La gestion du risque de taux d`intérêt
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La gestion du risque de taux d`intérêt
La gestion du risque de taux d’intérêt 36 / Octobre 2012 • êtes-vous de la partie ? par Patrick Duplessis et Patrick De Roy L a gestion du risque de taux d’intérêt et l’investissement guidé par le passif (IGP) sont des thèmes qui ont fait les manchettes dans les dernières années. Certains parlent même maintenant des versions 2.0 ou 3.0 des stratégies d’IGP. L’environnement actuel de bas taux d’intérêt a certainement retardé l’implantation de telles stratégies. Cependant, à un certain point, il est possible de croire que tous les régimes se joindront à la partie. En effet, la gestion du risque de taux d’intérêt doit nécessairement être au cœur d’une saine gouvernance des régimes de retraite. Dans le contexte actuel, plusieurs promoteurs et comités de retraite ont évité le terrain de jeu des obligations de longues échéances, pierre angulaire de la gestion du risque de taux d’intérêt. Certains ont tout de même décidé d’aller y jouer il y a quelques années, rejetant du revers de la main les sempiternelles craintes d’une hausse de taux d’intérêt. Grand bien pour eux, mais qu’en est-il des autres ? Comment devraient-ils se préparer à se lancer dans la mêlée ? Doivent-ils simplement continuer d’attendre ou peuvent-ils déjà mettre en place des stratégies plus optimales ? Plusieurs régimes de retraite ont déjà adopté des programmes de réduction dynamique des risques, se plaçant ainsi sur les lignes de côté. Des paramètres tels que le ratio de financement du régime, les taux d’intérêt ou, plus simplement, le bon vieux calendrier sont utilisés pour déterminer les moments auxquels on foulera le terrain et augmentera l’appariement des actifs avec le passif. Certains de ces programmes existent depuis plusieurs années, mais les améliorations du ratio de financement ou les hausses de taux d’intérêt se font toujours attendre. Cependant, cela ne signifie pas que la mise en place de certaines stratégies soit impossible. Allongement différé du portefeuille obligataire Une première stratégie consiste en l’allongement différé du portefeuille obligataire, stratégie qui plaira certainement à ceux qui croient « dur comme fer » que les taux d’intérêt augmenteront. Dans cette stratégie, deux portefeuilles sont créés : le premier constitué d’obligations physiques de longues échéances (portefeuille d’appariement du passif ) et le second constitué de positions « vendeur » dans des produits dérivés (portefeuille synthétique). Le premier portefeuille a une durée des actifs équivalente à celle du passif actuariel et est investi principalement en obligations provinciales ou de sociétés. Il correspond exactement à ce qu’on désire ultimement atteindre avec un programme de réduction dynamique des risques. Le portefeuille synthétique, quant à lui, consiste à raccourcir la durée des actifs de la stratégie avec des produits dérivés. Tableau 1 Durée Taux de rendement courant (en %) Portefeuille d’appariement du passif 18 3,5 Portefeuille synthétique -11 -0,6 Stratégie initiale 7 2,9 Mandat de type Univers 7 2,3 Rendement courant additionnel : 0,6 Note : Estimation au 30 juin 2012 • Octobre 2012 / 37 La gestion du risque de taux d’intérêt Il s’agit de prendre une position « vendeur » dans des obligations fédérales de façon à réduire la durée des actifs à la cible désirée, par exemple, la durée d’un mandat de type Univers. Au fur et à mesure que les différents seuils de notre programme de réduction dynamique des risques sont atteints, on défait le portefeuille synthétique, en prenant des positions inverses sur certains produits dérivés ou en les laissant tout simplement expirer. On « pèle ainsi notre oignon » jusqu’à ce qu’on se retrouve au cœur, c’est-à-dire au portefeuille d’appariement du passif. Le principal avantage de cette stratégie réside en la possibilité d’obtenir un taux de rendement courant plus élevé (voir Tableau 1), en extrayant la prime liée aux obligations provinciales ou de sociétés tout en maintenant une durée plus courte. De plus, le processus de transition est certainement plus efficace, car il évite la nécessité d’effectuer plusieurs changements au portefeuille dans le cadre d’un programme de réduction dynamique des risques. Finalement, cette démarche permet aussi d’éviter la concurrence 38 / Octobre 2012 • d’autres investisseurs désireux d’acheter des obligations de longues échéances lors d’une augmentation des taux d’intérêt. Il est alors recommandé de faire le suivi de la performance des deux portefeuilles distinctement. Il est ainsi possible d’évaluer l’efficacité du portefeuille d’appariement du passif séparément de la décision « tactique » de conserver une durée des actifs plus courte. Une telle stratégie permet donc d’entrer sur le terrain de jeu avec une certaine prudence. Disons qu’au lieu d’y entrer en courant, on y entre à pas feutrés. Tableau 2 Titres de croissance (En %) Régime type 60 Régime utilisant la superposition obligataire 60 Superposition obligataire Une seconde stratégie de gestion du risque de taux d’intérêt consiste en l’utilisation de la superposition obligataire. Il s’agit d’une stratégie qui plaira à ceux qui veulent diminuer ou éliminer le risque de taux d’intérêt tout en conservant une répartition élevée en titres de croissance telles que des actions et des stratégies alternatives. Cette démarche vise à augmenter la durée des actifs en utilisant l’effet de levier, ce qui permet de réduire le coût d’opportunité associé à