué par le
transitaire.
La limitation de responsabilité qui concerne le transport routier demande
que le transporteur soit enregistré dans l’«Albo degli autotrasportatori », le
Registre italien des Road Hauliers ; les transitaires qui ne possèdent pas de
camions ou de véhicules ne sont pas enregistrés. Le manque d’enregistrement
peut empêcher les transitaires qui agissent comme transporteurs de
bénéficier du droit de responsabilité limitée.
16. Les recours concernant des contrats de dépôt, entreposage,
manutention, logistique
Le transport est souvent inclus dans un ensemble de services qui s’étendent
de la manutention, le stockage et l’emballage de la marchandise jusqu’au
chargement et déchargement, la préparation et l'émission des documents, et
la distribution par le biais de transporteurs de fait agissant comme soustraitants.
En droit italien il n’y a pas de dispositions réglant le contrat de logistique.
En cas de contrat « mixte » cumulant le transport et d’autres services, les
cours italiennes appliquent les dispositions du Code civil au contrat de
services, à moins que le transport ne prédomine sur les services additionnels,
si bien que le contrat devrait être requalifié de contrat de transport.
Dans les situations où les dispositions prévues pour les contrats de services
sont applicables, les conséquences pourraient être significatives.
1. Le fournisseur du service ne peut pas profiter de la limite de
responsabilité prévue pour le transporteur;
2. le délai de prescription pour présenter un recours est prolongé jusqu’à
deux ans, mais il est prudent de transmettre une réclamation dans un
17
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
délai de 60 jours en application de la réglementation en matière
d’«appalto» (une simple communication informelle suffit).
L’applicabilité des dispositions relatives aux contrats de transport maritime
(à savoir les dispositions des règles de La Haye- Visby) en vertu d’une clause
Himalaya contenue dans le connaissement reste un sujet controversé.
Les décisions des Cours italiennes sur le sujet sont assez rares : un jugement
de la Cour de Gênes25 a reconnu la validité et les effets d’une clause Himalaya
insérée dans le connaissement, mais la Cour d’Appel26 a réduit le champ
d’application de la clause, soumettant ses effets à la preuve rigoureuse que
l’exploitant du Terminal a effectivement agi en tant qu’agent/auxiliaire du
transporteur.
L’applicabilité de la clause Himalaya est aussi soumise à l’émission effective
du connaissement: dans les situations de perte ou de dommage survenus
antérieurement à l’arrivé du navire au port de chargement et/ou avant
l’émission du connaissement, l’auxiliaire ne peut pas bénéficier des
dispositions des règles de La Haye-Visby 27.
17. Les actions contre le transporteur maritime
17.1. L’identification du transporteur, le régime de responsabilité
et la charge de la preuve
L’identification du transporteur est basée sur les détails contenus dans le
connaissement, qui selon la jurisprudence italienne doit nécessairement
permettre d’identifier le transporteur28. Si aucune indication ne permet
d’identifier clairement le transporteur, l’en-tête du connaissement devient un
renseignement important, à condition qu’il ne contredise pas la signature; si
le connaissement est signé par le capitaine (ou par un agent en tant qu’agent
du capitaine ou des propriétaires) l’armateur est généralement identifié
comme le propriétaire du navire.
Les «Identity of carrier clauses» sont généralement ignorées par les Cours
italiennes29.
25 Tribunal de Gênes 20 novembre 2000, Zurich International Italia c. Terminal contenitori porto
Genova.
26 Cour d’Appel de Gênes 18 Janvier 2003, Zurich International Italia c. Terminal contenitori porto
Genova
27 Cour d’Appel de Gênes, 22 mai 2003, Messina c. Suisse National Insurance Co.
28 Tribunal de Gênes, 18 juin 1990, New Hampshire insurance co. C. Cosulich.
29 Cour d’Appel de Gênes, 23 octobre 1997, Rhein Maas & See France c. Caisse algérienne
assurances transports.
18
Assurance transport et subrogation en Italie
Le transporteur est soumis à un régime de responsabilité ex recepto et est
présumé responsable en cas de perte ou dommage de la marchandise à moins
qu’il ne prouve la survenance d’un danger exceptionnel ou d’une cause
exonératoire de responsabilité.
Les réserves telles que « said to be » ou « said to weigh » sont admises à
condition que le transporteur n’ait pu, bien qu’agissant avec la diligence
exigée, vérifier l’exactitude des informations reçues.
