établir des liens - Organic Agriculture Centre of Canada
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ÉTABLIR DES LIENS : COMMENT L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE PEUT RENFORCER LES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITÉS URBAINES ET RURALES Jennifer Sumner, PhD Coordonnatrice, éducation des adultes pour la durabilité Programme d’éducation des adultes et de développement communautaire OISE/Université de Toronto Établir des liens : Comment l’agriculture biologique peut renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales Introduction Raymond Williams (1973, 1) au début de son livre The Country and the City, un classique du genre, fait l’observation suivante : « Les mots « ville » et « campagne » sont très puissants et cela n'est pas surprenant si nous nous rappelons leur importance dans l'expérience des collectivités humaines. » Dans une période où la mondialisation a poussé l’humanité à ses limites et l'environnement a dépassé sa capacité de charge, l’expérience d’un grande nombre de collectivités (urbaines et rurales) n'a pas été positive (consulter, par exemple, Mander et Goldsmith 1996, Rees 2002, Sumner 2005a, Leichenko et O’Brien 2008). Pour pouvoir régler les problèmes auxquels font face les collectivités et mettre en place des solutions de rechange durables, nous devons renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales. Bien que beaucoup de facteurs entrent en jeu dans un tel projet, l'agriculture biologique est dans une position stratégique pour établir des liens pour l’avenir. Ce document évalue comment l’agriculture biologique peut renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales. Le document donne, en premier lieu, un aperçu du contexte historique des collectivités urbaines et rurales au Canada. Ensuite, le document explore les domaines traditionnels qui peuvent aider à établir ces liens, par exemple, les marchés fermiers, l'ASC et les ONG et analyse des domaines plus récents tels que les marchés 100 milles, les mouvements sociaux, l'agriculture urbaine et les ceintures vertes. En dernier lieu, le document discute les systèmes alimentaires durables, un nouvel outil au moyen duquel l'agriculture biologique peut aider à réduire l'écart entre la ville et la campagne et permettre à ces deux solitudes de collaborer dans la quête permanente de la durabilité. Contexte historique Bien que les humains vivent dans des collectivités depuis des millénaires, en raison de la distinction rigide actuelle entre milieu urbain et rural, les personnes qui vivent dans ces environnements ont des expériences différentes. Un grand nombre de facteurs sont à l’origine de cette différence et l’ont renforcée. Par exemple, l’historien J.M.S. Careless (1989, 35) a mis en évidence que les relations entre ce qu’il appelle la métropole et l'arrière-pays au dix-neuvième siècle au Canada étaient essentiellement un « rapport entre un pouvoir urbain dominant et un territoire qui fournit les produits nécessaires à la ville. » Bien qu’il soit évident que, au cours des siècles, la métropole et l'arrière-pays ont tiré des avantages réciproques de cette situation, les relations n’étaient pas équitables. « Assurément, les résidents de l'arrière-pays ont pu considérer qu’ils se trouvaient dans une situation de dépendance et d’exploitation en tant qu’instrument de 1 groupes d’intérêts puissants de la ville et ont souvent exprimé ce mécontentement dans le cadre de mouvements dans les régions et les zones éloignées. » (12) Careless affirme que l'exploitation des ressources de l'arrière-pays peut donner lieu à leur épuisement et appauvrissement en raison de la dégradation des terres agricoles, de la coupe à blanc ou des mines et villages abandonnés. De cette façon « les images populaires de la grande ville impitoyable et de la campagne tyrannisée reflétaient les perceptions d’inégalité. » (13) Au cours du vingtième siècle, l’industrialisation moderne et la croissance du nationalisme économique ont renforcé cette tendance inéquitable, ce qui a donné lieu, selon l’économiste Harold Innis (1934 dans Drache 1995, 216) « à un écart croissant entre les niveaux de vie des populations urbaines et rurales. » Les relations entre les collectivités urbaines et rurales ont été décrites par Pahl (1966, 321) comme « une série de mailles de différentes textures superposées. » Compte tenu des inégalités historiques inhérentes à ces mailles, pour quelle raison doit-on renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales? La réponse réside dans les incertitudes de notre temps. Par suite des problèmes interdépendants liés à la mondialisation tels que les changements climatiques, le pic pétrolier, l’implosion du système financier mondial et les guerres sans fin pour contrôler les