Conformité à la Constitution de l`article L 263-0 A
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Conformité à la Constitution de l`article L 263-0 A
Conformité à la Constitution de l’article L 263-0 A du Livre des procédures fiscales autorisant l’administration fiscale mettre en œuvre un avis à tiers détenteur contre l’assureur vie. ( à propos de Cass. com., 9 juill. 2015, n° 15-40.017) Par Matthieu Robineau Assurance vie – Avis à tiers détenteur – administration fiscale – art. L. 236-0 A du LPF – QPC – conformité à la Constitution (oui). La question de savoir si « L'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, tel que résultant de l'article 41 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière porte […] atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et en l'espèce, au droit de propriété posé par l'article 17 de la [Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ] ainsi qu'au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques posé par l'article 13 de la Déclaration […] des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 12 du Préambule de la Constitution de 1946 » n’est ni nouvelle ni sérieuse. Par suite, elle n’est pas renvoyée au Conseil Constitutionnel. L’article 41 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a introduit dans le Livre des procédures fiscales un article L. 263-0 A. Celui-ci ouvre la possibilité à l’administration fiscale de se voir attribuer l’épargne accumulée par les contribuables débiteurs sur des contrats d’assurance vie par le biais d’un avis à tiers détenteur. Des dispositions comparables ont été prises pour la saisie à tiers détenteur (LPF, art. L. 273 A ), l'opposition à tiers détenteur (CGCT, art. L. 1617-5.) et l'opposition administrative (L. n° 2008-1485, 30 déc. 2004, art. 128). Plus précisément, la disposition évoquée prévoit que « Peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263, les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur. » Par ce texte, le législateur a fait preuve de réalisme et a rendu saisissable, au seul profit de l’administration fiscale, l’épargne investie sur des contrats d’assurance vie, retenant une analyse plus économique que juridique de ces derniers. Ce faisant, il a brisé une jurisprudence bien établie, aux termes de laquelle « il résulte des articles L. 132-8, L. 132-9, L. 132-12 et L. 132-14 du Code des assurances que, tant que le contrat n'est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier le bénéficiaire de la prestation ; que, dès lors, nul créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer immédiatement ce que ce dernier ne peut recevoir » (Cass. 1ère civ., 28 avr. 1998, n° 96-10.333 : Bull. civ. I, n° 153 ; D. 1998, IR p. 141 ; JCP N 1998, II, 10112, note J. Bigot ; RGDA 1998.309, note J. Bigot ; Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 367, note G. Courtieu, Defrénois 1998, art. 36837, p. 861, obs. S. Hovasse-Banget). La Haute juridiction avait précisé sa pensée en indiquant que l’avis à tiers détenteur ne peut s’appliquer à une créance éventuelle (Cass. 1 ère civ., 2 juill. 2002, n° 99-14.819 : Bull. civ. I, n° 179 ; D. 2002. 2452 ; RGDA 2002. 1012, note J. Kullmann et RGDA 2003. 545, note F. Douet). La signification et la portée de l’article L. 263-0 A du Livre des procédures fiscales ont été discutées dès son entrée en vigueur, le 8 décembre 2013 (v. notamment, M. Leroy et J.Ph. Luttmann, « Assurance-vie et saisie simplifiée exercée par le comptable public », JCP N 2014, dossier 1285 ; F. Sauvage, « Saisie de la valeur de rachat par avis à tiers détenteur », Rev. Fisc. Patrimoine 4/2014, p. 17). Abstraction faite d’une maladresse de rédaction évidente, en ce que le texte vise les sommes versées par le souscripteur, alors que ces primes sont la propriété de l’assureur et ne peuvent pour cette raison être saisies par un créancier du souscripteur, l’insertion de la nouvelle règle au sein du régime de l’assurance vie interroge. Celui-ci est de plus en plus malmené, et il suffit de citer la loi du 17 décembre 2007 pour en être parfaitement convaincu. Celle-ci, en modifiant le régime de l’acceptation par le bénéficiaire, a en effet singulièrement ébranlé