L`ascension d`un nouvel ordre mondial et le déclin de l`hégémonie

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L`ascension d`un nouvel ordre mondial et le déclin de l`hégémonie
L’ascension d’un nouvel ordre mondial et le déclin de
l’hégémonie américaine1
Park Sang-seek, Avril 2012
Séoul : Le second Sommet sur la Sécurité Nucléaire et le quatrième sommet
des BRICs ont eu lieu pratiquement consécutivement à la fin mars 2012,
dans des lieux différents. Cinquante-trois pays, dont toutes les grandes
puissances, ont pris part au Sommet sur la Sécurité Nucléaire (SSN), tandis
que cinq des grandes puissances ont participé à celui des BRICs (le Brésil, la
Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud). Les deux sommets diffèrent
dans leur objet et leur programme: pour le premier, il s’agit de la sécurité
et de la réduction des matériaux nucléaires, alors que le second s’intéresse
à une réforme de l’ordre économique et financier international. En
examinant leurs origines et leurs objectifs ultimes, on s’aperçoit qu’ils sont
le reflet d’une lente évolution de l’ordre mondial.
Ces deux forums ont été créés au moment où le danger d’une prolifération
nucléaire et d’un trafic illégal de matériaux nucléaires était de plus en plus
imminent et où l’ordre financier international en place ne parvenait pas à
faire face à la crise financière internationale de 2007. Le SSN a été initié et
mené par les États-Unis, qui reste le principal responsable pour définir sa
feuille de route, tandis que le sommet des BRICs a été proposé par la
Russie, mais sa feuille de route est décidée conjointement et il ne possède
pas de leader.
Il convient cependant de noter que le SSN n’est pas dicté par les États-Unis
et que ses décisions sont prises par consensus. Les éléments de sa feuille
de route sont pleinement discutés lors du SSN et soumis à des
amendements si nécessaire. Toutefois, il n’en est pas moins vrai que les
grandes puissances bénéficient d’une voix plus importante que les
puissances plus faibles. Surtout, les décisions qui y sont prises n’ont pas
force de loi. Dans le cas du sommet des BRICs, le processus de prise de
décision est plus démocratique, dans la mesure où tous les participants sont
sur un pied d’égalité.
Il semblerait
que
l’administration
Obama
fait
l’expérience
du
multilatéralisme par le biais du SSN. Lors de sa campagne à la présidence
des États-Unis, il s’était engagé à toujours rechercher la diplomatie
multilatérale, critiquant la diplomatie unilatérale menée par l’administration
Bush. Il rejetait alors le dogmatisme et encourageait le pragmatisme, tout
en préconisant la diplomatie exercée à travers le soft power plutôt qu’à
travers le hard power. Obama semble cependant réserver la diplomatie
multilatérale aux problèmes mondiaux.
En Asie-Pacifique en revanche, Obama continue de s’en tenir à la
traditionnelle stratégie unilatérale de sécurité et à la diplomatie hard power.
Il essaie de construire un partenariat transpacifique et de le relier au
1
Titre original “ New world order emerging as US hegemony weakens ”, disponible sur:
http://www.safpi.org/news/article/2012/new-world-order-emerging-us-hegemony-weakens
Traducción realisée par Karina Legrand pour Conectas.
partenariat transatlantique. Pour cela, il cherche à transformer l’APEC en
une organisation de libre-échange sous domination américaine et à
renforcer l’actuel partenariat militaire en consolidant les alliances déjà
établies et en en créant de nouvelles. L’objectif est que les États-Unis
parviennent à contenir n’importe quelle grande puissance qui vienne à
disputer leur domination en Asie-Pacifique.
Cette approche dualiste révèle que l’hégémonie des États-Unis s’affaiblit,
mais ils refusent de le reconnaître. Le monde change mais nul ne peut
prévoir avec précision quel type d’ordre mondial va émerger. Le Royaume
Uni, ancienne superpuissance mondiale, avait été incapable d’abandonner
l’illusion qu’il était la puissance dominante, jusqu’à ce qu’échoue sa
campagne militaire conjointe avec la France contre l’Égypte en 1956.
Le sommet des BRICs, représentant des grandes puissances émergentes,
appelle à « un ordre mondial multipolaire plus démocratique et juste ». De
cette manière, il exige que, sur la base du droit international, de l’égalité et
de la prise de décision multilatérale, le système financier et monétaire
international soit plus représentatif, que le G20 soit le principal forum de
coopération économique internationale et que l’ONU soit renforcée et
réformée de façon à ce qu’elle puisse jouer un rôle central et faire face aux
menaces et aux défis mondiaux. Tout ceci dans le but d’accroître le pouvoir
du groupe au sein de l’ONU.
La Chine et la Russie soutiennent l’adhésion des trois autres pays au Conseil
de Sécurité. Ce que demandent les BRICs est similaire à ce qu’ont demandé
les pays du Tiers-Monde tout au long de l’après-guerre. Ils plaidaient, par le
biais du Mouvement des Non-Alignés et du Groupe de 77, pour un nouvel
ordre économique international et pour la démocratie au sein de l’ONU. Le
Tiers-Monde et les BRICs partagent le même point de vue en ce qui
concerne l’inviolabilité du principe de non-intervention dans les affaires
intérieures. Ils considèrent que la souveraineté nationale précède
l’intervention humanitaire. Sur ce principe de base, tous deux s’opposent à
l’intervention humanitaire de l’ONU en Syrie.
Ces demandes des BRICs représentent un défi évident à l’ordre mondial
unipolaire et à l’hégémonie américaine. Les spécialistes s’accordent
généralement sur le fait que lorsque de grandes puissances émergentes
lancent une telle provocation, une guerre générale est susceptible de se
produire ; ils sont cependant divisés quant à savoir si les grandes
puissances émergentes vont agir à l’unisson ou encore si elles vont, même
dans l’unité, rechercher la confrontation ou la coopération.
Une chose est claire : le monde se trouve divisé entre Occident et nonOccident. Le non-Occident inclut tous les pays du Tiers-Monde avec les
BRICs à sa tête. À ce titre, le Tiers-Monde bénéficie désormais d’un puissant
leadership. Cependant, l’un des problèmes du non-Occident est que son
unité n’est pas aussi forte que celle de l’ancien Tiers-Monde. Certains pays
connaissent un développement rapide et deviennent plus pro-occidental,
tandis que d’autres sont toujours des États-voyous. En termes de
civilisation et d’identité ethnique, la situation est extrêmement diverse.
Cruciale est la position de la Russie : elle oscille entre l’Occident et le non-
Occident, principalement à cause de sa position géopolitique ambigüe. À
l’heure actuelle, elle s’identifie avec le non-Occident mais il n’est pas certain
qu’elle ne bascule vers l’Occident, ou même qu’elle n’essaie de former son
propre groupe.
Le monde connaît une lente transition vers un nouvel ordre mondial.
L’abordage dualiste d’Obama et celui des BRICs en sont symptomatiques.
Pour en savoir plus : http://www.safpi.org/news/article/2012/new-worldorder-emerging-us-hegemony-weakens#sthash.nPMMoaNx.dpuf