ressources décroissantes, les invitations à la solidarité et à la collaboration à l’échelle locale et régionale visent non seulement à relever ces défis, mais aussi à offrir des solutions de rechange qui ne sont pas fondées sur l'exploitation des humains et de l'environnement. Le renforcement des relations entre les collectivités urbaines et rurales contribuera à la solidarité et à la collaboration nécessaires pour relever les défis actuels et pour mettre en place des solutions de rechange plus équitables. Puisque les produits alimentaires sont un élément central de ce scénario, l'agriculture biologique a un rôle essentiel à jouer dans l'établissement de liens entre les collectivités urbaines et rurales. Domaines traditionnels Dans un certains nombre de domaines traditionnels, l'agriculture biologique pourrait continuer ou commencer à renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales, notamment les marchés fermiers, l'agriculture soutenue par la communauté et les organisations non gouvernementales. 1. Marchés fermiers Les marchés fermiers sont des espaces publics réservés visant à faciliter la vente directe entre les producteurs agricoles et les consommateurs. Au milieu du vingtième siècle, l’expansion des supermarchés au Canada a mis en danger l'existence des marchés fermiers. Cependant, on a constaté une résurgence de l’intérêt à l'égard de ces marchés au cours des dernières années. Par exemple, Cummings et coll. (1998) ont souligné que les marchés fermiers en Ontario sont passés de 60 en 1970 à 127 en 1998. Cette résurgence n'est pas attribuable uniquement aux initiatives du gouvernement, mais aussi : au désir des résidents d'acheter des produits près des producteurs agricoles et de la 2 collectivité, une approche plus personnelle. On a établi de nouveaux marchés, rénové de vieux marchés et encouragé une nouvelle clientèle à faire l'expérience des marchés fermiers (7). Cette recherche met en évidence les occasions pour renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales en créant des espaces (marchés fermiers) qui permettent aux producteurs et aux consommateurs de communiquer et de se comprendre. Le directeur du Dufferin Grove Farmers’ Market de Toronto, qui vend uniquement des produits biologiques, souligne ces possibilités comme suit : Les marchés fermiers qui ont du succès sont un bel exemple de partenariat entre la ville et la campagne. Idéalement, les marchés offrent aux producteurs locaux la possibilité de vendre leurs produits plus facilement et efficacement et permettent de sensibiliser les consommateurs aux aliments sains et frais et améliorent leur disponibilité pour les résidents de la ville. Les marchés fermiers appuient fermement les agriculteurs et créent de beaux espaces où les résidents du quartier peuvent se rencontrer et offrent un grand nombre d’avantages aux collectivités urbaines et rurales (Friends of the Greenbelt Foundation 2008). Puisque les marchés fermiers connaissent de plus en plus de succès, ils doivent faire face à la concurrence des supermarchés qui commencent à subir des conséquences négatives, car les consommateurs veulent des expériences de magasinage plus positives. Non seulement les supermarchés essaient-ils d'adopter la nouvelle image de « marchés », mais ils exercent aussi des pressions sur les marchés fermiers pour les obliger à mettre en place des installations telles que des toilettes et des installations sanitaires et de refroidissement pour surmonter ce qu’ils considèrent comme un avantage commercial indu et pour uniformiser les règles du jeu. Il est nécessaire de faire des recherches pour comprendre les conséquences de ces pressions sur les marchés fermiers et sur les producteurs de produits biologiques qui utilisent ces ressources publiques. Les marchés fermiers offrent aux producteurs de produits biologiques une occasion unique d’interagir avec les résidents des villes qui sont déjà déterminés à établir des liens avec les agriculteurs. Bien que des producteurs de produits biologiques puissent avoir des difficultés à participer à ces marchés chaque semaine, surtout pendant la saison de croissance, certains producteurs ont trouvé des solutions innovatrices pour établir une présence sur les marchés fermiers, par exemple, l'organisation de coopératives de producteurs qui collaborent et envoient un seul fermier au marché. 