les certitudes des civilistes en matière de stipulation pour autrui. Ceci étant dit, il est possible d’envisager le dispositif nouveau comme introduisant une entorse modeste et limitée au caractère personnel du droit de rachat. Dans cette optique, en délivrant un avis à tiers détenteur à destination de l’assureur, l’administration fiscale mettrait en œuvre un ersatz d’action oblique. En effet, le texte pourrait être interprété comme offrant la possibilité au comptable public d’exercer la faculté de rachat du souscripteur-redevable négligent. De la sorte, l’administration ferait naître la créance de rachat qui, faut-il le rappeler, n’existe pas tant que le souscripteur n’use pas de sa faculté de rachat. Par suite, cette créance pourrait être attribuée immédiatement au créancier fiscal, comme le commande l’esprit de la loi (en ce sens, M. Leroy et J.-Ph. Luttman, préc.). Toujours est-il que, enfin exaucée, l’Administration fiscale qui avait vainement résisté à la position de la Cour de cassation (v. Rép. min. à QE no 15507, JOAN Q. 31 août 1998, p. 4803 ; RGDA 1998. 920 ; Rép. min. à QE no 8872, JO Sénat Q. 3 sept. 1998, p. 2829 ; Instr. 18 déc. 1998, BOI 12 C-6-98) n’a pas tardé à mettre en œuvre la procédure simplifiée de l’avis à tiers détenteur. Un redevable s’y est opposé, et par un réflexe désormais habituel, a posé une question prioritaire de constitutionnalité devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. À ses yeux, la règle nouvelle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, en l'espèce, au droit de propriété posé par l'article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ainsi qu'au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 12 du Préambule de la Constitution de 1946. On notera au passage avec amusement que le contribuable avait rattaché par erreur l’article 17 à la Constitution elle-même et que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen s’était vue dotée d’un caractère universel. Sans surprise, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, exerçant son rôle de filtre, refuse de renvoyer cette QPC au Conseil constitutionnel estimant la question ni nouvelle ni sérieuse. Il est vrai, sans entrer dans les détails, que la jurisprudence du Conseil élaborée sur le fondement des textes précités est foisonnante et que la solution semblait s’imposer (v., par ex., sur cette jurisprudence, Th. Massart, « QPC en matière fiscale : analyse des décisions rendus par le Conseil Constitutionnel entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2014 », Lexbase n°582, 11 sept.2014 ; E. Oliva, « L’appréciation du caractère confiscatoire ou excessif de l’impôt par le Conseil Constitutionnel », RFDA 2013. 1273). On relèvera cependant que la Chambre commerciale apporte une précision qu’elle n’était pas obligée de donner. En effet, reproduisant la disposition de l’article L. 263-0 A, elle lui ajoute que « cette valeur de rachat constitue une créance du souscripteur à l'égard de l'assureur, entrée dans son patrimoine sous réserve qu'il n'ait pas renoncé à la faculté de rachat au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur ». Cet obiter dictum paraît invalider l’analyse doctrinale rapportée plus haut et confondre ce qui ne devrait pas l’être. À nos yeux, une valeur n’est pas une créance. Elle peut correspondre à une créance, mais il n’y a pas là nécessité. Du reste, c’est plutôt l’inverse : une créance a une valeur. En tant que droit personnel, elle figure dans le patrimoine du souscripteur. Sans doute, les contrats rachetables figurent-ils pour leur valeur de rachat au 1er janvier dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, alors même que le souscripteur n’est titulaire d’aucune créance contre l’assureur, faute d’avoir exercé sa faculté de rachat. Cependant, l’ISF est un impôt sur les valeurs, plus que sur le patrimoine (cf. CGI, art. 885 E : « L’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables […] ».). Cela explique que les clauses qui privent momentanément le souscripteur de sa faculté de rachat n’aient aucun effet sur l’inclusion des contrats dans l’assiette de l’ISF. On peut y voir un exemple du réalisme du droit fiscal, dans une