Le Théâtre de l`Eau Qui Dort
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Le Théâtre de l`Eau Qui Dort
Le Théâtre de l’Eau Qui Dor t... présente de David Mamet Ada ion ptat e Mis c ave de scè en Em P le avil L e ierr ne Ro ick r t Pa de n ma u e ell M lde z uis avid q a r et D Se e ign Musiques : David Georgelin • Enregistrement violon : Marielle De Rocca Serra • Costumes : Catherine Dorcimon Lumières : Benoît Torti et Eric Pelladeau • Scénographie : Patrick Mignard ur __ Emmanuelle MARQUIS (CAROL) Dans des mises en scène de Luis F. Jimenez, elle vient de jouer Ay Carmela de José Santis Sinisterra au Café de la Danse, Stimulant, Amer et Nécessaire d’Ernesto Caballero, à l’Institut Cervantes puis en tournée en France, en Espagne et aux États-Unis, et Dompteurs d’Ombres d’Iztiar Pascual au Vingtième Théâtre et au Festival d’Automne de Madrid. Formée à l’École Supérieure d’Art Dramatique de la ville de Paris (E.S.A.D.) sous la direction d’Yves Pignot, elle a joué dans Le Misanthrope de Christophe Lidon au Théâtre 13, dans Le Malade imaginaire de Vera Schumacher à la Comédie Bastille et dans Une très belle soirée, d’après Les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, par Jean-Claude Cotillard (Prix Charles Dullin), au Théâtre du Renard. Pour nous, elle a également été Antonia dans le Faut pas payer ! de Dario Fo que la Compagnie a donné à quarantesept reprises. __ David SEIGNEUR (JOHN) Retenu parmi les Talents ADAMI Cannes 2006, David joue actuellement dans Do, Mi, Sol, Do de Paul Géraldy, mis en scène par Régis Santon au Silvia Monfort. Ces derniers mois, on a pu le voir dans deux autres spectacles du Silvia Monfort, La quatrième sœur de Glowacki par Camille Chamoux et Love and Fish d’Israël Horovitz par Régis Santon, mais aussi dans Comme il vous plaira mis en scène par William Mesguish au Théâtre 13 ou dans Le songe d’une nuit d’été mis en scène par Sophie Lorotte au Mouffetard. Auparavant, il était dans Le Menteur de Corneille mis en scène par Nicolas Briançon au Théâtre Hébertot et dans l’Œdipe de Jean-Claude Carrière et Sotigui Kouyaté, dans une mise en scène du second, pour le Théâtre des Bouffes du Nord – et en tournée internationale. John, professeur d’université, reçoit l’une de ses élèves, Carol, venue discuter une mauvaise note qui pourrait interdire son passage en année supérieure. Un dialogue hésitant commence entre l’élève introvertie, apparemment peu à l’aise avec les subtilités de la langue, et l’universitaire brillant, parfois maladroit, involontairement cassant mais aussi convaincant pour qui sait l’entendre. Le premier temps de la pièce semble offrir au public les prémices d’un double apprentissage : John, Pygmalion moderne, travaille aux progrès de Carol tandis que l’élève, malgré elle, amène le professeur à reconsidérer les valeurs de sa propre existence. Mais la pièce bascule. Extraits de leur contexte, relus à l’aune d’une souffrance dévastatrice, utilisés par des groupes de pression – aux accents intégristes, religieux et féministes –, les mots de John risquent maintenant de lui valoir le pire. Si seulement je pouvais être à « Oleanna » Au lieu de croupir en Norvège, traînant mes chaînes d’Esclave. (chant populaire, épigraphe de la pièce) Auteur de Glengarry Glen Ross et d’American Buffalo, scénariste des Incorruptibles et de ses propres longs métrages, Engrenages ou Braquages, David Mamet a conçu avec Oleanna une machination diabolique dont le propos est d’une grande richesse. La pièce est une critique de deux totalitarismes. D’abord, celui d’une pensée omnipotente – un monde dont Mamet dit à la fois la grandeur et la vanité périlleuse. De l’obscurantisme ensuite, d’un