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le cahier des RH —— L’enquêt e —— Gestion des carrières À QUOI SERVENT les re de personnel ? p.23 France Télévisions Une revue du personnel vécue comme un “fichage” p.24 Eurotunnel La people review dans les starting-blocks p.25 Maif Un processus en deux temps pour valoriser la mobilité 18 - Entreprise & Carrières - n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 l’essentiel 1 Les revues de personnel sont devenues un exercice incontournable pour mettre en œuvre la politique de gestion des talents. À la Maif, elles s’inscrivent dans la volonté de repérer les candidats à la mobilité et couvrent l’ensemble de l’effectif. 2 3 Souvent centrées sur l’évaluation collective du potentiel et de la performance, ces sessions nécessitent de s’appuyer sur des critères observables et des regards croisés objectifs. Il incombe au RH qui les anime de veiller à ces principes. Les people reviews pèchent souvent par manque de transparence. Chez France Télévisions, la découverte par les syndicats de fiches établies lors des revues de personnel a débouché sur une action en justice. vues Moment charnière pour la gestion des carrières et des compétences, la revue de personnel est le lieu où se joue le devenir professionnel de nombreux salariés, en particulier des cadres. Comment la préparer, l’animer ? Quels critères retenir et quelle publicité lui donner ? Questions autour d’un outil devenu incontournable dans nombre d’entreprises. COORDONNÉE PAR Élodie Sarfati ILLUSTRATION Nini La Caille n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 - Entreprise & Carrières - 19 le cahier des RH —— L’enquêt e É « valuation secrète », « journalistes fichés »… Depuis l’été, un parfum de scandale agite France Télévisions, après la découverte par les syndicats de “fiches d’évaluation de la performance et du potentiel” et des commentaires pas toujours bienveillants qui y sont portés. En cause, le système de revue de personnel dont la plupart des salariés ont appris l’existence à ce moment-là (lire p.M23). Un cas révélateur d’un « processus mal maîtrisé», comme le suggère Hervé Borensztejn, directeur associé du cabinet Karistem Consulting ? Ou d’une « culture du secret très française », selon Christophe Falcoz, chercheur et professeur associé à l’IAE de —— Lyon (lire l’encadré p.M21) ? Il donne en tout cas l’occasion de s’interroger sur le fonctionnement de cet exercice bien ancré dans les entreprises, sous différentes appellations : revue des talents, people review, comité carrière… Avec quelques variantes, il s’agit à chaque fois de réunir RH et management pour opérer collectivement le diagnostic des compétences et de la performance, mesurer, en croisant les regards, les capacités d’évolution. Et, selon les cas, repérer les “talents” ou alimenter des viviers de candidats, afin d’élaborer les organigrammes de remplacement, de prendre des décisions en matière de mobilité, de promotion, de rémunération, etc. Destinée la plupart du temps à tout ou partie de la population des cadres comme à Eurotunnel (lire p.M24), la revue de personnel peut aussi couvrir l’ensemble du personnel comme à la Maif (lire p. 25). Dans le groupe Socotec, « le processus des revues de talents est en cours de refonte, indique le DRH Sébastien Botin. Nous voulons passer d’un outil top down, où le management central organise le mercato des postes et des promotions, à un processus bottom up. Il s’agira, à partir de 2016, de réunir les directeurs de région – les n + 3 – et les RRH pour passer au crible l’organisation et identifier trois populations clés : les “talents prometteurs”, les “managers de Des entretiens d’évaluation ou professionnels à la gestion des carrières, des emplois et des compétences, en passant par les politiques de rémunération ou de diversité, la revue de personnel « interfère avec tous les processus de la fonction RH ». 