Carrières - Le Canard de DDS : un monde parfait

Transcription

Carrières - Le Canard de DDS : un monde parfait
DOSSIER
Décryptage
Zoom
Prospective
Se préparer à changer
d’employeur P 16
Progresser tout en restant
technicien P 20
L’offshore, nouvel eldorado
des chefs de projet P 21
Carrières :
DR
c’est le moment de bouger
Après trois années pendant lesquelles les informaticiens sont restés bien au chaud chez
leur employeur – quand ce dernier leur en a laissé la possibilité –, ils se sentent de nouveau
des fourmis dans les jambes. Attention toutefois aux tentatives aventureuses : la reprise
demeure timide, et les entreprises se montrent prudentes dans leurs recrutements. Le
sésame pour changer d’employeur? Aborder son envie de nouveauté comme un vrai projet.
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N° 1045 • 5 novembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE
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| Emploi
Zoom La R&D, refuge
des carrières techniques
Progresser dans sa carrière tout en persévérant dans la filière
technique : dans bien des cas, cette attente de certains
ingénieurs sera déçue. Les entreprises où l’innovation est
essentielle font toutefois exception à la règle.
L
es recettes classiques pour doper
son parcours professionnel, le
passage aux fonctions managériales et la mobilité professionnelle, sont bien connues des ingénieurs. Pourtant, dans certaines
sociétés, et à contre-courant de ces orientations, des informaticiens parviennent
à faire carrière sans s’écarter de la technique. Et sans se voir condamnés à un
surplace au niveau professionnel.
“La progression de carrière des informaticiens s’effectue souvent dans des
entreprises qui ont une vision du marché sur le long terme”, indique Patrick
Johnson, directeur de la division R&D
de Dassault Systèmes. Il peut s’agir de
grands éditeurs, comme Microsoft, ou
de grands comptes (France Télécom,
EADS, Renault), qui font évoluer un certain nombre de technologies et de pratiques industrielles et définissent la stratégie qui en découle. “En conséquence,
leur division R&D occupe une position
clé. Les équipes évoluent alors en fonction des différents projets, des besoins
de leurs clients, du marché et des technologies émergentes.”
Ainsi, la cellule de R&D de Dassault
Systèmes, spécialiste en PLM (Product
Lifecycle Management,gestion du cycle
de vie du produit), mise sur la valorisation de sa filière technique. Dopant la
carrière de ses collaborateurs, elle affiche
Patrick Johnson,
directeur de la
division R&D de
Dassault Systèmes :
“La progression
de carrière des
informaticiens
s’effectue dans des
entreprises qui ont
une vision à long
terme et qui font
évoluer un certain
nombre de
technologies et de
pratiques industrielles
en conséquence.”
un taux de démission presque nul. Généreuse, elle ouvre la promotion interne
à tous ceux qui démarrent, pour autant
qu’ils disposent d’une expertise sur
certaines compétences clés.
Capacités à animer un réseau
Cette connaissance pointue des techniques ne suffit toutefois plus, du fait de
l’évolution des pratiques des équipes de
R&D, amenées à collaborer en permanence avec d’autres laboratoires dans
le monde. “On demande aux équipes
de mettre en avant les qualités suivantes : la passion de l’innovation, la
capacité à animer un réseau, la gestion
des contraintes de temps, l’ouverture
au changement. Sur ce point, les technologies, les marchés et les contextes
clientèles changent. Une extrême réactivité et une forte adaptabilité sont attendues”, note Patrick Johnson.
Attention encore à la spécialisation à
outrance, parfois synonyme de voie sans
issue. Ainsi que le souligne Patrick
Johnson, ce sont plutôt les profils polyvalents qui l’emportent au jeu de la
promotion interne : “Aujourd’hui, on
estime que les carrières qui s’établissent
sur une ou deux compétences seulement
sont dépassées. La compréhension d’un
marché est indispensable à l’exercice
de nos métiers. Et un profil trop axé sur
un domaine d’expertise pourra, à cet
égard, manquer de discernement.”
Dans le monde des services, la progression des profils techniques est certes
plus limitée. Mais pas inexistante. Ainsi,
Edouard Laroche-Joubert, ingénieur
Esiea, entré comme développeur voici
à peine cinq ans chez Steria. Sa première
mission : du développement d’applications à la division transport de la SSII.