De telles clauses ont pour effet de renverser la charge de la preuve du poids
de la marchandise sur le requérant, par conséquent le demandeur ne pourra
obtenir gain de cause qu'en apportant une preuve satisfaisante du poids réel
de la marchandise chargée à bord.
Les réserves doivent être spécifiques tandis que les clauses imprimées
contenues dans les modèles de connaissement sont en général considérées
comme nulles et dépourvues d’effets par les juridictions italiennes. La
jurisprudence en la matière a néanmoins récemment changé, puisque dans
une affaire soumise à la Cour Suprême30 elle a énoncé que :

il n’y a aucune raison d’estimer que les clauses imprimées sur le modèle
de connaissement soient automatiquement dénuées d’effets;
 le contrôle du poids est impossible ou va au-delà de la diligence ordinaire
si la marchandise est chargée en vrac, vu que le capitaine n’a aucun
moyen de vérifier avec exactitude le poids de la cargaison chargée à bord;
 si une remarque pertinente est insérée dans le connaissement faisant
référence au poids de la marchandise, c’est la demanderesse qui doit
prouver quelle est la quantité exacte de biens chargés en produisant des
certificats de poids, des rapports d’inspection et toute autre preuve utile.
Cette décision est importante en ce qu’elle représente un changement
d’attitude des Cours italiennes, s’agissant d’une des rares décisions de la Cour
Suprême à ce sujet. Néanmoins, la plupart des décisions considèrent les
clauses imprimées sans effet.
La preuve du poids est normalement apportée au moyen de certificats de
poids (non nécessairement émis par la Douane ou l’Autorité Portuaire) mais
le requérant doit prouver que le rapport n’a pas été établi unilatéralement et
que le transporteur et le capitaine ont été formellement invités à participer à
l’inspection, prouvant ainsi la justesse des opérations de pesée.
Pour ce qui est des mesures réalisées dans les ports pendant les opérations de
chargement et déchargement par inspection de routine, la jurisprudence
italienne est assez limitées. Alors que quelques décisions ont retenu que les
inspections de routine peuvent être considérées comme étant fiables et
donnant de premiers indices prima facie du poids de la marchandise,
d’autres décisions ont été bien plus réticentes à se fier à ces mesures,
considérant que les inspections de routine sont sujettes à des erreurs dues
30 Cassation n° 13341/1999. Rocco vs. DIAR Maritime
19
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
aux conditions maritimes ou météorologiques et à l’approximation des
données fournies par le navire (ballast et eau fraiche, huile, etc.).31
17.2. La limitation de responsabilité
Selon l’article 423 du Code de la Navigation, la compensation des dommages
causés par le transporteur ne peut excéder 103,29 € par unité de chargement
(c’est-à-dire l’unité utilisée pour le transport comme la palette ou le ballot) à
moins que l’expéditeur n’ait soumis une déclaration de valeur avant le
chargement. Aucune autre alternative de limitation de responsabilité basée
sur le poids n’est envisageable.
Depuis une arrêt rendu en 2005 par la Cour Constitutionnelle32, aucune
limitation de responsabilité n’est admise si le requérant prouve que le
transporteur ou ses auxiliaires ont agi en commettant une faute délibérée ou
une négligence grave.
La Cour Suprême a récemment analysé33, en appliquant les principes dégagés
par la Cour Constitutionnelle, le concept de négligence grave dans le cadre
d’un contrat de transport par voie maritime, la définissant comme un
comportement conscient d’une partie agissant avec une imprudence
exceptionnelle et inexcusable, un comportement qui non seulement manque
de la diligence nécessaire pour effectuer cette tâche, mais aussi la diligence
normalement et raisonnablement requise dans de telles circonstances.
17.3. La prescription et l’extension
Conformément à l’article 438 du Code de la Navigation, les réclamations
concernant les chargements sont soumises à des termes de:
1. six mois à partir de la livraison ou de la date à laquelle la livraison aurait
dû avoir lieu, pour des transports entre ports européens et/ou
méditerranéens ;
2. un an à compter de la livraison ou de la date à laquelle la livraison aurait
dû avoir lieu dans tous les autres cas.
