La naissance de Vénus - Éléments biographiques - Art

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La naissance de Vénus - Éléments biographiques - Art
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Une nouvelle lecture de l'histoire de l'art
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Mathématiques - Histoire de l'art - Ésotérisme - Arts plastiques
Naissance
de Vénus
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES
------------ Yvo Jacquier --------------------------------------------------------------------------
GÉOMÉTRIE COMPARÉE
------------------------------------------------------------------------------ Décembre 2014 -----
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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LA NAISSANCE DE VÉNUS
La naissance de Vénus
Florence – 1485/86
ou Vénus anadyomène
Technique
Format actuel
Date
Galerie des Offices
Modèle posthume
Commanditaire
Sandro Botticelli (1445-1510)
(sortie des eaux)
Tempera sur toile
172.5 × 278.5 cm
1486 (parfois 1485)
(Uffizi), Florence
Simonetta Vespucci (1453-1476)
Lorenzo de Médicis (1463-1503)
En 1481/82 Botticelli séjourne à Rome, où il est sous contrat avec le
pape Sixte IV. Il participe au fresques de la chapelle Sixtine. Il produit
une seconde « Adoration des Mages ». La tradition médiévale que
l'Histoire perçoit comme un attachement de l'Artiste à l'art qui précède
l'avènement du Système Perspectif est, comme nous allons le
constater, liée à sa pratique de la Géométrie Sacrée. C'est à son retour
de Rome qu'il entreprendra sa fameuse Vénus.
L'histoire du tableau est dans le dossier consacré à l'observation :
http://www.art-renaissance.net/Botticelli/Venus/Elements_d_observation.pdf
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SANDRO BOTTICELLI
Résumé
La modèle de Sandro Botticelli (1444/45-1510) pour « La naissance de
Vénus » (1486) est Simonetta Cattaneo de Vespucci. Née à Gênes en
1453, elle meurt à Florence de la tuberculose en 1476 — à l'âge de 23
ans. Surnommée « la bella Simonetta » ou encore « La Sans Pareille »,
elle est à la fois la femme de Marco Vespucci et la maîtresse de Julien
de Médicis, le jeune frère de Laurent, Pierre-François et Giovani.
Considérée comme la plus belle femme de son époque, elle sert de
modèle à de nombreuses oeuvres majeures de la Renaissance, et
inspire de nombreux poèmes. Elle ne semble pas avoir de relation
amoureuse avec Sandro Botticelli, et c'est elle qu'il choisit dix ans après
sa mort tragique pour symboliser l'Amour.
À propos de Sandro Botticelli
Certains historiens comme Jacques Mesnil* affirment que Botticelli “ne
s'intéressait pas qu'aux femmes”. Néanmoins l'artiste — à qui la
perspective du mariage inspirait des cauchemars, a souhaité être
enterré aux pieds de Simonetta Vespucci. Ce fut le cas en l'église
Ognissanti.
* Michael Rocke « Forbidden Friendships : Homosexuality and Male
Culture in Renaissance Florence », Oxford University Press, 1996,
ISBN 9780195069754
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La formation de Sandro Botticelli
La guilde de saint Luc
Dès le Trecento (XIVème Siècle),
Florence développe son école au
coté de celles de Venise et de
Ferrare. La corporation de métiers
artistiques fondée en 1339 sous
l'impulsion de la famille des Médicis
brasse les Artistes de tous les pays
européens. Elle est connue sous le
nom de Compagnie des peintres de
Saint-Luc (Compagnia dei pittori
fiorentini di San Luca) ou Guilde de
Saint-Luc.
C'est en cette confrérie que Sandro Botticelli parachève la maîtrise de
son métier de peintre et son initiation à la Géométrie Sacrée. Pour
preuve sa première grande composition : le panneau de « l'Adoration
des Mages », de 1475. Il y dresse son autoportrait en pied, comme
Dürer le fera par la suite dans sa « Vierge au Rosaire » en 1506.
À propos de Venise
Venise, la cité des Doges, est traditionnellement liée à Byzance
(Constantinople), au-delà de sa chute en 1453. Venise, portail de la
Méditerranée, sert alors de refuge aux savants byzantins qui fuient
l'autodafé ottoman. Par ailleurs, le palais appelé "Fondaco dei
Tedeschi" sert de comptoir aux marchands allemands de Nuremberg,
Judenburg et Augsburg, si bien que la cité est au confluent des trois
composantes de la Chrétienté : Catholique par nature, protestante par
l'Allemagne, et Orthodoxe par un cordon ombilical qui se perpétue à
travers un lien commercial.
Filippo Lippi (Florence, 1406 - Spolète, 1469)
Le premier Maître de Botticelli est le moine Fra Filippo Lippi , dont il
pénètre à dix-neuf ans l'atelier. Il y apprend l'orfèvrerie, la gravure et la
ciselure, de 1464 à 1467, année où le maître part pour Spolète.
Botticelli travaille beaucoup avec les artisans (notamment son frère
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Antonio), ce qui renforce considérablement la ligne de son dessin. L'on
perçoit également l'influence croissante de ses collègues Andrea
Verrocchio et Piero Pollaiolo.
Andrea del Verrocchio (Florence, 1435 - Venise, 1488)
Gabriella Rèpaci-Courtois (1940-2012) juge Verrocchio comme un
« homme de métier sans génie ». En cela elle reprend l'opinion de
Giorgio Vasari, considéré comme le premier Historien d'Art et qui dans
s e s Vite valorise le disciple Vinci au détriment de son maître. On
soupçonne même Verrocchio d'avoir abandonné la peinture devant les
prouesses de Léonard : « Son très jeune disciple y peignit un ange bien
meilleur que tout le reste. Puisque Léonard, malgré sa jeunesse, l'avait
ainsi surpassé, Andrea décida de ne plus jamais toucher un pinceau. »
En fait, Verrocchio est occupé à la réalisation du Colleone, statue
équestre de Bartolomeo Colleoni à Venise. Et il confie à ces élèves le
soin d'achever ses oeuvres peintes : Léonard et à Sandro !
Verrocchio et un formidable praticien
de le Géométrie Sacrée, comme en
témoigne ce « Baptême du Christ »
achevé, en effet, par Léonard de
Vinci, entre 1472 et 1475. Tout le
vocabulaire géométrique de l'Art de
la Composition y est développé avec
une parfaite maîtrise. Si Vinci sait
habiller de sa lumière tout ce qu'il
peint, on ne saurait lui imputer une
quelconque modification à la
structure de cette oeuvre, beaucoup
trop complexe. Il y apporte pour une
part l'ineffable souplesse qui le
caractérise, sans pour autant remettre en cause les fondements de la
composition (cela reviendrait à créer une autre oeuvre). D'autre part, il
est légitime de croire que Verrocchio est plus intéressé par l'art de
composer que par l'exécution picturale : son champ d'action est aussi la
sculpture, à caractère monumental. Enfin le visage des anges, sur ce
tableau, préfigure ceux des personnages de Botticelli. Sandro hériteraitil des structures de Andrea et de la souplesse de Léonard ?
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La maturité
En 1481/82 Botticelli séjourne à Rome, où il est sous contrat avec le
pape Sixte IV. Il participe au fresques de la chapelle Sixtine. Il produit
une seconde « Adoration des Mages ». La tradition médiévale que
l'Histoire perçoit comme un attachement de l'Artiste à l'art qui précède
l'avènement du Système Perspectif est, comme nous allons le
constater, liée à sa pratique de la Géométrie Sacrée. C'est à son retour
de Rome qu'il entreprendra sa fameuse Vénus.
Sandro Botticelli est à la fois l'héritier d'une tradition, comme
Verrocchio, et le compagnon d'aventure de Léonard de Vinci. Une
légende raconte que rapidement la ville devient trop étroite pour deux
Artistes d'une telle envergure. Un repas les réunit pour décider qui doit
quitter Florence. Plus prosaïquement, plusieurs éléments biographiques
expliquent le départ de Vinci pour Milan, au début des années 1480. Il
n'est pas à son aise avec le Néoplatonisme en vogue à Florence, et se
sentira mieux dans une ville plus pragmatique. Milan répond d'autant
plus à ses critères que Laurent le Magnifique confie à Vinci la mission
diplomatique de surveiller un parent : le sombre Ludovic Marie Sforza
dit le More ! Un autre élément pourrait également avoir son
importance : quelques années auparavant, en 1476, Vinci est accusé
de sodomie, ainsi que trois autres hommes. Cette pratique est à
l’époque illégale à Florence, et il faut l'intervention de Laurent de
Médicis pour obtenir leur acquittement. Botticelli reste lui, à Florence. À
partir de la mort de Laurent le Magnifique, survenue en 1492, la cité
périclite autant par la faiblesse de son successeur, son fils Pierre
l’Infortuné, que par l'avancée des idées de Savonarole. Dans ces
conditions, l'humeur et l'aura du peintre s'assombrissent.