20 - Entreprise & Carrières - n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 demain” et les “executive”, ayant vocation à intégrer le Comex. Puis la synthèse sera remontée à la direction France et consolidée au niveau du groupe ». Sur ce modèle, Carrefour France organise chaque année, échelonnés sur plusieurs mois, des comités carrière dont l’objet est de « détecter, à tous les niveaux de l’entreprise, les personnes évolutives, verticalement ou horizontalement, explique MarieHélène Mimeau, directrice de la formation et du développement RH. L’intérêt est aussi d’anticiper l’évolution des métiers et de vérifier si nous disposons des profils dont nous aurons besoin dans les prochaines années ». Le groupe de distribution a également déployé depuis quelques années un comité carrière à destination des femmes, « en vue de renforcer la mixité des équipes de direction ». choisir les bons indicateurs Des entretiens d’évaluation ou professionnels, sur lesquels elle se fonde, à la gestion des carrières, des emplois et des compétences qu’elle contribue à mettre en musique, en passant par les politiques de rémunération ou de diversité dont elle peut assurer la cohérence, la revue de personnel « interfère avec tous les processus de la fonction RH», résume Hervé Borensztejn. Alors, comment en faire un rendez-vous efficace ? D’abord en choisissant les bons indicateurs. Chez Carrefour par exemple : « Outre la performance, nous évaluons la capacité à apprendre de la personne, sa curiosité, sa motivation pour évoluer. Mais aussi sa capacité à réfléchir au-delà de son périmètre, et ses qualités managériales, notamment sa maturité émotionnelle, liste Marie-Hélène Mimeau. Plus le niveau hiérarchique est élevé, plus la vision stratégique et la bonne compréhension du business comptent. » Mais ces critères ne sont pertinents qu’au regard du contexte et des besoins propres à l’entre- un exercice subtil Les écueils de la people review sont réels : considérations d’ordre personnel plutôt que professionnel, profils retenus standardisés, salariés laissés de côté par leur manager qui ne veut pas les perdre… « Croiser les subjectivités est un exercice subtil », résume Nicolas Bourgeois, soulignant le rôle crucial des RH qui animent les sessions (lire l’encadré ci-contre). Ceux de Carrefour démarrent les réunions en rappelant aux participants les règles du jeu, que Marie-Hélène Mimeau résume ainsi : « Ne pas relayer de on-dit, laisser tout le monde s’exprimer, être dans la bienveillance, être factuel. » Pour être utile, la revue de personnel doit en effet s’appuyer sur « une fonction RH reconnue dans l’entreprise, qui puisse imposer son point de vue, alerter si les principes d’équité ne sont pas respectés », insiste Hervé Borensztejn. De leur côté, en partageant le regard qu’ils portent sur leurs équipes, « les managers doivent accepter d’être challengés et de challenger les autres », complète Sébastien Botin. la fonction RH en soutien Pour cela, « la qualité de la relation entre les RH et le management est déterminante, analyse Sandrine Caillé, directrice de mission à la société de conseil Ifas. Plus la fonction RH est perçue comme un soutien, plus les managers sont en confiance et plus le dialogue lors des revues de personnel sera constructif et transparent. De la même façon, en amont, la façon dont les managers mènent les entretiens Témoignage prise, prévient Christophe Falcoz. Or, « on retrouve souvent les mêmes, dupliqués d’un secteur à l’autre, ce qui n’a aucun sens », soupire-t-il. « Qu’est-ce qu’un talent pour notre entreprise ? Sur quels critères objectifs l’identifie-t-on et comment le traduit-on concrètement ? Ce travail n’est pas toujours fait, abonde Anne Saüt, directrice générale de Diversity Conseil. De même, les critères retenus sont parfois appliqués de la même façon dans tous les pays, sans tenir compte des spécificités culturelles. Mais l’autonomie ou la capacité de communication n’ont pas le même sens en Chine, en France ou au Brésil. » Pour sa part, Nicolas Bourgeois, directeur associé du cabinet Identité RH, recommande de définir des compétences comportementales en adéquation avec les valeurs et la culture de l’entreprise, et surtout observables, plutôt que de s’appuyer sur la seule notion de potentiel, dont il souligne les limites: «C’est un critère souvent hasardeux : celui qui a du potentiel, c’est généralement celui que l’on imagine pouvoir prendre la place de son chef. Cette approche est biaisée, car on projette l’image du titulaire actuel du poste sur celui que l’on évalue, et l’on arrive vite à sélectionner toujours les mêmes profils, voire à des considérations du type “il n’a pas la tête de l’emploi”, “elle n’est pas mal”… » l’avis de l’expert Gestion des carrières —— —— À quoi servent les revues de personnel ? Christophe Falcoz PROFESSEUR ASSOCIÉ À L’IAE LYON En France, il y a un vrai déficit de transparence, une culture du secret autour des people reviews et de l’identification des talents ou des hauts potentiels. Les listes