2. Agriculture soutenue par la communauté (ASC) L’agriculture soutenue par la communauté (appelée aussi agriculture communautaire) crée un autre espace où les producteurs de produits biologiques peuvent interagir avec les résidents des villes et, par conséquent, peut renforcer les liens entre les collectivités urbaines et rurales. L’ASC 3 est « un accord dans le cadre duquel un groupe de personnes dont un agriculteur conviennent de partager les coûts et les produits d’un jardin potager » (Fieldhouse 1996, 43). L’ASC est donc « conçue de manière à partager les risques et les bénéfices d’une exploitation agricole » (DeLind et Ferguson 1999). Les cueillettes et les livraisons, les journées à la campagne et les activités spéciales qui encouragent un esprit communautaire et permettent aux résidents de la ville de comprendre l’importance de protéger les exploitations agricoles pour empêcher l’abandon des terres agricoles, de trouver et de consommer des produits alimentaires locaux et frais et de réduire l'écart entre la production et la consommation sont des occasions pour renforcer ces liens. 3. Organisations non gouvernementales (ONG) Selon Rosen (1999), les organisations non gouvernementales n’ont aucun lien avec les gouvernements, n’exercent pas de fonctions gouvernementales, ne sont pas créées par les gouvernements et leurs programmes ne sont pas établis par les gouvernements. Ces organisations se concentrent sur des enjeux locaux, nationaux ou internationaux. Cependant, « leurs intérêts et objectifs sont presque illimités. » (589) Au Canada, un certain nombre d’ONG s’occupent d'agriculture biologique, notamment Canadian Organic Growers (COG), Ecological Farmers of Ontario (EFAO) et FoodShare Toronto. Ces organisations expliquent les produits biologiques au public au moyen de conférences, sites Web, paniers à provisions et activités de sensibilisation. Ce travail de sensibilisation est une activité essentielle qui peut aider à renforcer les liens entre les collectivités urbaines et rurales. Local Food Plus (LFP), qui se concentre sur la mise en place et la promotion de systèmes alimentaires locaux durables, est une autre organisation non gouvernementale qui offre aux producteurs de produits biologiques la possibilité de renforcer les liens entre les collectivités urbaines et rurales. La certification de LFP, contrairement à la certification biologique, utilise des normes progressives et non seulement garantit que les aliments ont été produits localement, mais prend aussi en compte d’autres facteurs tels que les normes du travail, l'utilisation de pesticides, le bien-être des animaux, l'habitat de la faune et la consommation d’énergie. Friedmann (2007), dans son étude sur les ONG, explique que Local Food Plus coordonne la fourniture d’aliments locaux et durables d’un certain nombre d’organismes, notamment les institutions publiques, les entreprises de services alimentaires transnationales et les agriculteurs qui vendent des produits biologiques et traditionnels. « LFP a mis en place des normes et des évaluations flexibles et collaboratives qui permettent aux agriculteurs et aux entreprises d'augmenter la vente de produits durables aux chaînes d'approvisionnement locales. » (392) Bien que LFP reconnaisse automatiquement les systèmes de production biologiques, les agriculteurs doivent satisfaire à d'autres critères dans plusieurs domaines tels que « la biodiversité, les normes du travail, le bien-être des animaux, l’utilisation de l’énergie et la proximité. » (392) Local Food Plus établit des liens entre les collectivités urbaines et locales en permettant aux agriculteurs de jouer un rôle clé dans un système alimentaire local et durable, ce qui est un de ses avantages. Les agriculteurs qui ont une certification LFP sont encouragés à participer à des 4 activités dans des points de vente au détail pour promouvoir leurs produits, rencontrer des chefs et donner leur opinion sur les méthodes d'approvisionnement en aliments des institutions. Puisque l’objectif de LFP est de convaincre tous les agriculteurs à produire des produits biologiques, l'affiliation à cet ONG peut offrir aux producteurs de produits biologiques plus de possibilités de renforcer les liens entre les collectivités urbaines et rurales. Par ailleurs, Local Food Plus n’exclut pas totalement les organismes génétiquement modifiés, ce qui va à l'encontre de la certification et de la philosophie biologique et est un de ses désavantages. Bien que LFP « n’admette pas dans son programme des végétaux ou des animaux destinés directement à la consommation humaine dérivés d'organismes génétiquement modifiés », cette ONG considère qu’il « est irréaliste de demander aux participants d’utiliser des aliments pour animaux qui ne contiennent pas d'organismes génétiquement modifiés » parce que « les règlements actuels n’exigent pas la séparation ou l’identification des organismes génétiquement modifiés » et, par conséquent, « la plupart des aliments pour le bétail contiennent un mélange de produits. » (LFP 2008, 14) Par conséquent, certains producteurs de produits biologiques peuvent envisager de quitter le programme pour éviter de créer de la confusion pour les clients réguliers qui peuvent arriver à la conclusion que les producteurs biologiques vendent des OGM. Il est nécessaire de faire des recherches pour mieux comprendre les conséquences découlant de la participation à des programmes tels que ceux offerts par LFP. Nouveaux domaines Il y a plusieurs nouvelles possibilités qui peuvent permettre à l'agriculture biologique de renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales, notamment les marchés 100 milles, les mouvements sociaux, l'agriculture urbaine et les ceintures vertes. 