Le Collège du théâtre - Centre National du Théâtre

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Le Collège du théâtre - Centre National du Théâtre
Collège du théâtre
Au Centre national du Théâtre
134 rue Legendre – 75017 Paris
Métro La Fourche, ligne 13
Entrée libre sur réservation téléphonique : 01 44 61 84 85
3
Saison 2010/2011
Le Centre national du Théâtre
Créé en 1992, le Centre national du Théâtre est un centre de conseil, d’information
et de documentation sur le théâtre, lieu de « résonances » unique de ses pratiques
contemporaines.
Au carrefour des différentes disciplines de la scène, c’est un lieu de rencontres,
d’échanges, de questionnements, au service de tous ceux, professionnels et amateurs,
qui désirent se former, étudier, approfondir leurs connaissances sur le théâtre, prendre
des contacts ou tout simplement rester curieux.
Il est composé des
- pôle documentation (un fonds exceptionnel, plus de 15000 documents consultables
sur place et gratuitement),
- pôle audiovisuel (des films rares sur le théâtre, 2 salles de consultation, une base de
données),
- pôle juridique (conseils personnalisés par téléphone et mails, actualités juridiques sur
internet),
- pôle auteurs (commission d’Aide à la création de textes dramatiques),
- pôle métiers/formations (conseils personnalisés, orientation, informations sur les
formations, stages…).
Le CnT publie l’Annuaire du spectacle vivant, et différents guides professionnels sur
Internet.
Attentif à saisir le théâtre en train de se faire, le CnT organise une programmation de
lectures, de projection et de rencontres. Ainsi, il participe tous les automnes au Mois du
Film Documentaire et initie chaque année dans une ville française le festival Scènes
Grand Écran, festival itinérant du cinéma et des arts de la scène.
Centre national du Théâtre
[email protected]
www.cnt.asso.fr
Le Collège
du théâtre :
La Leçon du théâtre, par
Jacques Baillon
Le Marchand de Venise,
séminaire proposé par Gérard
Huber
Le Collège du théâtre du CnT / saison 2010 – 2011
Lieu de résonnances unique des pratiques du théâtre contemporain, le Centre
national du Théâtre a toujours invité le public à des moments de réflexion et de
recherche.
Ainsi en 2010/2011, il propose le « Collège du théâtre », un nouveau cycle de rencontres composé de La Leçon du théâtre, par Jacques Baillon (7 séances) et d’un
Séminaire exceptionnel sur Le Marchand de Venise, de Shakespeare, par Gérard
Huber (5 séances). Le Collège du théâtre s’ouvrira en septembre par une séance
proposée par Joseph Danan : « Qu’est-ce que la dramaturgie ? »
20 septembre à 18h30: séance d’ouverture :
« Qu’est-ce que la dramaturgie ? » par Joseph Danan
Rencontre avec Joseph Danan autour de son ouvrage Qu’est-ce que la dramaturgie ?,
Actes Sud-Papiers
« Qu’est-ce que la dramaturgie ? Poser cette question aujourd’hui, ce n’est pas seulement tenter de définir une notion dont on sait à quel point elle est fuyante pour qui
cherche à s’en approcher ; c’est s’affronter à un état du théâtre, le nôtre à l’aube du XXI
siècle, où se défait ce que l’on a cru savoir : du drame, de l’action - du théâtre même. »
Jospeh Danan est écrivain, enseignant et dramaturge. Il est maître de conférences à
l’Institut d’études théâtrales (Paris 3 – Sorbonne nouvelle) où il enseigne la dramaturgie
contemporaine. En tant qu’auteur, il a reçu l’Aide à la création dramatique contemporaine du CnT en 2007 pour sa pièce Jojo le récidiviste, éditée chez Actes Sud-Papiers.
Rencontre organisée en partenariat avec Actes Sud-Papiers, animée par Sophie
Joubert, journaliste à France Culture.
Leçon du théâtre 2010/2011, par Jacques Baillon
Attention ! Nouvelles dates !
Proposées depuis février 2009 par Jacques Baillon, directeur du Centre national du
Théâtre, ces séances d’une heure, un lundi soir par mois, rapprochent la question
théâtrale du souci philosophique, mettent en valeur le rôle déterminant du théâtre
dans l’histoire et la structuration du spectacle vivant. S’élabore ainsi une pensée
de la représentation. Un moment convivial où l’humour et l’art de la provocation
ne sont pas absents et tiennent l’esprit en alerte. Pour revenir aux fondamentaux
du théâtre, et pour comprendre qu’« il n’y aurait rien s’il n’y avait pas de théâtre ».
• 18 octobre et 9 novembre à 18h30 : La fonction et le rôle du spectateur
L’acteur n’est pas le seul à avoir un rôle. Le rôle du spectateur est fondamental dans
le dispositif de re-présentation. Au cours du temps, le spectateur s’est trouvé plus
ou moins intégré dans son processus. Antoine a inventé la notion de « quatrième
mur », évoquée auparavant par Diderot ou Stendhal, que Brecht a voulu « abattre ».
