La stevia, belle plante sucrante, refoulée du territoire suisse
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La stevia, belle plante sucrante, refoulée du territoire suisse
24heures 26.11.2007 La stevia, belle plante sucrante, refoulée du territoire suisse La stevia fait peur! Pourtant, son pouvoir sucrant est impressionnant, et ce sans calorie. Utilisée au Brésil et en Asie, l’Union européenne et la Suisse s’obstinent à l’interdire pour des raisons sanitaires. Explications. Son pouvoir sucrant équivaut à trois cents fois celui du sucre issu de la betterave. Mieux, elle ne possède aucune calorie. Autant dire que la stevia apparaît comme une formidable alternative au sucre, si mauvais pour la santé. C’est donc en toute bonne conscience qu’Hans Maurer, directeur de la société appenzelloise Steviasol, a vendu des extraits ainsi que des feuilles séchées de stevia à des clients diabétiques ou allergiques aux édulcorants de synthèse industriels (comme l’aspartame), durant quatre ans. Mais, problème! La stevia est interdite en Suisse. Ne souhaitant pas prendre de risque, la Confédération l’a remis au pas ce printemps. Accords bilatéraux obligent, l’Office fédéral de la santé publique suit la réglementation «très stricte» du Comité scientifique de l’alimentation (SCF), rattaché à la Commission européenne. Or, Bruxelles ne veut pas entendre parler de la stevia sur le marché, tant que les experts ne seront pas parvenus à mettre de côté les risques liés à une consommation humaine. Il ressort en effet des dernières recherches menées par le SCF en 2000 que des doutes subsistent quant à de possibles facteurs cancérigènes ou des effets stérilisants sur le système reproductif de l’homme. L’adjoint au chimiste cantonal de Fribourg, Marcel Cosandey, parle de «principe de précaution» de la part de l’Union européenne. «C’est une énorme bêtise de la part de la Suisse», rétorque Jan Geuns, professeur à l’Université catholique de Louvain. Pour ce spécialiste européen de la stevia, les rapports de la Commission européenne sont truffés d’erreurs. «Plusieurs études, et notamment une sur laquelle s’est basée la SCF, ont prouvé qu’il n’y avait aucun risque cancérigène dans la stevia.» Pourquoi alors s’obstiner à interdire cette douce plante? Le patron de Steviasol ne croit pas qu’un lobbying de la part des firmes produisant des édulcorants synthétiques se cache derrière cette interdiction. C’est plutôt la lenteur des autorités à fournir une évaluation sanitaire complète de la stevia qui prolonge la volonté européenne de la proscrire. «Tout cela alors que d’autres pays, comme le Brésil, ont conclu des analyses satisfaisantes sur cette plante», regrette Hans Maurer. Il ne perd pas pour autant espoir de voir la stevia autorisée à la vente. «Dans deux ou trois ans, ça sera réglé!» D’autant plus qu’Ulrich Widmer, du Centre betteravier de Suisse romande, ne pense pas non plus qu’il y ait des risques sanitaires liés à la stevia et ne voit pas cette plante comme une menace concurrentielle. En attendant, on trouve des tisanes contenant une faible dose de stevia dans certaines herboristeries suisses. 1/2 24heures 26.11.2007 Des sportifs privés de leur boisson préférée Depuis cinq ans, Umberto Leonetti travaille sur un projet de boisson pour sportifs qui a été introduite sur le marché l’été dernier. Le but était clair dès le départ: créer une boisson pour sportifs 100% biologique. Du nom de Storms, le breuvage utilise rapidement la stevia comme édulcorant, tout en respectant le taux limite d’utilisation de cette plante fixé par l’OFSP, soit moins de 2% en tant qu’ingrédient. Or, après la parution en août d’un article dans La Liberté à propos de la controverse suscitée par l’utilisation de cette herbe en Suisse, Umberto Leonetti voit la police débarquer chez lui. «Il est vrai que l’on peut se poser des questions quant aux groupes de pression», commente le patron de Storms Drinks. D’après lui, les producteurs d’édulcorants chimiques n’ont pas intérêt à voir une autorisation de la plante en Suisse. Il est en outre convaincu qu’une boisson 100% bio est mieux absorbée par l’organisme et l’utilisation de la stevia permet justement de ne pas recourir au sucre traditionnel ou synthétique. Mais le Fribourgeois ne veut pas polémiquer. Face à l’interdiction de vendre des boissons Storms, imposée par le chimiste cantonal, Umberto Leonetti a déposé un recours à la Direction de la santé du canton de Fribourg. Ce qui lui permet de continuer à vendre son breuvage, via internet. (www.storms.ch) H. D. C. Coca-Cola prépare un soda diététique à base de stevia. Un moyen de lever l’interdiction? Dans le monde, douze pays, parmi lesquels la Chine, le Japon ou le Brésil, consomment déjà largement la stevia dans leur alimentation. Au pays du Soleil levant, l’«herbe douce» représente 40% des agents sucrants. En Occident, l’industrie alimentaire diététique, certaine des bienfaits de la plante, défend aussi une mise en vente de la stevia. La récente annonce de Coca-Cola, qui souhaite commercialiser une boisson light, à base de stevia dès 2008, pourrait accélérer les choses en Europe et aux Etats-Unis. La compagnie assure que ses analyses se sont révélées probantes. Le Japon devrait être le premier pays à goûter cette boisson, mais il ne fait guère de doute que Coca-Cola visera une entrée rapide de sa recette sur le marché occidental. Le professeur belge Jan Geuns espère que le poids de la firme américaine permettra de convaincre la Commission européenne de lever son interdiction. Le chercheur se montre par ailleurs très critique à l’encontre des scientifiques de Bruxelles, qu’il accuse d’être corrompus. Corrompus par qui? Par les lobbies actifs dans la défense des édulcorants synthétiques. Pour preuve, «des sociétés produisant de l’aspartame aux Etats-Unis se sont déjà opposées à une éventuelle commercialisation de la boisson de Coca-Cola à base de stevia», explique-t-il. H. D. C. 2/2