Géo n°32.indd - strategicsinternational.com

Transcription

Géo n°32.indd - strategicsinternational.com
LA RÉALITÉ DE LA MENACE D’AQMI À L’AUNE DES
RÉVOLUTIONS DÉMOCRATIQUES AU MAGHREB
Mehdi TAJE
Doctorant à l’Université de Paris-Sorbonne, géopoliticien et
spécialiste des méthodologies de la prospective.
Cet article étudie l’émergence et la mutation régionale de l’AQMI. Al-Qaida au Maghreb
islamique reste fondamentalement une organisation algérienne le (GSPC) qui s’est
donné un projet maghrébin. Cette organisation incarne un second âge du terrorisme
qui tente de fondre la problématique islamiste algérienne dans une géopolitique globale
centrée sur l’antagonisme Islam-Occident. L’objectif essentiel pour les États maghrébins
en particulier de l’Algérie est de stopper les infiltrations des membres d’Al Qaida et la
prolifération des armes. Pour cela, il est indispensable de reconsidérer les moyens de lutte
dans leur globalité et de dégager une stratégie d’urgence, notamment pour le contrôle
des frontières.
This article examines the rise and mutation of the regional AQIM. Al-Qaeda in Islamic
Maghreb remains fundamentally an Algerian organization (GSPC-Group for Call and
Combat) who created for itself a Maghreb project. This organization represents a second generation of terrorism, which attempts to fuse the Algerian Islamic issue in a global geopolitical
context focused on Islam-West antagonism. The main objective for the Maghreb countries in
particular Algeria, is to stop the infiltration of al Qaeda and the weapons proliferation. To do
this, it is necessary to reconsider the means of action as a whole and to sort out an emergency
strategy, particularly for border control.
« Jazirat el-Maghreb », la presqu’île du couchant des géographes arabes, présente une personnalité stratégique singulière. L’identité maghrébine a été façonnée
par une histoire aux apports multiples et divers. Sur fond d’enlisement du projet
de grand Maghreb, paralysé par des ambitions géopolitiques inconciliables et des
conflits non surmontés, nous assistons à une puissante poussée d’acteurs majeurs
décidés à peser sur les équilibres stratégiques façonnant le théâtre maghrébin : réinvestissement des États-Unis avec des projets ayant pour vocation d’éroder le champ
279
Géo n°32.indd 279
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
d’influence traditionnel des pays européens de l’arc latin, relative percée géopolitique de la Chine avec pour ambition de se positionner en acteur significatif en
Méditerranée et retour de la Russie. À terme, une redéfinition de la carte des influences et des ambitions géopolitiques au Maghreb est à prévoir. Cette dynamique
est fortement accentuée par la vague de révolutions entamée fin 2010 secouant le
théâtre maghrébin et bouleversant les repères traditionnels : cet ébranlement fera
date et changera l’identité et la personnalité stratégique du Maghreb. Conscient de
l’immobilisme et de l’archaïsme politique et économique limitant son action et son
rayonnement sur le plan régional et international, cet espace est soudainement secoué par une crise politique majeure introduisant une nouvelle fracture entre pays en
transition démocratique (Tunisie et Maroc), pays en crise de régime et pays conservateurs.
Un nouvel ordre maghrébin
La révolution populaire tunisienne a réalisé la première brèche dans le mur Sud
Méditerranéen1. Elle porte la promesse d’un nouvel ordre régional : l’onde de choc
a retenti dans tous les peuples du Maghreb et du Machrek et même au-delà. Les
décennies de statu quo sont irrémédiablement mises en cause. Le problème de la démocratisation est désormais posé de l’intérieur des sociétés arabes. Cependant, pour
les pays engagés dans cette voie, la victoire est fragile. Le fossé qui les sépare des Etats
démocratiques ne saurait être comblé au terme des premières élections : trois ou
quatre législatures passeront avant d’asseoir, sur des bases parlementaires, des régimes
démocratiques stables et prévisibles.
Les révolutions arabes ouvrent ainsi la voie à un nouvel ordre maghrébin. En
Tunisie, une avance démocratique en acte en dépit des défis inhérents à toute confusion postrévolutionnaire, constante de l’histoire. En Libye, démocratie en gestation
en Libye avec toutes les incertitudes relativement à l’avenir de la une fois la guerre
achevée2. Au Maroc processus d’ouverture politique réel mais prudent, d’ailleurs
débuté à compter de 2000 avec l’accession au trône de Mohamed VI et encadré
et soutenu par l’Union européenne et les Etats-Unis. En Algérie, persistance de la
rigidité et de l’unilatéralisme teinté de méfiance à l’égard des expériences tunisienne
et égyptienne. En Mauritanie, l’élan démocratique débuté le 3 août 20053 s’est brisé
sur le coup d’Etat militaire mené par le général Mohamed Ould Abdel Aziz le 6 août
2008. Nous assistons ainsi à un retour en arrière assimilant le régime mauritanien
aux régimes pseudo-civils qui prévalaient en Tunisie et en Egypte sur fond de modèle sociétal tribal et d’antagonisme Maures-populations négro-africaines. Ainsi, se
280
Géo n°32.indd 280
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
profile à court terme un ordre régional déphasé marqué par des inégalités dans les
éventuelles avancées du processus démocratique.
L’équation démocratique est à variables multiples et complexes, reflet de sociétés
aspirant au changement et écrivant une nouvelle page de leur histoire. Au fond, deux
facteurs majeurs commandent la dynamisation du projet Maghrébin. Le premier est
une convergence suffisante des sociétés quant au processus de sécularisation, c’està-dire quant au modèle de la famille et à l’autonomie de la législation par rapport
à la charia, ainsi qu’à l’affirmation des libertés individuelles et de la démocratie.
En dépit des révolutions secouant le théâtre, nous n’avons pas l’assurance que cette
convergence se vérifie dans la mesure où des forces conservatrices ou régressives sont
à l’œuvre de bout en bout du Maghreb et que l’avance prise par la Tunisie est ellemême menacée à ce jour. Le second tient à l’option fondamentale de l’Algérie. L’issue
du conflit saharien, quelle qu’elle soit, ne suffit pas à déterminer la résurrection du
Grand Maghreb dans la mesure où ce conflit est lui-même l’indice d’une stratégie
globale algérienne visant l’ensemble des pays de la région. Dans une certaine mesure,
la rigidité algérienne déterminera l’avenir de l’espace maghrébin.
Dans ce contexte global4, comment peut évoluer le terrorisme incarné par Al
Qaida aux pays du Maghreb Islamique (AQMI) ? Les bouleversements géopolitiques
secouant la scène maghrébine, et par effet de contagion le Sahel, constituent-ils des
stimulants ou, inversement, des freins à l’expansion de l’organisation terroriste ? La
réponse dicte dans une première étape de s’interroger sur la nature de cette organisation.
La composante algérienne d’AQMI
AQMI est une organisation complexe, officiellement franchise d’Al Qaida à
l’échelle maghrébine et sahélienne et, officieusement, levier utilisé par de multiples
acteurs au gré de leurs intérêts stratégiques ou criminels.