sont confidentielles et, la plupart du temps, les personnes qui y figurent n’en sont même pas informées. C’est ce que ne comprennent pas les entreprises anglo-saxonnes qui, à l’inverse, sont beaucoup plus transparentes : les personnes inscrites sur les listes le savent, et savent aussi qu’elles peuvent en sortir. Ce déficit d’information se joue à d’autres niveaux. Par exemple, je doute que ces listes soient systématiquement déclarées à la Cnil, alors qu’il s’agit de fichiers établis sur la base de critères particuliers. Cette déclaration, à mon sens incontournable, emporte en outre un droit d’accès aux données pour les personnes concernées. De même, les people reviews sont rarement débattues avec les représentants du personnel. C’est compréhensible s’il s’agit d’établir la liste des futurs dirigeants, qui revêt un caractère stratégique sensible. Mais lorsque les revues de personnel sont menées sur une population élargie, a fortiori sur l’ensemble des salariés, il n’y a pas de raison de ne pas le faire. Il me paraît normal d’échanger avec les IRP sur les critères utilisés, la fréquence des people reviews, les profils que l’on estime être stratégiques, les compétences indispensables et difficiles à remplacer, etc. Et même obligatoire, selon moi, au vu de la jurisprudence sur les entretiens d’évaluation, dont les revues de personnel sont la synthèse. ♦ François Mazoyer RESPONSABLE RH D’UNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE DE 250 SALARIÉS (ISÈRE). Lors des comités carrière, le RH occupe d’abord le rôle de chef d’orchestre. Il doit permettre aux participants de jouer leur partition tout en les amenant à adopter un regard nouveau sur leurs collaborateurs. À lui aussi de s’assurer de l’objectivité des débats. Car les managers peuvent avoir une approche subjective et partisane sur un profil. C’est au RH d’éviter cela, de mettre les participants devant leurs contradictions le cas échéant, de creuser et d’être le poil à gratter pour pousser chacun à justifier son point de vue et surtout à faire fi des a priori, positifs ou négatifs, sur les personnes dont il est question. Enfin, il est très important de garantir la bienveillance de l’exercice. Le RH doit faire comprendre que, quelle que soit la performance de la personne mesurée à l’instant T, il y a une solution qui peut lui permettre de se développer, de franchir un cap. Ce n’est pas toujours compris par les managers, pris dans leurs problématiques quotidiennes. Il faut expliquer qu’une action de formation peut être importante même si elle n’a pas d’impact à court terme, mais s’inscrit dans une logique d’employabilité. C’est en outre l’occasion de rappeler aux managers qu’ils ont aussi la mission de faire évoluer les compétences de leurs collaborateurs et de les aider à se projeter sur le long terme. Mais, au-delà de ces rendez-vous annuels formels, la revue de personnel est un exercice presque quotidien. Nos entreprises bougent et doivent s’adapter en permanence. Ainsi, lors des rencontres avec les managers, il est très souvent question des compétences, de l’accompagnement dont les équipes ont besoin. De ce point de vue, la revue de personnel donne l’occasion d’affirmer le rôle et la vision de la fonction RH. ♦ n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 - Entreprise & Carrières - 21 Gestion des carrières —— —— À quoi servent les revues de personnel ? d’évaluation, la place qu’ils laissent à leurs collaborateurs pour s’exprimer, leur capacité à repérer et à relayer leurs aspirations influencera la façon dont leur dossier sera évoqué ». Et puis se pose la question sensible de la communication donnée à cet outil de pilotage dans l’en- treprise. « Pour certains DRH, la people review doit rester confidentielle, constate Nicolas Bourgeois. Mais c’est une erreur, il faut communiquer sur son existence, les critères utilisés, et informer les personnes concernées des décisions prises. » Le feedback aux salariés n’est d’ailleurs pas le fort des revues de personnel, notent la plupart des consultants. Seulement, trop de discrétion peut finir par alimenter la méfiance : « Personne ne sait précisément ce qui se passe lors des people reviews: qui prend des décisions, sur quelles bases ? Comment relie-t-on cet outil à la politique de promotion, de rémunération ? Le manque de visibilité que les salariés ressentent vis-à-vis de cet outil crée des soupçons de favoritisme », témoigne par exemple Didier Gladieu, secrétaire