Jugeant que ce cadre technique ne correspond pas à son domaine d’expertise,
il rejoint, sur simple demande auprès
de sa DRH, la division télécoms. Deux
années passent, au terme desquelles il
obtient une promotion : en intégrant le
département énergie de la SSII, Edouard
Laroche-Joubert devient architecte en
système d’information. Pas sûr toutefois
que, pour continuer sa progression, l’ingénieur puisse à l’avenir se tenir à distance des tâches managériales. ●
Marc Guillaumot
DOSSIER
PAROLE D’INFORMATICIEN
Edouard Laroche-Joubert,
architecte en système
d’information chez Steria,
cinq ans à peine après avoir
débuté dans la SSII :
“
J’ai pu faire évoluer ma carrière
en mettant en avant mon expertise
technique sur différents types
de projets. Se vendre à l’extérieur
comporte un risque : celui de
retrouver un poste identique,
et de devoir recommencer de zéro.”
DEVENIR MANAGER,
UNE VALEUR SÛRE
our les ingénieurs, le passage
P
aux fonctions d’encadrement
reste le moyen le plus simple pour
assurer une progression de carrière
sans à-coups. Pour familiariser ses
ingénieurs aux techniques de
management, la R&D de Dassault
Systèmes a mis une formation à leur
disposition de façon permanente. Par
ailleurs, le groupe a opté pour une
certaine souplesse de fonctionnement
qui amène les managers à confier à
des techniciens certaines fonctions
d’encadrement. “Grâce à cette
collaboration, un pur technicien
pourra plus facilement mettre
à profit à la fois son savoir-faire
technique et certaines aptitudes
managériales, note Patrick Johnson,
directeur de la division R&D du
spécialiste du PLM. Nos ingénieurs
(des généralistes experts en
ingénierie) débutent à des postes
de conception et de développement
techniques et évoluent vite vers de
nouvelles prises de responsabilités,
au fil des nouvelles technologies
ou du carnet de commandes. De
nouvelles équipes sont rapidement
formées, avec à leur tête de jeunes
chefs d’équipe fraîchement promus.
On continue d’observer des parcours
d’ingénieurs qui passent de la R&D
au support de clientèle, voire
au consulting ou à la finance.”
VÉRONIQUE ARÈNE
20
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1045 • 5 novembre 2004
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DOSSIER
| Emploi
Décryptage Changer d’employeur,
malgré les incertitudes
Pour l’informaticien, se remettre en cause ou à niveau devrait être une seconde nature. Avec le souci toujours
de bouger pour ne pas végéter, même quand la reprise reste incertaine. L’affaire est à considérer comme un
projet personnel, avec analyse préalable de ses atouts et faiblesses, et évaluation des risques.
T
Les recrutements
redémarrent
dans les SSII.
Le signe d’une
embellie, certes
encore timide,
sur le marché
de l’emploi.
Qui relance chez
les informaticiens
des envies
de mobilité
prudemment
laissées en réserve
pendant trois
années de crise.
Marc Guillaumot
domaine fonctionnel, comme la paie,
le marketing, la gestion de production… ; et connaissance, par l’expérience, d’un secteur d’activité tel que la
grande distribution ou la banque). Objectif : montrer qu’on est capable de relier son savoir-faire technique aux objectifs de l’entreprise que l’on sert ou
que l’on cible. Avec la montée en puissance de l’externalisation, mais aussi
16
lignent d’autant plus les DRH et autres
consultants en ressources humaines
que les informaticiens sont réputés peu
enclins à se servir de ces arguments.
“On a beau marteler que l’important est d’identifier l’objectif de l’employeur, voire du patron de service, du
DRH ou du patron technique qui demande du renfort. Malgré tout, en entretien d’embauche, 80 % des candidats
ILS ONT DIT
Jean-Yves Waerenburgh, responsable
du recrutement et de la formation d’Ajilon IT
Consulting : “Un expert Java, architecte J2EE
ou WebSphere trouve à se recaser sous une
semaine. C’est loin d’être le cas pour tous
les chefs de projet.”
DR
Marc Guillaumot
Abandonner l’angle
de la technicité
Certes, pendant ces années de gel de
l’embauche et du turnover, “les informaticiens en place ont gagné en maturité”, reconnaît Bernard Razaghi, PDG
et fondateur de la société de conseil
Net2S. Mais “la volonté de bouger ou de
monter en responsabilité sera plus efficace et positive pour une carrière si elle
n’est pas motivée seulement par un rattrapage en termes de salaires, mais
aussi, très classiquement, par une volonté d’adéquation de la candidature
à la demande du marché”, avance-t-il.