En intégrant « officiellement » Al-Qaïda en janvier 2007, le Jihad au Maghreb
change de dimension, de doctrine et de mode d’action. Il devient la quatrième
branche armée d’Al-Qaïda, après celles établies en Afghanistan, en Irak et en Arabie
Saoudite. Néanmoins, ce point de vue peut être nuancé. En effet, « AQMI n’est
pas une organisation maghrébine, mais un projet d’organisation maghrébine. Son
changement de dénomination et son ralliement à Al-Qaida n’ont pas changé sa nature algérienne. Ils répondent plutôt à une volonté de redonner du sens à un djihad
affaibli et discrédité au niveau national, en l’inscrivant dans la problématique glo-
281
Géo n°32.indd 281
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
bale de la confrontation Islam-Occident. (…) La fermeture du système politique
algérien, les alternatives au pluralisme et à la démocratie qu’il offre à la population,
entraînent une déconnexion de la vie politique locale au profit d’approches globalisantes. Même des militants de gauche reproduisent, dans leurs propres termes, la
vision d’un conflit avec un Occident accusé de soutenir et d’entretenir dictatures
et régimes autoritaires. C’est cette réalité politique, ainsi que les conditions sociales
difficiles des jeunes, qui font le lit d’AQMI et peuvent donner de la résonance à son
projet maghrébin »5.
En 2008, l’AQMI continue sa dynamique d’internationalisation : comme le souligne Abdelmalek Droukdel6, il s’agit de poursuivre la stratégie d’internationalisation
du mouvement et de devenir la première force d’opposition armée au Maghreb.
Néanmoins, tout au long des années 2008, 2009 et 2010, AQMI essuie de nombreux revers matérialisés par l’élimination ou la capture de nombreux « émirs »7. Selon
la presse algérienne et le gouvernement algérien parlant de « terrorisme résiduel »,
l’éradication du mouvement terroriste semble proche : en effet, selon L’expression
en date du 1er juillet 2009, 355 terroristes, dont plus d’une vingtaine d’émirs, ont
été éliminés en un an. Parallèlement, les opérations de ratissage de l’armée algérienne se multiplient. Des dissensions, rivalités et suspicions internes fragilisent le
mouvement. Son éventuel soutien populaire s’effrite sérieusement suite aux attentats
suicides faisant des victimes civiles. Les capacités de recrutement s’effondrent et les
interceptions par l’armée de convois d’approvisionnement en armes et munitions
provenant du sud algérien se multiplient. Par ailleurs, la neutralisation de nombreux
réseaux de soutien logistique et les fatwas hostiles de théologiens du Golfe décrétant
illicite le jihad en Algérie affaiblissent le mouvement terroriste. En 2009, comme le
souligne Louis Caprioli8, « AQMI est confrontée à un phénomène d’érosion. Ses
dirigeants disparaissent, la privant de cadres et de stratèges. Ses réseaux de soutien
étant sans cesse démantelés, sa stratégie de recrutement s’effondre. L’efficacité de
la lutte militaire et du renseignement ont asphyxié progressivement le mouvement
terroriste »9.
Néanmoins, en dépit des coups de boutoirs et des succès rencontrés par les forces
de sécurité algériennes dans la période 2008-2010, la réalité semble plus nuancée et
complexe. En 2011, AQMI conserve une relative capacité de nuisance qu’il convient
de ne pas négliger. En se basant sur l’année la plus basse, 2001, les attaques et attentats d’AQMI au Maghreb et au Sahel ont cru de 56% pour atteindre un sommet
en 2009, avec 204 attaques, puis 178 attaques en 2010. Par ailleurs, durant la période 2001-2010, l’Institut Potomac10 comptabilise 1 103 actes terroristes (atten-
282
Géo n°32.indd 282
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
tats, meurtres, kidnappings, etc.) contre des cibles nationales et internationales au
Maghreb et au Sahel, engendrant 2 000 morts et 6 000 blessés11.
Tel un virus, l’organisation terroriste s’adapte, mute et fait preuve d’une certaine
capacité de résilience sur fond de changement de mode opératoire évoluant vers des
actions de guérillas et des embuscades extrêmement bien planifiées.
Par ailleurs, le recrutement se poursuit et le mouvement terroriste continue à séduire de jeunes recrues déracinées et non insérées socialement. La lutte armée menée
par le gouvernement algérien ne s’est pas accompagnée de mesures politiques visant à affaiblir idéologiquement AQMI. La persistance du chômage et des injustices
sociales conjuguée à l’absence de progrès économiques et sociaux, joue en faveur
d’AQMI et de la persistance du terrorisme algérien. Plus globalement, la stratégie
occidentale de harcèlement et de stigmatisation des Musulmans alimente le choc
Occident-Islam et favorise l’endoctrinement et le recrutement.
En effet, « Al-Qaida au Maghreb islamique reste fondamentalement une organisation algérienne (le GSPC12) qui s’est donné un « projet maghrébin ». Mais elle
incarne également un second âge du terrorisme qui tente de fondre la problématique
algérienne dans une géopolitique globale centrée sur l’antagonisme Islam-Occident.
Cette mutation a pris au dépourvu le régime algérien dont l’action reste fondée sur
la répression et sur une offre d’amnistie qui semble avoir produit le maximum de
ses effets »13.
Figure : Nombre d’attaques terroristes au Maghreb et au Sahel
attaques terroristes en Algérie, Tchad, Libye, Mali,
Mauritanie, Maroc, Niger et Tunisie
204
200
178
153
161
152
150
104
100
55
44
50
31
21
20
10
20
09
20
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
01
0
© Population & Avenir - Chiffres Institut Potomac ; les chiffres de 2001 débutent au 11 septembre 2001.
283
Géo n°32.indd 283
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
Si les forces de sécurité sont les cibles privilégiées, les intérêts étrangers ne sont
pas à l’abri. Al-Qaïda continue son prosélytisme en Algérie et sa campagne antifrançaise s’amplifie.
Parallèlement, la dynamique de contestation ou de révoltes secouant les pays du
Maghreb depuis début 2011 est salutaire car elle porte un coup à l’enkystement de
dictatures décennales. Mais elle peut offrir, dans l’éventualité de la persistance d’un
climat de relative anarchie, et la nature ayant horreur du vide, des angles de pénétration et de renforcement de mouvements prônant le salafisme violent à l’image
d’AQMI. Au fond, en Algérie, la menace d’AQMI pose en réalité la problématique
de la maturité historique de l’Etat et de la société algérienne et de la nature du pouvoir algérien. Certes, le 15 avril 2011, un discours du président Bouteflika annonce
la révision de la constitution, de nouvelles ouvertures concernant les partis, les associations et le code électoral. Mais une frange « obscure » du pouvoir algérien s’est
empressé d’élever le niveau de défense intérieur afin de bloquer toute tentative non
maîtrisée d’ouverture politique. C’est la réponse à court terme, les enjeux financiers
liés à la rente pétrolière étant considérables.
