La réglementation sur les médicaments pédiatriques: un jeu d`enfant?
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La réglementation sur les médicaments pédiatriques: un jeu d`enfant?
Dossier: Legal Focus Pharmaceuticals La réglementation sur les médicaments pédiatriques: un jeu d’enfant? Benito Boone (Avocat, Crowell & Moring, Bruxelles) L e 14 décembre 2000 (1), le Conseil de l’Union européenne a officiellement invité la Commission européenne à suivre l’exemple américain et à «faire dans les meilleurs délais des propositions appropriées (…) de mesures (…) pour que les nouveaux médicaments et les médicaments déjà commercialisés pour les enfants soient pleinement adaptés aux besoins spécifiques de cette partie de la population». In fine, cette résolution a abouti à la publication du Règlement n° 1901/2006/ CE relatif aux médicaments à usage pédiatrique (2), en vigueur depuis le 26 janvier 2007… de 0 à 19 ans représentaient déjà pas moins de ± 22% (± 84 millions) de l’ensemble de la population de l’UE. Suite aux vagues successives d’élargissement, cette catégorie vulnérable de la population a encore connu une croissance exponentielle, dépassant largement le nombre de 100 millions d’enfants. Benito Boone HE0197F_2009 Introduction A l’époque où l’Union européenne ne comptait encore que 15 Etats membres, c’est-à-dire avant les élargissements de mai 2004 (+ 10 Etats membres) et de janvier 2007 (+ 2 Etats membres), les enfants 1 dire en dehors des indications officiellement approuvées (administration d’une posologie déterminée à un adulte). C’est à la lumière de ces constats que, le 14 décembre 2000 (1), le Conseil de l’Union européenne a officiellement invité la Commission européenne à suivre l’exemple américain et à « faire dans les Il était toutefois désolant de constater qu’entre 50% et 90% des médicaments administrés à ces enfants n’avaient jamais été ni testés ni approuvés pour un usage spécifique dans ce groupe cible. Or, il existe un consensus médical sur l’impossibilité d’extrapoler inconditionnellement aux enfants l’effet qu’un médicament exerce sur les adultes. Certaines maladies étant typiquement infantiles et l’assimilation d’un médicament étant différente chez le sujet pédiatrique, il n’est pas toujours possible de calculer la posologie requise pour un enfant au départ de la posologie en vigueur chez l’adulte. Dès lors, les médecins n’avaient souvent d’autre choix que de prescrire les médicaments disponibles sur le marché pour un usage off-label, c’est-à- z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6 meilleurs délais des propositions appropriées (…) de mesures (…) pour que les nouveaux médicaments et les médicaments déjà commercialisés pour les enfants soient pleinement adaptés aux besoins spécifiques de cette partie de la population». In fine, cette résolution a abouti à la publication du Règlement n° 1901/2006/CE relatif aux médicaments à usage pédiatrique (2), en vigueur depuis le 26 janvier 2007. Les objectifs du Règlement Le fait que près de 4 années se soient écoulées entre, d’une part, la Résolution du Conseil invitant la Commission à prendre «dans les meilleurs délais» des mesures dans le cadre des médicaments pédiatriques et, d’autre part, la première proposition introduite par la Commission européenne auprès du Parlement européen (3), est fortement lié aux sensibilités qui vont de pair avec le sujet. Le Règlement est le résultat de longues négociations, parfois pénibles. Les essais cliniques sur les enfants, qui sont 2 d’ailleurs – dans la pratique – essentiellement conduits sur des jeunes adultes, prennent en effet plus de temps, sont plus onéreux et sont parfois considérés comme contraires à l’éthique. Il faut en outre avouer que l’extension des indications d’un médicament à la population pédiatrique n’est pas rentable en soi. C’est la raison pour laquelle le Règlement prévoit à la fois des obligations (l’obligation de présenter des indications et/ou plans d’investigation pédia- Les essais cliniques pédiatriques sont – dans la pratique – essentiellement conduits sur des jeunes adultes, prennent plus de temps, sont plus onéreux et sont parfois considérés comme contraires à l’éthique. triques) et des incitations (prorogation de la protection par brevet ou de l’exclusivité commerciale) pour l’industrie pharmaceutique afin de garantir qu’à l’avenir, la grande majorité des médicaments disponibles sur le marché soient également autorisés pour un usage pédiatrique. De manière générale, cette initiative législative vise à améliorer la santé des enfants en Europe, en mettant un accent particulier sur les cinq objectifs concrets suivants: • intensification