La prescription peut être évitée par la production d’un acte judiciaire ou par
une demande écrite réclamant et quantifiant le dommage. Un acte judiciaire
suspend le délai de prescription jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu. Une
réclamation écrite déclenche une période de prescription identique à partir
de la date de la réception.
Cour d’Appel de Gênes, 30 Aout 1994, Canali c.Dolphin ; Cour d’Appel de Venise, 19
septembre 1988, Gum c.Bellardi ; Tribunal de Ravenne, 22 décembre 1999, Siat assicurazioni c.
Novamar.
31
32 Cour Constitutionnel italienne n° 199/2005, Soc. Coop. Agr. La Torre c. Soc. Navigazione
Tirrenia.
33 Cassation n° 5098/2006, La Torre c. Tirrenia.
20
Assurance transport et subrogation en Italie
La prescription ne peut être prolongée par accord : l’extension volontaire de
la prescription est nulle, à moins qu’elle ne soit accordée après l’expiration du
recours (qui implique la renonciation à contester la prescription).
Les actions contre le transporteur, conformément aux contrats de transport
de marchandise régis par les Hague Rules ou les Hague-Visby Rules, se
prescrivent un an après la livraison de la marchandise ou à partir de la date à
laquelle la marchandise aurait dû être livrée (Art. III(6)). La prescription peut
être prolongée par un accord34 mais elle ne peut être évitée que par un acte de
comparution; une simple demande écrite réclamant les dommages et intérêts
(ainsi que la présentation d’une demande pour une expertise) n’est pas
suffisante. Il a été décidé que la présentation d’une requête de saisie d’un
navire peut être suffisante pour éviter la prescription35 mais cette question est
assez controversée et ces décisions devraient être appréhendées avec une
grande précaution.
Les recours dérivant des contrats d’affrètement à temps et des contrats
d’affrètement au voyage sont soumis à une prescription d’un an après la date
d’échéance du contrat ou après la fin du dernier voyage (si le contrat a été
prorogé).
Si les règles de La Haye ou règles de La Haye-Visby sont incorporées dans le
contrat d’affrètement par une Clause Paramount, les réclamations se
prescrivent dans un délai d’un an; dans ces cas la prescription peut aussi être
prolongée par accord, mais elle ne peut être évitée que par un acte de
comparution; une simple demande écrite réclamant les dommages serait
insuffisante.
17.4. La notification des actes judiciaires aux agents
La loi italienne (article 288 du Code de la Navigation) permet la notification
de l’acte judiciaire de comparution à l’agent du navire au port de
déchargement à condition que l’agent ait agi au nom et pour compte du
transporteur.
Cette disposition a pour but de simplifier la notification des actes judiciaires
permettant la notification en Italie plutôt qu’au domicile du transporteur à
l’étranger, mais les bénéfices découlant de cette disposition ont été en
quelque sorte réduits par certaines décisions36 qui ont estimé que la
notification à l’agent qui a agi pour le compte de l’affréteur et/ou auxiliaire
peut être sans effet pour convoquer le transporteur.
34 Cassation n° 12829/1999, Caleça c. Sea Land Service Trasporti marittimi.
35 Tribunal de Venise, 15 juin 2000, Helvetia assicurazioni c. Elmar Shipping Agency.
36 Tribunal de Venise, 3 mars 1993, Cerealmangimi c. Sagem ; Tribunal de Naples, 1er mars 2000,
La Fondiaria Incendio assicurazioni c. Marimed Shipping co. Ltd.
21
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
A la lumière de ce qui précède il est maintenant habituel, lors de la
négociation du texte des garanties et des lettres d’engagement pour la
libération d’un navire arraisonné, de demander au propriétaire d’élire
domicile en Italie (normalement auprès du bureau du correspondant local
P&I ou de l’agent local) sans accepter la juridiction: ceci ne résout pas le
problème de la compétence de la juridiction (qui peut être contestée par le
transporteur), mais permet au requérant de notifier l’assignation beaucoup
plus facilement et sans frais.
18. Les clauses de juridiction et d’arbitrage
Traditionnellement, selon la jurisprudence italienne, les clauses de
juridiction sont estimées contraignantes et efficaces seulement si elles sont
expressément acceptées par les deux parties contractantes. Si la clause est
contenue dans le connaissement, elle est considérée valide à condition que
l’expéditeur ait signé le connaissement.