CFDT de Thales France. Tout ce qu’une revue de personnel bien menée doit justement éviter. É. S. France Télévisions UNE REVUE DU PERSONNEL vécue comme un “fichage” Les syndicats ont découvert cet été l’existence d’une revue de personnel, fondée sur une évaluation des salariés tenue secrète, contenant des annotations sévères, en décalage avec les entretiens annuels. La direction a dû faire machine arrière. À France Télévisions, la revue de personnel a viré au cauchemar pour la direction. Delphine Ernotte venait de prendre les rênes du groupe public quand le scandale a éclaté. Le syndicat FO a été averti de l’existence de « fiches d’évaluation de la performance et du potentiel » du personnel, tenues à l’insu des intéressés, à France 3 Auvergne. Il a obtenu la copie d’une quarantaine d’entre elles, toutes avec la même grille d’évaluation, et des annotations à la main, souvent désobligeantes pour le salarié concerné. Éric Vial, délégué central FO, cite des exemples : « non productif », « décalé ». Il précise : « Ces propos étaient en discordance avec l’entretien annuel, généralement consensuel. » Puis FO s’est rendu compte que d’autres régions étaient concernées, ainsi que le siège parisien. L’histoire a laissé des traces profondes : « Comment voulez-vous faire confiance à votre rédacteur en chef s’il dit des choses, dans votre dos, différentes de ce qu’il vous dit en face ? La plupart des salariés se sentent trahis, s’indigne Raoul Advocat, délégué central SNJ (Syndicat national des journalistes). C’est, au minimum, de l’incompétence grave. » « Dans un premier temps, la direction a nié l’existence de ce système d’évaluation, rappelle Éric Vial. Mais nous avions les fiches en question : on nous a alors expliqué qu’il s’agissait de brouillons papier, pour aider les responsables à réaliser cette revue du personnel, avant d’entrer les résultats dans le système d’information, en présence d’un membre des ressources humaines qui aurait enlevé les commentaires inadéquats. » La direction a alors voulu détruire ces brouillons : les syndicats ont saisi le tribunal de grande instance en référé, pour interdire la disparition de ce qu’ils considèrent comme des preuves. Le tribunal leur a donné raison. Aujourd’hui, France Télévisions s’est engagé à stopper la revue de personnel et à restituer le contenu des fiches existantes aux salariés lors des entretiens annuels. L’accord a été signé par la CGT et FO, pas par le reste des syndicats, qui veulent porter l’affaire devant la justice. « Nous ne croyons pas les engagements de la direction, assène Raoul Advocat. Les entretiens annuels se déroulent en ce moment, et les retours que nous avons sont que, pour l’instant, aucune fiche n’a été communiquée. Quand le salarié pose la question, on lui répond qu’il n’y en a pas à son nom. » Des salariés non informés Pour lui, la question n’est pas réglée : le fond du problème, c’est l’absence d’information des salariés : « Les règles fixées par la Cnil n’ont pas été respectées, sur l’utilisation d’informations collectées à l’insu de la personne », précise-t-il. Le Code du travail (article 1222-3) de son côté est strict : « Un salarié est expressément informé (…) des méthodes et techniques d’évaluation mises en œuvre à son égard. » De plus, au dernier comité central d’en- repères Activité Production et diffusion de programmes télévisuels. Personnel 10 000 salariés. Chiffre d’affaires 2014 394 millions d’euros. treprise, les représentants du personnel ont décidé de déposer plainte pour délit d’entrave, puisqu’ils n’ont pas non plus été informés. La direction de France Télévisions reconnaît un problème de communication, mais refuse de commenter le sujet plus avant. « Ce n’est pas le système d’évaluation que nous attaquons », insiste Éric Vial, de FO. Raoul Advocat précise qu’à l’origine une revue de personnel avait été mentionnée dans un accord sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, mais sans que le fonctionnement ni les objectifs soit précisés. Les deux hommes sont d’accord pour dire que l’outil RH a été « dévoyé » de sa fonction première. Stéphanie Maurice n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 - Entreprise & Carrières - 23 le cahier des RH —— L’enquêt e —— Eurotunnel LA PeoPle review dans les starting-blocks Le groupe gestionnaire du tunnel sous la Manche vient de me2re en place sa première revue de personnel, en commençant par le haut de la pyramide hiérarchique, pour « montrer l’exemple ». L e groupe Eurotunnel vient tout juste d’entrer dans la phase pratique de sa première people review. « Il s’agit de mettre en adéquation les attentes et besoins de l’entreprise, en fonction de la manière dont elle se projette dans l’avenir, avec les attentes des collaborateurs », souligne Xavier Moulins, le DRH groupe. Elle vise pour l’instant les encadrants, dans tous les secteurs, en gestion de la concession du tunnel sous la Manche et activités ferroviaires, en France comme en Angleterre. Soit 800 personnes. C’est par le top management que commence la people review, avant de s’étendre au middle management, puis au reste des cadres : « Le fait de montrer l’exemple est nécessaire pour que le processus se déploie », note le directeur des ressources humaines. Le projet, People development, a été initié au premier semestre 2013 : « Nous avons pris le temps de l’appropriation et de la coconstruction de la philoso- phie », précise Xavier Moulins. Ce que confirme Dominique Tirmarche, président du syndicat CFE-CGC Eurotunnel, même s’il précise : « Nous en avons entendu parler pour la première fois en octobre 2014, lors d’une présentation rapide pendant le Management Forum. Les gens se sont demandé ce qu’était ce nouvel outil, et il y a eu une démarche syndicale de demande de transparence, pour en savoir plus. » Xavier Moulins voit cet outil RH comme le prolongement naturel de l’entretien annuel, qui est d’ailleurs le support premier de la people review. Il note : « Dans un entretien annuel, il faut d’abord écouter le collaborateur. » Pour promouvoir ce temps fort des ressources humaines, une prime est envisagée pour le manager qui tient 100 % des entretiens annuels prévus. Un outil informatique a été mis en place, afin d’exploiter plus facilement les données recueillies lors de ces rendez-vous individuels, et aussi d’aider à la décision, avec des 24 - Entreprise & Carrières - n¡ 1268/1269 du 15 dŽcembre 2015 au 4 janvier 2016 grilles d’évaluation que le n + 1 remplit. Avec, bien sûr, transmission à la Cnil dans le respect de la loi. Chaque collaborateur disposera d’un code d’accès. Sur sa page seront indiqués les étapes de la revue de personnel, ainsi que le compte-rendu digitalisé de l’entretien annuel, relu et signé par le salarié. « Il y aura un meilleur accès à l’information », se félicite Xavier Moulins. Les critères sont classiques, et passent au crible les compétences managériales : vision, relation client, leadership, sens de l’innovation, par exemple. « Nous avons pris le temps de l’appropriation et de la coconstruction de la philosophie ». Xavier Moulins, DrH groupe Ensuite, une discussion informelle se tient entre celui qui a dirigé ces entretiens et la RH pour préparer la revue de personnel. Puis, le “comité people review” se réunit : il est constitué du DRH (ou RRH selon l’organi- repères Activité Concession du tunnel sous la Manche et fret ferroviaire. Effectif 3 949 salariés, dont un tiers en Grande-Bretagne. Chiffre d’affaires 2014 1,2 milliard d’euros. sation existante) et du patron du département concerné, ainsi que des responsables d’autres services, pour permettre un croisement des regards. Ainsi, on peut repérer par exemple un collaborateur qui s’est distingué dans le travail en équipe sur un projet transversal. Surtout, dans le cadre du plan de succession d’Eurotunnel – sa GPEC en fait – « le process en place permet de réfléchir à quelle place le salarié pourrait se trouver dans un an, deux ans ou plus », indique Xavier Moulins. Enfin, dernière étape, c’est le retour vers le collaborateur de la décision prise à son sujet. Car il ne faut jamais le laisser dans l’expectative. Dominique Tirmarche trouve la démarche intéressante, même s’il attend les premiers retours : « C’est plutôt positif, cela permet de se projeter dans les nouveaux jobs de demain en étant formé. Une grande partie des cadres voit cela comme une opportunité. » S. M. Gestion des carrières —— —— À quoi servent les revues de personnel ? Maif Un processus en deux temps POUR VALORISER LA MOBILITÉ Afin de développer la mobilité interne, l’un des axes de sa stratégie, l’assureur a mis en place ce2e année des revues de personnel et des comités carrière. En veillant à la bonne compréhension du dispositif. C omment développer une culture de la mobilité dans une entreprise où l’ancienneté à un même poste avoisine les vingt ans ? À la Maif, c’est à ce défi que l’on s’attelle, avec la mise en chantier