du développement de médicaments à usage pédiatrique; • garantie de recherches fiables sur les médicaments utilisés pour traiter les enfants; • garantie d’autorisation pour usage pédiatrique des médicaments utilisés pour traiter les enfants; • amélioration des informations disponibles sur l’usage pédiatrique de médicaments; • réalisation de ces objectifs sans exposer des enfants à des essais cliniques inutiles, en parfaite conformité avec la réglementation européenne sur la recherche clinique (Directive 2001/20/CE). z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6 Pour atteindre ces objectifs, le Règlement s’articule grosso modo autour de trois piliers: • réunion et génération d’expertise en matière de médicaments pédiatriques via la création d’un Comité pédiatrique (Paediatric Committee ou PDCO) au sein de l’Agence européenne des médicaments (EMEA); • approbation préalable d’un Plan d’investigation pédiatrique (Paediatric Investigation Plan ou PIP); • octroi de récompenses et incitations aux entreprises qui font de la recherche dans le domaine des médicaments à usage pédiatrique, qu’il s’agisse de médicaments protégés par brevet ou de médicaments qui ne sont plus couverts par un brevet. ture d’un formulaire de consentement éclairé par les participants, etc.), toute une série de conditions spécifiques aux essais cliniques sur des enfants. En Belgique, l’article 7 de la loi du 7 mai 2004 relative à l’expérimentation humaine prévoit, outre l’application des conditions pour la réalisation d’études et d’essais sur des adultes, toute une série de conditions spécifiques aux essais cliniques sur des enfants. risque et le degré d’inconfort doivent être expressément définis et revus périodiquement; • le comité d’éthique qui a rendu l’avis sur le protocole mis en place pour l’expérimentation doit compter au moins deux pédiatres parmi ses membres ou avoir consulté deux pédiatres sur les problèmes cliniques, éthiques et psychosociaux du protocole liés à la pédiatrie; • aucun encouragement ni avantage financier n’est accordé au mineur, à ses parents ou à son tuteur, hormis des «compensations». Le plan d’investigation pédiatrique (PIP) Calendrier de la procédure de demande pour un PIP Le Comité pédiatrique (PDCO) Le PDCO, qui s’est réuni pour la première fois le 4 juillet 2007, est essentiellement chargé d’évaluer et d’approuver les plans d’investigation pédiatrique (PIP) et les éventuelles dérogations (waiver) et demandes de report (deferral) de ces PIP (cf. infra). Le PDCO est en outre habilité à contrôler le respect des plans d’investigation pédiatrique et peut, sur demande, évaluer les résultats des essais. Dans toutes ses activités, le PDCO doit vérifier que la recherche conduite sur des enfants est susceptible d’apporter des bénéfices thérapeutiques considérables. Dans ce contexte, le PDCO doit s’assurer que toute recherche inutile soit évitée et que l’autorisation de médicaments pour d’autres populations ne soit pas ralentie par les nouvelles consignes en recherche pédiatrique. Parallèlement, le PDCO doit veiller au respect des prescriptions communautaires déjà en vigueur, dont la Directive 2001/20/ CE (sur la recherche clinique). L’article 1 du Règlement étend dès lors explicitement le champ d’action de la Directive 2001/20/CE aux études conduites sur des sujets pédiatriques. En Belgique, cette Directive a été traduite dans la loi du 7 mai 2004 relative à l’expérimentation sur la personne humaine. L’article 7 de cette loi prévoit, outre l’application des conditions pour la réalisation d’études et d’essais sur des adultes (par ex. avis d’un comité d’éthique, signa- 3 En Belgique, toute expérimentation (4) faite sur des mineurs doit impérativement remplir les conditions suivantes en plus des conditions générales: • le consentement éclairé des parents ou du tuteur du mineur, et du mineur en personne (en tenant compte de son degré de maturité); • un lien direct entre l’expérimentation et la condition clinique du mineur, ou l’expérimentation est de telle nature qu’elle ne peut être conduite que sur des mineurs (dans le cadre du Règlement, cette 2e condition sera toujours automatiquement remplie car l’étude vise précisément l’extension à une indication pédiatrique); • l’expérimentation est essentielle pour valider les données obtenues soit lors d’expérimentations sur des sujets qui ont donné leur consentement, soit par d’autres méthodes d’investigation, et des avantages directs résultant de l’expérimentation sont obtenus pour le groupe de patients; • les risques pour le mineur, prévisibles dans l’état actuel des connaissances scientifiques, ne sont pas hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ce