Ces dernières années, conformément à l’interprétation de l’article 17 de la
Convention de Bruxelles de 1968 (Article 23.1 du Règlement 44/2001) par la
Cour de Justice Européen, la validité des clauses de juridiction contenues
dans le connaissement a été de plus en plus reconnue; une décision récente
de la Cour Suprême italienne a confirmé la validité des clauses de juridiction
contenues dans le connaissement au-delà même de la portée du Règlement
UE 44/2001 (c’est à dire quand les parties ont choisi leur juridiction en
dehors de l’Union Européenne; dans le cas d’espèce le Japon)37.
Néanmoins, dans la décision émise pour le cas Trumphy Castelletti38, la Cour
Suprême a précisé que, au cas où une partie soulèverait la validité de la clause
de juridiction, il devrait être prouvé que l’inclusion de la clause de juridiction
dans le connaissement constitue une usage de commerce et que les parties
signataires du contrat de transport connaissaient ou devaient connaître
l’existence de la clause de juridiction et de son utilisation, instituant à cet
effet un test qui impose une charge de la preuve assez lourde. Il est donc
probable que la question de la validité des clauses de juridiction (du moins
celles en faveur d’une juridiction en dehors de l’Union Européenne) est loin
d’être réglée et sera révisée à l’avenir.
Plusieurs décisions ont établi que quand les plaignants deposent aux
juridictions le connaissement sans réserve ou objection, ils sont tenus par la
clause de juridiction, vu que cette présentation prouve que le plaignant
s’appuie sur les termes et conditions du connaissement: ceci conduit souvent
les plaignants à ne présenter que le titre du connaissement ou à spécifier que
la présentation est faite seulement pour prouver l’intérêt à agir sans
approuver ou accepter explicitement ou tacitement les dispositions contenues
dans le connaissement.
37 Cassation ch. réunies n° 731/2005, Sgl Carbon c. Agenzia Marittima La Rosa.
38 Cassation SU n° 748/1999, Catelletti c. Hugo Trumpy
22
Assurance transport et subrogation en Italie
Pour ce qui concerne la clause arbitrale contenue dans le contrat
d’affrètement, selon la jurisprudence italienne, les parties doivent être
clairement identifiées (de préférence avec la date, le nom des parties, le
numéro de références, etc.) sur le connaissement, et la clause d’incorporation
doit être assez étendue pour créer une relatio perfecta, par exemple avec les
mots «tous les termes, les conditions et exceptions contenues dans le contrat
d’affrètement, y compris la clause d’arbitrage, seront incorporées ».
Les références au fret comme « fret payable comme par contrat
d’affrètement XXX » sont considérées relatives seulement au paiement du
fret et elles sont insuffisantes pour incorporer la clause d’arbitrage. De la
même façon le fait que le verso du connaissement contienne des dispositions
standard comme «tous les termes et les conditions et exceptions du contrat
d’affrètement, incluant la loi et la clause d’arbitrage sont ci-incorporés» est
généralement considéré insuffisant à produire une vraie incorporation.
19. La saisie des navires
19.1. La procédure
La saisie des navires est admise au regard de la compétence des Cours
italiennes, la Cour de l’escale est compétente pour la saisie et la demande est
assujettie à la condition que le navire soit à l’intérieur des eaux territoriales.39
Les Cours italiennes accordent normalement la saisie des navires ex parte (à
condition qu’elles soient satisfaites par une preuve prima facie du fondement
du recours) sur présentation de la demande pour fixer l’audience pour la
comparution des parties (normalement dans un court délai).
Généralement la condition requise pour le periculum in mora (voir
paragraphe 5 ci-dessus) n’est pas exigée, du moins dans le cas où la saisie est
demandée conformément à la Convention de Bruxelles de 1952 et du moment
que cette Convention n’envisage pas cette condition.
La Cour peut aussi émettre un ordre empêchant le départ du navire
conformément à l’article 646 du Code de la Navigation: l’ordre n’établi pas le
quantum pour lequel l’arrêt est accordé et même s'il ne s'agit pas d'un arrêt à
proprement parler, il en a en pratique les mêmes effets.40
Contrairement à d’autres juridictions, aucune garantie n’est demandée
comme condition préalable pour obtenir la saisie d’un navire. Le juge peut
obliger le demandeur à offrir une contre-garantie, bien que ce soit très rare
au moment de la présentation de la demande, et une garantie est
39 Tribunal de Venise, 25 Août 2001, El Sayed Aly c. Sayed Nasr Navigation Lines.
40 Tribunal de Venise, 5 juin 1998, TMB c. Dal Bon°
23
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
normalement demandée seulement si la Cour considère que la saisie est
controversée ou que le bien-fondé de la demande n’a pas été évalué avec une
attention suffisante.
