JOURNEE DU DROIT DES ACHATS ET DES TRANSPORTS Bruxelles, le 18

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JOURNEE DU DROIT DES ACHATS ET DES TRANSPORTS Bruxelles, le 18
JOURNEE DU DROIT DES ACHATS ET DES TRANSPORTS
Bruxelles, le 18 avril 2012
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PREVENTION DES LITIGES EN MATIERE DE TRANSPORT
Par Maître Sylvie VINDELINCKX
Prémisses
Comme précisé lors de la conférence, vous exposer le droit des transports n’est pas aisé. Non
parce qu’il n’y a rien à dire mais précisément parce que c’est une matière extrêmement vaste
de par le fait des paramètres d’activité du transport. Il peut en effet être routier, fluvial,
aérien, ferroviaire, maritime.
Chacun de ces champs d’activité est réglé par des dispositions juridiques propres,
particulières, spécifiques.
Le droit a pour objectif premier de réguler des situations de fait et partant, de tenter de
prévenir, tant que faire se peut, les litiges éventuels.
La prévention sera donc l’objet du présent exposé.
***
En cette matière, une constante : la notion de contrat de transport.
Mais qu’est-ce le contrat de transport, comment peut-on le définir ?
Indifféremment du mode de transport utilisé, ce contrat est, communément, défini comme
étant une convention, par laquelle un transporteur s’engage à déplacer d’un endroit à un
autre, dans un certain délai, une marchandise qui lui a été confiée à cet effet par le chargeur ;
il reçoit en contrepartie une rémunération. La marchandise doit être livrée dans l’état dans
lequel elle se trouvait au point de départ.
Cette définition laisse présager qu’il s’agirait d’un contrat dans lequel n’interviennent que
deux personnes : le donneur d’ordre ou chargeur et le transporteur. Dans cette optique, la
prévention des litiges serait aisée, les efforts ne devant se concentrer que sur deux parties.
La réalité est, cependant, toute autre.
En effet, le contrat de vente, nationale ou internationale, sous-tend le contrat de transport. Il
s’en déduit donc qu’interviennent également, dans cette opération économique, un vendeur
et un acheteur.
Outre, le donneur d’ordre, le transporteur, le vendeur et l’acheteur, coexiste une autre figure
primordiale dans ce chaînon : le commissionnaire lequel peut être expéditeur, transporteur et
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transitaire,… Les autres intervenants sont ceux intervenant par apport de capitaux, de travail
(marins, armements, agents maritimes, arrimeurs,…),…
Compte tenu de ce qui précède, la prévention doit se baliser à différents niveaux.
C'est ainsi que la présente étude envisagera les différentes étapes du transport.
PREVENTION
Prévenir les litiges suppose s’interroger sur l’obligation de chaque intervenant. Le droit
positif belge distingue deux types d’obligation : l’obligation de résultat et l’obligation de
moyen.
La définition du contrat de transport ne laisse planer aucun doute. Le transporteur a une
obligation de résultat.
Le choix du transporteur
Le transporteur a donc une obligation de résultat. Il doit accomplir la mission pour laquelle il
a été désigné et non tenter de l’accomplir.
Le choix du transporteur est donc primordial. Mais comment avoir la certitude que le
transporteur élu soit LE transporteur ?
En transport routier national, par exemple, on ne pourra jamais assez conseiller au chargeur
d'avoir égard au « pedigree » du transporteur auquel il souhaite faire appel : dispose-t-il
d’une licence de transport ? Cette information peut être obtenue sur le site SPF MOBILITE.
Au niveau international, il peut être demandé au transporteur élu, avant d’effectuer le
transport, une copie des différents éléments nécessaires lesquels pourront transmis au SPF
MOBILITE pour la confirmation. Si le transporteur envisagé se refuse à produire ces
informations, il y a lieu de s'interroger sur son professionnalisme et sa compétence.