Cependant, les développements précédents n’épuisent pas la question. Il ne
faut pas nier l’existence d’un noyau dur d’islamistes radicaux vecteurs d’un message
politico-religieux et ayant recours au terrorisme. Mais une deuxième clef d’analyse permet de mieux cerner la complexité et la portée d’AQMI au Maghreb et au
Sahel. À l’intérieur de l’Etat algérien, se situent des centres de décision et d’action
aux stratégies divergentes. Leur existence s’explique par une lutte interne pour le
pouvoir et le contrôle des richesses nationales14. Dans le cadre de cette lutte15, des
hommes pivots du mouvement armé du GSPC devenu AQMI seraient aux ordres
d’un clan disposant de puissants relais au sein des services algériens (notamment le
Département du Renseignement et de la Sécurité, DRS)16. L’ampleur des actions
malveillantes entreprises, aussi extrêmes soient-elles, serait ni plus ni moins que des
messages adressés aux clans adverses. Elle favoriserait une stratégie visant à ériger
l’Algérie en puissance incontournable au Maghreb et au Sahel, seule puissance,
alliée des Etats occidentaux, en mesure de coordonner les efforts militaires et de
lutter efficacement contre AQMI. Toutefois, les opérations d’AQMI n’obéissent pas
toujours aux commanditaires : il arrive que des opérations ponctuelles, notamment
au Sahel, échappent à leur contrôle, reflétant une volonté d’autonomisation des
monstres à l’égard des maîtres.
AQMI avancerait ainsi sensiblement au gré des intérêts de cercles du pouvoir
algérien. Jeremy Keenan précise : « le DRS opère vraiment comme un Etat dans
284
Géo n°32.indd 284
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
l’Etat. Et il est à peu près sûr que les cercles politiques dirigeants, surtout à la présidence et au ministère de l’intérieur, ne sont pas entièrement au fait de ses multiples
activités au Maghreb et au Sahel »17. Si elle est juste, une telle analyse témoigne
non de la puissance de l’Etat algérien, leurre nourri afin de protéger son intégrité
fragilisée par la mémoire d’une souveraineté frustrée, mais, bien au contraire, de
sa vulnérabilité persistante. Elle témoigne également de la profonde complexité
de la problématique sécuritaire de l’ensemble de la région tant que l’Etat algérien
n’aura pas surmonté ses contradictions fondamentales. Dans ce contexte, la réponse
au problème d’avenir tient à la fois à l’assainissement de la scène algérienne, à un
consensus intermaghrébin et au consensus de l’ensemble des riverains de l’océan
sahélien.
À la lumière de ces développements, l’infiltration en territoire tunisien, en mai
2011, de deux groupes de deux hommes de nationalités algérienne et libyenne
soulève certaines suspicions. À titre d’hypothèse, le pouvoir de l’ombre algérien n’a
aucun intérêt à l’avènement d’une démocratie à sa frontière Est potentiellement
contagieuse, bousculant le statu quo algérien par une accélération non maîtrisée de
l’ouverture politique. En effet, le 11 mai 2011, un premier groupe composé de deux
libyens est arrêté par les forces de sécurité tunisiennes dans un hôtel à Tataouine.
Et, dans la nuit du 14 au 15 mai 2011, un second groupe est interpellé dans la
montagne de Nekrif aux environs de Remada18. « Selon des sources sécuritaires,
l’interrogatoire de ces commandos accrédite la thèse selon laquelle AQMI les a
entraînés et envoyés en éclaireurs avec pour mission de mettre en place des caches
d’armes dont certaines ont été découvertes »19. Cette thèse concevable n’écarte pas
pour autant des calculs d’hégémonie et de subversion.
En effet, l’effacement programmé de la Libye en tant qu’acteur régional majeur
dans la zone maghrébine et sahélienne ouvre un large boulevard à un monopole
stratégique quasi exclusif pour l’Algérie qui n’a jamais caché, depuis 1962, ses ambitions à l’égard de ces espaces, notamment le théâtre saharien. Si Alger veut profiter
de cette opportunité, il lui incombe dès à présent de développer des dispositifs diplomatiques, militaires et subversifs afin de marquer son territoire et de contraindre
tant le Maroc que la Tunisie à rester à l’intérieur de leurs frontières et à ne surtout
pas se mêler de ce qui se passe sur leur flanc sud. Une phase de manœuvres alambiquées et de signalisations indirectes, dans la tradition constante du pouvoir algérien, est en train de s’ouvrir. Il convient de prendre pleinement la mesure de cette
nouvelle réalité et d’apprendre à décrypter les événements secouant ces espaces en
fonction de cette nouvelle donne.
285
Géo n°32.indd 285
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
La branche saharienne d’AQMI
Parallèlement, depuis début 2009, nous assistons à un déplacement du centre
de gravité d’AQMI du territoire algérien vers le théâtre sahélien, opérant ainsi un
retour sur « l’ennemi proche » : les recrues mauritaniennes et maliennes y sont
plus nombreuses, le mouvement terroriste bénéficiant au sud de l’attrait de la nouveauté. En effet, face à une pression croissante des forces de sécurité algériennes,
l’espace mauritanien et malien offre à AQMI un sanctuaire, des moyens de repli
et de réorganisation et des facilités de recrutement20 et de financement. Ainsi, les
réseaux terroristes et criminels s’activent, s’enracinent et se développent au Sahel de
manière significative.
Cette orientation est favorisée par quatre dynamiques :
• La persistance du conflit au Sahara ex-espagnol nourrissant la méfiance entre
l’Algérie et le Maroc, enclins à mettre en place des stratégies de déstabilisation
mutuelles de leurs flancs sud ;
• La montée en puissance de flux informels de toutes sortes, notamment du
trafic de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud et à destination du continent européen ;
• Une dérive mafieuse de l’ancienne garde du Polisario et une nette tendance de
la jeunesse en perte de repères des camps sahraouis à l’établissement de liens
avec des membres d’AQMI. Ainsi, un axe AQMI, Polisario, trafiquants en
tous genres et membres des cartels de drogue sud-américains semble-t-il se
dessiner au Sahel ;
• En outre, depuis 2011, le conflit libyen, source d’une déstabilisation de la
zone, crée un appel d’air favorable aux groupes mafieux et aux groupes terroristes aspirant à profiter de l’anarchie et de la circulation d’armements sophistiqués. Par ses effets induits, c’est un puissant catalyseur pour les activités
criminelles en tous genres.
A l’image de l’océan, le Sahel, miroir de la Méditerranée, est un espace vivant,
sillonné de routes empruntées par des peuples distincts et zone d’échange de civilisations très anciennes. Bien qu’il soit partagé entre plusieurs Etats, il appartient à
tout le monde et à personne. Regorgeant de richesses naturelles, c’est un espace où
circulent les hommes et les biens, mais aussi où peuvent se dissimuler des acteurs
pratiquant couramment des actes délictueux s’apparentant à la piraterie (prédations, razzias, trafics, terrorisme, etc.).
286
Géo n°32.indd 286
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
Les enlèvements dont il est le théâtre sont combinés aux divers trafics et à la
montée en puissance d’un prosélytisme salafiste extrémiste. L’ensemble bouscule,
selon des schémas extrêmement complexes, les équilibres des confréries traditionnelles, tandis que persistent des tendances irrédentistes. Il en résulte un climat d’insécurité croissant propice à la déstabilisation des Etats sahéliens. Depuis les années
2000, l’enchaînement des événements témoigne de l’extension de l’insécurité au
nord du Mali et du Niger avec des connexions établies au Nigeria, consécutives
à l’activité croissante de la branche saharienne d’AQMI, dirigée aujourd’hui par
Yahia Djouadi.