Cette fonction et ce rôle du spectateur - qui dépasse la simple notion de « public » - déterminent une grande part de l’histoire du théâtre, (notamment celle de la scénographie).
La 2ème séance du 9 novembre portera plus particulièrement sur la question : « Qu’est-
ce que le public vient voir ? »
• 6 décembre à 18h30 : Le rôle de l’opinion dans la reconnaissance des chefsd’œuvre
Il ne saurait y avoir de critères absolus pour juger une œuvre. On la juge non seulement
à partir du CV de son auteur, mais aussi sur des critères liés aux temps et à la mode.
Cela est d’autant plus vrai pour le théâtre dont une grande part est éphémère. Le rôle de
l’opinion est donc très déterminant dans la reconnaissance d’une œuvre.
Cette séance de réflexion prend tout son sens au CnT, qui gère depuis 2007 l’Aide nationale à la création de textes dramatiques.
• 31 janvier 2011 à 18h30 : L’immortalité au théâtre
Le monde du spectacle donne à constater la réalité, et donc la mort (cf la corrida). Tandis qu’au théâtre, l’acteur fait exister la fiction, processus au cours duquel il n’y a pas
de mortalité possible. En effet, l’acteur y « joue » à la mort, et aucun n’est mort au cours
d’une scène qu’il jouait.
• 7 mars à 18h30 : La voix et le corps au théâtre
Dans la vie courante, chacun de nous a une vision parcellaire si ce n’est désarticulée du
corps. Involontairement, nous pensons à un corps morcelé, instrumentalisé, voire mécanisé. Par exemple, nous pensons plus aux membres qu’à la voix. Et si nous pensons à
celle-ci, nous l’envisageons comme un instrument (donc un membre) comme un autre.
Au théâtre, le corps baigne dans un corps mental, globalement assumé par le jeu de
l’acteur.
Lien entre le théâtre et la science :
Pour ces 2 dernières séances, nous pointerons le lien paradoxal entre le théâtre
et la science. Depuis toujours, le théâtre s’est appuyé sur des prénotions que la
physique reformulera beaucoup plus tard. Il en est ainsi de la notion de re-présentation :
• 4 avril à 18h30 : La disparition de la matière
Le théâtre s’est toujours douté que l’existence de chaque substance est sujette à caution. Néanmoins, il tient compte du fait que les choses « existent » parce qu’elles excitent
nos sens et notre imagination. Elles sont en situation, et justement, une pièce de théâtre
est une succession de situations. L’enchaînement de ces situations dépend d’une logique fictionnelle que le théâtre s’efforce de rendre vivante. Les sciences démontrent
progressivement que nos perceptions sont la plupart du temps erronnées, et qu’au fond,
la fiction n’est pas étrangère à la matière.
• 9 mai à 18h30 : L’illusion des nombres : nouveau regard sur les chiffres
Chaque réflexion d’Einstein a été précédée par une « expérience de pensée ». Celleci ressemblait à une scène de théâtre qui se jouait dans son esprit. Par exemple : « Si
quelqu’un tombe en chute libre, il ne s’aperçoit pas de son propre poids ». Ainsi, nous
découvrons que le mouvement d’accélération d’une chute est compensé par le champ
de gravitation. Un champ de gravitation serait équivalent à un mouvement accéléré. Il
s’agit d’une équivalence. Il n’était pas facile pour la pensée humaine d’admettre des
équivalences imprécises entre des quantités, c’est-à-dire des nombres. Pour sa part,
le théâtre s’était plutot inspiré des chiffres. Il a toujours considéré qu’historiquement
ceux-ci précédaient les nombres. La distinction entre les deux n’est paradoxalement pas
étrangère au théâtre.
Séminaire sur Le Marchand de Venise, de Shakespeare,
par Gérard Huber
Attention ! Nouvelles dates !
Depuis la Shoah, Le Marchand de Venise est devenu une pièce difficilement
jouable. Le personnage du Juif Shylock effraie plus d’un metteur en scène. Mais
est-ce bien la seule hantise de susciter l’antisémitisme et la caricature qui limite la
programmation de cette pièce ? Gérard Huber, lors de 5 séances de ce séminaire,
qui pourrait s’appeler « Shylockespeare », donne un nouvel éclairage inspiré par la
psychanalyse à cette œuvre de Shakespeare.
Gérard Huber est écrivain, psychanalyste, dramaturge, auteur de Si c’était Freud,
Vienne 1938 et La récréation d’une folle.
• 18 janvier 2011 à 18h30 : Shylockespeare
La décomposition sonore du nom « Shylock » nous apprend qu’en créant ce nom singulier (cet « hapax »), Shakespeare signifie qu’il est dans le personnage qui porte son nom.