1. Marchés 100 milles Récemment, on a observé l'établissement d’un certain nombre de marchés 100 milles qui s’inspirent de la diète 100 milles d’Alisa Smith et J.B. MacKinnon. Ces points de vente au détail offrent uniquement des produits alimentaires (dont un grand nombre sont biologiques) qui ont été produits dans un rayon de 100 milles du magasin et chaque produit a son histoire. Les agriculteurs fixent les prix et paient au magasin un pourcentage des ventes hebdomadaires plus un « loyer » mensuel pour l'entreposage de leurs produits. En Ontario, le premier magasin a ouvert ses portes à Meaford en 2007, le deuxième à Creemore en 2008 et chaque point de vente offre des possibilités uniques pour des communications positives entre les collectivités urbaines et rurales. Par exemple, le marché 100 milles de Creemore est situé à moins de 100 milles de Toronto. Creemore, une collectivité rurale pittoresque et fonctionnelle du centre-sud de l’Ontario, attire des résidents de la ville pour un bref voyage ou pour la fin de semaine ou des retraités qui ne veulent plus vivre en ville. Les marchés 100 milles permettent aux résidents des villes d’interagir avec la collectivité rurale de manière plus efficace et plus éclairée et préparent le terrain pour le renforcement des relations 5 entre les collectivités urbaines et rurales. 2. Mouvements sociaux Les mouvements sociaux comportent « différents efforts collectifs visant à modifier des institutions sociales ou à créer un nouvel ordre social » (Morris 2005, 589). Certains nouveaux mouvements sociaux se concentrent sur les aliments tels que l’écogastronomie, l’agriculture biologique, le mouvement favorisant l'achat de produits locaux, le mouvement pour la justice alimentaire et le commerce équitable. Bien que ces mouvements ne se concentrent pas uniquement sur les aliments biologiques, ils offrent à l'agriculture biologique une occasion unique de renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales, car ils sensibilisent les membres du mouvement et le public qui sont mis au courant des activités du mouvement. Comme les ONG, les mouvements sociaux ont la possibilité d’organiser des activités essentielles de sensibilisation qui peuvent aider à réduire l'écart entre la ville et la campagne. 3. Agriculture urbaine L’expression agriculture urbaine (et agriculture périurbaine) désigne la pratique de cultiver, traiter et distribuer des produits alimentaires dans une ville (ou dans un espace périurbain) ou un village (Wikipedia 2008). Bien que ce type d'agriculture soit pratiqué surtout dans les pays en développement, il est de plus en plus populaire dans les pays industrialisés. Par exemple, à Victoria, le Moss Street Market offre des points de vente au détail à des femmes qui cultivent des produits dans leur potager en ville. À Edmonton, un projet pilote a fourni des possibilités de pratiquer l’agriculture urbaine à des immigrants âgés. À Toronto, FoodShare gère deux programmes de jardinage en ville qui aident les personnes ou les groupes qui veulent apprendre comment produire des aliments en ville. Cuba est un modèle intéressant pour l’agriculture urbaine en raison des organoponicos : « des jardins urbains qui utilisent le fumier de cheval, les feuilles et des contrôles biologiques pour produire des légumes frais et biologiques » (Martin 2000, 2). En 2002, selon TVE (2004), Cuba a produit 3,2 millions de tonnes d’aliments dans des fermes et jardins urbains qui occupent environ 3,4 pour cent des terrains urbains (8 pour cent à La Havane) et qui sont cultivés par 18 000 personnes. Dans l'ensemble, plus de 35 000 hectares de terrains urbains à Cuba sont utilisés pour la production intensive de fruits, légumes et épices frais. À La Havane, selon Snyder (2003), on produit suffisamment d'aliments biologiques pour fournir aux 2,5 millions de résidents de la ville au moins 300 grammes de fruits et légumes chaque jour. L’agriculture urbaine au moyen des lotissements en ville, des jardins communautaires, de l'agriculture intensive dans des espaces restreints ou des projets d'assainissement des terrains permet aux résidents de la ville de bénéficier de l'expertise des agriculteurs. Les producteurs de produits biologiques peuvent transmettre cette expertise en participant à des activités agricoles en ville, soit ils peuvent expliquer aux résidents de la ville les nouvelles techniques pour cultiver des produits biologiques et diffuser les théories de l’agriculture biologique et de la non-exploitation. 