objet et plan de l`ouvrage
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objet et plan de l`ouvrage
OBJET ET PLAN DE L’OUVRAGE L’ouvrage entend dresser un panorama du droit belge actuel du corps humain. Il se concentre sur la relation (bio)médicale privée, qui se noue entre le personnel médical au sens large et le patient, ainsi que sa famille, et qui englobe tant les soins proprement dits que les recherches scientifiques. Il est dès lors largement centré sur les obligations des soignants et la responsabilité qu’entraîne leur méconnaissance, dans les diverses déclinaisons de cette relation, laquelle comporte des répercussions dans bien d’autres secteurs du droit privé. Les rapports de type plus institutionnel (du médecin ou du personnel paramédical avec l’hôpital ou une autre institution) ne seront pas abordés, non plus que les réglementations sociales ou relevant de la sécurité sociale (conditions et modalités du remboursement des frais de soins de santé) et les diverses prescriptions d’ordre administratif applicables notamment aux hôpitaux (fonctionnement, matériel, etc.). La matière est désormais très largement dominée par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, qui l’a systématisée, tantôt en consacrant certaines solutions empiriques antérieures, tantôt en innovant. Son avènement, joint à l’adoption au cours des dernières années de nombreux autres textes importants, justifiait à lui seul ce livre, qui a pour ambition de présenter cette réglementation d’une manière aussi synthétique et complète que possible. L’ensemble de ces lois permet de considérer que le droit (bio)médical belge est aujourd’hui (presque) arrivé à maturité ; il se présente sous la forme d’un corpus de règles relativement cohérentes, bien qu’inévitablement imparfaites, et qui, globalement, l’inscrivent sous la bannière de la tolérance, de la confiance et de l’équilibre, sans l’enserrer dans d’inutiles et néfastes barrières comprimant son développement. Le droit du corps humain, au sens large, a en effet connu ces dernières années une intense activité législative, ce qui n’était pas le cas auparavant. On peut dire que le législateur a petit à petit véritablement repris possession de ce domaine. En 2001 – année de parution de l’ouvrage de base dans lequel celui-ci trouve sa source –, les seuls textes spécifiques existants étaient relatifs au prélèvement et à la transplantation d’organes (L. 13 juin 1986), au sang et aux dérivés du sang d’origine humaine (L. 5 juillet 1994) et aux pratiques médicales non conventionnelles (L. 29 avril 1999), sans compter l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé et la loi du 7 août 1987 sur les hôpitaux, coordonnée par la loi du 10 juillet 2008. Depuis lors, outre les droits du patient, ont été chronologiquement appréhendés 20 ◆ DROIT MÉDICAL ET BIOMÉDICAL par la loi : l’euthanasie (L. 28 mai 2002) ; les soins palliatifs (L. 14 juin 2002) ; la recherche sur les embryons in vitro (L. 11 mai 2003) ; les expérimentations sur la personne humaine (L. 7 mai 2004) ; la procréation médicalement assistée et la destination des embryons surnuméraires et des gamètes (L. 6 juillet 2007) ; l’obtention et l’utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique (L. 19 décembre 2008). Il faut y ajouter l’institution et l’organisation de la plate-forme e-Health (L. 21 août 2008). Un secteur est resté, durant de longues années, désespérément en chantier : l’indemnisation "sans faute" des dommages résultant de soins de santé. Les lois adoptées le 15 mai 2007 à ce propos ne sont jamais entrées en vigueur, ce qui est heureux, eu égard au lot impressionnant d’interrogations et de critiques qu’elles génèrent. Un système remanié, inspiré du droit français et plus raisonnable, est mis en place pour l’avenir par la loi du 31 mars 2010 ; il a pu in extremis être brièvement présenté. Dans une première partie, centrée sur la relation médicale proprement dite, on examinera un panorama des sources de la matière, la théorie du contrat médical et de la décision médicale, la loi relative aux droits du patient qui charpente tout l’édifice et, spécifiquement, la problématique centrale et récurrente de l’information et du consentement du malade, celle des patients vulnérables et les enjeux du secret professionnel et du dossier médical. La deuxième partie sera consacrée à la source principale des litiges : la responsabilité médicale. On veillera à exposer le raisonnement qui nous paraît, à chaque étape, devoir être suivi afin de combiner, hiérarchiser, pondérer et équilibrer les divers principes concurrents, et parfois antagonistes, que ces litiges mettent aux prises. À cette occasion, on rappellera que le droit est avant tout une méthode de raisonnement, une "grille intellectuelle" dans laquelle il convient d’insérer la contingence des faits pour leur donner d’abord une qualification, ensuite la meilleure des solutions envisageables, propre à préserver ou rétablir la paix sociale et la confiance qui doit dominer toute relation. Objet central de l’enseignement dans lequel cet ouvrage puise ses racines, la responsabilité médicale – dont on verra qu’elle se trouve depuis plusieurs années au milieu d’un gué – s’ancre dans le concret des espèces, l’enjeu étant d’en dégager les principes propres à assurer leur traitement juridique optimal. On présentera quelques grands principes du droit de la responsabilité – dont la charge de la preuve et l’administration de celle-ci –, la faute comme source principale, les autres faits générateurs de responsabilité, le dommage (et spécialement la perte d’une chance) et l’exigence de certitude du lien causal ; l’orée d’un régime novateur d’indemnisation sans faute des dommages médicaux, devant laquelle notre droit a longtemps stagné, sera évoquée. Objet et plan de l’ouvrage ◆ 21 La troisième partie envisagera diverses interventions médicales spécifiques, telles qu’elles sont appréhendées en droit belge : stérilisation, interruption volontaire de grossesse et responsabilité entourant la naissance ; procréation médicalement assistée et recherche sur les embryons in vitro ; euthanasie – singularité humaniste essentielle de ce droit – et soins palliatifs ; autopsies et expertises, civiles et pénales ; prélèvement, circulation et utilisation du sang, des organes et plus généralement du matériel corporel humain, en vue d’applications thérapeutiques ou d’une recherche scientifique ; et, enfin, recherches biomédicales. On constatera, au fil de ce cheminement, comment le droit du corps humain s’insère dans un contexte juridique plus global, civil et pénal, et on précisera le message social essentiel qu’il véhicule aujourd’hui : la personne est maître de son corps et de son destin, libre et autonome, mais doit bénéficier d’une indispensable protection propre à préserver sa dignité.