Sans nier l’existence d’activités criminelles et d’enlèvements périodiques, il
semble opportun de relativiser l’importance d’AQMI, ce « rejeton d’Al Qaida » qui
existe davantage dans l’esprit de certains acteurs cherchant plus à en tirer profit qu’à
l’éradiquer. Comme le souligne Alain Chouet21, « tout contestataire violent dans le
monde musulman, qu’il soit politique ou de droit commun, quelles que soient ses
motivations, a vite compris qu’il devait se réclamer d’Al Qaïda s’il voulait être pris
au sérieux, s’il voulait entourer son action d’une légitimité reconnue par les autres,
et s’il voulait donner à son action un retentissement international »22. En effet, une
réelle contestation politique islamiste peut dégénérer en violence islamiste du fait
de l’accumulation et du pourrissement de frustrations de nature politique et économique (concept de sociétés bloquées). Mais, derrière, peuvent se cacher toutes
les manipulations possibles. Ainsi, pour les criminels parcourant l’océan sahélien,
se revendiquer d’Al-Qaida, c’est se donner une dimension et une envergure mondiales permettant de faire monter les enchères lors d’enlèvements ou de toute autre
activité criminelle. « Pas plus au Sahel qu’ailleurs, il ne faut imaginer un Oussama
Ben Laden trônant au sommet d’une structure pyramidale, tirant les ficelles d’un
régiment de marionnettes et orchestrant la moindre embuscade »23.
De fait, la menace salafiste, réelle car porteuse d’un message politico-religieux,
est « mise à la sauce » de toutes les problématiques locales : trafics en tous genres, recherche de rentes, rivalités politiques (Algérie-Libye, Algérie-Maroc, Algérie-Mali,
Mauritanie-Mali, Mali-Niger, etc.), conflits d’intérêts entre nomades et sédentaires
(Arabes et Touaregs, Maures et Noirs, etc.), poids relatif de l’armée et des services
de sécurité au sein des différents pays, appétits des grandes multinationales internationales, etc.
Selon Alain Chouet, « AQMI, c’est une composante islamiste, une composante
banditisme, une composante trafics et une composante mercenaires »24. D’où la
complexité et la diversité à la fois des acteurs et des enjeux qui se cachent derrière
287
Géo n°32.indd 287
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
l’étendard AQMI. Cette dernière, parcourue par des querelles de chefs mafieux, est
donc aussi, et peut-être avant tout, une organisation de banditisme mafieux ayant
érigé les enlèvements et les prises d’otages en commerce ordinaire.
Ainsi, AQMI semble-t-elle être l’arbre qui cache la forêt, le terrorisme amplifié
voilant les véritables enjeux et menaces. Qu’ils s’appellent AQMI ou autre, il s’agit
principalement d’acteurs cherchant à tirer profit du désordre sahélien. Le tableau
est complexe et il est difficile d’y voir clair et de déceler ce qui relève de l’intox et
de la réalité. Néanmoins, trois types d’acteurs à titre d’hypothèse retiennent l’attention.
Les acteurs du théâtre sahélien incluant sa partie maghrébine
Un premier type qui peut être qualifié de « business » doit être identifié avec précision. Divers acteurs sont attirés par l’espace de fragilité qu’est le Sahel et s’allient
avec des forces locales afin de tirer bénéfice du désordre. Il s’agit alors d’une criminalisation des acteurs économiques, dont la criminalisation financière. La prise de
contrôle du pouvoir par des acteurs criminels vivant de rentes criminelles, m^me
si elle n’est que partielle, engendre un danger réel risquant d’impacter durablement
les équilibres des sociétés sahéliennes. Ainsi peut se produire le basculement d’une
criminalisation économique vers une criminalisation politique. Autrement dit, « le
risque que des réseaux criminels internationaux influent sur l’avenir politique de
certains Etats sahéliens est réel »25 ;
La deuxième type d’acteurs est politico-énergétique : l’arc sahélien, zone de vulnérabilités et sous-défendue, attire des convoitises du fait des richesses de son soussol et des futurs projets de désenclavement des ressources énergétiques (TGSP26,
etc.). Le Sahel intéresse alors des entreprises majeures dans le secteur énergétique ou
des cartels. Ces acteurs, motivés par des intérêts stratégiques et à identités multiples,
sont en mesure et disposent des moyens de contribuer au financement des armées
ou des polices d’État, mais aussi de corrompre, de créer des leurres, de posséder une
armée privée, d’armer des rébellions et des dissidences, etc. Leur capacité d’action
est puissante et significative. Par ailleurs, des Etats les soutiennent : ainsi, la menace
terroriste est amplifiée, voire nourrie, afin de permettre à des Etats en rivalités pour
la prise de contrôle des richesses, de se positionner économiquement et militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l’océan Atlantique à la mer Rouge et
offrant la possibilité de peser, en tant que passerelle, sur les équilibres géopolitiques
et énergétiques du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. Selon Jeremy Keenan27, « en
somme, ce qui se passe au Sahel, c’est la création d’une Al-Qaida occidentale pour
288
Géo n°32.indd 288
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
les besoins de l’Occident : pour les Etats-Unis, parce que le terrorisme au Sahel justifie leur AFRICOM28 et la militarisation de la région par l’installation potentielle
d’une future base, pendant ouest-africain de l’importante base américaine implantée à Djibouti ; pour les puissances européennes, notamment la France, parce qu’il
justifie l’intervention de l’Occident dans le corridor sahélien riche en minéraux »29.
Cette thèse trouve un écho en Algérie. Ainsi, le 11 octobre 2010, le directeur général par intérim du Centre Africain des Etudes et Recherches sur le Terrorisme
(Caert), Lies Boukraâ, qualifie AQMI de « leurre cachant un projet de recolonisation du Sahel »30.
Dans ce cadre, les objectifs stratégiques poursuivis obéissent à des calculs à
long terme visant à justifier une pénétration militaire sur la base d’opérations de
nettoyage et de lutte contre le terrorisme au Sahel. La révolution démocratique
en Libye est exploitée à bon escient afin de compléter cette stratégie. La guerre
en cours menée par la coalition étaye l’existence de calculs politiques particuliers
de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Ces calculs révèlent des intérêts
concurrents entre eux et à l’égard de puissances tierces (Italie, Chine, Russie, etc.)
à l’échelle libyenne, mais également à l’échelle du Maghreb et du Sahel. En fait, la
Libye, porte d’entrée vers le Sahel, était convoitée relativement aux enjeux énergétiques et miniers, aux enjeux d’influence économique et stratégique, et quant à
l’accès aux ressources avérées et futures du flanc sud sahélien (bassin de Taoudéni
qualifié de futur eldorado pétrolier et minier). Le point d’appui libyen offrirait aux
Occidentaux une porte d’entrée vers le théâtre sahélien et l’Afrique afin de lutter
contre l’AQMI, sécuriser les approvisionnements en pétrole et minerais et contenir
la Chine31. Ces objectifs prévaudront quel que soit le caractère démocratique ou
non du futur régime libyen.
Le troisième type d’acteurs regroupe des réseaux mafieux locaux qui, tel un nodule, se greffent sur un corps malade (un échiquier tourmenté) en se donnant une
rhétorique « al qaidiste » afin de brouiller les cartes d’intelligibilité.