Quand la saisie est obtenue et confirmée, le demandeur est obligé d’entamer
dans les 30 jours la procédure pour l’examen du fondement (à moins qu’il n’y
ait un autre recours en attente) devant la Cour compétente.
Si la demande est rejetée, il est possible d’interjeter appel dans les 15 jours.
La possibilité d’interjeter l’appel une fois que le navire a quitté les eaux
italiennes est contestée : la possibilité de se pourvoir en appel devrait être
indiscutable selon la loi italienne, mais quelques décisions ont retenu qu’il
n’est pas possible d’interjeter appel quand le navire ne peut pas être
effectivement arraisonné.41
Si le recours est assujetti à une loi et à une juridiction étrangère (par exemple
si la saisie est demandée comme garantie pour un recours fondé sur un
contrat de transport qui contient une clause qui fixe la loi applicable et la
juridiction comme étant anglaise) le demandeur doit produire une preuve
adéquate du fondement du recours: elle pourrait être fournie, par exemple,
en présentant un affidavit ou des décisions et de la jurisprudence étrangère
prouvant le fondement du recours.
Il existe une position particulière en cas de saisies ayant comme but
l’exécution d’une sentence arbitrale: la juridiction pour l’exequatur est la
Cour d’Appel et la position souvent exprimée par les Cours italiennes42 est
que la saisie qui précède l’exequatur doit être présentée devant la Cour qui a
la compétence pour reconnaître la sentence arbitrale. Ceci peut présenter (et
c’est souvent le cas) des pièges puisque il peut s’avérer très compliqué
d’obtenir un ordre de saisie de la Cour d’Appel compte tenu de la lenteur
habituelle des tribunaux.
Ces dernières années les Cours italiennes (dans un nombre de cas bien
limités) ont commencé à reconnaître la possibilité de percer le voile de la
personnalité morale mais ceci arrive très rarement et la charge de la preuve,
qui reste au demandeur, est sévère. La loi italienne est effectivement très
stricte dans la définition de la propriété des sociétés et dans l’application du
principe d’autonomie des sociétés qui sont des entités distinctes et séparées.
En conséquence les Cours italiennes sont peu disposées à dépasser la
personnalité morale (pour examiner la responsabilité des actionnaires) et le
demandeur doit démontrer que la structure sociétaire a été créée ou utilisée
pour contrecarrer les actions des créditeurs.
41 Tribunal de Gorizia, 25 mai 2006, Stx Pan Ocean co. Ltd c. Adam Swoboda.
42 Tribunal de Gorizia. 2 mai 1998, Ministère des Transport Ukraine c. Pied Rich BVA. Cour
d’Appel de Gênes, 12 février 2000, Morsviazputnik Satellite Navigational c. Azov Shipping Co.
24
Assurance transport et subrogation en Italie
19.2. Les saisies selon la Convention de Bruxelles du 1952
L’Italie est signataire de la Convention de Bruxelles du 1952.
Si un navire bat pavillon d’un état signataire de la Convention de Bruxelles,
en Italie la saisie peut être demandée seulement à l’égard des créances
maritimes énumérées dans l’article 1.1. ; si le navire ne bat pas le pavillon
d’un pays contractant il peut être saisi pour les créances ci-dessus et pour
toute autre créance prévue par la loi italienne (pratiquement pour n’importe
quelle réclamation ou crédit vers le propriétaire du navire, y compris ceux qui
ne sont pas mentionnés dans la liste des réclamations maritimes établies par
l’article 1 de la Convention)43.
Les Cours italiennes appliquent normalement la Convention sur les saisies de
1952, même pour la saisie de navires battant le pavillon d’un pays non
contractant, sur la base d’une interprétation et d’une application extensive de
l’article 8.2 de la Convention44.
Une question encore controversée concerne la possibilité de demander la
saisie d’un navire sur la base de l’article 3.4 de la Convention, si le recours
n’est pas garanti par un privilège: plusieurs tribunaux45 se sont refusées à
accorder la saisie sur le principe que l’article 9 établit clairement que la
Convention ne crée pas des liens maritimes et qu’une saisie basée sur l’article
3.4 en absence d’un privilège ne pourrait pas conduire à une procédure
d'exécution forcée contre le propriétaire et son navire.