Une recette pour juger de cette adéquation ? Pour Bernard Razaghi, il suffit de jouer sur deux des trois axes principaux du profil d’un informaticien
(compétences techniques ; lien avec un
de l’offshore, la valeur ajoutée de l’informaticien se mesure plus à sa capacité à jouer les interfaces avec la technique. “Elle tient plus au pilotage qu’au
codage”, résume le PDG de Net2S. D’où
l’importance prise par le “savoir-être”
qui englobe cette capacité au pilotage,
à la communication, à l’adaptation au
contexte. Un savoir-être auquel il faut
ajouter le “savoir se présenter”, que sou-
Didier Neyrat, directeur général
de Cadextan : “La volonté de se tenir
au courant des évolutions technologiques
ne peut reposer uniquement sur
les initiatives de son entreprise.”
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1045 • 5 novembre 2004
DR
imide, la reprise ? “En tout cas,
chez les informaticiens, le doute
subsiste. En dehors de quelques
expertises pointues, comme les
spécialistes sécurité, et des salariés de SSII qui se font embaucher par
les entreprises clientes – le classique des
classiques dans la profession ! –, le
turnover reste faible”, confie Françoise
Dissaux-Doutriaux, directrice générale
du cabinet de conseil en ressources
humaines K-Personna. Et pourtant : si
les plans d’embauche des SSII, même
surfaits, reprennent une tournure offensive, avec un tiers des postes offerts
aux débutants, un tiers à destination
des jeunes confirmés et un tiers visant
les anciens capables d’assumer la responsabilité de projets (selon l’estimation du Syntec Informatique), c’est
que la chasse aux talents est bel et
bien rouverte.
“N’oublions pas que la typologie des
recrutements d’une SSII, même et surtout après le ralentissement des trois
dernières années, fait que plus de 50 %
de nos effectifs ont démarré leur carrière chez nous. Ce qui explique leur
souhait légitime d’élargir leur horizon,
que ce soit par la mobilité professionnelle ou intellectuelle, au même poste
mais en travaillant sur d’autres technologies ou d’autres domaines fonctionnels”,note Jean-Yves Waerenburgh,
responsable du recrutement et de la formation de la société de services Ajilon
IT Consulting.
Françoise Dissaux-Doutriaux,
directrice générale
du cabinet K-Personna :
“80 % des candidats ont du mal
à se présenter autrement que sous
l’angle de la technicité.”
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Chiffres clés
PAROLES D’INFORMATICIENS
Taux de turnover dans les SSII et
chez les éditeurs
14%
12%
Turnover
entre
Source : Syntec Informatique
2002
2003
1
1
3
9
4
1
2
3
3
5
1
1
3
4
5
10
7
5
9
6
12
7
6
7
Convenances personnelles
Promotion hiérarchique
5%
6%
4%
Plus d'autonomie
4%
2%
2000
2001
1
2
3
9
4
Désir de rompre avec la routine
8%
8%
0%
2000
Augmentation de la rémunération
Manque d'opportunités en interne
10%
10%
Réponses les plus citées (plusieurs possibles)
Elargissement des responsabilités
13%
et 14%
Source : Apec
16%
Les raisons invoquées par les cadres pour changer
d’entreprise, classées selon leur ordre d’importance
2001
2002
2003
2004
Chez les éditeurs et les SSII, le turnover
repart. Selon le Syntec, les effectifs de la
profession croîtront de 2 % en 2004, soit
4 500 à 5 000 emplois supplémentaires.
Intérêt du travail
Souci de prévenir une menace
Volonté de fuir la pression, le stress
8
6
10
8
8
8
10
Les cadres qui ont cherché à changer d’entreprise, ou qui envisagent
de le faire, veulent d’abord obtenir une meilleure rémunération
(raison constamment placée au premier rang depuis 2000) et élargir
leurs responsabilités.
LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE EN CHIFFRES
42 329
17 %
80 %
C’est le nombre d’informaticiens
demandeurs d’emploi
en France métropolitaine
en juin 2004 (source : ANPE).
Un chiffre en hausse de 2,4 %
par rapport à 2003.
C’est la proportion
de cadres qui ont
vu leur rémunération
reculer
en changeant
d’employeur.