puritanisme qui voudrait figer le monde et en nier la complexité toute humaine – un monde inconsciemment défendu par Carol. Oleanna questionne la difficulté à transcender les classes sociales, à libérer des faibles qui « réclament des fers », à remettre en cause les fondements de l’ordre établi. Elle interroge les contradictions mêmes de ceux qui pourraient s’y employer : John est à la fois subversif et embourgeoisé, relativisant le savoir mais installé sur son trône culturel. En fait, de manière essentielle, elle insiste sur les déterminismes – quasi ontologiques – qui pèsent sur les êtres et sur le statut d’une parole impuissante à les briser. C’est pour cela qu’il est essentiel de donner à voir et à ressentir. Tout en suivant au plus près la partition de l’auteur, en une radicalité des couleurs et des proportions, le travail des comédiens prend place dans un univers oppressant, au fond plus métaphorique que réaliste, le temps d’une performance physique d’une heure quarante dont nul ne sortira indemne. Tiraillé tout au long de ce huis clos, le spectateur épouse les méandres des personnages et la réception théâtrale peut se faire au delà de tout manichéisme. Elle propose alors une posture inconfortable et donc salvatrice puisqu’évitant de rester l’objet d’un seul discours. Oleanna est d’une puissance étonnante, qui ne cesse d’interroger bien longtemps après la représentation. Jubilatoire pour l’esprit, éprouvante pour les sens, elle est une expérience marquante. Une invitation, aussi, à regarder le monde autrement et à se garder de certains qui voudraient nous imposer leur tentation de la Réaction. Toute domination symbolique suppose de la part de ceux qui la subissent une forme de complicité qui n’est ni soumission passsive à une contrainte extérieure, ni adhésion libre à des valeurs. Ce que parler veut dire, Pierre Bourdieu Née en 2002 avec le Dom Juan de Molière et confortée par un Faut pas payer ! de Fo largement diffusé, notre compagnie, Le Théâtre de l’Eau qui dort..., poursuit son travail en faveur de textes essentiels proposés à tous les publics. Après Andoni Celaya, un texte de notre écriture, et avant, probablement, Le Malentendu de Camus, Oleanna marque une nouvelle étape dans notre approche de la tragédie moderne et dans les leçons qu’elle peut nous enseigner. De même que l’écriture polyphonique de Mamet lutte contre le totalitarisme des êtres et de la langue pour mieux affirmer en creux la puissance de l’œuvre d’art, nous espérons ainsi travailler à un sensible intelligent. Patrick Roldez CAROL. Je disais... Je disais... Comment pouvez-vous dire dans un cours. Dire dans une faculté, que l’éducation universitaire est un préjugé ? JOHN. J’ai dit que la prédilection que nous avons... CAROL. Prédilection... JOHN. ... vous savez ce que ça signifie. CAROL. Ça veut dire « ce qu’on préfère » ? JOHN. Oui. CAROL. Mais comment pouvez-vous dire ça ? Que l’université... JOHN. ... c’est mon boulot, vous ne savez pas ? CAROL. Quoi ? JOHN. De vous provoquer. CAROL. Non. JOHN. Et si, pourtant. CAROL. De me provoquer ? [...] pas de sentiments ? CAROL. Nous y voilà. N’avez-vous pas de sentiments ? Votre argument suprême. C’est : vous n’avez pas de sentiments. Qui n’en a pas : les animaux. Vous vous demandez si je suis un Être Humain. JOHN. N’avez-vous pas de sentiments ? CAROL. J’ai une responsabilité. Je... JOHN. ... envers... ? * Photographies : François-Régis Durand • Conception : Ray Fritz JOHN. N’avez-vous * Extraits des éditions Actes Sud-Papiers. Le texte français respecte le plus précisément possible la forme et la ponctuation particulières à l’écriture de l’auteur (Note du Traducteur, Pierre Laville).