Si le chargeur décide de passer par un commissionnaire transporteur, il peut vérifier si ce
dernier dispose d’une licence en cette qualité. Ces éléments sont consultables sur le site SPF
MOBILITE qu'il s'agisse d'un transport national ou international.
En pratique, le chargeur fera appel à un transporteur ayant une réputation, bien connu de la
place public, ou avec lequel il a déjà noué des relations d’affaires. S’il devait passer par un
commissionnaire transporteur, le donneur d’ordre se reposera sur le choix de ce dernier.
Ce choix du transporteur est déterminant au niveau du partage de responsabilité. En effet,
transporter avec un non-détenteur de licence entraîne une coresponsabilité laquelle peut être
aggravée en cas de transport de marchandises dangereuses, en ce compris les marchandises
sensibles pour l’environnement (ADR (route), RID (fer), IMO (mer), ADNR (fleuve), IATA
DGR (air)) (déchets, essence, parfumerie,…). Le chauffeur doit avoir un certificat valable
pour une période de 5 ans.
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Protection de la marchandise - L'arrimage
Le transporteur choisi, il lui incombe de transporter une marchandise.
L'obligation de résultat pesant sur lui implique que la marchandise soit livrée dans l'état
dans lequel elle se trouvait au point de départ.
Cette obligation devrait être atteinte de par l’arrimage. Arrimer, c’est l’opération matérielle
consistant à serrer la charge dans le ou les véhicule(s), en vue d’éviter qu’elle ne bouge
pendant le déplacement.
Au niveau européen, la législation exige que toutes les charges transportées soient arrimées
quelque soit le trajet effectué et ce, afin de protéger les personnes impliquées dans le
chargement, déchargement, la conduite du véhicule mais aussi les autres usagers de la route,
les piétons, la charge proprement dite et les véhicules.
L’arrimage s’impose à tous les véhicules et à tous les types de chargement. (FOB and stowed)
En droit interne belge, l'arrimage est régi par l'Arrêté Royal du 27 avril 2007. C'est son article
45bis qui nous intéresse. Aux termes de celui-ci, le chargeur doit communiquer
préalablement et par écrit au transporteur auquel il fait appel toutes les informations que le
transporteur estime nécessaire pour arrimer la marchandise.
Si le chargement est arrimé par le chargeur, ce dernier doit démontrer la bonne qualité de
l’arrimage par écrit. Les transporteurs concernés se réservent tous les droits dans l’hypothèse
où le non-respect des règles occasionnerait des poursuites pénales ou judiciaires.
Les Fédérations ont émis des formulaires à remplir pour l’arrimage.
Le transporteur doit transporter une marchandise laquelle doit être individualisée
La marchandise doit être individualisée.
Elle l'est par un document appelé lettre de voiture ou connaissement selon le mode de
transport envisagé.
Ce document est la CMR-lettre de voiture pour les transports par la route, la lettre de voiture
aérienne (LTA), la lettre de voiture ferroviaire (CIM), le connaissement maritime (BL), le
connaissement fluvial (BL fluvial).
Ce document a une importance fondamental en cas de survenance d’un sinistre parce qu’il
constitue la preuve écrite du contrat de transport et reprend, normalement, les instructions
du chargeur. Le connaissement, quant à lui, ne selle pas les réserves de l’expéditeur,
s’agissant d’un titre de commerce et par essence, négociable.
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Chacun de ces documents est régi par des lois et des conventions internationales :




GENEVE pour la CMR,
BERNE pour le chemin de fer,
VARSOVIE, CHIGACO et MONTREAL pour l'aérien,
LA HAYE, LA HAYE-VISBY, ROTTERDAM RULES (non ratifié par la Belgique),
BRUXELLES, HAMBOURG pour le maritime,
 BUDAPEST pour le fluvial.
La systémique générale de ces instruments juridiques internationaux, leur ratio legis, consiste
à prévoir le minimum de droits et obligations des parties, de fixer les seuils de responsabilité,
casse, avarie…
Nous ne rentrerons pas dans l’analyse détaillée de ces différents instruments juridiques.