C’est la proportion de cadres qui n’ont pas connu
de changement dans leur vie professionnelle en
2003 (source : Apec). Si plus de 50 % des cadres
ont quitté leur entreprise de leur propre initiative,
les informaticiens sont les plus nombreux à avoir
subi ce départ (dans plus de 75 % des cas).
Sébastien Zimmerman, 28 ans,
ingénieur chez Microsoft :
“
Consultant développeur en SSII
à Rungis, j’ai eu vent d’une
proposition déclinée par un ancien
de mon école : un poste offert par
Microsoft à Seattle. J’ai sauté sur
l’occasion. Actuellement ingénieur
de design logiciel, j’apprécie d’avoir
à résoudre des problèmes
d’envergure mondiale. Mais aussi
d’être jugé sur ce que je sais faire,
et non sur mes diplômes. J’espère,
par la suite, pouvoir m’orienter
vers la recherche.”
Fréderic Cirier, 35 ans,
DSI dans une PME :
“Après des débuts chez Deloitte,
je me suis forgé une double
compétence à l’ESC Nantes,
avant de décrocher un poste dans
la grande distribution. J’ai voulu
gommer mon profil de consultant,
pas assez opérationnel. J’ai,
depuis peu, opté pour des fonctions
– moins rémunératrices –
de responsable des systèmes
d’information dans une PME
industrielle. Pour évoluer, à terme,
vers un poste similaire sur
un périmètre plus important.
”
ont du mal à se présenter autrement que
sous l’angle de la technicité”, regrette
Françoise Dissaux-Doutriaux. Concrètement, passer par l’avant-vente ou
l’après-vente (technico-commercial chez
un prestataire, assistance à maîtrise d’ouvrage ou support utilisateurs au sein
d’une DSI) reste, selon cette consultante, une bonne façon de valoriser son
parcours professionnel dans ce sens.
Bien décidé, pour sa part, à miser sur
le regain de turnover, tant interne qu’externe, Jean-Yves Waerenburgh (Ajilon IT
Consulting) évoque la mise en place
dans sa société d’une charte de mobilité, tenant compte du fait que les
chances ou les risques diffèrent largement d’un profil à l’autre. “Un expert
Java, architecte J2EE ou WebSphere
trouve à se recaser sous une semaine.
C’est loin d’être le cas pour tous les chefs
de projet”, note ce responsable du recrutement. Cette charte destinée à formaliser les thèmes de gestion RH liés à
la mobilité (visibilité des postes ouverts
en interne, accès au bilan de compétences…) sera proposée à tout le personnel. Managers compris. “Si quelqu’un
dans leur équipe a des fourmis dans les
jambes, autant jouer la mobilité interne
plutôt qu’attendre son départ.”
Pour Didier Neyrat, directeur général de Cadextan, filiale de Sungard, prestataire des secteurs financiers et bancaires, la fidélisation va de pair avec
l’évolution des compétences, et surtout
de la double compétence. D’où l’encouragement à la certification – axée
non seulement sur les technologies
(langages, plates-formes de développement), mais aussi sur les aspects fonctionnels (gestion des risques) – voire à
la formation diplômante en cours du
soir (DESS, Cnam). Une démarche qui
vaut même, et peut-être surtout, pour
les sociétés sortant d’un plan social,
comme en témoigne Eric Décisier, DRH
de T-Systems France.
Les SSII chassent
les profils confirmés
L’objectif sous-jacent: inciter chacun
à être acteur de sa carrière. “Si la double
compétence, la compréhension du métier de l’utilisateur, reste l’une des cartes
maîtresses de l’informaticien qui souhaite monter en grade, l’autre atout, à
savoir la vigilance, la volonté de se tenir
au courant des évolutions technologiques, ne peut dépendre uniquement
des initiatives de son entreprise. Et c’est
de plus en plus vrai, compte tenu du
rythme de ces évolutions”, insiste
Didier Neyrat. “L’esprit de veille, cela
fait partie du savoir-être, de l’esprit de
service attendu d’un informaticien”,
ajoute Jean-Yves Waerenburgh.
Et savoir définir précisément les raisons qui poussent à la mobilité relève
également de ce savoir-être comportemental. “Cela doit correspondre à une
démarche personnelle, à considérer et
à mener à la manière d’un projet”,
complète Eric Décisier. A commencer
par la communication que l’on entretient personnellement autour de ses
intentions. “Cultiver son réseau, ça ne
veut pas forcément dire en parler à tout
le monde, mais à quelques personnes
ciblées qui peuvent aider à affiner un
projet”, estime Eric Décisier.