La République de Savonarole
Ce paragraphe sera repris au chapitre Dürer / Florence
Le roi de France Charles VIII entend reconquérir le royaume de Naples
(perdu par René d'Anjou). En 1494, il veut au passage amputer le
duché de Florence des cités de Pise, Sarzana et Livourne. Pierre II de
Médicis (1472–1503), fils de Laurent le Magnifique et frère du pape
Léon X, est tout juste au pouvoir depuis la mort de son père Laurent le
Magnifique (†1492). Souverain médiocre, arrogant et indiscipliné, il
gagne le surnom de « Pierre l'infortuné ». Accusé d'avoir cédé aux
exigences du roi de France, les Florentins se débarrassent de ce
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mauvais maître, et instaurent une République, largement inspirée par
les prêches du frère dominicain Savonarole*. Cette République
théocratique survivra tant bien que mal après l'élimination, en 1498, de
son chef spirituel (qui avait perdu son crédit populaire). En 1512, les
Médicis reprennent les rênes - avec le soutien du pape Jules II et de la
Sainte Ligue, en la personne de Laurent II, fils de Pierre II et petit-fils de
Laurent le Magnifique.
(*) L'aura de Savonarole est immense, comme son influence. Laurent le
magnifique fait appel à lui sur son lit de mort pour obtenir l'absolution de
trois “crimes de guerre”, mais cette requête se transforme en
négociation politique de la part du dominicain. De fortes personnalités
comme Botticelli ou Pic de la Mirandole tombent également sous sa
pieuse influence, et se mettent à rêver d'ascèse...
Le Néoplatonisme médicéen (de la ville des Médicis)
L'article de Wikipédia suffit à présenter le cadre de cette Renaissance :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Néoplatonisme_médicéen
Rappelons que la base du platonisme est dans l'apprentissage de la
géométrie. C'est par elle qu'il est possible de concevoir les constantes
(la symbolique) qui transcendent les frontières auxquelles se heurtent
toutes les constructions de l'écrit.
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SIMONETTA VESPUCCI
Résumé
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FRA LUCA PACIOLI
Fra Luca Pacioli
Génie encyclopédique, Fra Luca Pacioli (1445-1517) est le plus grand
professeur de mathématiques de la Renaissance. Il fixe les règles du
jeu d'échecs comme celles de la comptabilité moderne et surtout, il
transmet à l'Italie du nord l'héritage Byzantin, en exil depuis la chute de
Constantinople — prise par les Turcs en 1453.
Les Œuvres de Fra Luca Pacioli
G Trois livres de Mathématiques
Un seul est publié, puis refondu dans la Summa dans les années 1480
G Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni et Proportionalita
La Somme d’arithmétique, de géométrie, de proportion et de proportionnalité.
Pacioli y travaille depuis les années 1480, mais il est publié à Florence
en 1494.
G De Ludo Schacorum
Du jeu d'Échecs
Vers 1500. Récemment retrouvé.
G De viribus Quantitatis
Oeuvre inachevée.
Bologne, 1496-1508
G De Divina proportione
La Divine Proportion.
Entreprise en 1496 à Milan, et éditée à Florence en 1509.
G Géométrie
Traduction latine des éléments d'Euclide.
Publiée à Florence, en 1509
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Biographie - 1ère partie
Luca Pacioli est un moine franciscain. Il naît en 1445 à Borgo San
Sepolcro (à 70 km au sud d'Assise, en Toscane), et meurt dans sa ville
natale, en 1517. Il est le maître de Jacopo de Barbari, Léonard de Vinci,
Sandro Botticelli et Albrecht Dürer !
Mathématicien le plus influent de son époque, il propose un calcul
approché de la racine carrée qui préfigure la méthode de Newton.
Ensuite, en tant qu’enseignant à Pise, il est l'auteur de deux traités de
mathématiques : « Summa de arithmetica, geometria, proportioni et
proportionalita » (Traité des comptes et des écritures, Venise, 1494) et
« De Divina proportione » (La Divine Proportion, Venise, 1509). Entre
ses deux ouvrages majeurs, Pacioli donne au jeu d'échecs ses règles
modernes, dans un livre très récemment retrouvé , le seul exemplaire
de « De Ludo Schacorum », et illustré par Léonard de Vinci (Du jeu
d'Échecs, 1500 en viron - l'ouvrage a refait surface parmi les 22 000
volumes de la bibliothèque du comte Guglielmo Coronini).
Luca Pacioli par Jacopo Barbari, 1495
Huile sur toile, 120 × 99 cm, Musée de Capodimonte, Naples
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Luca Pacioli enseigne ici à son élève, Guidobaldo da Montefeltro, duc
d'Urbino, comment construire un Isocaèdre (solide à 20 faces figuré
dans le quartz taillé), en utilisant le nombre d'Or tel que l'a défini
Euclide trois siècles avant Jésus-Christ.
Le parcours initial de Luca Pacioli
G Très jeune : Piero della Francesca, Venise
Très jeune il se révéle aux mathématiques et fréquente, dans sa
ville natale, l’atelier du peintre Piero della Francesca. Il en étudiera plus
tard la perspective et les proportions. Il part pour Venise où il
perfectionne ses connaissances, et où il se met au service d’un
marchand réputé de la République, Antonio Rompiasi, qui lui confie
l’éducation de ses trois fils.
G Son maître Domenico Bragadino, puis son engagement à Rome
Il poursuit ses études de mathématiques auprès de Domenico
Bragadino, et toujours à Venise, il compose son premier livre
d’arithmétique, qu'il dédie à son employeur, Antonio Rompiasi. Après la
mort de celui-ci, il part pour Rome où il est hébergé chez un ami,
secrétaire de la Curie Papale. Il entreprend alors des études de
théologie et est admis chez les Frères mineurs.
G La maturité : Pérouse, Zara, Naples, et Rome
Une fois ordonné prêtre, il commence à enseigner les
mathématiques dans plusieurs universités : de 1477 à 1480, à Pérouse
où il écrit son deuxième livre de Mathématiques; puis à Zara (Zadar en
Croatie, mais sous la tutelle de Venise) où il écrit un troisième livre, qui
est le seul à être publié. Cependant, il reprendra l'ensemble des trois
livres dans sa Summa. Il retourne à Pérouse, puis successivement
dans les universités de Naples et de Rome.
1494 - Venise - Publication de « La Summa... »
G Retour à Borgo san Sepolcro pour une œuvre majeure
À Rome, il enseigne deux années, puis il retourne dans sa ville
natale de Borgo san Sepolcro, où il se consacre à la rédaction d'une
œuvre majeure « Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni et
Proportionalita » , La Somme d’arithmétique, de géométrie, de
proportion et de proportionnalité, publiée à Venise en 1494.
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G Au sommaire : Géométrie, Algèbre, et comptabilité
L a Summa est un traité de 600 pages in folio qui vulgarise en italien
l'ensemble des connaissances mathématiques européennes de son
époque, principalement en algèbre. Il assemble un traité d’arithmétique,
des éléments d’algèbre et de trigonométrie, ainsi qu’un résumé de la
géométrie d’Euclide.
G Luca Pacioli, Inventeur de la comptabilité moderne
On crédite Pacioli de l’« invention » de la comptabilité. En réalité,
il rapporte le savoir des marchands vénitiens de son temps. Au côté
d’une table des monnaies, poids et mesures, figure un cours de tenue
des comptes (Tractatus XI particularis de computus et scripturis),
présenté comme la méthode vénitienne des marchands.
© Revue MODULAD, 2006 - 370- Numéro 35
Sommaire et préface de :
Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni et Proportionalita
Digital Accounting Collection, University of Mississippi Libraries
© The University of Mississippi.
Extrait de la Summa : « Vous devez savoir que pour tous les postes du
Journal, vous devez en faire deux dans le Grand Livre, notamment un
au débit et un autre au crédit. C'est de ceci que naît la Balance qui se
dresse lors de la clôture du Grand Livre entre les débits et les crédits. »
Pacioli avertit même les comptables qu'ils ne peuvent aller se coucher
qu'après avoir établi la balance exacte de ces comptes.
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G Des jeux de hasard et de leurs déconvenues
Autre aspect intéressant : la Summa aborde les jeux de hasard
en étudiant le problème dit « de la règle des partis » (problème soumis
par le Chevalier de Méré à Blaise Pascal, et qui fût à l’origine de sa
correspondance avec Pierre de Fermat, et donc de la théorie
mathématique des probabilités). Cependant, la solution donnée par
Pacioli est malheureusement fausse.