Cependant, force est de constater que ces lois ont le désavantage de ne préciser que certaines
mentions comme obligatoires alors qu’il eût été préférable d’en imposer le caractère
contraignant pour toutes (voyez notamment les articles 85 et 86 de la Loi Maritime).
La loi ne précise pas, pour la CMR, qui doit établir la lettre de voiture ce qui engendre
inévitablement des litiges quant aux responsabilités du transporteur et du chargeur. La
pratique veut que le transporteur soit souvent responsable avec parfois une coresponsabilité
du chargeur.
Quelle garantie pour le transporteur ?
Dans la mesure où une obligation de résultat pèse sur le transporteur, que la pratique fasse
apparaître que le transporteur assume bien souvent seul la responsabilité d’un sinistre se
pose la question de savoir comment il peut s’en prémunir financièrement.
D’où l’importance des assurances.
A cet égard, la question fondamentale que doit se poser et indaguer le chargeur est celle de
savoir : comment est assuré le transporteur ?
Exemple :
 le transporteur est assuré pour un montant x : il est assuré pour ce montant x par
moyen transport
 le donneur d’ordre veut transporteur pour un montant y : dans son camion, son
navire, il peut y avoir des marchandises pour d’autres chargeurs et le coût doit dès
lors être évalué aux fins de déterminer si une assurance complémentaire doit ou non
être prise. Il appartient donc au chargeur de spécifier au maximum la marchandise à
transporteur.
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Au niveau des assurances sur marchandise, cette matière est régie par la police d’assurance
d’Anvers du 20 avril 2004. Cette police fixe 3 types d’assurance :
1. franc d’avarie particulière
2. pleines conditions d’Anvers
3. tous risques.
En cas d’assurance tous risques, les assureurs prennent à leur charge tout dommage et/ou
perte matérielle quelle qu’en soit la cause, sans cependant, déroger aux dispositions
suivantes :
-
dommages, pertes et/ ou frais qui directement, indirectement, entièrement ou
partiellement, sont causés par ou qui surviennent à la suite de risques de
contamination radioactives ;
dommages, pertes ou frais survenus par capture, confiscation qui proviennent de la
contrebande, le commerce prohibé, clandestin ;
dommages, pertes causés directement ou indirectement ou résultant de guerre,
capture, saisie,…
Par contre, la convention CMR ne règle pas les assurances. Elle règle de manière uniforme les
conditions du contrat de transport par route.
La CMR fixe la responsabilité du transporteur lequel est responsable de la perte totale ou
partielle, de l’avarie de la marchandise qui se produit entre le moment de la prise en charge
et de la livraison, ou du retard de livraison. La CMR prévoit les modalités d’indemnisation à
charge du transporteur, en cas de sinistre.
C’est ainsi que :
• le transporteur doit indemniser l'ayant droit en cas de perte totale ou partielle de la
marchandise.
La Convention CMR prévoit que cette indemnité soit calculée sur base de la valeur de la
marchandise au lieu et à l'époque de sa prise en charge, limitée toutefois à 8.33 DTS par kg
de poids brut manquant (ce qui équivaut, au cours actuel, à environ 10 €/kg).
Note: DTS= Droit de tirage spécial Une quantité de 0,888 671 gramme d'or fin sera
équivalente à un droit de tirage spécial; le montant de monnaie qui doit être versé sera
déterminé sur cette base et sur la base de la valeur de la monnaie exprimée en droits de
tirage spéciaux à la date du règlement.
Le transporteur doit en outre rembourser, en totalité ou au prorata de la perte partielle, le
prix du transport, les frais de douane et les autres frais encourus à l'occasion du transport.
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D'autres dommages et intérêts ne sont pas dus.
• En cas d'avarie de la marchandise, le transporteur devra indemniser l'ayant droit à
concurrence du montant de la dépréciation, calculée d'après la valeur de la marchandise,
comme en cas de perte. L'indemnité ne pourra pas dépasser le montant dû pour la perte de
la marchandise détériorée.