acception large du terme (sur le prétendu réalisme du droit fiscal, F. Douet, Précis de droit fiscal de la famille, Lexisnexis, 13ème éd., 2014, n° 29). Dans la même logique, parce qu’il serait incongru que le redevable puisse empêcher l’Administration fiscale d’exercer ses droits à son encontre, l’article L. 263-0 A précise que l’avis à tiers détenteur est possible y compris lorsque la possibilité de rachat fait l'objet de limitations. L’ajout interprétatif que réalise l’arrêt de la Chambre commerciale n’est, de ce point de vue, là aussi, guère heureux. En effet, il est affirmé qu’il convient de réserver l’hypothèse où le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat. Or, d’une part, renoncer c’est, d’une certaine manière, limiter (limiter au maximum en quelque sorte) et, d’autre part et surtout, il n’y a aucune raison qu’un contrat légalement rachetable au sens de l’article L. 132-23 du Code des assurances et de ce fait assujetti à l’ISF en application de l’article 885 F du CGI et exposé à faire l’objet d’un avis à tiers détenteur sur le fondement de l’article L. 263-0 A puisse, ad nutum, par le truchement d’une renonciation unilatérale, changer de nature et donc de régime. S’agissant de l’ISF, la jurisprudence ne s’y est d’ailleurs pas trompée (Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-19.577 : Dr. fisc. 1997, n° 42, comm. 1091. Adde, à propos de la mise en garantie du contrat : Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-11.575 : Bull. civ. IV, n° 41 ; Dr. et Patr. 2012, n° 213, p. 102, obs. Ph. Delmas Saint-Hilaire et, à propos de la stipulation d’une indisponibilité temporaire dans les contrats en euro diversifiés : CE 3 déc. 2012, n° 349202 : Dr. et patr. 2013, n° 227, obs. Ph. Delmas Saint-Hilaire). Pourquoi la Chambre commerciale raisonne-t-elle autrement ici ? Voilà qui interroge. Quoi qu’il en soit, par la formule contestée, la Haute juridiction semble penser que le souscripteur est un créancier de l’assureur. C’est vrai au sens où le souscripteur, comme tout contractant, est en droit d’exiger de l’assureur, son cocontractant, qu’il exécute ses obligations contractuelles. C’est en revanche inexact s’il s’agit de prétendre que le souscripteur est titulaire d’une créance de restitution (dénommée pour les besoins de la cause créance de rachat), comme le serait un déposant à l’égard d’un dépositaire. Que l’on sache, le contrat d’assurance vie n’est pas un contrat de dépôt (sur ce point, v. par ex., J. Kullmann, note sous . Cass. 2ème civ., 5 juin 2008, n° 07-14077 : RGDA 2008. 1013). L’arrêt : Attendu que la question transmise est ainsi rédigée : L'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, tel que résultant de l'article 41 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, en l'espèce, au droit de propriété posé par l'article 17 de la Constitution ainsi qu'au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques posé par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 12 du Préambule de la Constitution de 1946 ? Que, par suite d'une erreur matérielle, la question vise l'article 17 de la Constitution au lieu de l'article 17 de la Déclaration susmentionnée ; Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel concerne un avis à tiers détenteur de la part rachetable de contrats d'assurance ; Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ; Et attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 263-0 A du livre des procédures fiscales, peuvent faire l'objet d'un avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, dans les conditions prévues aux articles L. 262 et L. 263, les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur ; que cette valeur de rachat constitue une créance du souscripteur à l'égard de l'assureur, entrée dans son patrimoine sous réserve qu'il n'ait pas renoncé à la faculté de rachat au jour de la notification de l'avis à tiers détenteur ; que, dès lors, la question posée ne présente pas un caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux principes de valeur constitutionnelle invoqués ; D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; PAR CES MOTIFS : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;