6 4. Ceintures vertes Une ceinture verte est « une étendue d'espaces verts à faible densité entourant les principales villes et régions à grande densité démographique, y compris le milieu périurbain, dont le développement est contrôlé rigoureusement. » (Hoare 200, 321) Dans cette période de croissance urbaine constante, les ceintures vertes empêchent le développement des terrains situés à proximité des villes qui ne pourraient plus être destinés à d'autres utilisations telles que l'agriculture biologique. La British Columbia Agricultural Land Reserve a représenté une première tentative au Canada de protéger des terres agricoles et un exemple actuel existe au sud de l’Ontario, qui possède la plus importante et diversifiée ceinture verte au monde. Selon son site Web, La ceinture verte compte 1,8 millions d'acres (728 000 hectares) dans la région du Golden Horseshoe et est essentielle pour la qualité de vie des Ontariens. Elle comprend l'escarpement du Niagara, la moraine d’Oak Ridges, le Rouge Park, des terres agricoles, des zones vierges et des centaines de villes et villages ruraux (Ontario Greenbelt 2008). Les ceintures vertes offrent une occasion unique pour l'agriculture biologique de renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales parce que les ceintures vertes sont situées entre la ville et la campagne. Les fermes biologiques avec leurs produits diversifiés, les animaux en liberté et une attitude positive peuvent aider à protéger le paysage rural traditionnel que les résidents de la ville aiment visiter. En outre, la proximité de ces exploitations agricoles par rapport à un nombre grandissant de marchés fermiers en ville peut aider à réduire l'écart entre les collectivités urbaines et rurales en permettant aux producteurs agricoles d’interagir avec les résidents de la ville. Systèmes alimentaires durables Le concept de systèmes alimentaires durables offre une nouvelle possibilité de renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales et de corriger les inégalités du passé. Selon Kaufman (2004), un système alimentaire comporte une chaîne d'activités allant de la production des aliments à leur traitement, distribution, vente en gros, vente au détail et consommation et jusqu’à l’élimination des déchets. Bien que cette définition tienne compte des composantes principales d'un système alimentaire, elle ne renvoie pas à l’idée d’un système dynamique et interconnecté. Pour cet aspect, nous pouvons consulter Hay (2000), qui définit un système comme un groupe d'éléments organisés de manière à ce que chaque élément soit interdépendant (directement ou indirectement). Il ajoute que « le concept de système est parfois utilisé de manière moins rigoureuse pour mettre en évidence l’interdépendance des phénomènes. » (819) 7 Nous pouvons combiner ces deux explications et définir un système alimentaire comme un ensemble d'activités interdépendantes, y compris la production, le traitement, la distribution, la vente au détail, la consommation et l’élimination de produits alimentaires. Ces activités interdépendantes peuvent être à l’échelle locale, par exemple, l'approvisionnement autonome de petits groupes isolés ou à grande échelle, par exemple, le système alimentaire des entreprises. Indépendamment de l'échelle, les systèmes alimentaires sont des entités dynamiques de nature sociale qui ont été mises en place par des personnes pour répondre à leurs besoins et désirs. De cette façon, les systèmes alimentaires sont relationnels et représentent les liens entre les humains et entre les humains et l'environnement. Puisque les personnes qui contrôlent les produits alimentaires ont toujours possédé le pouvoir et l’argent (Friedmann 1993), ces relations sont rarement positives. Pour devenir durables, les systèmes alimentaires doivent comporter au moins des relations positives non fondées sur l'exploitation entre les humains et entre les humains et l'environnement. En premier lieu, les systèmes alimentaires durables doivent imiter les processus naturels. Cette exigence met en évidence que la définition de système alimentaire de Kaufman n’est pas rigoureuse parce qu'elle met l'accent sur une configuration linéaire. Une telle configuration nous fait penser à la critique de l'agriculture conventionnelle de Rees (2004), qui illustre le problème thermodynamique de convertir les cycles naturels en débit terminal. En plus d’être cycliques, les systèmes alimentaires durables doivent au moins respecter le principe de précaution, internaliser les coûts et être éco-énergétiques. Un système alimentaire qui est vraiment durable