“Se projeter à cinq ans ; parcourir régulièrement les annonces, en tant que
baromètre du marché”, comme le
conseille Guillaume Verney-Caron, gérant et consultant du cabinet Personalis, sont des exercices utiles pour comprendre autant que possible “les règles
du jeu qui mèneront à la situation que
l’on aimerait vivre”. Mais à condition,
là encore, de ne pas se laisser piéger
par le penchant naturel pour la technicité. “L’avantage, en informatique,
c’est que l’on a rarement affaire à des
gens qui sont venus à ce métier par hasard, sans motivation. D’où, en revanche, leur difficulté à ne pas en faire
trop dans leur CV. Alors que celui-ci
doit viser à rassurer. Il doit délivrer au
recruteur le message suivant : j’ai les
compétences qu’il vous faut et pas
trop”, commente ce consultant.
Connaître son marché, c’est aussi se
positionner par rapport aux règles du
Suite page 18 ➤
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Christophe Mahaut, 33 ans,
qui évolue depuis près de dix ans
dans un grand groupe :
“
J’ai rejoint L’Oréal en 1995. En
2000, de chef de projet, je suis
passé à la direction des opérations
au Portugal. De retour en France
en 2002, j’ai pris des fonctions de
responsable système d’information
logistique et distribution. Avant de
décoller pour Miami pour y animer
la centrale de distribution, avec un
projet de réorganisation logistique
à la clé. L’Oréal est avant tout
un réseau de PME qui offre
de multiples possibilités.”
Yves Crémel, 31 ans, expert base
de données chez Coframi :
“J’ai débuté chez GFI à
Montpellier, puis à Toulouse,
jusqu’à devenir chef de projet
dans le domaine de l’aéronautique
et du spatial. En intercontrat au
printemps 2004, j’ai été embauché
en juin dernier par Coframi en tant
qu’expert base de données Sybase
pour un projet spatial européen.
Une mission qui demande de
fréquents déplacements en
Allemagne. De quoi étendre mes
compétences et démontrer ma
capacité d’adaptation.
”
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| Emploi
ILS ONT DIT
➤ jeu technico-économique présidant aux
MIEUX VAUT
RESTER PRUDENT
Saïd El Inkichari, PDG du cabinet General
Europe Consultants : “On ne s’autoproclame
pas architecte quand on n’a que deux ans
d’expérience.”
ingulier marché de l’emploi
S
que celui des informaticiens :
“hyper-réactif à la hausse, mais
DR
relations entre prestataires et directions
informatiques des entreprises. “Si les
SSII, secteur école jusqu’à présent, s’intéressent aujourd’hui autant que les DSI
aux profils d’ingénieurs confirmés, immédiatement opérationnels et justifiant d’une première expérience significative de management de projet, c’est
aussi parce qu’après les difficultés, voire
l’abandon de très gros projets, le retour aux projets séquentiels, plus maîtrisables, intensifie la demande pour
ce type de profil. Et c’est le décor dans
lequel évoluent 80% des informaticiens
entre 26 et 35 ans”, constate Jacques de
Poix, directeur du cabinet de conseil en
ressources humaines Norma Consulting, Ce que ne reflètent que trop rarement, selon lui, les souhaits de mobilité et les CV qui les expriment.
“Les atouts d’un CV accrocheur, ce
ne sont pas les vingt logiciels maîtrisés dans son parcours. Il s’agit plutôt
de démontrer que, si l’on a été formé
pour conduire une deux-chevaux, on
est capable des années après de se
mettre au volant d’une grosse voiture.
Et, en codicille, de citer les technologies que l’on a utilisées et qui le prouvent”, résume Jacques de Poix.
Savoir ne pas noyer le message serait,
en définitive, l’une des facettes essentielles de la valorisation d’une candidature… tant en interne qu’en externe.
Jacques de Poix, directeur du cabinet de
conseil RH Norma Consulting : “Les SSII
s’intéressent aujourd’hui, autant que les
DSI, aux profils d’ingénieurs confirmés,
immédiatement opérationnels.”