« Shylock » s’entend « I, Sh, lock ». Autrement dit : « moi, Shakespeare, serrure ». Le Marchand est ainsi non pas une pièce à problèmes, comme on le dit couramment, mais une
pièce à serrures et à clés. D’ailleurs, dès le début de la pièce, Shakespeare nous invite
à les rechercher dans la tristesse d’Antonio. C’est pourquoi, en appui sur la biographie
de Shakespeare, nous nous orientons tout naturellement vers un événement tragique qui
est survenu dans sa vie en 1596, juste avant qu’il écrive Le Marchand : la mort de son fils
Hamnet… D’où cette question : qu’est-ce que cette mort nous apprend sur la stratégie
d’écriture du Marchand ?
• 8 février à 18h30 : La « livre de Chair » et « le bon coffret »
Si Shylock est Shakespeare, et si Le Marchand est bien cette pièce écrite par « Shakespeare sous serrures », il devient possible de comprendre pourquoi celui-ci - et il est
le seul - a fait converger l’intrigue du prélèvement de la livre de chair et celle du choix
du bon coffret (qu’il avait trouvées séparées, dans des sources antérieures) et pourquoi cette convergence conduit au face-à-face entre Shylock et Portia, puis au triomphe
de cette dernière. En effet, ces deux intrigues sont toutes deux mues par le signifiant
« lock ». Shylock est l’homme aux boucles de Juif et Portia, la femme aux boucles d’or.
D’où la constellation des personnages qui, autour de ces deux figures majeures de la
pièce, tiennent toutes leur place sur la scène de résolution des questions de vie et de
mort, de tristesse et de joie, de serment et de parjure, de judéité et de gentilité, d’apparence et de réalité, d’homme et de femme.
• 22 mars à 18h30 : La « pulsion théâtrale » dans Le Marchand
Le concept de « pulsion théâtrale » paraît indispensable aux lecteurs du Marchand qui le
perçoivent comme une pièce où se créent des personnages et des lieux qui disposent
de leur vie propre et qui n’ont donc rien à voir avec des caricatures « préformatées »
dont le rassemblement aurait pour finalité de satisfaire la xénophobie, l’antijudaïsme et le
sexisme des spectateurs du théâtre élisabéthain. Ainsi, la division scénique entre Venise
et Belmont ne s’explique pas par des arguments politiques et économiques seulement,
mais par des motions théâtrales. Le destin de la pulsion de théâtre n’est pas la même à
Venise où règne la mascarade, jusqu’au procès remporté par un imposteur, et à Belmont
qui se veut avant tout, bien que sans y parvenir, l’oubli même de Venise. De ce fait, la
question se pose de savoir si cette pulsion théâtrale débouche sur une catharsis de la
terreur et de la pitié ou si elle contredit l’idée aristotélicienne de la catharsis théâtrale, en
ce qu’à la fin, la pièce laisse le spectateur aux prises avec l’insoutenable légèreté de la
destruction de l’origine, et du parjure.
• 27 avril à 18h30 : Les enjeux de la traduction
L’écriture d’un texte traduit la pulsion de l’écrire. Les mots ne sont pas des sublimations,
au sens où ils ne seraient plus habités par la pulsion, mais au sens où ce sont des enjeux
sémantiques qui, par la structure du langage, explicitent l’orientation donnée à cette
pulsion par l’auteur, mais aussi par ses autres. Cette complexité poétique donne toute
sa noblesse au drame en quoi consiste le travail de traduction du Marchand (comme de
tout texte d’ailleurs). Il faut, à chaque fois, tenter de retrouver le travail de construction du
sens que Shakespeare effectue, en écartant toute interprétation idéologique et tout alibi.
Jacques Derrida avait raison d’affirmer que Le Marchand met en scène la question de la
dette inextinguible que la traduction fabrique et qui définit son éthique, mais cette dette
commence avec l’écriture même de la pulsion à traduire. Traduire, c’est donc tenter de
demeurer au niveau de la pulsion du texte.
• 24 mai à 18h30 : Mettre en scène Le Marchand aujourd’hui Après la Shoah, il est de plus en plus entendu que Le Marchand est difficilement jouable.
Or, si, en France et ailleurs, on joue actuellement beaucoup moins Le Marchand que
dans la période d’avant-guerre, durant laquelle elle était une pièce très prisée, il convient
de se demander quelles en sont les raisons théâtrales, et si elles sont justifiées. On
peut questionner le refus de monter cette pièce. En effet, si, ayant compris que le sens
de l’identification de Shakespeare au Juif n’est pas xénophobe ni raciste, mais qu’elle
relève de l’ordre du signifiant, ce refus ne serait-il pas finalement un « parjure » envers le
théâtre ? Auquel cas, il faut être clair sur l’envie de la monter, ce qui suppose des incitations scéniques qui s’appuient sur le mouvement intrinsèque du texte, et notamment sur
les hiatus, dissimulés, qui s’y trouvent, tous destinés à mettre en perspective l’irréversible
mise en jeu perpétuelle du signifiant « juif ». Une place importante sera réservée ici à la
lecture dramaturgique du grand acteur de théâtre russe, Jacob Pavlovitch Adler (18551926).