doit aussi comporter des relations positives entre les humains. En d'autres mots, un système alimentaire n'est pas durable si les personnes qui font partie du système n’ont pas suffisamment de nourriture. Par conséquent, nous pouvons définir un système alimentaire durable comme un ensemble d’activités interdépendantes qui comportent des relations positives entre les humains et entre les humains et l'environnement dans la production, le traitement, la distribution, la vente au détail, la consommation et l’élimination des produits alimentaires. Les systèmes alimentaires durables renforcent les relations entre les collectivités urbaines et rurales au moyen des activités interdépendantes nécessaires pour la production et l’approvisionnement d'aliments. Par exemple, le rapport de la Metcalf Foundation (2008, 4) Food Connects Us All: Sustainable Local Food in Southern Ontario affirme que « les relations entre le milieu du travail, les exploitations agricoles, les collectivités rurales et les villes de l’Ontario sont le produit d’échanges complexes » : Les marchés fermiers locaux, les jardins communautaires et des écoles, les coopératives alimentaires, les jardins urbains, les programmes de formation en agriculture, les services d’utilisation plus rationnelle des terres, les nouveaux programmes de certification sont de nouvelles possibilités qui assurent des aliments plus sains et plus savoureux pour tous…. Dans un tel cas, tous les membres de la collectivité ont des avantages et les collectivités deviennent plus solides et inclusives. 8 En réalité, les systèmes alimentaires durables renforcent non seulement les relations entre les collectivités urbaines et rurales en raison du grand nombre d'activités entre la ville et la campagne, mais permettent aussi d’établir des relations positives et de corriger les inégalités du passé. Comment l'agriculture biologique peut-elle faire partie des systèmes alimentaires durables et aider à renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales? Agriculture biologique et systèmes alimentaires durables Si l'agriculture est la base de tout système alimentaire, la base des systèmes alimentaires durables est l’agriculture durable. Cela signifie que l'agriculture biologique est dans une position stratégique pour participer aux systèmes alimentaires durables en raison de son parti pris traditionnel en faveur de pratiques bénéfiques pour l'environnement. Cependant, ce parti pris ne doit pas concerner seulement la production, il doit aussi viser les pratiques positives sur le plan social pour satisfaire à l'exigence des systèmes alimentaires durables voulant que tout le monde ait suffisamment de nourriture. Certains producteurs de produits biologiques ont peu d’intérêt pour la certification sociale (voir, par exemple, Shreck et coll. 2006). Cependant, certaines politiques telles que les quatre nouveaux principes de l’IFOAM (2006), élaborés après plusieurs années de consultations, poussent l'agriculture biologique dans cette direction : 1. Principe de la santé : l'agriculture biologique doit protéger et améliorer la santé des terrains, des végétaux, des animaux et des humains en tant qu’unité indivisible. 2. Principe de l’écologie : l'agriculture biologique doit se fonder sur les systèmes et les cycles écologiques vivants, travailler avec ces systèmes, les imiter et assurer leur subsistance. 3. Principe de l’équité : l’agriculture biologique doit établir des relations qui assurent l'équité relativement à l'environnement commun et aux possibilités de vie. 4. Principe de la diligence : l'agriculture biologique doit être gérée de manière prudente et responsable pour protéger la santé et le bien-être des générations présentes et futures et de l'environnement. Les principes de l’IFOAM tiennent compte des responsabilités environnementales et sociales. En respectant ces principes et en participant aux systèmes alimentaires durables, l'agriculture biologique peut faire partie d’un ensemble d'activités interdépendantes qui comportent des relations positives entre les humains et entre les humains et l'environnement dans la production, le traitement, la distribution, la vente au détail, la consommation et l’élimination des produits alimentaires. Ces activités peuvent renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales tout en créant des collectivités durables. Possibilités de recherches futures 9 Au cours de la dernière décennie, les recherches de science sociale ont démontré les répercussions positives que l’agriculture biologique a sur les collectivités rurales. Par exemple, Pugliese (2001) a fait des recherches sur la convergence prometteuse et à multiples facettes de l'agriculture biologique et du développement rural durable en Europe. Sumner (2005b) a étudié les liens entre les producteurs