LE MARCHAND DE VENISE
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LE MARCHAND DE VENISE
LE MARCHAND DE VENISE de SHAKESPEARE PERSONNAGES : SHYLOCK SOLANIO SALARINO SOLANIO. - Eh bien, Shylock? quelles nouvelles parmi les marchands? SHYLOCK. - Vous avez su, mieux que personne, la fuite de ma fille. SALARINO. - Cela est certain. Pour ma part, je sais le tailleur qui a fait les ailes avec lesquelles elle s'est envolée. SOLANIO. - Et, pour sa part, Shylock savait que l'oiseau avait toutes ses plumes, et qu'alors il est dans le tempérament de tous les oiseaux de quitter la maman. SHYLOCK. - Elle est damnée pour cela. SALARINO. - C'est certain, si elle a le diable pour juge. SHYLOCK. - Ma chair et mon sang se révolter ainsi! SOLANIO. – Fi ! Le devraient-ils à ton âge? SHYLOCK. - Je parle de ma fille qui est ma chair et mon sang. SALARINO. - Il y a plus de différence entre ta chair et la sienne qu'entre le jais et l'ivoire; entre ton sang et le sien qu'entre le vin rouge et le vin du Rhin... Mais ditesnous, savez-vous si Antonio a fait, ou non, des pertes sur mer? SHYLOCK. - Encore un mauvais marché pour moi! Un banqueroutier, un prodigue, qui ose à peine montrer sa tête sur le Rialto! Il avait coutume de m'appeler usurier. Gare à son billet! Il avait coutume de prêter de l'argent par courtoisie chrétienne. Gare à son billet! SALARINO. - Bah! je suis sûr que s'il n'est pas en règle, tu ne prendras pas sa chair. A quoi serait-elle bonne? SHYLOCK. - A amorcer le poisson! Dût-elle ne rassasier que ma vengeance, elle la rassasiera. Il m'a couvert d'opprobre, il m'a fait tort d'un demi-million, il a ri de mes pertes, il s'est moqué de mes gains, il a conspué ma nation, traversé mes marchés, refroidi mes amis, échauffé mes ennemis; et quelle est sa raison?... Je suis un juif! Un juif n'a-t-il pas des yeux? Un juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des proportions, des sens, des affections, des passions? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas? Si vous nous empoisonnez, est-ce que nous ne mourons pas? Et si vous nous outragez, est-ce que nous ne nous vengerons pas? Si nous sommes comme vous du reste. Nous vous ressemblerons aussi en cela. Quand un chrétien est outragé par un juif, où met-il son humilité? A se venger! Quand un juif est outragé par un chrétien, où doit-il, d'après l'exemple chrétien, mettre sa patience? Eh bien, à se venger! La perfidie que vous m'enseignez, je la pratiquerai, et j'aurai du malheur, si je ne surpasse pas mes maîtres. SOLANIO - Si fait, d'autres hommes ont du malheur aussi. Antonio, à ce que nous avons appris à Gênes... SHYLOCK. – Quoi ! Quoi ! Un malheur? SALARINO. - A perdu un galion, venant de Tripoli. SHYLOCK. - Est-ce bien vrai? Est-ce bien vrai? SOLANIO. – Nous avons parlé à des matelots échappés au naufrage. SHYLOCK. - Bonne nouvelle; bonne nouvelle! Ha! ha! Où ça? A Gênes? SALARINO - Votre fille a dépensé à Gênes, nous a-t-on dit, quatre-vingts ducats en une nuit! SHYLOCK. - Tu m'enfonces un poignard... Je ne reverrai jamais mon or. Quatrevingts ducats d'un coup! Quatre-vingts ducats! SOLANIO - Il est venu avec nous à Venise des créanciers d'Antonio, qui jurent qu'il ne peut manquer de faire banqueroute. SHYLOCK. - J'en suis ravi. Je le harcèlerai, je le torturerai ! SOLANIO singe. Un d'eux nous a montré une bague qu'il a eue de votre fille pour un SHYLOCK. - Malheur à elle! Tu me tortures Solanio: c'était ma turquoise! Je l'avais eue de Lia, quand j'étais garçon; je ne l'aurais pas donnée pour une forêt de singes. SALARINO - Mais Antonio est ruiné, certainement. SHYLOCK. - Oui, c'est vrai, c'est vrai. Engagez moi un exempt, retenez le quinze jours d'avance... S'il ne paie pas, je veux avoir son coeur : car, une fois qu'il sera hors de Venise, je puis faire tous les marchés que je voudrai. Allez allez…. Laissez moi … Seul… Je ne reverrais jamais mon or… Ni ma fille… Laissez moi… Ils sortent.