mineur; • l’expérimentation a été conçue pour minimiser la douleur, les désagréments, la peur et tout autre risque prévisible tenant compte de la maladie et du niveau de développement, et le niveau de Très tôt dans la phase de développement d’un médicament, et plus précisément après les essais (toxicologiques et pharmacologiques) précliniques mais avant les essais cliniques de phase I, toute firme qui a l’intention d’introduire une demande d’autorisation de mise sur le marché doit présenter à l’EMEA une demande d’approbation de PIP. Le cas échéant, elle demande une dérogation ou un report du PIP. Dans les trente jours qui suivent la réception de cette demande, l’EMEA transmet la demande de PIP au PDCO, ou invite éventuellement le demandeur à fournir les informations manquantes. Ensuite, le PDCO approuve la demande dans les soixante jours ou propose au demandeur de modifier le PIP, le délai étant alors prolongé de soixante jours supplémentaires. L’avis du PDCO est notifié dans les 10 jours au demandeur, qui dispose alors de trente jours pour éventuellement contester l’avis auprès de l’EMEA même. Le PDCO dispose alors à nouveau de trente jours pour revoir ou confirmer son avis. L’avis devient définitif si aucune demande de révision n’est introduite dans les trente jours suivant la réception de l’avis du PDCO ou si le PDCO rejette ou adjuge la demande de révision. L’EMEA prend une décision concernant le PIP dans les 10 jours qui suivent l’avis définitif. En théorie, une demande de PIP peut donc prendre entre 4 et 7 mois, mais la procédure dure parfois plus longtemps en réalité. z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6 Ce qui est étonnant, dans ce contexte, c’est que là où les AMM centrales sont octroyées par la Commission européenne sur avis de l’EMEA, l’EMEA possède son propre pouvoir décisionnel pour l’approbation d’un PIP et que la Commission européenne n’intervient pas du tout dans le processus. Ce pouvoir souligne encore davantage l’important rôle que jouera l’EMEA et, par extension le PDCO, dans la recherche pédiatrique. La possibilité d’obtenir une dérogation ou un report de PIP L’avis du PDCO est toujours négatif lorsque la demande entre en considération pour une dérogation (waiver). En effet, tous les médicaments développés pour les adultes n’étant pas adaptés ou nécessaires au traitement des enfants, un système de dérogation a été prévu pour éviter les expérimentations inutiles sur des sujets pédiatriques. Ces dérogations s’appliquent soit par produit, soit par catégorie. Les dérogations peuvent notamment être octroyées quand: • le médicament ou la catégorie de médicaments n’est pas efficace ou sans danger dans l’ensemble de la population pédiatrique ou dans une partie de celle-ci; • la maladie ou l’affection que combat le médicament ou la catégorie de médicaments touche exclusivement les adultes; • le médicament ne produit aucun bénéfice thérapeutique considérable par rapport aux traitements disponibles pour les patients pédiatriques. Les dérogations par catégorie sont publiées par le PDCO sur le site web de l’EMEA (la première liste date du 14 juillet 2008). Les dérogations sont possibles pour un ou plusieurs sous-ensembles précis de la population pédiatrique, pour une ou plusieurs indications thérapeutiques précises ou pour une combinaison de sous-ensembles et d’indications thérapeutiques précise. Parfois, la réalisation d’études sur des enfants est plus appropriée lorsqu’il existe déjà une certaine expérience dans l’administration d’un produit à des adultes. Il arrive également que des études sur des enfants durent plus longtemps que les études sur des adultes. Un système de reports (deferral) a dès lors été prévu pour ces cas précis. 4 Le 24 septembre 2008, la Commission européenne a publié les lignes directrices détaillées (5) auxquelles un PIP doit se conformer, incluant notamment une description précise des cas dans lesquels des dérogations (partie C des lignes directrices) ou des reports (partie E des lignes directrices) peuvent être demandés et accordés. Les autorités compétentes des Etats membres mêmes (procédure décentralisée) ou l’EMEA (procédure centralisée) sont chargées d’étudier si le demandeur a rempli toutes les conditions imposées par le PIP lors de l’introduction effective de la demande (de modification) d’autorisation de mise sur le marché pour un médicament. Bien que des prorogations de certificat complémentaire de protection (CCP) puissent déjà être demandées. Le législateur belge n’a pas encore prévu de taxes ni de formulaires de demande spécifiques pour l’introduction de ces requêtes auprès de l’OPRI. Depuis le 26 