L’existence d’un lien est déterminée par la loi du pays du pavillon au moment
où le crédit est né.
L’Italie est signataire de la Convention sur les privilèges et Hypothèques de
1926, et elle reconnaît une liste de privilèges conformément à l’article 552 du
Code de la Navigation qui coïncide en grande partie avec la liste contenue
dans l’article 1 de la Convention de 1926.
Le privilège est soumis à un court délai pour son exécution, et la saisie du
navire représente la mesure standard prévue par la loi italienne pour prévenir
l’échéance du privilège; par conséquent, au cas où la réclamation est garantie
par un privilège sur le navire et la saisie a comme but l’exécution du privilège,
43
Cour d’Appel de Gênes, 12 février 2000, Morsviazputnik Satellite Communications
Navigationals c. Azov Shipping co.; Tribunal de Venise , 6 octobre 1999, Elmar Shipping Agency c.
Turkmen Shipping.
44 Tribunal de Gênes, 22 mars 1994, Galaxy Energy International ltd c. Soc.agenzia marittima
Dolphin°
45 Tribunal de Ravenne, 23 mars 2000, Jakil c. International Transportation Co. Ltd.; Tribunal de
Ravenne, 4 août 2001, Aagaard Euro Oil v. Sea Frantic co. Ltd.; Tribunal de Venise, 5 juin 1998,
Exnor Cragg Ltd c. Companie Navigatie Maritime Petromin.
25
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
la mesure est normalement accordée sans demander aucune preuve du
periculum in mora.46
19.3. Les garanties et les lettres d’engagement
Le propriétaire peut obtenir la libération du navire avec l’émission d’une
garantie en se fondant soit sur la loi italienne (article 684 c.p.c.), soit sur les
dispositions de la Convention de Bruxelles de 1952 sur la saisie des navires
(article V).
A cet égard deux options sont possibles : un dépôt ou une garantie bancaire
(ou Club’s LOU).
La première solution implique que les sommes soient déposées sur un
compte spécial de banque et l’autorisation de la Cour est requise pour
échanger la saisie du navire avec la somme en dépôt.
Les sommes sont gardées en contrepartie du dépôt fiduciaire et libérées suite
à l’autorisation de la Cour, si le demandeur prouve qu’il a le titre pour
recevoir le paiement immédiat (c’est-à-dire qu’il a obtenu un jugement
exécutoire et qu’une exequatur a été accordée en Italie).
La solution du dépôt est généralement adoptée soit quand le demandeur
refuse d’accepter une garantie, soit quand le propriétaire désire contester la
saisie, puisque l’ordre de saisie porte alors sur les sommes et le défendeur est
donc autorisé à contester la saisie après la libération du navire.
Un autre avantage pour le défendeur est que la compensation effective pour
le demandeur arrivera assez tard puisque que les sommes seront payées à
condition que le demandeur ait obtenu un jugement exécutoire et que celui-ci
ait été reconnu en Italie; la procédure complète est très longue et peut être
utilisée comme élément de pression pour parvenir à une transaction.
L’inconvénient est que les sommes sont déposées en garantie et ne sont pas
disponibles pour une période assez longue.
La deuxième option est une garantie payable à la suite d’un jugement
exécutoire émis par une Cour compétente ou payable contre une sentence
arbitrale ou un accord, utilisant la terminologie des formulaires P&I LOU.
Dans ce cas la saisie est levée contre la délivrance de la garantie et il n’y plus
aucune possibilité de contester la saisie.47
46 Tribunal de Gênes, 11 novembre 1994, Rimorchiatori Riuniti Porto Genova c. Morfini; Cour
d’Appel de Lecce, 12 janvier 1995, Bibolini c. Barretta.
47 Tribunal de Gênes, 6 décembre 1994, Marline Universal Shipping co. C. Mediterranean Overseas
Shipping Agency.
26
Assurance transport et subrogation en Italie
Au cas où l’offre d’une garantie ou d’un Club’s LOU est refusé, le juge de la
procédure de saisie effectuera une évaluation de la garantie offerte et
ordonnera la libération du navire si la garantie est considérée adéquate.
