UNE SOURIS VERTE

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UNE SOURIS VERTE
UNE SOURIS VERTE
Les couleurs de Hollywood
Diane (Raphaëline Goupilleau) est une femme de tête. Depuis des années, elle creuse son
trou à Hollywood. Elle se bat pour devenir productrice dans un monde de requins. Elle a décidé
de faire de Mitchell (Arnaud Binard) une star, et lui ouvre la carrière pour mieux bâtir la sienne.
Que Mitchell présente des « symptômes récurrents d’homosexualité » ne peut pas arrêter sa
course vers la gloire. Elle s’y emploie. Elle a le regard froid du clinicien, et son jugement est sûr.
Sa parole est prompte, sa logique infaillible. Aussi rapide à parer les coups du sort qu’à changer
de stratégie, elle comprend tout. Elle discerne les sous-entendus et entend résonner « à travers
toute l’Amérique du nord », « les guillemets » qu’on met au mot « ami ». Elle comprend les nondits et elle épilogue sur ce « qui échappe totalement aux gens concernés. »
Avec ce personnage hors du commun, Douglas Carter Beane dresse le portrait d’un milieu
sans scrupules, auréolé d’illusions hollywoodiennes. Les images d’idylles bienséantes cachent
les compromissions. À Los Angeles, on fabrique les rêves, à New York, on en trouve l’étoffe et
les protagonistes. "A los Angeles on a résolu le problèmes des portables dans les théâtres, il n'y
a plus de théâtres." A New York, il y a encore des théâtres, des auteurs, et des pièces à
succès dont les producteurs d'Hollywood aimeraient posséder les droits.
Alex (Edouard Collin) jeune prostitué n’est pas gay quand, un soir de solitude à New
York, Mitchell, rémunère ses services. Il a une petite amie, Helen (Julie Debazac), qui ellemême vit des largesses d’un certain Arthur, « un vieux mollasson ». Tous deux passent leur
temps à faire la fête. La rencontre avec Mitchell foudroie leur existence. Alex ne fera plus « ce
truc pour de l’argent ». Mitchell et lui ne se quittent plus. