Les obligations, un mal nécessaire

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Les obligations, un mal nécessaire
Les obligations,
un mal nécessaire
Comment utiliser les obligations
pour réduire le risque de surplus
de son régime de retraite sans
compromettre le rendement
total de la caisse de retraite ?
par Normand Vachon
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N
ous savons que le passif actuariel d’une caisse de retraite
se comporte sensiblement comme un portefeuille obliga­taire. Lorsque les taux d’intérêt baissent, le passif actuariel
augmente tout comme pour la valeur marchande d’une
obligation. Lorsque les taux augmentent, les deux baissent.
L’amplitude des mouvements dépend de la durée
respective du passif actuariel et du portefeuille obligataire.
Pour une caisse de retraite, c’est l’évolution du surplus,
c’est-à-dire la différence entre l’actif et le passif qu’il faut
suivre de près. Un meilleur appariement entre le passif
actuariel et l’actif réduit les risques de surplus.
AVANTAGES
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Les obligations, un mal nécessaire
Le tableau 1 illustre la relation entre le passif actuariel et
l’actif du régime en fonction de la proportion et de la durée
des titres obligataires dans un portefeuille. Par exemple,
prenons un régime de retraite avec un passif actuariel de
100 M $. Une caisse de retraite typique aurait 60 % en actions
et 40 % en obligations univers. Aux fins d’illustration,
supposons que la durée du passif actuariel est de 12 ans
alors que la durée du portefeuille obligataire est de six ans.
(Dans les exemples qui suivent, le but étant d’illustrer le
concept, nous conservons les actions inchangées et assumons
un changement parallèle des taux d’intérêt, c’est-à-dire
uniforme sur la courbe des taux.) Dans ce cas, une réduction
des taux d’intérêt de 1 % se traduirait par une augmentation du
passif actuariel de 12 % (1 % x la durée de 12) à 112 M $.
De son côté, alors que toutes choses étant égales par
ailleurs, l’actif de la caisse de retraite n’augmenterait que
de 2,4 M $ ou 2,4 % (40 % x 1 % x la durée de 6). Le passif
de 112 M $ n’est supporté que par un actif de 102 M $, ce qui
ce traduit par un déficit de 10 M $. Si les taux augmentaient,
la relation serait inverse.
Un meilleur
appariement entre
le passif actuariel et
l’actif réduit les risques
de surplus pour
les caisses de retraite.
Alors, quelles sont les options pour réduire le risque de
surplus ? Un sommaire simplifié de quelques scénarios est
présenté au tableau 2.
Tableau 1
Approche traditionnelle avec obligations désappariées
(en millions $)
40
Durée du passif = 12 ans
Durée des obligations = 6 ans
100
60
Passif
Actif
Baisse des taux
d’intérêt de 1%
Hausse des taux
d’intérêt de 1%
Surplus = 10
88
38
(-6 %)
98
(-12 %)
112
Actif
(+6 %)
60
Passif
Déficit = 10
42
(+12 %)
60
Passif
Actions
102
Actif
Dans un premier temps, nous pourrions mieux apparier
le portefeuille au passif actuariel en allongeant la durée de
la portion obligataire. Un portefeuille d’obligations à long
terme ou un portefeuille d’obligations à coupons détachés avec
échéance de plus de 20 ans pourrait être utilisé pour obtenir la
durée désirée.
On pourrait même immuniser plus précisément la portion
obligataire du portefeuille et ainsi avoir l’impression d’une
réduction substantielle du risque de surplus au niveau de la
caisse totale. Cependant, compte tenu qu’une grande proportion
de la caisse de retraite demeure en actions et que c’est à ce niveau
que se situe la majorité des risques, une telle précision n’est pas
nécessaire et le simple fait d’arrimer la durée du portefeuille
obligataire à la durée du passif actuariel arrive essentiellement
au même résultat de réduction du risque de surplus.
Ceci étant dit, la majeure partie du risque de surplus pour une
caisse de retraite provient de la composante actions du portefeuille
total. Pour réduire davantage le risque, on pourrait augmenter la
proportion en obligations et réduire d’autant la proportion en
actions. Cependant, dans un environnement de taux de revenu
courant qu’offrent les obligations (de 4 % à 4,5 %), une plus
grande pondération en obligations au détriment des actions, a
pour résultat de réduire le rendement attendu du portefeuille et
par conséquent, d’augmenter le coût du régime.
Tableau 2
Structures possibles de l’actif dans le but de réduire le risque du surplus
Résultat
Ajustement
Répartition traditionnelle de l’actif
Actions 60 %
Obligations univers 40 % = Durée trop courte de l’actif
Stratégie A
Allonger la durée des obligations
du marché au comptant
Actions 60 %
Durée plus longue des obligations
Obligations longues 40 % = afin de mieux apparier le passif,
mais pas encore assez longue
Stratégie B
Modifier la répartition de l’actif –
accroître la pondération des obligations
Actions 50 %
Stratégie C
Ajouter le transfert d’alpha
Actions 50 %
Obligations longues 50 %
Transfert d’alpha 10 %
10 %
La durée effective du portefeuille
Obligations longues
= demeure la même et le transfert
40 %
d’alpha ajoute au rendement
Stratégie D
Transfert d’alpha 10 %
Recourir à des stratégies Superposition d’oblig. longues 50 %
de superposition tout en maintenant
10 % Obligations longues
Actions 50 %
40 %
la structure sous-jacente de l’actif
N.B. Chaque changement est indiqué en rouge.
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AVANTAGES
Durée encore plus longue des obligations,
= mais il faut sacrifier les rendements plus
élevés prévus en actions
Le recours à la superposition
obligataire vous permet de bénéficier
= d’une protection complète en matière
de taux d’intérêt
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Le tableau 3 illustre la réduction de risque en combinant
une augmentation de 10 % de la composante obligataire
du portefeuille avec une augmentation de la durée à 12 ans,
en ligne avec le passif actuariel (voir stratégies A et B du
tableau 2). Comme précédemment, une baisse de 1 % des
taux d’intérêt se traduirait alors par une augmentation de
12 % du passif actuariel. La composante obligataire du
portefeuille augmenterait à 56 M $, soit 12 % d’augmentation,
pour porter l’actif du régime à 106 M $. Le déficit ne serait
plus que de 6 M $ dans ce cas-ci.
Tableau 3
Approche traditionnelle avec obligations mieux
appariées (en millions $)
Durée du passif = 12 ans
50
100
50
Passif
88
Baisse des taux
d’intérêt de 1%
44
(-12 %)
94
(-12 %)
112
Actif
50
Passif
Déficit = 6
56
(+12 %)
(+12 %)
50
Passif
Actions
Actif
Hausse des taux
d’intérêt de 1%
Surplus = 6
Durée des obligations = 12 ans
106
Tableau 4
Superposition obligataire pour allonger
la durée du portefeuille total (en millions $)
Actif
On pourrait possiblement bonifier le rendement du porte­
feuille obligataire par une gestion active ou en y ajoutant une
plus grande proportion de titres corporatifs. Les écarts de
crédit s’étant élargis considérablement, nous sommes
maintenant mieux rémunérés pour le risque de crédit par
une prime de rendement supérieure provenant des titres
de moindre qualité. Une plus grande proportion de titres
corporatifs augmente le risque de crédit. Il faut donc s’assurer
de choisir un gestionnaire ayant l’expertise et les ressources
pour l’analyse de crédit afin d’éviter un défaut de paiement
ou une décote d’un titre obligataire.
Les stratégies de transfert d’alpha (qui pourraient faire l’objet
d’un article séparément) permettent d’augmenter le rendement
attendu des obligations sans pour autant aug­menter de façon
significative le risque de votre portefeuille obligataire.
Vous maintenez sensiblement le profil de risque des obligations,
mais vous obtenez essentiellement une valeur ajoutée nette des
frais de l’ordre de 2 à 3 % sur votre portefeuille obligataire, ce
qui est de loin supérieur à la valeur ajoutée médiane obtenue par
la gestion obligataire traditionnelle.
Les solutions de transfert d’alpha ne sont plus uniquement
réservées aux très grandes caisses de retraite. Il existe main­
tenant de plus en plus de solutions clé en main de transfert
d’alpha qui sont offertes sur les obligations univers, les
obligations long terme et les obligations à rendement réel,
par l’entremise de fonds commun de placement.
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Finalement, il serait possible de réduire davantage le risque
de surplus en augmentant l’exposition du portefeuille total
aux obligations sans réduire la pondération en actions. On peut
y arriver en superposant un portefeuille obligataire sur le
portefeuille en actions par l’utilisation de produits dérivés. Cette
exposition additionnelle aux obligations ou effet de levier
permet de réduire substantiellement la sensibilité de votre
portefeuille aux fluctuations de taux d’intérêt et de réduire le
risque de surplus. Certaines grandes caisses de retraite ont déjà
adopté cette stratégie et nous verrons certainement l’émergence
de solutions en fonds commun dans un avenir rapproché.
Le tableau 4 illustre l’impact de la superposition
obligataire pour réduire le risque de surplus. Même en
conservant 50 % des actifs en actions, il est possible de
réduire votre risque de surplus (et de l’éliminer comme dans
l’exemple simplifié ci‑dessous) sans pour autant sacrifier le
rendement attendu supérieur provenant d’autres classes
d’actifs telles les actions. Dans l’exemple ci-dessous avec
une baisse des taux de 1 %, la double exposition du
portefeuille obligataire (obtenue au moyen de la superposition)
augmente la valeur du portefeuille total au même niveau que
le passif actuariel. C’est comme si la durée du portefeuille
était de 12 ans, tout comme pour le passif.
Obligations à long terme (durée = 12 ans)
Durée du passif = 12 ans
50
100
+
50
Passif
(-12 %)
= Durée totale = 50 % x 12 + 50 % x 12 = 12
Baisse des taux
d’intérêt de 1%
38
(-24 %)
88
112
Actif
62
(+24 %)
112
(+12 %)
50
Passif
Superposition
(durée 12 ans)
Actif
Hausse des taux
d’intérêt de 1%
88
Actions
50
Passif
Actif
En conclusion, les placements obligataires, qui offrent
un meilleur appariement avec le passif, demeurent une
classe d’actif primordiale pour réduire les risques de surplus
des caisses de retraite. Il est maintenant possible, même
avec des taux de rendement courants obligataires faibles,
de gérer les risques de surplus grâce aux stratégies de
transfert d’alpha et de superposition, et ce, sans pour autant
sacrifier les rendements. s
Normand Vachon est vice-président et directeur
AVANTAGES
chez Gestion de placements TD inc., à Montréal.
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