“Un CV se retrouve dans une pile. Le
chargé de recrutement en optimise le
traitement en passant le minimum de
temps requis pour repérer l’essentiel”,
rappelle Saïd El Inkichari, PDG du
cabinet spécialisé General Europe
Consultants. Et de conseiller : “En haut
du CV, dire qui vous êtes, le nom et une
description rapide : ingénieur Java
J2EE, 4 ans d’expérience, anglais courant. En tout cas, un titre standard re-
DR
DOSSIER
connu du genre DBA Oracle, et non
consultant technique en bases de données. En veillant à la cohérence du propos : on ne s’autoproclame pas architecte quand on n’a que deux ans
d’expérience.”Attention, enfin, à ne pas
négliger la lettre d’accompagnement :
“Le CV, c’est le passé ; les dix lignes
qui l’accompagnent, c’est la volonté à
venir”, conclut Jacques de Poix. ●
aussi beaucoup plus défavorable
que ceux des autres ingénieurs
et cadres lorsque la conjoncture
est mauvaise”, remarque
Jean-Pierre Fine, secrétaire
général de l’Apec (Association
pour l’emploi des cadres).
Pour qui la toute relative mobilité
de cette population des
informaticiens durant la crise
a été directement liée aux
licenciements et aux menaces
sur l’emploi. “Et la situation
n’est encore guère propice
au changement d’employeur”,
prévient-il. Même son de cloche
chez Michael Page. “La reprise
n’est pas franche, en dépit
des plans de recrutement annoncés
dans certaines SSII. La mobilité
est d’autant plus délicate que
la période d’essai est redevenue
une vraie période de test”,
estime Yann Fessard de Foucault,
directeur de la division
informatique du cabinet
de recrutement.
ANNE-MARIE ROUZERÉ
Les seniors cherchent leur place sur un marché peu favorable
aute de mieux, beaucoup
d’informaticiens seniors se
réfugient dans de nouvelles
formes d’emploi. Pour durer,
ils doivent cultiver une spécialité.
Et accepter de gagner moins.
C’est un fait : le marché de
l’emploi informatique, toujours
peu actif, n’est guère favorable
aux seniors. “Ces profils ne
correspondent pas aux attentes
des entreprises, confirme Annie
Pierson, consultante chez Bernard
Riquier Conseil. Excepté pour des
postes de management de haut
niveau.” Lesquels sont plutôt rares.
Les chiffres sont accablants.
En effet, “de 80 à 90 % des
intercontrats chez Ajilon
concernent des seniors”, constate
Philippe Fresse, directeur général
de l’entité dédiée au recrutement
(Ajilon Recruiting) de la société.
Le phénomène n’est certes pas
propre à l’informatique. Le cabinet
QuinCadres, exclusivement
positionné sur les profils seniors,
ne réalise que 10 % de son activité
sur les recrutements en CDI.
“Le reste concerne la réalisation
de missions, en CDD, intérim ou
délégation de personnel”, précise
son PDG, Olivier Spire. “C’est une
18
DR
F
Jean-Pierre Fine, secrétaire général
de l’Apec : “Pour durer, mieux vaut cultiver
une spécialité, conserver une dimension
opérationnelle dans un domaine.”
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1045 • 5 novembre 2004
tendance lourde chez les seniors
en général et chez les
informaticiens en particulier,
du fait d’un certain jeunisme
dans la profession”, ajoute-t-il.
D’où l’adoption croissante
(souvent faute de mieux)
de nouvelles formes d’emploi :
de l’intérim à l’indépendance
pure et simple, en passant par
le portage salarial et le travail
à temps partagé, qui permet
aux intéressés de mettre leurs
compétences au service
de plusieurs employeurs,
en privilégiant le salariat (voir
LMI n° 1035). “Des formules pour
l’instant trois fois plus utilisées par
les seniors que par le reste de la
population active et qui devront,
à terme, être réglementées”, observe
Jean-Pierre Fine, secrétaire général
de l’Apec. Et les professionnels du
recrutement de revenir sur l’intérêt
que pourrait présenter le fameux
contrat de mission, précisément
pour les informaticiens seniors…
Non pas que ces derniers
n’aient plus leur place au sein
des entreprises. Mais encore
doivent-ils être capables de durer
dans ce métier. “Les ingénieurs,
informaticiens ou non, ont intérêt
à cultiver une spécialité,
à conserver une dimension
opérationnelle dans un domaine”,
soutient le secrétaire général
de l’Apec. Le danger vient
de l’abandon progressif des
compétences initiales et de
l’acquisition, au fil du temps, d’un
profil plus généraliste. Pour lequel
les entreprises n’ont que l’embarras
du choix, pour moins cher !