La terminologie de la garantie constitue une question cruciale et il est difficile
de trouver un accord sur ce point lorsque la saisie est demandée (par exemple
conformément à l’article 3.4. de la Convention du 1952) suivant une
réclamation contre le disposant propriétaire/affréteur ; normalement il est
possible de s’accorder sur l’émission d’un LOU utilisant une terminologie qui
permet de couvrir une réclamation contre le propriétaire/affréteur sur la base
d’une réclamation garantie par un privilège sur le navire; ou bien on peut
accepter un LOU émis pour compte des propriétaires indiqués comme
transporteurs, contre confirmation que le navire n’est pas (et il ne l’était pas
au moment de l’événement qui est à l’origine de la saisie) un navire en coque
nue ou autre affrètement.
Le terme de la garantie bancaire est une question souvent discutée, puisque
les banques italiennes n’acceptent pas ou n’émettent pas de garanties avec
une validité illimitée.
La Cour Suprême a récemment déclaré la nullité de la disposition contenue
dans une garantie bancaire, émise pour la libération d’un navire, ayant une
validité de 10 ans, sur le principe que le demandeur ne peut pas être exposé
au risque de perdre la garantie en attendant le temps nécessaire pour obtenir
le jugement final.
Les requêtes de validité limitée et échéance des garanties peuvent donc être
refusées, en se basant sur le principe qu’une telle garantie serait inadaptée à
la lumière de la jurisprudence de la Cassation.
Les propriétaires n’ont pas d’instruments efficaces pour prévenir la
présentation de la demande. Il y a plusieurs années, les avocats italiens
présentaient parfois une demande comme mesure préventive quand ils
suspectaient qu’une saisie était imminente, en demandant à la Cour de
refuser la saisie ex parte, mais les Cours locales ont généralement refusé de
prendre en considération une telle demande et aujourd’hui cette pratique a
quasiment disparu.
19.4. La responsabilité pour saisies illégitimes
Les dommages pour saisies illégitimes sont relativement rares et
généralement accordés quant il est clair que le requérant a demandé la saisie
en agissant de mauvaise foi ou avec négligence grave, au mépris des éléments
de preuve disponibles, ou fournissant volontairement à la Cour des
informations partielles et trompeuses.
La preuve des circonstances démontrant l’abus et les dommages conséquents
reste à la charge de la partie qui conteste la saisie illégitime.
27
Claudio Perrella, Adeliana Carpineta
20. Les actions contre les transporteurs aériens
20.1. Le régime de responsabilité
Le transport national est gouverné par la Convention de Montréal de 1999.
Les transporteurs peuvent éviter la responsabilité, s’ils prouvent que le
dommage ou la perte est due à un événement accidentel, à la nature de la
marchandise ou à un défaut inhérent à la marchandise; la responsabilité peut
être aussi évitée si le transporteur prouve que le dommage est dû à un
emballage insuffisant ou inadéquat, ou à la faute ou négligence du
demandeur.
Le transporteur peut jouir du bénéfice de la limitation de garantie établie par
la Convention de Montréal.
20.2. La prescription
Les recours sont soumis à un délai de prescription de deux ans à compter de
la date à laquelle la marchandise est arrivée à sa destination (ou de la date à
la quelle le navire aurait dû arriver à destination ou de la date à laquelle le
transport a été interrompu). La prescription ne peut être maintenue que par
une action judiciaire. Une réclamation écrite ne suspend ni n’interrompt la
prescription.
20.3. Les actions contre les manutentionnaires
Lorsque la marchandise est livrée à un manutentionnaire, la plupart des
décisions des Cours italiennes considèrent que les transporteurs s’entendent
avec les manutentionnaires au nom du destinataire et que le
manutentionnaire n’agit pas comme auxiliaire du transporteur, et est donc
seul responsable dans tous les cas de perte ou dommage de la marchandise
emmagasinée.48 L’action contre le manutentionnaire n’est pourtant pas régie
par les dispositions de la Convention de Montréal: le manutentionnaire ne
peut pas invoquer la limitation de responsabilité et l’action est soumise à une
prescription de dix ans.
48 Tribunal de Busto Arsizio, 28 janvier 2005. Cassation n° 1807/2003, Soc. Esercizi aeroportuali
c. Alitalia; Cassation n° 8531/1992, Sea c. Taisho Insurance.
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