G Approche des logarithmes
Népérien avant l’invention des logarithmes, Pacioli propose
également dans la Summa une approximation assez grossière de
100∗Ln(2) ≈ 72. Elle se révèle valable pour les calculs d’intérêt
composé, lorsque les taux ne sont pas trop élevés. « Si vous voulez
savoir, pour un taux d’intérêt annuel fixé en pourcentage, dans combien
d’années vous reviendra le double du capital initial, alors gardez à
l’esprit le chiffre 72 et divisez le par le taux d’intérêt, ce qui vous donne
en combien d’années il sera doublé. Exemple : quand l’intérêt est de 6
pour 100 par an, j’affirme qu’en divisant 72 par 6, il vient 12 donc le
capital sera doublé en 12 années. »
1500 - « De Ludo Schacorum » (Du jeu d'Échecs)
G Une œuvre perdue, retrouvée en 2006
Entre ses deux ouvrages majeurs, Pacioli fixe au jeu d'échecs
ses règles modernes, vraissemblablement en usage depuis 1470, dans
un livre très récemment retrouvé. Le seul exemplaire de « De Ludo
Schacorum », est illustré par Léonard de Vinci (Du jeu d'Échecs, 1500
en viron). L'ouvrage a refait surface parmi les 22 000 volumes de la
bibliothèque du comte Guglielmo Coronini.
G Les croquis de Léonard de Vinci
Dans « De Ludo Schacorum », également connu sous le nom de
Schifanoia (l'Ennui du Dodge), roi, reine, évêque et chevalier sont tous
représentés par d'élégants signes distinctifs, au contraire des habituels
numéros utilisés à l'époque; on remarque également leur proportion
dorée. Quant au symbole de la reine, il est identique au projet d'une
fontaine qui se trouve dans le "Codex Atlantique" de Vinci (L'un des
livres où l'on a rassemblés ses notes et croquis, qui comptent environ 7
000 pages sur les 13 000 initiales).
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G Contenu de l'ouvrage
Le livre est une collection de "casse-têtes" dans lesquels le défi
est de faire échec et mat en à un certain nombre de coups. Ce n'est
pas le tout premier du genre, mais il se distingue par l'originalité de ses
teasers (énigmes - que les spécialistes jugent particulièrement
évoluées), et par la beauté de ses illustrations. L'un des exercices
portera le nom de « la rabiosa » (avec le fou ou la reine en colère), en
raison de l'extension considérable des pouvoirs de cette nouvelle pièce.
Couverture et apperçu de :
De Ludo Schacorum (Du jeu d'Échecs)
Fondazione Palazzo Coronini Cronberg onlus
Viale XX Settembre 14 – 34170 Gorizia
http://www.coronini.it/index.php?page=Discovery
Serenella Ferrari Benedetti, coordonnateur culturel de la Fondation
Coronini Cronberg, l'organisme à but non-lucratif qui est propriétaire du
manuscrit, a déclaré que l'enquète avait été "rigoureuse et
approfondie". Le sort de cet ouvrage est lié à celui de « De Divina
proportione » puisqu'un évènement va bousculer la quiétude de
Pacioli : l'entrée dans Milan des troupes françaises.
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De Divina proportione
1494-1495 - Première guerre d'Italie
Le roi Charles VIII, qui vise le royaume de Naples, est alors l'allié du
duc de Milan, Ludovico il moro. En septembre 1494, les troupes
françaises descendent l'Italie, et elles laissent une arrière-garde dont le
chef, Louis d’Orléans investit facilement Novare, en juin 1495. Il ne
poussera pas plus loin la désobéissance à son roi, et renoncera à
Milan, protégé par l'alliance. Au retour de Naples, après la bataille de
Fornoue en Juillet 1495 contre la Ligue de Venise, les troupes
Françaises ont tout juste la force de délivrer Novare assiégée. Une paix
est signée le 9 octobre 1495 à Verceil, à l'unique avantage de Ludovic
le More. La position de Louis Sforza, duc de Milan, est donc très forte
quand il invite Luca Pacioli à sa cour, sur la proposition de Vinci, luimême mandaté par Laurent le Magnifique.
1497 - Louis Sforza accueille Pacioli à Milan
Léonard de Vinci est à Milan depuis plusieurs années. Il y réalise une
de ses oeuvres majeures, « La Cène », de 1494 à 1498. Cette fresque
à la détrempe et à l’huile (tempera grassa) couvre 460 sur 880 cm dans
le Réfectoire du couvent dominicain, Santa Maria delle Grazie, à Milan.
En 1497, Luca Pacioli accepte l'invitation du duc de Milan Ludovico il
Moro. Il rejoint Vinci et compose durant deux années, son célèbre traité
sur le Nombre d’Or « La Divine Proportion ». Léonard fournit
spontanément des dessins, figures et images.
Cet ouvrage sera publié plus tard, car la deuxième guerre d'Italie
commence. En 1499, Louis d’Orléans devenu Louis XII, reprend le
duché de Milan à Louis Sforza (Ludovic le More), qu'il a isolé
politiquement, avec l'aval du pape Alexandre VI.
1499 - La fuite de Milan et le secours d'Isabella d'Este
Luca Pacioli et Léonard de Vinci doivent s'enfuir, et obtiennent la
protection des nouveaux alliés de la France : le marquis François II de
Mantoue et son épouse Isabella d'Este. Surnommée « Première dame
de la Renaissance », elle est entre autres férue d'échecs. Isabella est
mariée à François II depuis 1490, et elle exerce avec exigence le rôle
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de mécène sur une importante cour d'hommes de lettres, de musiciens
et d'artistes - comme Mantegna.
G La dédicace de « De Ludo Schacorum »
Isabella a provisoirement été identifiée comme la joueuse d'un
panneau conservé au Metropolitan Museum de New York. « De Ludo
Schacorum » est dédicacé au couple de François II et Isabella.
Leonardo, qui réalise un portrait de la marquise, est connu pour avoir
compris, sinon joué au jeu d'échecs. Pour preuve il emprunte un terme
technique dans l'un de ses nombreux manuscrits (Codex).
1500: Pise - 1501/02: Bologne - 1506: Florence
En 1500, Pacioli enseigne à l’université de Pise; puis en 1501-1502 à
l’université de Bologne. Vers cette époque, il est élu ministre provincial
des Franciscains de Romagne. Luca Pacioli ne demeure longtemps
dans cette charge, puisqu’on le trouve à l’université de Florence et
résidant au couvent de Santa Croce, en 1506.
G 1505 - La rencontre d'Albrecht Dürer ?
Selon toute vraisemblance, Albrecht Dürer rencontre Luca
Pacioli à cette période, sans doute à Florence (probablement pas à
Pise, que Luca Pacioli a quitté six ans auparavant, ou alors à Bologne,
piste suivie par certains auteurs).
C'est le deuxième voyage de Dürer en Italie, voyage qu'il prépare
savamment sur tous les plans, avec son ami Pirkheimer. Il aurait
obtenu l'adresse de son futur Maître au-près de son ami vénitien,
Jacopo de Barbari. Celui-ci, qu'il a revu en Allemagne depuis leur
première rencontre en Italie, n'arrive pas à transmettre les
enseignements de Pacioli. Il en a la pratique plus que la pédagogie.
L'intense activité novatrice de Dürer à Venise trouve dans cet
enseignement une merveilleuse explication. C'est à cette époque en
effet, en 1506, qu'explose son art de la composition - avec des oeuvres
comme « La Vierge au rosaire » et « Le Christ parmi les docteurs ».
G Florence se proclame république
À la faveur de la première guerre d'Italie, Florence se proclame
république en décembre 1494; elle le restera jusqu'en 1512. Le peuple
se soulève au départ des troupes françaises qui marchent sur Rome.
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G Les dessins de Vinci - Les gravures de Dürer ?
Les illustrations du « De Divina proportione » sont dues à
Leonardo da Vinci, qui fût son élève. Ci-dessous, frontispice de l’édition
1509 et solides réguliers dessinés par le plus célèbre des ingénieurs de
la Renaissance.
S'il est communément admis que Vinci est l'auteur des dessins
originaux qui illustrent « La Divine proportion », un problème se pose :
Vinci n'est pas graveur. Or l'ouvrage comporte des gravures. Elles
pourraient être de la main d'Albrecht Dürer. Qui d'autre que lui pouvait
assumer cette délicate mission ? Il est à Venise de la seconde moitié
de 1505 à la fin 1506, il restera trois années pour préparer le livre.
De Divina Proportione - 1497-1509
http://ww3.ac-poitiers.fr/arts_p/b@lise14/pageshtm/page_4.htm
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Sommaire du livre
L'ouvrage comporte une étude sur le Nombre d’Or, et son application
dans l’architecture et la peinture, et une étude des polygones semi
réguliers. Pacioli applique son étude aux œuvres de Piero della
Francesca, de Melozzo de Forli, et de Marco Palezzano.
Il existe deux exemplaires du manuscrit original, l'une à la Bibliothèque
Ambrosienne de Milan, l'autre à la Bibliothèque Publique et
Universitaire de Genève. Le "M" du Metropolitan Museum of Art de New
York est puisé dans cet ouvrage.