la vente de titres de croissance afin d’acheter des obligations. Cependant, il est à noter que le régime de retraite conserve alors le risque de marché associé à ces titres croissance. La stratégie de superposition obligataire utilise les produits dérivés, mais, contrairement à la première stratégie, il est question d’adopter une position « acheteur » dans un portefeuille Actifs Portefeuille d’appariement du passif (obligations de longues échéances) (en %) Coût de financement (en %) Passif (obligations de longues échéances) (En %) Surplus (Actifs – passif) 40 S.O. 100 60 % Titres de croissance moins 60 % Obligations de longues échéances 100 -60 100 60 % Titres de croissance moins 60 % Coût de financement d’appariement du passif. Toutefois, elle requiert le paiement d’un coût de financement rattaché à l’effet de levier, c’est-à-dire un emprunt d’obligations. Ce coût est habituellement faible, de l’ordre du taux des Bons du Trésor du gouvernement du Canada plus une marge d’environ 15 à 30 points de base. Le Tableau 2 compare le bilan d’un régime type à celui d’un régime utilisant la superposition obligataire. Nous pouvons constater que, pour dégager un surplus, les titres de croissance du régime type doivent obtenir un rendement supérieur à celui du passif. Par contre, en utilisant la superposition obligataire, les titres de croissance n’ont qu’à surpasser le coût de financement afin de générer un surplus. Dans la plupart des contextes économiques, la superposition obligataire devrait donc être plus efficace en générant un rendement additionnel tout en diminuant la volatilité de la situation financière du régime. La superposition obligataire a gagné en popularité au cours des dernières années, si bien que des fonds communs sont maintenant disponibles sur le marché pour les caisses de retraite de toutes tailles. Afin de bien sélectionner un tel fonds en fonction des besoins de la caisse, il faut, entre autres, analyser la fréquence de rééquilibrage du levier, la composition de l’indice de référence utilisé, le nombre de contreparties utilisées et leur santé financière ainsi que la gestion opérationnelle du collatéral. Cette stratégie peut être implantée graduellement à l’intérieur d’un programme de réduction dynamique des risques. À pleine capacité, elle nous fait entrer de plain-pied sur le terrain de jeu et, en plus, en utilisant des stéroïdes ! Utilisation d’options sur les obligations Une dernière stratégie fait appel à l’utilisation d’options sur les obligations. Pour bien la comprendre, faisons quelques pas en arrière. L’objectif d’un programme de réduction dynamique des risques est d’acheter progressivement des obligations dans le but d’améliorer l’appariement des actifs avec le passif. Ces achats se font habituellement au fur et à mesure que les taux d’intérêt augmentent. La question se pose donc : est-il possible d’être rémunéré tout en attendant que cette hausse des taux d’intérêt se concrétise ? Pourquoi ne pas vendre à un autre investisseur le droit de nous vendre des obligations à un taux prédéterminé, et ce, plus élevé que le taux actuel ? En échange de ce droit, une prime est ainsi récoltée tant et aussi longtemps que les taux restent en deçà du taux prédéterminé. Toutefois, si les taux d’intérêt augmentent au-delà de ce seuil, l’autre investisseur profite de son droit de nous vendre des obligations, réalisant ainsi un gain. À première vue, on semble donc avoir perdu de l’argent. Mais, en fait, on ajoute des obligations qui viennent réduire le risque de taux d’intérêt, ce qui est l’objectif ultime. C’est la stratégie affectueusement nommée la « vente d’options de vente sur les obligations ». A priori, le risque de taux d’intérêt n’est pas réduit par l’utilisation de cette stratégie qui, idéalement, fait partie intégrante d’un programme de réduction dynamique des risques. Il existe également d’autres variantes de cette stratégie. Par exemple, on peut combiner la « vente d’options de vente » à « l’achat d’options d’achat » avec un taux prédéterminé inférieur au taux actuel. Une telle stratégie permet d’ajouter une protection additionnelle contre une baisse des taux d’intérêt. Le coût de cette protection est donc financé en partie ou en totalité par la vente d’options de vente. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une démarche qui permet d’être rémunéré tout en attendant de se joindre à la partie. C’est un peu comme si l’on passait par la porte d’en arrière pour se rendre sur le terrain. Préparer sa stratégie d’avant-match Les dernières années nous ont montré que le risque de taux d’intérêt est très important et bien réel. La mise en place d’un processus rigoureux de réduction de ce risque est donc primordiale. Dans le contexte actuel de bas taux d’intérêt, il existe tout de même des stratégies novatrices qui peuvent être mises en place immédiatement pour nous préparer à sauter dans la mêlée. Les promoteurs et les comités de retraite peuvent implanter l’une ou l’autre de ces stratégies en fonction de leurs objectifs et attentes de marché. La réduction des risques, incluant le risque de taux d’intérêt, doit être intégrée dans les bonnes pratiques de gouvernance des régimes de retraite. La question n’est certainement plus de savoir si oui ou non vous allez joindre la partie, mais plutôt comment vous allez le faire. Patrick Duplessis, FSA, CERA Conseiller, Gestion d’actif et des risques Morneau Shepell Patrick De Roy, FSA, FICA, CFA, FRM, CERA Associé et chef de la pratique nationale, Gestion des risques Morneau Shepell • Octobre 2012 / 39