Un avis partagé par Yann Fessard
de Foucault, directeur de la
division informatique de Michael
Page : “Les seniors s’en sortent
dès lors qu’ils ont su construire
leur carrière et développer une
expertise très fine, technique ou
fonctionnelle. On a aujourd’hui
besoin de chefs de projet PGI
ayant une compétence
en comptabilité/gestion ou
en ressources humaines, d’experts
en sécurité, d’architectes…”
Mais conserver (ou retrouver)
un poste en CDI passé 45-50 ans est
une autre paire de manches ! Il y a
dix ans, les recruteurs prétextaient
l’obsolescence des compétences des
seniors pour les écarter. “L’argument
n’est plus valable, souligne JeanPierre Fine. Le problème, ce sont
les niveaux de salaires.”
H. T.
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Paradoxalement, l’offshore peut représenter une opportunité
pour les informaticiens français, surtout les profils
expérimentés. Mais, avant de partir, il faut évaluer des facteurs
familiaux, professionnels et… préparer son retour en France.
L
e phénomène de l’offshore peutil offrir, contre toute attente, des
débouchés aux informaticiens
français ? Avec la création de
centres de développement, de filiales et d’agences de SSII françaises, des
opportunités se présentent dans des
pays proches, comme l’Espagne, les pays
d’Europe de l’Est et du Maghreb. Appelées “nearshore”, ces destinations voisines sont susceptibles d’intéresser
des ingénieurs, et plus particulièrement
les profils confirmés. Les chefs et directeurs de projet ont ainsi la possibilité
de prendre en charge les filiales délocalisées. Mais, si cette opportunité peut
constituer un tremplin pour une carrière, elle ne va pas sans risque.
Une grande autonomie
Le départ est souvent synonyme de
promotion professionnelle. Celle-ci se
traduit par l’acquisition de compétences
managériales, une grande autonomie et
l’accès aux niveaux décisionnels de l’entreprise. “A Paris, j’étais un directeur de
projet parmi d’autres, raconte Pierre
Thomas, directeur des projets offshore
de SQLI. Ici, au Maroc, mon président
m’appelle toutes les semaines pour faire
le point.” Pour autant, l’offshore ne provoque pas une progression de salaire significative. Directeur de l’agence barcelonaise de Teamlog, Eric Lemeilleur est
détaché et reste un salarié français. “Ce
n’est pas le statut le plus avantageux”,
remarque-t-il. Bien qu’expatrié, Sylvain
Bernolle, directeur de la filiale tchèque
de Devoteam, observe que son départ
n’a pas été “l’occasion d’une renégociation de salaire”, même s’il concède
“un gain en pouvoir d’achat”.
Pour décrocher ces postes, une première expérience à l’étranger reste un
DR
Prospective Rebondir
grâce à l’offshore
Les locaux
de SQLI à Rabat
(Maroc).
L’encadrement
des équipes
locales par des
managers
habitués aux
méthodes
de travail de la
société
constitue une
opportunité
pour des chefs
ou directeurs de
projet français.
critère déterminant. A défaut, une partie des études effectuée hors de France
ou des racines sur place. “Les gens qui
ne connaissent pas le pays ne sont
pas choisis, remarque Jean Thily, en
charge de l’informatique au cabinet
de recrutement Alexandre Tic. Afin
d’éviter qu’ils repartent au bout d’un
mois.” Sylvain Bernolle avait ainsi
déjà travaillé avec la République
tchèque pour son employeur et également passé deux ans sur place en
qualité de VIE (volontaire international en entreprise).
PAROLES D’INFORMATICIENS
Pierre Thomas, directeur de
l’agence marocaine de SQLI :
Eric Lemeilleur, directeur de
l’agence barcelonaise de Teamlog :
Mon poste consiste à gérer
l’agence de Rabat (une vingtaine
d’employés) et à diriger des projets
pour nos clients français. Même si je
préfère la gestion de projet, je
consacre 60 % de mon temps à la
partie managériale. Le fait de parler
la même langue est trompeur, car il
subsiste des différences
culturelles.”
“A Barcelone, je dispose d’une
autonomie importante et je rends
compte à un niveau élevé : par
exemple sur la masse salariale
globale et non pas par contrat. La
société apprend à travailler en
Espagne : quand nous sommes
arrivés, nous étions les seuls à
proposer des CDI au lieu de
contrats de mission.