L'esprit du livre
Nous ne sommes donc pas en face d'un pur traité de science
mathématique, au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Dans l'esprit
de Pacioli, le terme a une acception plus large : Pour notre propos, par
sciences et disciplines mathématiques, nous entendons Arithmétique,
Géométrie, Astrologie, Musique, Perspective, Architecture et
cosmographie ainsi que toutes les sciences qui en dépendent (Ch. III).
Ce sont d'ailleurs des considérations de théologie chrétienne qui
justifient aux yeux de l'auteur, l'importance accordée à la dite proportion
dont les caractéristiques concordent avec les attributs qui
appartiennent à Dieu... Le premier est l'unicité... Le second attribut
concordant est celui de la Sainte Trinité ; c'est-à-dire que, de même
qu'en Dieu une seule substance réside en trois personnes, le Père, le
Fils et l' Esprit Saint,de la même façon, il convient qu'un même rapport
ou proportion se trouve toujours entre trois termes.
Troisième attribut : De même que Dieu ne peut se définir en termes
propres et que les paroles ne peuvent nous le faire comprendre, ainsi
notre proportion ne se peut jamais déterminer par un nombre que l'on
puisse connaître, ni exprimer par quelque quantité rationnelle, mais est
toujours mystérieuse et secrète, et qualifiée par les mathématiciens
d'irrationnelle.
Quatrième attribut : De même que Dieu ne peut jamais changer et est
tout en tout et tout entier dans chaque partie,de même notre présente
proportion est toujours la même et toujours invariable...
Cinquième attribut : De même que Dieu confère l'être à la Vertu
Céleste appelée Quinte Essence, et par elle aux quatre autres corps
simples, c'est à dire aux quatre éléments Terre, Eau, Air et Feu... de
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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même notre sainte proportion donne l'être formel au ciel même, selon
Platon qui dans son Timée attribue au ciel la figure du corps appelé
dodécaèdre... lequel ne se peut former sans notre proportion...
Et Pacioli de montrer les propriétés des cinq corps platoniciens
circonscrits dans la sphère et le rôle éminent de la divine proportion
dans la construction de deux d'entre eux : l'icosaèdre et du dodécaèdre.
1509 - Edition de « Géométrie »
C’est en celle ville de Florence, qu’il publie en 1509 sa « Divine
Proportion », ainsi qu'un autre ouvrage « Géométrie », une traduction
latine des éléments d'Euclide.
1510-1517 Un maître très prisé et apprécié
« De viribus Quantitatis » et Vinci
De viribus Quantitatis (Ms. Università degli Studi di Bologna, 1496–
1508), œuvre inachevée et inédite, propose des récréations
mathématiques, des proverbes et énigmes, ainsi que des problèmes
avec leurs solutions. On y trouve des parallèles aux travaux
mathématiques de Léonard de Vinci. Cette oeuvre est longtemps restée
dans les archives de l'université de Bologne, avant qu'un
mathématicien, David Singmaster, ne le repère au XIXème siècle.
Pérouse, Rome
En 1510 il revient enseigner à Pérouse, puis de nouveau à Rome en
1514. Ces mutations sont le résultat de l’engouement qu’il suscite par
son enseignement. Les universités d’Italie se disputent sa présence.
Retraite à Borgo san Sepolcro
Fra Luca Pacioli prend sa retraite en sa ville natale, de Borgo san
Sepolcro, où il meurt en 1517.
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ALBRECHT DÜRER
Le Projet Didactique de Dürer
Au tout début du XVIe siècle, Albrecht Dürer (1471-1528) réalise un
ensemble d'images pour expliquer le fonctionnement de sa culture, le
langage de l'image. Depuis les associations primaires des symboles à
la façon d'un puzzle, jusqu'aux systèmes de composition les plus
sophistiqués de la géométrie sacrée.
Ce projet d'origine byzantine se retrouve en Italie du nord à la chute de
Constantinople (1453). Il se traduit par une encyclopédie de la
symbolique qui, par ses images pures, entend survive à tous les
dangers qui menacent cette culture.
La gravure (par Dürer) assurera la pérennité du projet, et le principe du
jeu de cartes, anodin donc discret, évitera aux éléments d'être séparés.
Aux côtés du jeu de tarots connu sous le nom du cartier Nicolas Conver
(BNF, faussement daté de 1760), Dürer grave sur cuivre quatre
« Meisterstiche » qui servent de support et d'introduction à son Projet
Didactique. Car, au-delà du souci de sauver l'héritage multi-millénaire
de la symbolique, Dürer ajoute une dimension pédagogique
particulièrement précieuse aujourd'hui.
Les Meisterstiche
Quatre gravures de Dürer sont connues sous ce nom générique :
G Adam et Ève (1504), la gravure mère,
récemment rattachée aux trois autres
G MELENCOLIA § I (1514), la reine du bal,
et ses deux dauphines :
G Le Chevalier, la Mort et le Diable (1513)
G Saint Jérôme dans sa cellule (1514)
Les Meisterstiche (ou oeuvres de maître) sont ainsi appelées pour leurs
qualités exceptionnelles en tant qu'oeuvres, gravures sur cuivre d'une
inégalable précision, mais aussi pour la singularité de leurs formats.
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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Dürer, seul ou accompagné ?
Le volume de travail que représente le Projet Didactique de Dürer porte
à croire qu'il n'est pas l'affaire d'un seul homme. À cette opinion
longuement mûrie s'ajoutent plusieurs faits : le projet des tarots est en
marche bien avant la naissance de Dürer, en Italie du nord. La chute de
Constantinople, dont l'élite s'exile en priorité vers Venise, est avec le
refroidissement du climat, une cause objective de la Renaissance. Il se
trouve que le Savoir déployé par le tarot de Conver est d'origine
byzantine. Christophe de Cène le montre à propos de ses structures
numériques, et votre serviteur à propos des systèmes géométriques.
L'association des faits construit une image peu à peu cohérente : Dürer
est l'héritier d'un courant, et il est spécialement choisi pour achever un
travail depuis longtemps engagé, parce qu'il est un des rares artistes,
voire le seul, à maîtriser tous les aspects de sa réalisation. Géométrie,
représentation symbolique, gravure sur bois et sur cuivre etc.
La question se pose alors de savoir qui transmet, et qui accompagne ?
Peut-être les mêmes, sinon leurs disciples. Le long apprentissage de
cette culture doit être pris en compte par toutes les réponses. Seule
une guilde, une école ou une confrérie peut assumer sa charge. La
question devient alors : « qui fait partie de la bande ? »
Cette équation historique comporte beaucoup de paramètres, et la
version que nous produirons sera seulement “la plus probable”...
Le premier élément que nous devons considérer est la date de la
première gravure des Meisterstiche :« Adam et Ève », c'est à dire 1504.
Cette oeuvre fait partie du dispositif final. Dürer pourrait-il intégrer une
pièce au puzzle qui n'anticipe pas la suite ? D'ailleurs, cette première
gravure et Melencolia ont le même format. En 1504, le projet est
forcément en marche.
Venise
Dürer fait au moins deux voyages en Italie du nord, vers Venise - située
à 450 km à vol d'oiseau de Nürnberg, mais il faut traverser les Alpes. Le
premier voyage a lieu entre l'été 1494 et l'été 1495; Le second de 1505
à la fin 1506 - il est de retour à Nürnberg avant Juin 1507. C'est au
cours de son premier voyage que les lignes du grand projet ont été
décidées. Des éléments biographiques, très largement diffusés,
confortent cette idée.
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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Une passion pour Mantegna
Dürer prépare ce voyage avec son éternel allié Willibald Pirckheimer. Il
le retrouve à Pavie où celui-ci achève quinze années d'études. Les
deux amis s'intéressent aux oeuvres d'un artiste majeur : Andrea
Mantegna. Déçu par son séjour à Rome, ce peintre est de nouveau à
Mantoue depuis 1490, et il reprend avec force une vision assez “amère”
de l’Antiquité. Mantegna est étroitement lié à la marquise Isabelle
d'Este, surnommée la « première Dame de la Renaissance », qui brille
autant par son intelligence que par sa culture. C'est elle qui accueillera
quelques années plus tard Léonard de Vinci et Luca Pacioli, dans leur
fuite de Milan prise d'assaut par les troupes françaises.