d’un certain nombre d’outils dont le déploiement, depuis le début de l’année, d’un comité carrière. « L’objectif est de permettre aux salariés d’exprimer leurs souhaits d’évolution et, de notre côté, de mieux ordonnancer les mobilités », expose Bernard de Laportalière, DRH adjoint. Car, paradoxalement, ajoute Janick Debref, responsable du développement RH, « nous avons peu de candidatures sur les postes ouverts, mais, lorsqu’on les interroge, les salariés demandent davantage d’évolutions de carrière. » Le comité carrière est en fait le second niveau d’un dispositif qui démarre avec les revues de personnel. Réunissant une fois par an, sur chaque site, les managers de proximité et les RRH, elles visent à identifier les collaborateurs ayant un projet professionnel susceptible d’être accompagné. Un repérage effectué «sur la base d’une grille de questions fermées, détaille Janick Debref : le collaborateur s’est-il porté candidat à un poste au cours de l’année ? A-t-il fait part d’un projet professionnel, ou entamé une démarche de bilan carrière ? S’est-il déclaré mobile au cours de son entretien individuel ? Et, en dernier lieu, le manager répond à la question : voulez-vous présenter son dossier en comité carrière ? ». Celui-ci valide ou non les dossiers proposés et définit le plan d’action à mettre en place : détachement temporaire, mobilité sur un nouveau poste… « Le point d’entrée du comité carrière, ce n’est pas le niveau de performance ou de potentiel, mais la maturité du projet, quand bien même le salarié est en difficulté sur son poste. Il s’agit de repérer les talents à suivre mais aussi les personnes qui ont besoin d’accompagnement », reprend-il. Des dossiers soutenus par les managers Les comités carrière sont organisés soit au niveau régional, pour les collaborateurs du réseau, soit au niveau national, pour ceux du siège. Ce dernier comité se tient en présence des directeurs des différentes filières ; les premiers mobilisent les RRH et les n + 2. Une façon, également, d’impliquer ces derniers dans le suivi individuel des équipes. « Nous demandons aux managers présents dans les comités carrière d’être des sponsors, de défendre les dossiers qu’ils présentent », commente Janick Debref. La « clé de la réussite » du dispositif, c’est d’abord, pour Bernard de Laportalière, « que les collaborateurs voient que des actions concrètes en découlent, et s’inscrivent dans la démarche ». Ensuite que les managers « soient en confiance sur les profils qu’on leur présente, de manière à lever les a priori sur les métiers, à passer d’un système grégaire, où les managers recrutent dans leur environnement proche, à une approche transversale de la mobilité ». Et enfin « que ce processus soit perçu comme transparent, et surtout pas comme une boîte noire ». La démarche a ainsi été présentée au comité d’entreprise. Pour l’heure, les salariés n’ont toutefois pas eu de retour direct systématique des comités carrière : « Nous sommes en train de réfléchir à la forme qu’il devra prendre. Mais, dès l’année prochaine, chaque collaborateur connaîtra la date des comités carrière, saura si son dossier est évoqué et aura un débriefing par son manager et le RRH », assure-t-il. Secrétaire de l’Unsa-Maif, Frédéric Raison considère que la démarche peut être utile, mais reste vigilant sur son déroulement : « Attention à ne pas laisser de côté des salariés dont le projet n’intéresse pas l’entreprise. On peut vouloir prendre de nouvelles repères Activité Assurance. Effectif 7 000 salariés. Chiffre d’affaires 2014 3,278 milliards d’euros. responsabilités, avoir davantage d’autonomie, même sans changer de poste. » 60 % de l’effectif concerné en 2015 Pour cette première année d’application, les revues annuelles ont concerné 4 800 salariés, soit environ 60 % de l’effectif – l’objectif étant d’atteindre 100 % dès 2016 –, et près de 10 % ont vu leur dossier présenté en comité carrière. Un chiffre modeste, révélateur d’une « faible culture de la mobilité », explique Janick Debref, et non d’une sélection drastique : « Avec cet outil, insiste-t-il, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche élitiste. » É. S. « le point d’entrée du comité carrière, ce n’est pas le niveau de performance ou de potentiel, mais la maturité du projet, quand bien même le salarié est en difficulté sur son poste. » Janick Debref, responsable Du DéveloppeMent rH n° 1268/1269 du 15 décembre 2015 au 4 janvier 2016 - Entreprise & Carrières - 25