de produits biologiques et la durabilité des collectivités rurales en Ontario et les contributions des producteurs de produits agricoles au développement des collectivités rurales grâce à leur participation à l'économie sociale (Sumner et Llewelyn, à paraître). En 2006, MacKinnon a déterminé et mis en évidence les liens créés par l'agriculture biologique entre les exploitations agricoles et les collectivités en Ontario. On a aussi effectué des recherches sur les relations entre l'agriculture organique et les collectivités urbaines. Par exemple, Beauchesne et Bryant (1999) ont exploré l’agriculture biologique et la frange urbaine au Québec. Cependant, on a effectué peu de recherches pour comprendre comment l'agriculture biologique peut renforcer les relations entre les collectivités urbaines et rurales. Puisque l’économie fait face à un plus grand nombre de risques, le climat est plus imprévisible et la société est plus polarisée, ces recherches sont essentielles si nous voulons survivre et prospérer au vingt-et-unième siècle. La Metcalf Foundation (2008) affirme que les aliments nous permettent d’établir des liens avec les autres personnes et que nous devons mieux comprendre comment établir, maintenir et renforcer les relations positives que l’agriculture biologique peut créer entre les collectivités urbaines et rurales. Les domaines potentiels sont notamment ceux qui ont été discutés dans ce document : marchés fermiers, ASC, ONG, marchés 100 milles, mouvements sociaux, agriculture urbaine, ceintures vertes et surtout systèmes alimentaires durables. Les systèmes alimentaires durables sont, en ce moment, notre principal espoir pour établir les relations positives dont nous avons besoin pour apprendre à vivre de manière équitable selon nos moyens dans le respect des limites de l'environnement. Il est surtout nécessaire de faire des recherches pour déterminer comment encourager les meilleurs jeunes des collectivités urbaines et rurales à travailler avec les ressources humaines et naturelles que nous avons pour produire de manière durable les aliments, les aliments pour animaux, le carburant et les fibres. Conclusion Bien que les exploitations agricoles et les collectivités rurales aient historiquement eu des liens étroits, « les villes et la campagne ont toujours été considérées comme des adversaires ». Cependant, des phénomènes interconnectés tels que le pic pétrolier, les changements climatiques et la menace de l'effondrement des marchés financiers nous encouragent à jeter un nouveau regard sur cette séparation. Nous devons manger et le type d'agriculture que nous utilisons peut renforcer ces phénomènes ou nous permettre d'adopter des méthodes plus durables. Si nous faisons ce choix, la séparation traditionnelle entre la campagne et la ville et entre les collectivités urbaines et rurales n'a plus de sens et, en réalité, crée des obstacles à des changements progressifs. Au cours des dernières années, on s'est éloigné de cette séparation. Par exemple, Pearce, dans un article du Globe and Mail (2004), demande aux lecteurs « Connaissez-vous votre producteur de produits biologiques? » Lors de son discours principal à la Conférence sur 10 l'agriculture biologique de Guelph, Michael Ableman (2007) a invité les participants provenant de collectivités urbaines et rurales à communiquer avec un producteur de produits biologiques. « Vous allez avoir besoin d'eux. » Dans un monde plus durable, les résidents des collectivités urbaines et rurales ne seraient plus des consommateurs passifs, mais deviendraient des producteurs actifs et utiliseraient l’agriculture biologique pour établir des liens entre les collectivités urbaines et rurales, pour corriger les inégalités du passé et pour établir des relations positives entre les humains et avec l'environnement. Il est nécessaire de faire des recherches pour découvrir les meilleures relations qui permettent de faire les expériences les plus stimulantes et de nous préparer pour un avenir plus durable. 11 Références Ableman, Michael. 2007. The Quiet Revolution: Planting the Seeds for the Future. Discours principal à la 26e conférence sur l'agriculture biologique à Guelph, Ontario, le 27 janvier. Beauchesne, Audric et Christopher Bryant. 1999. Agriculture and Innovation in the Urban Fringe: The Case of Organic Farming in Quebec, Canada. Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, Vol. 90, No. 3, pp. 320-328. Careless, J.M. S. 1989. Frontier and Metropolis: Regions, Cities, and Identities in Canada Before 1914. Toronto: University of Toronto Press. Cummings, Harry, Galin Kora et Don Murray. 1998. Farmers’ Markets in Ontario and Their Economic Impact. Guelph: School of Rural Planning and Development, Université de Guelph. 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