fda enfin un patron... moins politique

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fda enfin un patron... moins politique
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FDA
ENFIN UN PATRON …
MOINS POLITIQUE
En fin de législature, le Sénat américain arrive à surmonter
ses querelles internes et finit par offrir un commissaire aux
pleins pouvoirs à la puissante Food and drug administration.
Officiellement, Andrew von Eschenbach est ainsi devenu le
20ème commissaire de cette administration centenaire,
le 13 décembre dernier.
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FRÉDÉRIC BADEY
RÉSEAU SCIENCES DE LA VIE MISSION ECONOMIQUE DE WASHINGTON
armi les « anecdotes » qui
resteront associées à la présidence actuelle, l’absence
de leadership à la FDA sera,
sans aucun doute, remarquée. En six
années, l’agence n’aura, en effet, pas
été dirigée plus de vingt quatre mois
par un commissaire aux pleins pouvoirs. La politisation d’une agence
réglementaire, telle qu’elle existe
depuis 1998, ne semble apparemment pas lui garantir un fonctionnement optimal. Andrew von Eschenbach n’est pas un inconnu à la FDA
puisqu’il assurait cette fonction, par
intérim, depuis septembre 2005. Chirurgien urologue et oncologue reconnu, il a précédemment occupé
différents postes au sein du MD Anderson cancer center de l’université
du Texas avant d’être nommé directeur du National cancer institute des
NIH, en 2002. A signaler aussi sa présidence de l’American cancer society.
Le candidat fétiche de la maison
blanche. Depuis le départ précipité
de Lester Crawford, moins de trois
mois après sa confirmation par le
Congrès, les sénateurs n’ont pas
manqué une occasion de critiquer
l’agence et de s’opposer à la nomination du candidat fétiche de la Maison
Blanche. Le refus de la FDA, d’autoriser la délivrance de Plan B®, un
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© SIPA
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contraceptif d’urgence sans ordonnance pour les patientes de plus de
18 ans, fut longtemps la cause du refus des démocrates d’approuver la
nomination du nouveau commissaire. Le 24 août dernier, Plan B®
bénéficiait encore d’un statut spécifique. Plusieurs sénateurs républicains se sont ensuite opposés à la
nomination de von Eschenbach. Ces
derniers critiquaient notamment les
décisions de l’agence sur des dossiers
tels que l’absence d’investigation
adéquate du profil de sécurité du
RU – 486 (susceptible d’entraîner des
effets indésirables rares mais graves).
Ou encore, le refus d’autorisation des
importations de certains produits de
prescription du Canada. L’objection
la plus virulente a émané du sénateur
USA a c t u a l i t é s 37
républicain Charles Grassley (Iowa),
tif personnel de tout mettre en œuvre
qui reprochait à la FDA sa mauvaise
pour venir à bout de ce fléau, d’ici
gestion du risque de l’antibiotique
2015. Conscient des limites de la chiKetek® (telithromycine), accusé
rurgie, il est intimement persuadé
d’avoir entraîné des effets hépatiques
que le salut viendra de la prévention
graves et plusieurs décès. Charles
et des progrès thérapeutiques. Il deGrassley s’était attaqué directement
vrait donc faire tout son possible
à von Eschenbach, lui
pour favoriser l’innovareprochant d’avoir délition pharmaceutique
bérément caché des
dans ce domaine. La
Venir à bout
données sur le produit
première décision prise
du cancer,
empêchant la FDA de
par la FDA après cette
d’ici à 2015
rendre une décision obnomination est venue
jective et indépendante.
confirmer cette tenEt avait dénoncé « the
dance. Cette dernière
cozy relationship between some drug
publiait ainsi, le 11 décembre 2006,
companies and the FDA » (ndlr : les
une proposition de loi soumise aux
relations étroites entre l’agence amécommentaires du public afin de faciricaine et certains laboratoires pharliter la mise à disposition des médimaceutiques).
caments expérimentaux. Il s’agit là
de rendre ces candidats médicaUn expert respecté. Défaits aux derments plus largement et plus facilenières élections, les sénateurs répument accessibles aux patients
blicains sont parvenus à surmonter
atteints de pathologies graves pour
leurs rivalités internes afin qu’Anlesquelles aucune alternative théradrew von Eschenbach puisse prenpeutique satisfaisante n’est disponidre officiellement les rênes de
ble sur le marché. Et de clarifier les
l’agence. Charles Grassley levait ainsi
conditions et coûts de prise en
son véto et le 7 décembre 2006, le Sécharge de ces traitements par le panat acceptait alors, à une large matient lui-même. Cette confirmation
jorité (80 contre 11), la nomination
offre un peu de stabilité à la FDA à un
de cet expert respecté en tant que
moment où elle va devoir entreprencommissaire de la FDA. La carrière,
dre des réformes majeures. Les predéjà exemplaire, de ce natif de Pennmières échéances sont proches. Le
sylvanie est intimement liée à son
PDUFA, loi quinquennale sur le syshistoire personnelle. Frappé à deux
tème de redevances de l’agence améreprises par le cancer, il a su vaincre
ricaine, devant être révisée avant le
la maladie et s’est fixé comme objec30 septembre prochain.
Des dossiers politiquement sensibles. Sur le fond, la FDA devra répondre aux récentes recommandations
de l’Institute of medicine (IOM) sur
l’amélioration de la gestion de la sécurité des médicaments. Le vaste
rapport de l’IOM couvre de nombreux sujets tels que la réforme de
l’organisation historique de la FDA,
les modifications de ses processus
d’évaluation, le renforcement de son
autorité réglementaire ainsi que les
modalités de son financement. Sur la
forme, cette réponse devra s’intégrer
dans un environnement particulièrement complexe. Les élus démocrates, aujourd’hui majoritaires, souhaitent un contrôle plus strict des
activités de l’agence par le biais de la
représentation nationale. Nul doute
qu’une attention particulière sera
portée sur les dossiers politiquement
sensibles : mise sur le marché des
biosimilaires, réimportation de médicaments, liens entre l’agence et
l’industrie… le tout dans un
contexte économique et fiscal tendu.
Le Dr von Eschenbach semble en
mesure de relever ces défis. Sa nomination a d’ailleurs été saluée avec
enthousiasme par les principales associations du secteur pharmaceutique et, cela est plus remarquable, par
les analystes financiers. Lorsque la
conviction alimente le talent, rien ne
semble impossible… ■
4PDUFA IV : VERS UN RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE
Le Prescription drug user fee act (PDUFA) a été créé en 1992.
Ce programme quinquennal, qui instaure le principe de
redevances payées par les laboratoires pour leurs demandes
d’AMM, a été mis en place pour réduire, entre autres, le temps
d’examen des autorisations de mise sur le marché des
médicaments. Le PDFUA III arrive à échéance le 30 septembre
2007 et il appartient au Congrès de voter le PDUFA IV avant
cette date. A noter que ce texte engagera l’agence sur la
période 2007-2012.
La FDA a présenté, ce 11 janvier, ses premières propositions
pour les années fiscales 2007 à 2012. Trois éléments illustrent
les orientations de l’agence :
• une forte augmentation des redevances (392,8 millions de
dollars par an pour les années fiscales 2008-2012 contre
305,5 millions pour l’année fiscale 2007, soit une
augmentation de 22%). Dans ce but, la FDA recalculera le
niveau de référence en juin 2007, ce qui devrait entraîner une
augmentation d’environ 45 millions de dollars.
• la mise en place de redevances supplémentaires spécifiques
pour la soumission de dossiers de publicité DTC.
• Une réallocation des redevances. Alors que les fonds
récoltés, via le PDUFA, servaient traditionnellement à des
programmes d'amélioration de l'efficacité de la FDA (ce qui est
encore le cas avec un accent sur les dossiers électroniques).
Une partie des ressources supplémentaires devraient
notamment servir à développer ses activités de
pharmacovigilance, avec en particulier le recrutement de 82
agents supplémentaires.
Sans surprise, ces propositions, qui renforcent les liens
économiques entre le régulateur et les industries régulées, ont
reçu le soutien des milieux d’affaires.
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