Pour l'instant, Andrea Mantegna et Mantoue sont sur la route de Dürer
(dès ce premier voyage). En 1494, Mantegna a 63 ans, et même si sa
santé décline il déborde d'activité. Albrecht Dürer réside au Fondaco dei
Tedeschi, grande bâtisse qui fait à la fois office d'entrepôt,
d'administration et d'auberge pour les ressortissants de l'Empire romain
germanique à Venise. Le Germain s'aventure dans les ateliers des
Vivarini et des Bellini, séduit par l'esthétique et le style de vie de cette
Renaissance italienne. Il rêve de l'Arcadie de la peinture, et se réjouit
de la douceur du climat - en cette période de refroidissement appelée
“minimum de Spörer” qui sévit en Europe de 1420 aux années 1570. La
famille Bellini joue un rôle artistique majeur, ce bien au-delà Venise. Le
père, Jacopo Bellini (1400 - 1470) enseigne à Mantegna qui finit par
épouser sa fille Nicolosia en 1453 ! Jacopo porte en ses oeuvres,
proche des icônes, une part de l'héritage byzantin. Les deux fils sont
également de grands peintres. L'aîné, Gentile, fait un voyage à
Constantinople en 1479, aux mains des Turcs (depuis 1453 !). La
liaison maritime avec cette ville n'a jamais été rompue. Selon
l'appréciation des critiques, Gentile Bellini pratique un figuratif descriptif.
Son cadet Giovanni est à son tour influencé par Andrea Mantegna. Il
devient l'ami et le fervent défenseur de Dürer. Cet allié se révèlera
précieux lors de son second voyage en 1505-1506.
Un peintre beaucoup moins connu croise la route de Dürer : Jacopo de'
Barbari. Ce Vénitien de 49 ans expose au jeune Albrecht, qui en a 23,
des éléments de géométrie à travers ses oeuvres en cours. Mais il ne
se montre pas très pédagogue, et cela fait rager Dürer. C'est alors qu'à
bout d'arguments de' Barbari lui proposerait le contact d'un maître en
mathématiques : Fra Luca Paccioli. Un évènement indiscutable rend ce
scénario plausible. C'est à Venise qu'en 1494, Pacioli publie son
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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premier grand ouvrage : « Summa de Arithmetica, Geometria,
Proportioni et Proportionalita », soit « La Somme d’arithmétique, de
géométrie, de proportion et de proportionnalité ». Pacioli travaille depuis
les années 1480 à ce traité de 600 pages in folio, qui vulgarise en
italien l'ensemble des connaissances mathématiques européennes de
son époque.
Le pôle vénitien, si tant est qu'on puisse lui rattacher Mantoue pour une
part, est ainsi bien installé dans notre esprit. Ce que nous découvrons
est conforme aux besoins biographiques de l'étude. Une fratrie solide
qui entretient des liens avec la source byzantine; et cette géométrie
mystérieuse qui choisit un véritable maître pour s'expliquer. Dürer est là
pour apprendre, et le niveau de sa géométrie en son Autoportrait à la
fourrure démontrera cinq ans plus tard qu'il apprend vite !
Florence
Dürer est capable de gagner Mantoue pour visiter Mantegna, ou
encore de rejoindre Pirckheimer à Pavie. Florence s'ajoute tout
naturellement à la liste de ses projets. La capitale toscane, située à 200
km de Venise à vol d'oiseau, est le second pôle de la Renaissance !
Face à ces deux écoles, Rome n'est qu'une ville de passage où les
peintres viennent chercher la reconnaissance et les deniers du Pape.
La clé de cette histoire pourrait être Léonard de Vinci, mais celui-ci ne
connaît pas encore Pacioli, qu'il rencontre en 1497 à Milan, deux ans
après le passage de Dürer à Venise. Il nous faut raconter un peu la
ville... Un personnage hors du commun dirige Florence jusqu'en 1492,
année de sa mort : Laurent de Médicis, dit Laurent le magnifique
[Magnifique est ici à prendre dans son sens ancien : généreux,
prodigue]. Cet humaniste inspiré est notamment, comme son frère
Pierre François, le mécène de Sandro Botticelli. L'aîné passe
commande du « Printemps » pour honorer le mariage de son cadet, qui
deux ans plus tard s'offre « La naissance de Vénus » - en 1485.
Dans l'aura de Andrea del Verrocchio et de Filippo Lippi émerge un
autre génie : Léonard de Vinci. Il bénéficie lui aussi de la protection des
Médicis, et quand en 1476 il a maille à partir avec la justice dans une
affaire de moeurs, Laurent le magnifique le tire d'affaire - il fera de
même pour Pic de la Mirandole. Léonard n'est pas très à son aise à
Florence, contrairement à son ami Sandro. Il préfère l'étude de la réalité
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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aux débats enflammés sur l'humanisme ou le platonisme. En fin
stratège, Laurent dépêche Vinci comme ambassadeur à Milan, au
début des années 1480, avec pour mission de surveiller discrètement
Ludovic Sforza dit “Il Moro”. Le sombre personnage est au pouvoir
depuis 1479, et il sera sacré duc de Milan en 1494 après (s')être
débarrassé de l'héritier légitime : son neveu Jean Galéas Sforza, mort
d'un empoisonnement. Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486)
pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San
Francesco Grande de Milan, mais son statut est autant celui
d'architecte et de responsable des festivités...
Au moment où Dürer est à Venise, Vinci est occupé à sa célèbre
fresque pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie : La
Cène (1494-1498). En 1497, Fra Luca Pacioli (qui a déjà rencontré
Dürer) accepte l'invitation du duc de Milan Ludovic il Moro. Il rejoint
Vinci, avec qui il se lie d'amitié, et compose durant deux années son
célèbre traité sur le Nombre d’Or, La Divine Proportion. Léonard fournit
spontanément des dessins, figures et images, mais il faudra un orfèvre
pour les traduire en gravure... L'ouvrage sera publié en 1509 à Venise :
la deuxième guerre d'Italie commence. En 1499, Louis d’Orléans
devenu Louis XII, reprend le duché de Milan à Ludovic le More, qu'il a
isolé politiquement, avec l'aval du pape Alexandre VI. Chassés de
Milan, Pacioli et Vinci trouvent l'hospitalité du marquis François II de
Mantoue et son épouse Isabelle d'Este. C'est à cette place que Pacioli
fixe les règles du jeu d'échecs, dans son ouvrage De Ludo Schacorum
(Du jeu d'Échecs, env. 1500).
La République de Savonarole
Le roi de France Charles VIII entend reconquérir le royaume de Naples
(perdu par René d'Anjou). En 1494, il veut au passage amputer le
duché de Florence des cités de Pise, Sarzana et Livourne. Pierre II de
Médicis (1472–1503), fils de Laurent le Magnifique et frère du pape
Léon X, est tout juste au pouvoir depuis la mort de son père Laurent le
Magnifique (†1492). Souverain médiocre, arrogant et indiscipliné, il
gagne le surnom de « Pierre l'infortuné ». Accusé d'avoir cédé aux
exigences du roi de France, les Florentins se débarrassent de ce
mauvais maître, et instaurent une République, largement inspirée par
les prêches du frère dominicain Savonarole*. Cette République
théocratique survivra tant bien que mal après l'élimination, en 1498, de
son chef spirituel (qui avait perdu son crédit populaire). En 1512, les
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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Médicis reprennent les rênes - avec le soutien du pape Jules II et de la
Sainte Ligue, en la personne de Laurent II, fils de Pierre II et petit-fils de
Laurent le Magnifique.
(*) L'aura de Savonarole est immense, comme son influence. Laurent le
magnifique fait appel à lui sur son lit de mort pour obtenir l'absolution de
trois “crimes de guerre”, mais cette requête se transforme en
négociation politique de la part du dominicain. De fortes personnalités
comme Botticelli ou Pic de la Mirandole tombent également sous sa
pieuse influence, et se mettent à rêver d'ascèse...
Le Néoplatonisme médicéen (de la ville des Médicis)
L'article de Wikipédia suffit à présenter le cadre de cette Renaissance :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Néoplatonisme_médicéen
Rappelons que la base du platonisme est dans l'apprentissage de la
géométrie. C'est par elle qu'il est possible de concevoir les constantes
(la symbolique) qui transcendent les frontières auxquelles aboutissent
toutes les constructions de l'écrit.
Entre Maîtres
En cette Italie qui connaît tant de guerres, les villes de Florence et
Venise ne se situent pas toujours dans le même camp politique. En
revanche, le monde des arts lui, est beaucoup plus uni et capable de
respect. Il n'est pas de meilleure image pour en témoigner que celle-ci :
en 1483, l'artiste florentin Verrocchio part pour Venise. Il y travaille
jusqu’à sa mort à la Statue du Colleone, monument équestre érigé en
l’honneur du condottiere Bartolomeo Colleoni sur le campo del Santi
Giovanni e Paolo devant la Scuola San Marco.