“
”
Jeunes diplômés : des destinations à salaire réduit
www.weblmi.com
son expérience espagnole “très
enrichissante”, les recruteurs sont
sceptiques. “Je ne crois pas au
développement du nearshore à
l’étranger pour les jeunes diplômés”,
juge Dominique Galet, du cabinet
de recrutement Michaël Page.
Lionel Launé,
24 ans et
diplômé en
2003, a tenté
l’aventure du
nearshore et
a signé un
contrat avec
la filiale
espagnole de
Teamlog. Aux
conditions
locales.
DR
L
e nearshore n’est pas la panacée
pour les débutants et les jeunes
diplômés. Pourtant, dans une
période difficile pour l’emploi, le
départ à l’étranger pourrait faire
figure d’alternative au chômage.
Lionel Launé, 24 ans et ingénieur
diplômé en septembre 2003 de
l’Université Paris-Sud Orsay, a tenté
l’aventure. “Après mon diplôme,
j’avais déjà envie d’aller à
l’étranger. J’ai néanmoins cherché
en France un travail dans ma
spécialité [science et génie des
matériaux avec tronc commun en
informatique, NDLR], mais il y avait
peu de débouchés. Un ami m’a
signalé une offre de Teamlog à
Barcelone et j’ai ainsi débuté dans
le support système en janvier 2004.”
Même si le jeune ingénieur trouve
Responsable de l’agence
marocaine de SQLI, Pierre Thomas
n’a encore “jamais eu de
candidature d’ingénieurs français
débutants”. Car, pour l’instant, les
opportunités sont rares et la
concurrence locale est rude. Ainsi,
selon Sylvain Bernolle, directeur de
la filiale tchèque de Devoteam, les
ingénieurs locaux sont très bien
formés et moins chers que leurs
homologues français. Et c’est bien là
que résident les limites du
nearshore. Contrairement aux
profils confirmés, les jeunes
diplômés signent un contrat local,
avec tous les inconvénients
associés : salaires inférieurs de 35 %
en Espagne, de 50 % au Maroc,
moins de congés payés et plus
d’heures de travail.
M. DI R.
Autre facteur décisif: la connaissance
des méthodes de l’entreprise française
et la confiance de la part des décideurs. “Teamlog m’a proposé de
prendre la tête de l’agence barcelonaise en juin 2004 [115 personnes,
NDLR], alors que je n’avais pas d’expérience à l’étranger et que je ne connaissais pas la langue, explique Eric Lemeilleur. Ma direction avait vraiment
confiance en moi.” Mais, jusqu’à son
départ, il avait en France la charge de
l’activité qu’il pilote aujourd’hui depuis la Catalogne (support pour un
grand constructeur). Dans d’autres
cas, la demande provient du salarié. Par
exemple, Pierre Thomas, installé à
Rabat depuis janvier dernier, a posé sa
candidature en septembre 2003. “Si on
fait venir des Français, c’est pour qu’ils
travaillent avec les méthodes de SQLI.
De plus, ajoute-t-il, une entreprise n’expatrie pas un cadre dont elle n’est pas
tout à fait satisfaite.”
Les difficultés du retour
Mais ces nouvelles responsabilités
s’accompagnent de quelques sacrifices.
“Ne partez pas pour les palmiers et la
douceur de vivre. Dans la plupart des
pays, vous travaillerez plus qu’en
France”, avertit Jean Thily. D’autre part,
le nouvel arrivant est confronté à un
isolement professionnel. “Seul à ce niveau de responsabilité, alors que nous
étions trois à postes équivalents à Grenoble, je regrette les discussions informelles sur nos expériences respectives”,
déplore Eric Lemeilleur.
Eloigné, l’expatrié se coupe de son réseau français. Et sa connaissance du
marché français s’étiole. “Sans que l’on
s’en rende compte, on est imprégné par
le management et la culture du pays”,
analyse Saïd Elinkichari, directeur du
cabinet de recrutement Générale Europe consultants (GEC). Jean Thily
confirme : “S’ils sont partis depuis plus
de quatre ans, les expatriés seront déphasés avec le marché de l’emploi
français à leur retour.” Plus dure sera la
chute. “Il est difficile de revenir à un niveau de vie de cadre alors que l’on était
dirigeant et de rentrer dans le rang avec
un champ d’action plus limité.” ●
MARC DI ROSA
N° 1045 • 5 novembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE
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