Enfin, conformément à l’hypothèse précédemment avancée concernant l’ampleur des rivalités régionales et extra régionales, pour le DRS algérien, l’équation
est complexe et à plusieurs inconnues à l’égard du théâtre sahélien. Il s’agit d’être
en mesure de doser et de mesurer l’action « terroriste » afin de valoriser les positions
algériennes à l’égard de leur flanc sud sans pour autant en arriver au seuil de déclenchement des interventions occidentales préjudiciables aux intérêts stratégiques algériens. Ainsi, AQMI serait-elle un instrument d’influence entre les mains des services
algériens générant une rente stratégique monnayable auprès des Occidentaux32. Par
289
Géo n°32.indd 289
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
ailleurs, du fait de sa géographie lui permettant de contrôler les routes des flux sahéliens, cette stratégie permet à Alger de s’approprier des ressources de substitution
permettant de lisser les variations du prix du pétrole. Ainsi, « l’ouverture politique,
les avancées démocratiques, la lutte contre la corruption, l’assainissement des clans
qui gravitent autour du pouvoir sont ainsi différés pour concentrer les efforts sur la
sécurité du pays »33. Cette orientation trouve une légitimité supplémentaire suite
aux effets collatéraux de la guerre en Libye34.
En définitive, les répercussions favorables ou défavorables des révolutions secouant le Maghreb sur l’évolution d’AQMI doivent être analysées à la lumière du
tableau ci-dessus mêlant une nature complexe et volatile de l’entité elle-même, une
diversité d’acteurs poursuivant des objectifs stratégiques concurrents et des pesanteurs géopolitiques diverses.
Compte tenu de la complexité et de la volatilité du tableau, il est trop tôt, au
troisième trimestre 2011, pour être en mesure de livrer un cadre théorique identifiant les facteurs structurels stimulant ou, inversement, freinant la dynamique
d’évolution de l’AQMI. Quelques pistes de réflexion peuvent néanmoins être proposées.
Les facteurs favorables à la persistance d’AQMI
Tout processus révolutionnaire bouleverse profondément une société, la nature
et les modalités d’exercice du pouvoir engendrant une montée en puissance des
rivalités et du désordre. L’ampleur des frustrations sociales, la montée des revendications, les inégalités sociales, économiques et politiques, la confusion et la désorganisation des pouvoirs à la recherche d’un nouvel équilibre, l’incertitude croissante,
l’insécurité et le prurit anarchique qui en découlent sont autant de facteurs ouvrant
une fenêtre d’opportunités à des acteurs malveillants cherchant à en tirer profit.
En ce sens, l’instabilité et la confusion postrévolutionnaire peut s’avérer profitable
à des mouvements type AQMI. En outre, cette phase de recomposition interne
des régimes engendre des exclus, des perdants et des minoritaires pouvant être tentés, par des manœuvres illicites de déstabilisation, de verser dans la violence armée
nourrissant ainsi tous les extrémismes, notamment religieux.
A la mi-2011, L’Etat algérien n’a pas amorcé de processus de réforme politique
inversant la persistance de la rigidité algérienne sur fond de tensions croissantes à ses
frontières35. Acculé, se percevant comme menacé dans son existence et sa survie, le
pouvoir de l’ombre algérien peut être tenté par une fuite en avant, au recours à des
290
Géo n°32.indd 290
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
stratégies dissuasives et malveillantes. Quant au fond, l’ordre maghrébin demeure
fragile : les Etats entretiennent des rapports de bon voisinage et maintiennent, là où
les frontières sont ouvertes, la fluidité des échanges touristiques et commerciaux.
Mais tout ceci se déroule à l’ombre de politiques concurrentes et de menaces de
crises supplémentaires. Les relations économiques intra-maghrébines sont marginales, les politiques extérieures divergentes, le taux d’armement oscillant pour l’ensemble entre moyen supérieur et élevé. Les rapports de sécurité sont tournés vers
l’extérieur. Par ailleurs, l’Algérie semble s’attacher à renforcer son hégémonie et son
champ d’influence sur son flanc sud sahélien à travers une instrumentalisation de la
menace terroriste lui conférant le statut d’unique gendarme régional en mesure de
sécuriser le théâtre sahélien. Le levier de cette stratégie pourrait être une manipulation croissante d’éléments d’AQMI soutenus par le DRS.
La guerre en Libye constitue un élément significatif de déstabilisation du
Maghreb et du Sahel profitable à une montée en puissance de l’AQMI et de mouvements criminels. En effet, des armements lourds36 pillés dans des hangars libyens
sont cédés par divers trafiquants à des éléments d’AQMI, au risque d’embraser
l’espace sahélien. Ce risque est amplifié par l’implication avérée, au 1er semestre
2011, d’unités d’élites de l’armée tchadienne rompues au combat en milieu désertique prêtant un précieux soutien aux troupes fidèles à Kadhafi37. L’implication de
Touaregs dans les combats en Libye risque d’entraîner à terme une déstabilisation
du Mali et du Niger à travers un réveil armé des dissidences au nord. Ces pays notent d’ores et déjà des signes avant-coureurs. Facteur aggravant, nous assistons parallèlement à une multiplication d’affrontements entre groupes ethniques maliens
conduisant à des processus de territorialisation qui génèrent des combats meurtriers pour le contrôle de l’acheminement de la cocaïne. Cette transformation en
cours d’espaces en territoires ethniques peut s’avérer fortement crisogène38. Dans ce
cadre, la résonance de la crise libyenne peut affecter la stabilité du couloir sahélien
déjà fortement tourmenté. En effet, toute mesure accroissant le désordre sahélien
stimule et nourrit l’ensemble des acteurs malveillants.
L’ingérence occidentale armée en Libye, et dans une moindre mesure au Sahel
alimente le sentiment croissant d’un double standard et d’une stigmatisation croissante des populations musulmanes. En effet, l’intervention militaire des puissances
occidentales, décidée au nom de la responsabilité de protéger la population civilee trahit une profonde contradiction. Ces mêmes puissances avaient ignoré ce principe
quand les peuples libanais et palestinien, dépourvus de la moindre défense aérienne,
subissaient en 2006 et en 2008/9 des bombardements dévastateurs. Ces puissances
291
Géo n°32.indd 291
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
s’étaient alors opposées expressément au cessez-le-feu, endossant ainsi la destruction
délibérée de la population civile. Leur zèle soudain pour la protection du peuple
libyen est entaché de suspicion alors même que les menaces sont toujours actuelles
contre les peuples arabes, notamment le peuple palestinien. Au sein du monde
arabe et dans le fond des consciences, ces puissances renient la portée universelle
de leur doctrine, cautionnent l’expansionnisme et le colonialisme d’Israël et renforcent sciemment les bases de l’instabilité régionale. Cet état de fait constitue pour
l’AQMI un élément supplémentaire renforçant ses capacités d’endoctrinement, de
fanatisation et donc de recrutement.
La persistance du chômage et des injustices sociales, conjuguée à l’absence de
progrès économiques et sociaux, joue en faveur de l’AQMI. Une jeunesse désœuvrée et sans perspective d’avenir constitue un terreau idéal pour renforcer les rangs
de l’AQMI et des mouvements criminels au Maghreb et au Sahel. La défaillance
politique et économique des Etats sahéliens et leur incapacité, en dépit du lancement d’ambitieux programmes, à initier une réelle dynamique vertueuse de développement des régions nord constitue un facteur structurel favorable à l’enracinement du terrorisme et de la criminalité organisée.
Les freins à l’expansion d’AQMI
Toutefois, les révolutions arabes semblent marquer l’amorce d’une ère postislamiste. En effet, les revendications des peuples soulevés ont pour leitmotiv la
démocratie, la liberté et la dignité. Il s’agit pour ces peuples de relever la tête et
d’écrire leur propre histoire. L’absence des Islamistes de la révolution tunisienne
est révélatrice à cet égard : les leaders islamistes n’ont été ni les inspirateurs, ni les
organisateurs des manifestations. Certes, la récupération politique par des islamistes
des révolutions en cours est concevable et, à un certain égard, en cours. Néanmoins,
la montée de processus démocratiques dans le monde arabe, à travers la promotion
d’une philosophie inclusive de la dimension islamique, pourrait vider le substrat
idéologique des mouvements terroristes prônant, face à des dictatures soumises à
l’Occident, la violence aveugle comme seule alternative politique.
À terme, si la rigidité algérienne cédait, nous pourrions assister à une réelle diffusion de la démocratie à l’échelle maghrébine, bouleversant le tableau stratégique.
En effet, l’ouverture politique de l’Algérie constituerait un tournant majeur susceptible de se traduire par la fin de mouvements type AQMI. À la faveur des révolutions tunisienne et libyenne insufflant un réel vent de démocratisation constructive
des sociétés maghrébines aspirant à la modernité, l’effet tache d’huile pourrait opé-
292
Géo n°32.indd 292
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
rer et aboutir à un assainissement de la scène algérienne propice à une ouverture
démocratique. A travers la promotion d’un néo-FLN, le pouvoir de l’ombre (DRS
et autres) pourrait être balayé par une vague de protestations associant la jeunesse,
les classes populaires et la base de l’appareil militaire aspirant à rompre avec la dérive de certains officiers généraux détournant à leur profit la rente énergétique. Une
revitalisation du traité de Marrakech39, c’est-à-dire la convergence progressive entre
les cinq pays dans le sens de l’intégration régionale graduelle incluant le processus
de sécularisation serait alors possible, et le duo Tunisie Libye pourrait évoluer vers
une étroite intégration. Le libre-échange entre les cinq pays avancerait, les produits
industriels et agricoles circuleraient sans restriction, des entreprises privées mixtes
fourniraient sans restriction le marché maghrébin, les marchés extérieurs et la Zone
Arabe de Libre Echange. L’émergence du Grand Maghreb crée un élan de confiance
dans les pays du Sahel africain et favoriserait ainsi un courant d’échanges économiques et culturels redonnant sens à une histoire séculaire.
L’ampleur de la menace terroriste au Sahel et le sens du bon voisinage stratégique dictent une collaboration étroite entre les différents acteurs de la région. La
sécurité de cet océan sahélien ne saurait, comme en mer, que relever d’un effort
concerté des riverains, notamment dans l’échange de renseignements, et d’une perception commune des menaces afin de dissiper des stratégies qui, pour le moment,
ne convergent pas. Bien au contraire, elles se croisent, voire se neutralisent, au nom
de calculs étroits. Certes, des efforts tendant à densifier la présence militaire des
Etats sahéliens en vue d’amplifier leur contrôle sur leur territoire et à combler les
lacunes de coopération et de coordination à l’échelle sous-régionale sont entrepris,
comme en témoigne la multiplication d’initiatives depuis le début du mois de septembre 2010 : création du Comité d’Etat-major Opérationnel Conjoint à quatre
(CEMOC, Algérie, Mauritanie, Mali et Niger) installé à Tamanrasset le 21 avril
201040, réunion extraordinaire du Conseil des chefs d’Etat-major à Tamanrasset
de l’Algérie, de la Mauritanie, du Mali et du Niger le 26 septembre 2010, réunion
à Alger des chefs des services de renseignement de l’Algérie, de la Mauritanie, du
Mali, du Niger, de la Libye, du Tchad et du Burkina Faso le 29 septembre 2010
(groupe des 7), mise en place du centre de Renseignement sur le Sahel composé de
hauts officiers des pays du CEMOC, forums sur le terrorisme et le crime organisé,
création de patrouilles mixtes, notamment entre la Mauritanie et le Mali, droit de
poursuite, etc.
Plus récemment, nous assistons depuis mai 2011 à une accélération des initiatives marquant l’amorce d’une mobilisation régionale dans le cadre de la lutte
293
Géo n°32.indd 293
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière au Sahel : réunion des chefs des
armées des pays du CEMOC à Bamako les 28 et 29 avril 2011, prises de positions
très remarquées du nouveau ministre malien des affaires étrangères Soumeylou
Boubeye Maïga témoignant d’une rupture avec le passé et d’une ferme volonté du
Mali de s’impliquer dans la lutte contre l’AQMI, réunion des ministres des affaires
étrangères à Bamako le 20 mai 201141, possibilité de mise en place d’un futur mécanisme conjoint entre les services de sécurité maliens, burkinabés et nigériens afin
de renforcer la surveillance de la région du Liptako-Gourma à cheval entre les trois
pays. S’ajoute la réunion programmée début septembre 2011 à Alger des quatre
pays du CEMOC, des cinq pays membres du Conseil de Sécurité des NationsUnies représentant les puissances étrangères les plus influentes et certaines organisations internationales comme l’ONU, l’UE, l’UA, etc. Emerge ainsi une réelle
volonté de répartition des rôles entre pays du champ et puissances étrangères afin
de pacifier le couloir sahélien et lutter contre AQMI et la criminalité organisée42.
Néanmoins, ces initiatives, salutaires, persistent à sous-estimer le poids réel des
facteurs de tensions, des divergences sapant la confiance entre les pays du champ
et des enjeux économiques et stratégiques attisant les convoitises au Maghreb et
au Sahel. A titre illustratif, trois pays du Maghreb (Maroc, Tunisie et Libye) sont
toujours exclus du CEMOC, ce qui témoigne de la persistance de démarches désarticulées, souvent déterminées par la sourde défiance qui divise les riverains de
l’océan sahélien, alors que la menace dicte une action systématiquement concertée
et non exclusive.
En termes de réflexion prospective, la concertation et la coopération sont donc
indispensables pour la sécurité et le développement de cette région. L’intégration
régionale, incluant le développement d’un marché commun, pourraient contribuer,
pour reprendre l’expression proposée par Gérard-François Dumont43, à réaliser un
Sahel nostrum, voie privilégiée pour l’éradication de mouvements type AQMI.
Bibliographie
Barrouhi, Abdelaziz, « Kaddafi, AQMI : la double menace », Jeune Afrique, 22-28 mai 2011,
p. 47.
Baudouin, Loos, « Vous avez dit Al-Qaida au Maghreb ? », Le Soir de Bruxelles, 12 août 2010.
Benchiba, Lakhdar, « Les mutations du terrorisme algérien », Politique Etrangère, été 2009,
pp. 347-352.
294
Géo n°32.indd 294
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
Boubekeur, Amel, « L’islamisme algérien : De la réconciliation à l’échec de la paticipation politique », Revue africaine de parlementarisme et de démocratiee 2011, III (5), p. 7-15.
