À Toulouse, Safran fait virevolter les moteurs d`Airbus

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À Toulouse, Safran fait virevolter les moteurs d`Airbus
PAYS : France
RUBRIQUE : Dernière
SURFACE : 46 %
DIFFUSION : 714995
PERIODICITE : Quotidien
JOURNALISTE : Even Vallerie.
8 juillet 2016
À Toulouse, Safran fait virevolter les
moteurs d'Airbus
Pour faire face à la montée en cadence d'Airbus, son équipementier Safran Nacelles a
mis au point un appareil qui fait tourner des nacelles de cinq tonnes munies de leur moteur.
Assemblage en dix minutes, montre en main.
Even VALLERIE.
Toulouse. De notre envoyé spécial
C'est en face de l'usine Airbus de
Toulouse. Là où sont assemblés les
avions du consortium européen dont
les carnets sont pleins à craquer. Là
où 45 000 personnes passent chaque
jour.
Dans les 8 000 m 2 d'ateliers de
Safran Nacelles, c'est beaucoup plus
calme. L'usine de cet équipementier
de premier rang est au contact direct
de l'avionneur. Cette filiale du géant
aéronautique Safran s'appelait
encore Aircelle il y a trois mois.
C'est dans ses ateliers que 250
personnes assemblent les nacelles
des avions en y intégrant les
moteurs. L'avant-dernier maillon
d'une longue chaîne.
La nacelle est bien davantage qu'un
carénage du moteur. C'est cette
nacelle qui va guider l'air « pour en
faire autre chose qu'un gros
ventilateur » , comme l'expliquent
les gens de Safran. Elle aussi qui va
éviter que le bruit du moteur se
communique à la carlingue.
À Toulouse, les mécanos de Safran
entourent les moteurs Rolls Royce
d'une entrée d'air usinée par Airbus
à Nantes, d'un inverseur de poussée
préparé à l'usine Safran du Havre (1
500 personnes) et de capots de
Séville qui seront peints ici aux
couleurs de chacune des compagnies
aériennes. Qatar Airways,
Emirates... Toutes passent à Safran
Nacelles pour vérifier que la
brillance des peintures leur va bien
au teint. Les représentants de Rolls
Royce et d'Airbus aussi. Ils ont
même un bureau sur place.
Et ce qui les épate le plus ces
temps-ci, c'est le SmartTrolley
(chariot intelligent en anglais) voulu
par le patron, Serge Rière. L'engin
entoure la nacelle munie de son
moteur - cinq tonnes tout de même et le fait monter, descendre, pivoter
au doigt et à l'oeil sur une aire de
travail peinte en rouge. L'ensemble
sera emporté par un chariot sur
coussin d'air pour éviter les chocs.
Yoland Panglosse, l'un des mécanos,
apprécie ces innovations : « Plus
besoin de grimper avec l'escabeau
sur la nacelle, plus de risque de se
cogner contre les angles des capots
ouverts. Et je gagne beaucoup de
temps » , confie celui qui travaille
là depuis 25 ans. Il permet même à
un mécano, handicapé, de faire
toutes les opérations en fauteuil
roulant. Tout cela va permettre de
tenir des cadences inconnues jusqu'à
présent. C'est qu'en engrangeant des
commandes à foison (pour plus de 1
000 milliards d'euros), Airbus a mis
la barre très haut.
Pas question de connaître les mêmes
déboires que l' A400M , l'avion
militaire d'Airbus dont les premiers
clients se désolent de ne pas voir
l'usine de Séville leur livrer leurs
exemplaires. Tout cela à cause de
l'usine obsolète d'un sous-traitant
italien qui n'arrive pas à suivre.
Des moteurs Rolls Royce
Serge Rière, lui, a investi trois
millions d'euros pour être capable de
produire trois fois plus avec 300 ou
350 salariés à Toulouse en 2018. Cet
ancien rugbyman de Perpignan,
formé à la mécanique par l'armée de
l'Air, a roulé sa bosse au Canada et
aux États-Unis où il a travaillé pour
les sous-traitants de Boeing,
Embraer et Bombardier. Il y a été
formé au lean management, cette
doctrine de travail japonaise qu'il
résume ainsi : « Chasser le
gaspillage de temps. Avec son
physique de deuxième ligne, Serge
Rière pilote tout à la fois l'usine de
Toulouse, mais aussi l'atelier
sibérien de Komsomol-sur-l'Amour
(25 salariés), en face de l'usine
Sukhoi ; l'atelier de Mobile (20
salariés) aux États-Unis, en face de
l'usine Airbus d'Alabama ; et
l'imminente usine de Hambourg
(100-150 salariés), en face d'une
autre usine Airbus.
L'avionneur européen est son
principal client (80 %), mais Safran
Nacelles livre également Sukhoi,
Dassault à Mérignac ( Falcon 7X ),
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8 juillet 2016
et même Boeing pour les
échappements.
Côté Airbus, Safran produit des
nacelles de l' A330 , de l' A380 et à
présent de l' A320neo . Depuis avril,
il assemble les nacelles du nouveau
moteur Leap 1A qui est destiné à l'
A320 remotorisé.
« Les crises ont retardé le
renouvellement des avions,
rappelle Serge Rière pour expliquer
l'envolée des commandes. À
présent, il y a des volumes
importants dans tous les
programmes. Pour tenir la
cadence, nous avons conçu le
SmartTrolley qui permet de faire
l'assemblage final d'une nacelle en
dix minutes alors qu'il fallait
plusieurs heures jusqu'à présent. »
L'usine de Toulouse, qui produit une
nacelle par jour actuellement,
compte en produire trois en 2018
avec cinquante personnes de plus.
« On se recentre sur notre métier,
commente Serge Rière. Les
mécaniciens ne feront plus le
manutentionnaire pendant une
partie de leur temps de travail. Le
défi, c'était de continuer à
produire dans les mêmes murs.
On garde le tuyau et on augmente
le débit. » Même automatisation
dans l'atelier de peinture, où les
robots permettent d'économiser 15
% de peinture. « Le contrôle reste
humain » , précise Serge Rière. Au
passage, l'usine Safran affiche
actuellement 900 jours sans accident
du travail contre quatre à cinq par an
auparavant.
Safran doit, dans le même temps,
s'assurer que ses propres
sous-traitants suivront la cadence.
« Nous avons étudié la montée en
cadence de notre production, mais
il faut que ça suive derrière,
rappelle Ouamar Ait Ali Braham,
responsable du service support de la
ligne d'assemblage. On se tourne
vers eux et on leur demande la
même souplesse. » ■
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