Il est naturel pour Dürer de “visiter” Florence dont il a tant d'échos à
Venise. Sandro Botticelli a 50 ans. Il est tout à fait à même de
transmettre les secrets de son art au jeune prodige allemand : son style
un peu raide d'allure, face à l'élégance italienne, correspond
parfaitement à l'évolution de sa pensée à cette époque où il entre dans
l'influence de Savonarole. Les deux hommes partagent une approche
particulière de la beauté. Pour les deux, elle est révélation et se place
au-dessus du jugement humain. Un autre plan les rapproche tout
autant : une piété profonde et sincère, comme en témoigne cette
« Lamentation sur le Christ mort » de Botticelli, datant de 1495 :
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Lamentation_sur_le_Christ_mort_(Botticelli,_Milan)
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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À ce premier voyage (comme on l'appelle), les artistes susceptibles de
répondre à l'exigence du projet dont nous reconstituons la trame ne
sont pas si nombreux. À Venise, Titien a 6 ans et Giorgione 17. À
Florence, Michel-Ange a 19 ans et Raphaël 11. Ils sont tous trop jeunes
pour se poser en maîtres face à Dürer (qui en a 23). Au final un petit
groupe se dessine - sur fond d'école comme la guilde de saint Luc à
Florence, qui comprend le mathématicien Luca Pacioli et les artistes
Giovanni Bellini de Venise, son maître Mantegna de Mantoue, et
Sandro Botticelli de Florence. Vinci viendra plus tard, quoi qu'il soit un
des hommes les mieux renseignés de son époque...
Activité entre ses deux voyages en Italie
Pendant la dizaine d'années qui séparent ces deux voyages, Dürer
redouble d'activité. Il s'établit, autant qu'il établit son oeuvre et sa
réputation. Dès 1497, il met au point un réseau commercial assurant
une large diffusion de ses gravures, afin de toucher des
commanditaires potentiels pour sa peinture.
Cette stratégie n'est pas sans se rappeler de celle que le projet des
tarots met en oeuvre : la gravure, forme primaire d'imprimerie est un
moyen de diffusion qui donne toutes ses chances au message de
survivre. Dürer se fait également éditeur et imprimeur à son compte, à
commencer pour l'Apocalypse.
La liste de ses oeuvres durant cette période donne le vertige. Celle qui
suit n'a en cela pas la prétention d'être exhaustive. En gravure, Dürer
produit la série de l’Apocalypse (1498) et les épreuves du Grand Destin
(1501-1502) et de la Chute de l’homme (1504). Plus une suite portant le
nom de la Vie de la Vierge (1504-1505).
En peinture, il produit l’un de ses premiers grands tableaux (à la
détrempe sur toile) : le triptyque du musée de Dresde. Avant cela il y a
en 1500, Hercule tuant les oiseaux du lac Stymphale. Ces oeuvres-là
sont encore sous l'influence de Mantegna. Sa peinture en 1500
L'ensevelissement du Christ montre une affirmation de son style. Dürer
exécute aussi plusieurs portraits de valeur, et conclue par le sien, dit
Autoportrait à la fourrure. Cette oeuvre particulièrement mal interprétée
est un véritable manifeste; l'artiste y affirme son engagement dans la
géométrie sacrée pour ce qu'elle porte : la foi.
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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En 1502, Dürer illustre son ami Conrad Celtes et son Quatuor libri
Amorum. Cet auteur considéré comme l'humaniste allemand par
excellence, fonde de la plus ancienne société littéraire de l'Allemagne la Societas Litteraria Rhenana, à Heidelberg. Il a fait ses études comme
Nicolas Copernic à l'Université jagellonne de Cracovie. Un certain
Wojciech Brudzewski y professait, qui déjà mettait en doute le
géocentrisme. Les savoirs, les idées et les hommes circulent.
« Adam et Ève » - 1504 et la géométrie
Enfin en 1504, rappelons que Dürer imprime Adam et Ève, première
oeuvre des Meisterstiche. Cette gravure porte en elle beaucoup de
preuves. Ainsi, il est de grande notoriété (sans que j'arrive à mettre la
main sur la source authentique de cette information) que Dürer prépare
son œuvre par un faisceau de droites et de cercles. Cette observation
émanant d'un visiteur de l'atelier est immanquablement assortie d'une
interprétation historique : Dürer analyserait et développerait la nouvelle
théorie de la perspective, comme c'est notamment le cas pour La Vie
de la vierge. Or en ce qui concerne Adam et Ève, cette analyse ne tient
pas. La perspective utilise peu le vocabulaire du cercle dans sa
construction, pas assez en tous cas pour constituer des “faisceaux”. Il
faut souligner que dans un report de mesure, le géomètre ne trace que
la partie utile du cercle autour du point de croisement; il n'encombre pas
un schéma déjà fort chargé avec ses portions inutiles. Certes
l'observation profane que rapporte la légende ne vaut pas un avis
d'expert, cependant l'impression générale qu'elle donne est
suffisamment claire pour identifier un tout autre type de pratique, qui
elle en effet met à égalité le cercle et la droite : la géométrie sacrée !
Dürer visite tous les aspects de la géométrie. On sait qu'il investit ses
gains dans l'achat de (dix) livres de la bibliothèque de Regiomontanus,
en particulier des manuscrits d'Euclide et de Vitruve (source : Jeanne
Peiffer, «Albrecht Dürer, géométrie », page 23). D'autre part, il publie
plusieurs ouvrages à vocation didactique sur la pratique du compas,
des proportions, le tracé des lettres etc. Faisant partie des pionniers de
la perspective, il invente un “perspectomètre à un oeilleton”. Ses études
des courbes et des volumes à partir de leurs projections préfigurent la
géométrie descriptive de Monge qui verra le jour deux siècles plus tard.
N'oublions pas que Dürer est avant tout un praticien, il consacre sa vie
à sauver un héritage qui se fonde sur une géométrie avec les yeux. En
ce sens, le statut mathématique de Dürer est paradoxal : beaucoup
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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plus avancé que l'histoire ne le sait pour l'instant, sans pour autant
s'engager dans une voie théorique que sans doute il soupçonne, mais
qui reste le terrain de prédilection des Pacioli, et des nombreux
mathématiciens qui l'entourent.
La géométrie sacrée elle, n'est pas affaire d'opinion mais de
compétence. On ne parle pas de couleur avec des daltoniens, c'est un
sujet qui fâche. De même on ne discute vraiment géométrie de
construction qu'entre personnes qui la pratiquent et qui la voient.
L'étude place trois artistes au-dessus des autres : Andreï Rublev,
Sandro Botticelli et Albrecht Dürer. Théophane le Grec est
vraisemblablement le maître de Rublev, il vient de Novgorod, la grande
école russe de géométrie sacrée. De même on peut voir en Botticelli le
maître de Dürer. Qui mieux que l'un pouvait comprendre l'autre ? Enfin
Dürer emprunte à Rublev le système des triangles astrologiques de sa
Sainte Trinité pour dessiner ses tarots.
Deuxième voyage de Dürer en Italie
Le paysage humain de ce deuxième voyage (seconde moitié de 1505 fin 1506) a beaucoup changé. La mort emportera Mantegna le 13
septembre 1506, comme si elle attendait la visite de son disciple. Dürer
revient à Venise avec une réelle notoriété. Le Fondaco dei Tedeschi
vient de brûler, il doit se tourner vers l'auberge tenue par Peter Pender,
un Suisse Allemand, située au Campo San Bartolomeo - aujourd'hui
disparue. Le grand Giovanni Bellini assure la cote de Dürer auprès des
Patriciens, et lui passe même commande ! Les gains de Dürer réalisés
avec de petits tableaux, lui permettent d'investir dans les dix Livres
d'Architecture de Vitruve (qu'il traduira partiellement en allemand). Il
rédige à cette époque son Instruction sur la manière de mesurer en
s'inspirant des Eléments d'Optique d'Euclide.
Le Projet Didactique de Dürer est colossal. Le volume de travail que
représente sa conception suppose une équipe, des étapes et des
rencontres. Le noyau initial que nous avons identifié va bénéficier du
renfort de ces élèves, voire de ces enfants, qui entre temps sont
devenus de véritables maîtres... Le contexte politique aussi a changé.
La République de Florence n'est plus dirigée par Savonarole - il faudra
attendre 1512 pour que les Médicis reprennent la main. Un prieur, Pier
Soderini, se trouve élu gonfalonier à vie. Son action est connue avant
tout sur le terrain diplomatique et militaire, néanmoins la ville accueille
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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Raphaël et rappelle Vinci et Michel-Ange ! Une fenêtre s'ouvre même,
qui permettrait un véritable congrès...
Léonard de Vinci réalise son chef d'oeuvre, La Joconde, à Florence,
de 1503 à 1506 (il a alors 54 ans). L'artiste est tiraillé entre Français et
Toscans; il est pressé par le tribunal de Milan de finir La Vierge aux
rochers alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari à Florence. Le 30
mai 1506, il obtient l’autorisation de quitter Florence pour rejoindre le
gouverneur français de Milan, Charles d’Amboise, qui le retient auprès
de lui malgré les protestations de la seigneurie.