Champin, Christophe, « Afrique noire, poudre blanche : l’Afrique sous la coupe des cartels de la
drogue », Bruxelles, André Versaille, 2010, vol. 1.
Cherfaoui, Zine, « Derrière AQMI se cache un projet de recolonisation de l’Afrique », El Watan,
12 octobre 2010.
Daguzan, Jean-François, « Al Qaïda au Maghreb Islamique : une menace stratégique? », FRS,
S
2010, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/dossiers/aqmi/doc/aqmi.pdf.
f
Dumont, Gérard-François, « Tunisie : si Ben Ali avait appris la géopolitique des populations »,
Population & Avenir, n° 702, mars-avril 2011.
Dumont, Gérard-François, « La géopolitique des populations du Sahel », Cahier du CEREM
(Centre d’études et de recherche de l’École militaire), n° 13, décembre 2009.
Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris,
Ellipses, 2007.
Dumont, Gérard-François, « La géopolitique méditerranéenne, hier et demain », Géostratégiques,
n° 3, mars 2001.
Durand, Gwendal, L’organisation d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique réalités ou manipulations ?,
?
Paris, L’Harmattan, 2011.
Endong, Manassé Aboya, « Risque mesuré ou surdimensionné : instrumentalisation de l’AQMI
ou domination géostratégique? », Revue africaine de parlementarisme et de démocratie, 2011, III
(5), p. 17-29.
Filiu, Jean-Pierre, Les frontières du jihad,
d Paris, Fayard, 2006.
Filiu, Jean-Pierre, Les neuf vies d’Al-Qaida, Paris, Fayard, 2009.
Filiu, Jean-Pierre, La véritable histoire d’Al-Qaida, Paris, Pluriel, 2011.
Gautier, Louis, « AQMI : un problème régional », Les notes d’Orion : l’observatoire de la défense,
2011, (4): p. 2-10.
Gèze, François, « Al-Qaida au Maghreb, ou la très étrange histoire du GSPC algérien », Algeria
Watch, 23 septembre 2007, http://www.algeria-watch.org/pdf/pdf_fr/gspc_etrange_histoire.
pdf.
f
Guidère, Mathieu, Al-Qaida à la conquête du Maghreb le terrorisme aux portes de l’Europe, Monaco:
Ed. du Rocher, 2007.
Guidère, Mathieu, Le manuel de recrutement d’Al-Qaïda, Paris, Ed. du Seuil, 2007.
Guidère, Mathieu, Les nouveaux terroristes, Paris, Éd. Autrement, 2010.
Hugeux, Vincent, L’Afrique en face : dix clichés à l’épreuve des faits, Paris, Armand Colin, 2010.
Keenan, Jeremy, The Sahara past, present and future, London - New York, Routledge, 2007.
Keenan, Jeremy, The dark Sahara America’s war on terror in Africa, London, Pluto Press, 2009.
Keenan, Jeremy, « Terrorisme et insécurité au Sahel : une leçon de contrefaçon géopolitique »,
dans : Badie, Bertrand et Vidal, Dominique (direction), La fin du monde unique, 50 idées-forces
pour comprendre l’Etat du monde 2011, Paris, La Découverte, 2010.
295
Géo n°32.indd 295
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
Maïga, Soumeylou Boubèye. 2010. La sécurité dans le Sahel : des enjeux multiples, un défi commun. African Journal for Prevention and Combating Terrorism (Juin 2010):17-24.
Mansour, Abdellatif, « AQMI trempe dans la drogue », Maroc Hebdo International, n° 932, 2011,
p. 21
Mehdaoui, Z, « Libye, Africom, G8, otages algériens : les clarifications de Messahel », Le
Quotidien d’Oran, 2 juin 2011.
Mokaddem, Mohamed, Al-Qaïda au Maghreb Islamique : Contrebande au nom de l’islam, Paris,
L’Harmattan, 2010.
Najib, Abdelhak, « AQMI : des terroristes rodés chez les services algériens », Maroc Hebdo
International,l n° 932, 2011, p. 24-25.
Saïd, Radjef, « Les fautes du DRS et de l’AQMI », Le quotidien d’Algérie, 19 avril 2011.
Yonah, Alexander, “The consequences of terrorism : an update on Al-Qaeda and other terrorist
threats in the Sahel and Maghreb”. 2011 Report Update, Potomac Institute, janvier 2011.
Wackermann, Gabriel (direction), Un carrefour mondial : la Méditerranée, Paris, Ellipses, 2001.
Notes
1.
Dans un contexte démographique la favorisant. Cf. Dumont, Gérard-François, « Tunisie : si
Ben Ali avait appris la géopolitique des populations », Population & Avenir, n°702, mars-avril
2011, www.population-demographie.org/revue03.htm.
2.
La fin des opérations militaires peut tout autant déboucher sur une direction politique nationale consensuelle sous encadrement occidental transcendant le facteur tribal que sur une
exacerbation des tensions tribales aboutissant à une partition encouragée par l’Egypte, à un
pourrissement créant un abcès de tensions ou à l’émergence d’un nouveau pouvoir dictatorial.
3.
L’armée prend le pouvoir avec la mise en place du Conseil Militaire pour la Justice et la
Démocratie (CMJD), mettant fin à une dictature de 21 ans (1984-2005) exercée par
Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya.
4.
Sans omettre le paramètre géopolitique lié à la nature du peuplement ; cf. Dumont, GérardFrançois, « La géopolitique des populations du Sahel », Cahier du Cerem (Centre d’études et
de recherche de l’École militaire), n° 13, décembre 2009.
5.
Lakhdar Benchiba, « Les mutations du terrorisme algérien », Politique Etrangère, IFRI, été
2009, pp. 347-352.
6.
Dans un entretien accordé au New York Times, 1er juillet 2008, http://www.nytimes.
com/2008/07/01/world/africa/01algeria.html?_r=1&scp=1&sq=algeria&st=cse&oref=slo
gin .
7.
« Titre honorifique donné autrefois aux chefs du monde musulman (Calife), puis aux descendants du prophète ; prince, gouverneur, chef militaire arabe », Petit Robert,
t 2009.
296
Géo n°32.indd 296
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
8.
Conseiller du président de GEOS, société européenne spécialisée dans le management du
risque.
9.
Jeune Afrique, n° 2540, 13 au 19 septembre 2009, p. 17.
10. Sources : Yonah Alexander, « The consequences of terrorism : an update on Al-Qaeda and
other terrorist threats in the Sahel and Maghreb », 2011 Report Update, Potomac Institute,
janvier 2011.
11. Yonah Alexander, « The consequences of terrorism : an update on Al-Qaeda and other terrorist threats in the Sahel and Maghreb », 2011 Report Update, Potomac Institute, janvier 2011.
12. Groupe salafiste pour la prédication et le combat.
13. Lakhdar Benchiba, « Les mutations du terrorisme algérien », Politique Etrangère, IFRI, été
2009, p. 345.
14. Voir l’étude de François Gèze et Salima Mellah, « Al Qaida au Maghreb ou la très étrange
histoire du GSPC algérien », Algeria-Watch, 22 septembre 2007, http://www.algeria-watch.
org/fr/article/pol/geopolitique/decodage.htm.