• Lorsque la marchandise est livrée en retard, c'est-à-dire, lorsqu'elle n'est pas livrée dans le
délai convenu, ou à défaut, dans un délai "raisonnable", l'ayant droit doit prouver que le
retard a occasionné un préjudice pour pouvoir réclamer une indemnité. Cette indemnité ne
pourra pas dépasser le prix du transport.
Le transporteur a intérêt à souscrire une assurance particulière pour le transport en question.
Quid de vendeur et de l'acheteur ?
Comme précisé ci-avant, le contrat de vente sous-tend le contrat de transport. Interviennent
donc deux autres figures de proue : l’acheteur et le vendeur. Ces personnes doivent
également se prémunir de tous risques de litige.
L’objectif de cette prévention est notamment poursuivi par les INCOTERMS lesquels sont
des contrats modèles pour les ventes commerciales internationales. Il ne s’agit pas du contrat
de transport.
A ce jour et depuis le 1 er janvier 2011, les INCOTERMS en vigueur sont les INCOTERMS
2010 lesquels ne sont plus au nombre de 13 mais de 11.
Les INCOTERMS ont pour ambition de régler le transfert des coûts et des risques. Ils ne
règlent pas le transfert de propriété, même s’il s’agit de contrat modèle de vente commerciale
internationale. Le transfert de propriété est réglé par le contrat de vente.
Si les parties devaient décider de ne pas appliquer les INCOTERMS à leur relation
contractuelle, il y aurait lieu alors de distinguer le droit applicable à la vente selon qu’il s’agit
-
d’une vente au niveau européen (Règlement 503/2008, Rome I) : 1) le droit applicable
est celui déterminé par les parties en leur contrat ou 2) le droit de l’Etat où le vendeur
à sa résidence habituelle. Si dans cette convention, les parties décident d’appliquer le
droit belge, celui-ci appliquera les principes sellés en la convention de Rome de 1980 ;
-
d’une vente belge, soit Vienne de 1980, soit articles relatifs aux consommateurs
européens (1649bis-1649octies), soit la vente (article 1582-1701 du Code civil) ;
-
une vente au niveau internationale : Convention de Vienne de 1980, 1) si l’acheteur et
le vendeur sont établis dans des Etats membres différents ; 2) lorsque les règles de
DIP mènent à l’application d’une loi d’un Etat membre partie à la Convention Vienne
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Signalons que les INCOTERMS ne règlent pas la compétence ratione materiae des Tribunaux
en cas de litiges. Les règles applicables seront celles sellées en la Convention de Bruxelles
IIbis (UE) et le cas échéant, le lieu de livraison.
Que faire pour obtenir le paiement de la prestation ?
Le transport, prestation de service, implique une rémunération.
Aujourd'hui, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, les impayés sont fréquents.
Le législateur a très rapidement tenté de pallier à cette carence des débiteur et c'est ainsi que
différents mode de réalisation existent.
A cet égard, il y a lieu tout d'abord de s'interroger sur l'étendue du privilège du transporteur
et du commissionnaire.
Le privilège du transporteur est moins étendu que celui du commissionnaire. En effet, le
transporteur dispose d'un privilège sur les marchandises ayant fait l'objet du transport alors
que le commissionnaire dispose d'un privilège s'étendant sur les biens en sa possession et
appartenant à son débiteur récalcitrant.
La réalisation de ces privilèges est visée en une loi de 1872. Cette loi est très peu connue,
dans l’arrondissement judiciaire de Bruxelles alors qu’elle semble être la panacée à Anvers.
La mise en œuvre des dispositions visées en cette loi, pour autant que l’on soit
commissionnaire, permet de faire obstacle à l’effet suspensif des faillites, si une faillite devait
prononcé mais pour autant que la saisine des tribunaux sur pied de la loi de 1872 soit
antérieure à la saisine des tribunaux du chef de faillite.
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