juillet 2008, toutes les demandes concernant des nouveaux médicaments doivent impérativement reprendre – en plus des données usuelles – les résultats obtenus en vertu d’un PIP approuvé ou d’une décision de dérogation ou de report du PIP. Depuis le 26 janvier 2009, toutes les demandes de modification de médicaments déjà autorisés, entre autres les demandes concernant une nouvelle indication, une nouvelle forme pharmaceutique ou un nouveau mode d’administration, doivent également reprendre les informations susmentionnées. Lors de la publication de l’autorisation de mise sur le marché (modifiée), la déclaration de conformité au PIP sera également incluse. Cette autorisation de mise sur le marché avec déclaration de conformité peut être transmise aux autorités compétentes en matière d’attribution des brevets pour, le cas échéant, obtenir une prorogation du certificat complémentaire de protection (CCP) (6) (cf. infra). Pour les médicaments génériques, les biosimilars (c.-à-d. les médicaments biologiques similaires à un médicament biologique de référence), les médicaments dits de well established use (c.-à-d. les médicaments autorisés selon la procédure de l’usage médical bien établi, dont l’efficacité est largement prouvée sur la base de dix années d’usage médical au sein de l’UE), les médicaments homéopathiques et les médicaments traditionnels à base de plantes, il n’est toutefois pas nécessaire de demander un PIP (ni une dérogation ni un report de PIP). Les incitations et récompenses (prorogation du brevet ou de l’exclusivité) Prolongation de la protection par brevet L’incitation la plus attrayante à première vue concerne les nouveaux médicaments et les médicaments autorisés qui sont toujours couverts (ou peuvent toujours être couverts) par un brevet et par un CCP y associé. En effet, la durée du CCP de ces médicaments est prolongée de six mois si: • toutes les mesures prévues dans le PIP ont été respectées; • le médicament est autorisé dans l’ensemble des 27 Etats membres; • les informations pertinentes concernant les résultats des études sont reprises dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Pour pouvoir bénéficier de cette prolongation, le titulaire du brevet ou son mandataire doit demander, au plus tard six mois avant l’échéance du CCP, la prorogation du CCP auprès de l’autorité compétente, en l’occurrence (pour la Belgique) l’Office de la Propriété intellectuelle (OPRI) du SPF Economie. A partir du 26 juillet 2012, la demande de prorogation devra même être z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6 introduite au plus tard deux ans avant l’échéance du CCP. Cette exigence sera peut-être vidée de tout son sens du fait que toutes les autorités compétentes ne parviennent pas à respecter minutieusement les délais légaux pour l’autorisation de médicaments. Il n’est pas exclu qu’un titulaire de brevet ne puisse introduire sa demande de prorogation du CCP six mois ou deux ans avant l’échéance de ce dernier suite à l’attribution tardive de l’autorisation de mise sur le marché. Si le CCP n’a pas encore été accordé au moment où sa prorogation devient possible, la prorogation peut être demandée en même temps que le CCP en question. Dans tous les cas, le titulaire du brevet qui demande la prorogation doit annexer à sa requête la déclaration, faite par l’autorité compétente, attestant de la conformité au PIP ainsi que – s’il ne s’agit pas d’une autorisation de mise sur le marché centralisée – la preuve de l’autorisation (de l’indication pédiatrique) du médicament obtenue dans l’ensemble des 27 Etats membres. Le titu- 5 laire du brevet a droit à cette prorogation, même si les études conduites en vertu du PIP n’ont finalement pas abouti à l’autorisation d’une indication pédiatrique, à condition toutefois que les résultats de ces études apparaissent d’une manière ou d’une autre dans la notice scientifique. Bien que ces prorogations de CCP puissent déjà être demandées, force est de constater que le législateur belge n’a pas encore prévu de taxes ni de formulaires de demande spécifiques pour l’introduction de ces requêtes auprès de l’OPRI. Sans oublier que la nouvelle application du CCP a déjà rencontré ses premiers problèmes sur le terrain. Le 14 avril 2008 (7), l’Intellectual Property Office britannique a ainsi attribué pour la première fois – à l’encontre de la vision de la Commission européenne – un CCP avec un délai négatif de -3,5 mois (8). Selon l’UKIPO, ce serait la seule manière pour le titulaire du brevet concerné de pouvoir demander utilement une future éventuelle prorogation de 6 mois de son CCP suite à l’introduction d’une indication pédiatrique. La prolongation du