Michel-Ange est demandé à Rome, en 1505, par le nouveau pape
Jules II qui le charge de réaliser son tombeau, un mausolée grandiose
dans la basilique Saint-Pierre. Le sculpteur passe un an à Carrare pour
chercher son marbre. Il travaillera durant quarante ans sans achever la
tombe, dont le projet passera de quarante à sept statues, notamment le
Moïse. En avril 1506 (il a 31 ans), après avoir été déshonoré par un
valet du pape, il fuit Rome pour se réfugier à Florence, mais doit faire
allégeance devant Jules II, à Bologne. Pardonné, il regagne Rome en
septembre (à noter). Il réalise alors en une année la statue en bronze
de Jules devant la cathédrale de Bologne. Cette statue sera détruite
après le retour des Bentivoglio en cette ville.
À 21 ans, Raphaël quitte Pérouse pour Florence. Cette période
florentine durera quatre ans. Le 1er octobre 1504, Giovanna Felicita
Feltria della Rovere, épouse du duc d'Urbino, adresse à Pier Soderini
une lettre de recommandation pour que Raphaël reçoive à Florence les
commandes que son talent mérite.
Léonard de Vinci le reçoit dans son atelier. Il y découvre les
chefs-d'œuvre de la Renaissance florentine et réalise une série de
Vierges et de Madones : la Vierge dans la prairie (1506), la Vierge au
chardonneret et la Belle Jardinière (1507) et aussi la Dame à la Licorne.
Bien qu’ayant gagné son indépendance, Raphaël continue d’étudier les
grands tels Vinci, Michel-Ange ou Fra Bartolomeo.
En l'année 1506, Fra Luca Pacioli se trouve à l’université de Florence résidant au couvent de Santa Croce. Une seconde rencontre avec
Dürer est donc parfaitement envisageable. En revanche il est peu
probable que ce soit pour discuter des règles de la perspective sur
laquelle Pacioli ne s'étend pas, la personne à laquelle Dürer fait
référence serait plutôt une de ses relations en la ville de Bologne qu'il
vient de quitter. Et ce n'est pas non plus Michel Ange qui rentre à Rome
en septembre. En effet, dans une lettre depuis Venise le 13 octobre
Yvo Jacquier - Éléments biographiques - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus »
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1506, Dürer écrit à Pirckheimer : « Après quoi j’aimerais me rendre à
Bologne pour apprendre l’art secret de la perspective que quelqu’un
s’est proposé de m’enseigner. J’y resterai huit ou dix jours avant de
repasser par Venise. »
« La Vierge au rosaire »
Les négociants allemands de Venise (Fondaco dei Tedeschi) passent
commande d'un retable pour l'église Saint-Barthélemy, das
Rosenkranzfest, que plus tard l'Empereur Rodolphe II achètera pour
une importante somme d'argent, et que pas moins de quatre hommes
seront nécessaires à convoyer jusqu'à Prague - où il est actuellement
exposé à la Národní Galerie. Dürer peint le couronnement de la Vierge
par deux anges. La jeune femme présente le Christ enfant à l'Empereur
Maximilien et au pape Jules II, à Saint Dominique et plusieurs anges et
passants. Parmi les assistants, Dominique Grimani (couronné par Saint
Dominique), Hieronymus d'Augsbourg , l'ingénieur et architecte de la
nouvelle Fondaco dei Tedeschi, et enfin Dürer lui-même portant un
cartouche où est écrit l'inscription suivante : Exegit quinquemestris
spatio Albertus Durer Germanus. MDVI. Dürer peint ce retable en cinq
mois, et il reçoit un salaire de cent dix Florins rhénans. Ce deuxième
séjour change la technique de préparation de ses fonds autant que le
traitement de ses personnages. L'influence italienne est immédiatement
perceptible, car la Vierge n'est plus “habillée comme une Allemande”,
mais à la mode et aux couleurs vénitiennes.
Ce tableau a un sens politique. En effet, le banquier Jacob Fugger,
commanditaire de l'œuvre, joue le rôle d'ambassadeur pour Maximilien
Ier auprès du pape Jules II : il tente d'obtenir le couronnement de son
Empereur par le pontife. Le tableau montre la Vierge et l'Enfant couvrir
à leur tour les deux hommes d'une couronne de roses. Le vœu pieu de
Jacob Fugger ne se concrétisera malheureusement pas...
La conservation de cette oeuvre favorite de Dürer a toujours posé
problème. Déjà à l'époque de son acquisition par la cour de Prague, en
1606, l'on sait qu'elle avait perdu sa splendeur originelle. Rodolphe II
n'a pas pu faire venir cette pièce jusqu'à la capitale du baroque pour
compléter une décoration déjà fort bien assurée du sol aux plafonds par
tant de peintres à la mode. L'engouement pour Dürer et pour cette
oeuvre en particulier concerne l'ésotérisme, Ce bouillon de culture
nourrira Johannes Kepler dans la conquête de ses lois physiques.
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Entre 1839 et 1841 un peintre local, Johann Gruss, entreprend la
restauration de la Vierge au Rosaire, portant un coup fatal à l'original. Il
n'est plus possible aujourd'hui de reconstituer précisément la géométrie
que Dürer a mise en oeuvre dans son tableau.
Les rapports de Dürer avec Venise
A cette époque, Dürer peint également Le Christ et les Docteurs en
cinq jours ! Mais son tableau le plus remarquable est le Portrait d’une
jeune Vénitienne (1505, actuellement à Vienne, Kunsthistoriches
Museum). Le visage de cette femme est particulièrement vivant avec sa
légère inclination. L'expression des lèvres est remarquable et les
boucles, quelque peu rebelles, encadrent le front selon la mode
vénitienne de l’époque. Bellini, émerveillé de la finesse de ces cheveux,
aurait imploré Dürer de lui céder l’un de ses pinceaux. Le poil est en
quelque sorte la matière fétiche de l'artiste. Il glisse par exemple un poil
de pinceau sous l'oeil de son Autoportrait cité plus haut. Ses élèves
auraient même profané sa tombe pour “obtenir” de leur maître une
mèche de ses cheveux. À travers ce portrait inhabituel, Dürer montre
qu'il sait peindre le charme et la grâce, mais aussi qu'il est lui-même
sous le charme de Venise. Cependant ses rapports avec la ville sont
paradoxaux. Il obtient de Giovanni Bellini tout le confort moral et social
dont il a besoin, mais il confie à Pirckheimer les dangers qu'il encourt
dans une lettre, tant la jalousie est vive chez nombre de ses collègues.
Il lutte également contre la copie de ses gravures, et il n'obtient que
partiellement gain de cause au-près des autorités, qui reconnaissent
uniquement l'exclusivité de son célèbre logotype. Au final, bien que
Dürer soit l'objet d'une grande reconnaissance à Venise - le Conseil de
la ville lui verse une allocation annuelle de 200 ducats, et lui propose
une résidence permanente... Il fait le choix de “rentrer”.
Une part des réponses, à la question que pose ce choix, tient à la
personnalité de Dürer, une autre concerne ses rapports ambigus avec
Venise, enfin la dernière part revient à la ville de Nürnberg, en tant que
foyer de rayonnement culturel et scientifique hors du commun. Ne nous
risquons pas à des spéculations d'ordre psychologiques, car elles
seront toutes filtrées par la subjectivité des sources disponibles. Si l'on
peut constater dans les faits que la relation avec Venise est sucréesalée, il est essentiel de considérer une autre réalité : Nürnberg est, à
plus d'un titre à cette époque, une ville exceptionnelle. L'année même
de la naissance de Dürer, en 1471, Johannes Müller von Königsberg
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(1436-1476) fonde l'observatoire de Nuremberg, le premier en
Allemagne. Cet astronome est plus connu sous son pseudonyme latin
de Regiomontanus. L'astrologie lui doit un système de domification qui
porte son nom et il est à l'origine de la renaissance de la trigonométrie
en Europe.
La Bibliothèque et l'observatoire
Le maître de Dürer, Michael Wolgemut (1434-1519), illustre des
publications de Regiomontanus. À la mort de celui-ci en 1476, son
disciple Bernhardt Walther hérite de sa riche bibliothèque et poursuit
ses recherches. Cette bibliothèque contient probablement la plus riche
collection de manuscrits dont on peut rêver à l’époque, rassemblés par
Bessarion et Nicolas de Cuse. En 1501, Walther achète la maison de
Regiomontanus
En 1509, devenu membre du Grand Conseil de Nuremberg, Durer
quitte sa maison natale et achète à son tour, pour la somme de 275
florins rhénans, aux héritiers de Bernhardt Walther, cette maison qui est
aujourd'hui son musée. Il aménage le pignon sud en plate-forme
d’observations astronomiques.
Martin Behaim (1459-1509) est l’élève de
Bernhardt Walther. Il
fabrique à Anvers les premiers globes terrestres avant de s’installer à
Porto où il fréquente Christophe Colomb. Nous avons vu par ailleurs
que Dürer est en relation indirecte avec Copernic.