15. Selon Gwendal Durand : « Depuis 2006, la recrudescence des actions terroristes islamistes,
sous la nouvelle appellation plus porteuse d’AQMI, ne s’expliquerait que par l’intensification de la lutte des clans au sommet de l’Etat algérien pour le contrôle et la répartition de la
manne pétrolière, considérablement accrue par l’augmentation du prix des hydrocarbures »,
Gwendal Durand, L’organisation d’Al Qaida Au Maghreb Islamique Réalité ou manipulations,
Paris, L’Harmattan, 2011, p. 83.
16. « Il existe (selon Jeremy Keenan) des contacts étroits entre la cellule d’Abou Zaïd d’AQMI
et le DRS, Zaïd étant lui-même considéré comme un agent du DRS. Pour cette raison, les
habitants de la région, de plus en plus remontés contre les soi-disant activités d’Al Qaïda,
se référent souvent à l’AQMI comme ‘AQMI/DRS’. Ainsi, les derniers mots attribués au
colonel Lamana Ould Bou, du service malien de la sécurité d’Etat, peu avant son assassinat
à Tombouctou le 10 juin 2009, furent : ‘au cœur d’AQMI, il y a le DRS…». Interview à la
chaine Al-Jazeera, citée par Baudouin Loos, « vous avez dit Al-Qaida au Maghreb ? », Le Soir
de Bruxelles, 12 août 2010, http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/geopolitique/decodage.
htm.
17. Keenan, Jeremy, « Terrorisme et insécurité au Sahel : une leçon de contrefaçon géopolitique »,op.cit. p. 284.
18. Sud-Est tunisien, région de Tataouine.
19. Abdelaziz Barrouhi, « Kaddafi, AQMI : la double menace », Jeune Afrique, n° 2628, 22 au 28
mai 2011, p. 47.
20. Facilité en outre par le potentiel démographique : cf. Dumont, Gérard-François, Démographie
politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
21. Ancien directeur du Service de renseignement de sécurité à la DGSE.
22. Interviewé par l’auteur le 16 avril 2010 à Paris.
23. Huheux, Vincent, L’Afrique en face : dix clichés à l’épreuve des faits. Paris, Armand Colin, mai
2010, p.54.
297
Géo n°32.indd 297
06/07/11 14:24
La réalité de la menace d’AQMI
’
…
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
24. Interview accordée par M. Alain Chouet à RFI le 30 septembre 2010.
25. Champin, Christophe, Afrique noire, poudre blanche : l’Afrique sous la coupe des cartels de la
drogue, Bruxelles, André Versaille, 2010.
26. Projet de transaharian gas pipeline, qui irait des champs gaziers du delta du Niger aux marchés européens viaa 4200 km sur le continent africain à travers le Nigeria, le Niger et l’Algérie.
27. Anthropologue et professeur à l’Ecole des études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres.
28. Le Département de la Défense des États-Unis a créé le 6 février 2007 un commandement
unifié pour l’Afrique (United States Africa Command), dont l’acronyme est USAFRICOM
ou AFRICOM. Opérationnel le 1er octobre 2008, sa vocation première est d’assurer la
coordination de toutes les activités militaires et sécuritaires des États-Unis en Afrique.
29. Keenan, Jeremy, « Terrorisme et insécurité au Sahel : une leçon de contrefaçon géopolitique », dans : Badie, Bertrand et Vidal, Dominique (direction), La fin du monde unique,
50 idées-forces pour comprendre l’Etat du monde 2011, Paris, La Découverte, 2010, p. 284.
30. Cherfaoui, Zine, « Derrière AQMI se cache un projet de recolonisation de l’Afrique », El
Watan, 12 octobre 2010, http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/geopolitique/recolonisation_afrique.htm, consulté le 15 octobre 2010.
31. En dépit d’une certaine entente semblant se dessiner avec la Russie et la Chine modérant
leurs positions relativement à la guerre en cours en contrepartie de compensations selon des
intérêts bien compris.
32. Interview d’un haut cadre du ministère des Affaires étrangères malien spécialiste des questions de défense. Propos recueillis lors d’un voyage de recherche à Bamako, 15 octobre 2010.
33. Durand, Gwendal, L’organisation d’Al Qaida Au Maghreb Islamique Réalité ou manipulations,
Paris, L’Harmattan, 2011, p. 98.
34. Lors d’une conférence de presse à la résidence d’Etat Djenane El Mithak le 1er juin 2011, le
ministre algérien délégué, chargé des affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel,
a clairement établi le lien entre la récupération d’armements sophistiqués par des groupes
terroristes affiliés à l’AQMI en Libye et la récente recrudescence des actes terroristes en
Algérie qualifiant la Libye de dépôt d’armes à ciel ouvert. Cf. Z. Mehdaoui, « Libye, Africom,
G8, otages algériens : les clarifications de Messahel », Le Quotidien d’Oran, 2 juin 2011,
http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ligue_arabe/clarifications_messahel.htm,
consulté le 3 juin 2011.
35. Avance démocratique en Tunisie, processus d’ouverture politique par la réforme au Maroc et
guerre en Libye.
36. Dont notamment des missiles portables sol-air SA-7 en mesure de menacer des hélicoptères
et des avions volant à basse altitude ou d’ancienne génération.
37. Voir Le Figaro, 11 avril 2011, http://www.lefigaro.fr/international/2011/04/10/0100320110410ARTFIG00233-des-unites-d-elite-tchadiennes-seraient-aux-cotes-de-kadhafi.
php
38. Interview accordée par le professeur André Bourgeot à RFI le 28 mai 2011.
298
Géo n°32.indd 298
06/07/11 14:24
Turbulences maghrébines
GÉOSTRATÉGIQUES N° 32 • 3e TRIMESTRE 2011
39. Créant l’Union du Maghreb Arabe (UMA) le 17 février 1989 entre la Mauritanie, le Maroc,
l’Algérie, la Tunisie et la Libye, avec un siège situé à Rabat au Maroc.
40. Et les multiples initiatives qui en découlent.
41. Cette réunion marque un tournant : institutionnalisation du processus avec mise en place
de réunions tous les 6 mois, décision commune de former et de mobiliser à l’horizon de 18
mois une force composée d’effectifs oscillant entre 25.000 et 75.000 hommes des quatre
pays, mandat accordé à l’Algérie afin de négocier la contribution des pays extra sahéliens,
renforcement de la planification et de la coordination conjointe avec capacités opérationnelles, etc. Nous assistons ainsi à une réelle montée en puissance des capacités militaires de
lutte contre l’AQMI. Parallèlement, cette réunion a marqué la volonté des Etats du CEMOC
de privilégier le développement économique des régions septentrionales du Mali et du Niger.
42. Cette orientation est à analyser au prisme de la guerre en Libye bouleversant les repères, accroissant les risques de déstabilisation pour les pays sahéliens et l’Algérie. Une fois la menace
écartée, le retour des antagonismes et des méfiances ancrés dans le temps long de l’histoire
n’est pas à exclure.
43. Notamment lors de sa conférence à la Sorbonne sur « La géopolitique des populations du
Sahel » le 17 mai 2010. Gérard-François Dumont a proposé formule à l’image de la Mare
nostrum des Romains.
299
Géo n°32.indd 299
06/07/11 14:24