CCP n’est pas possible pour les ‘médicaments orphelins’ (9) autorisés en application du Règlement 141/2000, et ne peut être cumulée avec l’année supplémentaire d’exclusivité commerciale (10) que le demandeur a requise et obtenue en démontrant que l’indication pédiatrique offre un important bénéfice clinique par rapport aux traitements existants. Deux années supplémentaires d’exclusivité commerciale pour les médicaments orphelins Les médicaments orphelins, qui ne sont souvent pas protégés par un brevet en raison de leur nature spécifique, ne bénéficient pas de la possibilité de demander une prorogation d’un éventuel CCP. Le législateur européen a jugé plus opportun de promettre en récompense une exclusivité commerciale supplémentaire de deux ans, en plus des 10 années déjà en vigueur, si le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament orphelin a réalisé z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6 les études pédiatriques nécessaires conformément à un PIP approuvé. Les AMM concernant les médicaments orphelins sont toujours centralisées au sein de l’EMEA. L’autorisation de mise sur le marché en vue d’un usage pédiatrique (PUMA) En ce qui concerne les médicaments qui ont déjà reçu une AMM mais qui ne sont plus couverts par un brevet, le législateur européen a prévu l’incitation consistant en l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché pédiatrique à part entière, assortie de l’exclusivité commerciale complète de 10 ans (11) (avec la possibilité d’une année supplémentaire de protection en cas de nouvelle indication allant de pair avec un avantage clinique important). Cette autorisation a ceci de particulier qu’elle est aussi ouverte aux titulaires d’autorisations de mise sur le marché pour des médicaments génériques. C’est qu’une demande de PUMA peut également faire référence aux données sous-jacentes d’un médicament autorisé pour les adultes, et que le génériqueur qui demande une PUMA doit conduire uniquement les essais cliniques conformes au PIP approuvé. Notons encore une incitation complémentaire particulière pour ce nouveau type d’autorisation: le demandeur d’une PUMA peut utiliser la même dénomination commerciale pour son médicament pédiatrique que celle attribuée au médicament (de référence) autorisé chez les adultes, peu importe que les titulaires des autorisations de mise sur le marché soient les mêmes ou non. Le médicament pédiatrique peut ainsi profiter de la renommée du médicament autorisé. Il s’agit tout de même d’une exception notable au droit des marques, qui entraînera très probablement les difficultés que l’on peut imaginer dans la pratique. Contrairement aux autres incitations mentionnées plus haut (prorogation du CCP et prolongation de deux ans de l’exclusivité commerciale pour les médicaments orphelins), l’octroi d’une PUMA avec prolongation de l’exclusivité commerciale n’est pas soumise à la condition d’obtenir cette autorisation particulière dans l’ensemble des 27 Etats membres de l’Union. L’avenir nous dira si la PUMA portera ses fruits. Quoi qu’il en soit, la possibilité de 6 demander une PUMA existe légalement depuis le 26 juillet 2007. Mais les génériqueurs semblent reculer devant la pratique courante qui consiste déjà à prescrire offlabel les médicaments dont l’usage est autorisé chez les adultes. Il est donc loin d’être sûr qu’un médicament couvert par une PUMA puisse encore reconquérir ce segment du marché. Et, à défaut de politique spécifique en la matière, il n’est pas davantage certain que les médicaments autorisés en vertu d’une PUMA seront intégrés dans les différents systèmes nationaux de soins de santé. Autres particularités Signalons encore quelques autres mesures spéciales mises en place par le Règlement 1901/2006/CE. Le Règlement prévoyait entre autres que la Commission européenne devait, d’ici le 26 janvier 2008 et sur recommandation du PDCO, publier un symbole qui serait spécifiquement utilisé pour les médicaments couverts par une PUMA. Il est dès lors frappant que le PDCO ait jugé, le 27 décembre 2007, qu’il n’était pas en mesure de conseiller un symbole adéquat. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission européenne n’a, à ce jour, pas encore publié de symbole, contrairement à ce qui était expressément stipulé dans le Règlement. Une autre disposition particulière concerne le fait qu’une entreprise pharmaceutique qui a l’intention de retirer un médicament à indication pédiatrique après avoir néanmoins pu bénéficier entièrement des incitations et récompenses susmentionnées, doit en informer l’EMEA six mois avant le retrait du marché. Cette entreprise peut alors être contrainte soit de céder l’autorisation à un tiers, soit de consentir à l’utilisation des données du dossier de l’autorisation par un tiers (informed-consent AMM). Pour terminer, il faut encore signaler que la Commission européenne a la possibilité, au même titre que les autorités nationales compétentes, d’infliger des amendes à la demande de l’EMEA en cas de violation du Règlement. Certaines entreprises pharmaceutiques ont déjà introduit les premières demandes auprès des organismes chargés d’attribuer les brevets, en vue d’obtenir une prorogation du CCP pour leurs médicaments en vertu du Règlement (12). Il ne fait aucun doute que cette nouvelle prolongation de la protection par brevet sera un important maillon supplémentaire dans la gestion du cycle de vie des médicaments. Références 1. Résolution du Conseil du 14 décembre 2000 relative aux médicaments pédiatriques (2001/C 17/01), JOCE, 19 janvier 2001, C-17/1. 2. Règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 «relatif aux médicaments utilisés en pédiatrie, modifiant le Règlement (CEE) n° 1768/92, la Directive 2001/20/CE, la Directive 2001/83/CE et le Règlement (CE) n° 726/2004», JOCE, 27 décembre 2006, L-378/1. 3. COM(2004) 599 du 29 septembre 2004, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement xxx/06 relatif aux médicaments utilisés en pédiatrie, modifiant le Règlement (CEE) n° 1768/92, la Directive 2001/20/CE, la Directive 2001/83/CE et le Règlement (CE) n° 726/2004. 4 . La loi belge possède un champ d’action plus large que la Directive 2001/20/CE et s’étend non seulement aux ‘essais cliniques’ au sens strict du terme, tel que défini dans la Directive 2001/20/CE, mais aussi au concept beaucoup plus large d’ ‘expérimentation’. 5. Communication de la Commission, JOCE, 24 septembre 2008, C-243/1. 6. Pour les médicaments, il est possible d’obtenir – outre le brevet – un certificat complémentaire de protection ou CCP en vertu du Règlement 1768/92/CEE. L’existence du CCP est justifiée par le fait que la R&D d’un nouveau médicament requiert souvent de longs et coûteux investissements. La période qui s’écoule entre le dépôt du brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation administrative de le commercialiser limite souvent la protection effective par brevet à une période insuffisante pour amortir les investissements consentis dans la recherche et le développement. Le CCP s’applique dès l’échéance de la durée légale du brevet de base, pour une durée équivalant à la période écoulée entre la date de la demande introduite pour le brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne, dont on déduit cinq années (la durée maximale du CCP étant limitée à cinq ans). Par ex., le brevet a été demandé le 15 janvier 1995 et l’autorisation de mise sur le marché a finalement été accordée le 15 juillet 2001. La durée du CCP est alors de (15/01/1995-15/07/2001)- 5 ans = 1 an et 6 mois. 7. UKIPO, 14 avril 2008 BL O/108/08 – Merck & Co. 8. Pour reprendre l’exemple de la note de bas de page n°6: si le brevet a été demandé le 15 janvier 1995 et que l’autorisation de mise sur le marché a finalement été accordée le 15 septembre 1999, la durée du CCP est de (15/01/199515/07/1999)- 5 ans = -4 mois. Cette période de -4 mois peut toutefois se transformer en +2 mois moyennant une éventuelle demande de prorogation pédiatrique (-4 + 6). 9. Les ‘médicaments orphelins’ sont des médicaments autorisés pour des affections si rares que le coût lié au développement et à la mise sur le marché d’un médicament pour le diagnostic, la prévention ou le traitement de cette maladie ne serait pas couvert par les ventes escomptées du médicament. 10. On pense ici à la règle ‘8+2+1’: pendant les 8 années qui suivent l’autorisation d’un nouveau médicament, un générique ne peut pas faire référence aux données du dossier d’AMM de ce médicament pour demander sa propre autorisation de mise sur le marché (exclusivité de 8 ans sur les données). En outre, la variante générique qui fait référence à ces données sous-jacentes ne peut pas être commercialisée avant 10 ans, et ce même si une autorisation de mise sur le marché a déjà été obtenue (exclusivité commerciale +2 ans). Si le titulaire de l’AMM du nouveau médicament a en outre réussi à ajouter à son autorisation de mise sur le marché une indication qui offre un ‘avantage clinique important’ par rapport aux traitements existants, il peut recevoir une année de protection supplémentaire (exclusivité commerciale +1 an). 11. Voir note de bas de page n°10. 12. Voir le compte rendu de la Troisième Session des experts CCP nationaux, organisée à l’EMEA le 26 septembre 2008. z H e a l t h c a r e E x e c u t i v e • Av r i l 2 0 0 9 • N ° 4 6