Dürer ne saurait profiter de sa bibliothèque colossale sans l'aide
éclairée de son ami Pirckheimer et du cercle qui l'entoure. Il profiterait
notamment des conseils d'un prêtre astronome et mathématicien,
Johannes Werner (1468-1528), réputé pour sa pédagogie.
Le cercle humaniste comprend également le neveu du duc de Milan,
Galeazzo de San Severino, un camarade d’université de Pirckheimer,
réfugié à Nuremberg après 1499. Vinci étudie les proportions du cheval
dans ses écuries à Milan, quand on sait que Dürer copie certains
dessins de son illustre collègue...
Réf. : • Karel Vereyken
• « Biographie critique » d'Auguste Marguillier, Henri Laurens Ed.
À travers ces éléments, l'on comprend mieux le poids du mot Nürnberg
dans l'esprit d'Albrecht Dürer : il dispose là de tout un réseau de
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compétences complémentaires, indispensables à sa pensée en
marche. La Renaissance est une période d'explosion du savoir, et la
passion qui accompagne ce phénomène fait traverser les montagnes.
Ainsi cet homme d'art et de science décide-t-il de rentrer, mais ce retour
n'est pas un repli. D'ailleurs la notoriété croissante en Europe de Dürer
lui permettra d'effectuer d'autres voyages, mais c'est vers le Nord
d'Érasme, qui appartient également au réseau Pirckheimer, que Dürer
se tournera. Est-ce à dire que l'histoire italienne est close ?
Curieusement, La Divine Proportion de Pacioli est publiée à Venise
(dont l'armée est en déroute face aux Français) en 1509, pourvue des
transcriptions gravées des illustrations de Vinci. Cette même année
Érasme, en route vers l'Angleterre de son ami Thomas More, écrit le
premier jet de L'éloge de la Folie. On sait que Pacioli est également en
relation avec Pirckheimer. Qui ne l'est pas à cette époque ? Les routes
biographiques ne cessent de se croiser.
La divine proportion
Qui mieux que Dürer pourrait transcrire les dessins de Vinci en gravure
sur bois, afin d'accompagner La Divine Proportion. L'ouvrage de
Pacioli, curieusement composé à Milan entre 1497 et 1499, n'est publié
à Venise qu'en 1509 !
Le célèbre ouvrage expose une somme de principes directement liés à
la géométrie sacrée. De Divina proportione n'est pas un traité de
science mathématique au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Le
premier ouvrage de Pacioli oui, remplit cette fonction. Summa de
arithmetica, geometria, de proportioni et de proportionalita - Venise,
1494. De même Pacioli publie en cette même année 1509 en parallèle,
Géométrie, ainsi qu'une traduction latine des Éléments d'Euclide.
Dans l'esprit de Pacioli, le terme mathématique a ici une acception plus
large. ᐅ Voir le chapitre consacré à Luca Pacioli.
L'assaut final
La question se pose : comment Dürer arrive-t-il a assumer tant
d'influences, de contraintes même ? Dürer n'est pas homme d'influence
mais d'inspiration. Sa main virtuose est guidée par une volonté
intérieure qui ne connaît pas l'hésitation. Preuve en est de son choix du
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burin, qui ne permet ni regret ni repentir. Preuve en est également de
son énorme production.
En 1512, Dürer entre au service de l'Empereur Maximilien Ier, dont il
fait le portrait. Il devient peintre de la cour, avec titres de noblesse. En
1515, l'Empereur lui octroie une rente annuelle de 100 florins pour toute
la durée de sa vie. La légende raconte que l'Empereur prend plaisir à
venir voir son peintre favori travailler. En tout cas, il demande au conseil
de Nuremberg une exemption d'impôts... Si l'on en croit certaines
sources, ll semble que ce confort moral coïncide avec une sorte de
lassitude qui freine la production de l'artiste. Il y a une certaine
incohérence à évoquer une insatisfaction de Dürer quand justement
tous les signes du succès et de la notoriété s'officialisent. Les seuls
faits observables sont une production relativement moindre en peinture,
ce que contrebalance le sommet de virtuosité des trois Meisterstiche
qui sortent de la presse en 1513/1514. Dürer est au sommet de sa
maîtrise, de son art et de son discours pictural. Preuve en est de la
notoriété de Melencolia § I, considérée comme l'oeuvre la plus célèbre
de son époque. Et c'est autour de cette oeuvre que le projet des tarots
s'est forcément achevé, pour des raisons logiques et techniques qu'il
serait fastidieux de développer ici. Il y a un ordre pour faire ces choses,
c'est la dimension des cartes par exemple, qui a décidé de celle de leur
gravure écrin et non l'inverse.
Ces éléments biographiques ont pour objectif de montrer la faisabilité
du Projet Didactique de Dürer. Les seules preuves indiscutables sont
mathématiques (géométrie et Kabbale), et ces preuves-là sont
l'essence même du Projet. Dans l'esprit des Anciens montrer et
démontrer sont synonymes.
Vous avez dit Humaniste ?
Le terme fait rêver, au point de se confondre avec “humanité”. Au fait,
que sait-on, et que dit-on de l'humanisme ? Qu'il a pris son essor durant
la Renaissance, profitant d'un soudain engouement pour l'hellénisme,
en particulier pour les courants platoniciens et néoplatoniciens. Sur ce
point précis, quelque chose dérange.
Renseignements pris (article cité par ailleurs, de Henri-Dominique
Saffrey) la culture originelle de ces courant se fonde sur l'apprentissage
de la géométrie, et pas n'importe laquelle. Platon (~424, ~348) est né
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un siècle avant Euclide (~325, ~265), et il fait référence aux
pythagoriciens. Cette géométrie est donc pure géométrie sacrée.
Or l'humanisme décrit dans les manuels n'expose jamais le moindre
principe de géométrie - encore moins sacrée ! A-t-on a affaire à une
culture géométrique sans figures, à une forme inédite d'art conceptuel,
ou encore d'humour au troisième degré ?
Les enjeux politiques sont par trop évidents, et mon but n'est pas
d'entrer en lice sur ce terrain. Mon rôle est de rappeler qu'un chat est
un chat à qui veut parler de chat. Les courants de type platonicien, loin
d'écarter le sacré de leurs préoccupations, cultivent leurs valeurs avec
l'approche qui leur inspire le plus confiance : l'étude de la géométrie. Le
principe de l'unité, qui revient dans tous les discours (depuis Plotin
jusqu'à Paccioli), trouve sa base éducative dans l'expérience du
quadrillage, sur lequel toutes les figures de cet art se construisent.
Cette culture pèsera de tout son poids à la Renaissance quand elle
prendra fait et cause pour l'objectivité de l'héliocentrisme face à la
subjectivité du géocentrisme. Les géomètres du sacré sont des
hommes de raison.
Dans ces conditions, je me sens profondément humaniste !
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DANTE ALIGHIERI
Résumé
Dante Alighieri (1265-1321) est issu d'une famille de petite noblesse.
En 1274, il n'a que neuf ans quand il croise une fille de un an sa
cadette, Bice De Folco Portinari, dont il tombe amoureux. Il reverra
Béatrice deux fois encore, dix ans plus tard, mais sans faire sa
connaissance, sans même lui adresser la parole... C'est pour elle qu'il
écrira la Vita Nuova (la nouvelle vie), et c'est encore elle qui occupera
une place prépondérante dans la Divina Commedia (la « Divine
Comédie ») ! Béatrice se marie avec Simone De Bardi et meurt en 1298
à l'âge de 32 ans. Pendant 10 ans, Dante se perd dans les plaisirs les
plus fugitifs. Ensuite seulement, vers 1307, il commence à écrire la
« Divine Comédie ». Il est alors en exil, et il l'achèvera le texte peu
avant sa mort, en 1321.
À propos de Dante
« Le passage particulièrement intime des reproches de Béatrice, si
poignants, face à une tempête de larmes chez Dante, en pénitence, qui
domine les Cantos XXX et XXXI du Purgatoire, est peut-être le
p r o b l è m e l e p l u s é p i n e u x d e l a « Divine Comédie » . L e s
commentateurs ont versé beaucoup d'encre en essayant de déterminer
la nature exacte des fautes commises par Dante, pouvant justifier une
telle confession, une repentance publique en présence des anges et de
l'Église Militante au sommet de la montagne du Purgatoire. »
Extrait de la revue « Le monde catholique », publié par la Société
missionnaire de Saint Paul Apôtre dans l'État de New York, mai 1954.
Jean Boccace présente Dante comme un libertin, autant dans sa
jeunesse que dans sa maturité, mais cela ne le rend pas forcément
“coupable” d'homosexualité. Les reproches que Dante se fait par
ailleurs à lui-même dans la « Divine Comédie » montrent la définition
exigente que la foi chrétienne imprime à la morale. La rigueur des
moeurs est alors le reflet d'une pensée entièrement dirigée vers Dieu,
où même la philosophie devient suspecte.
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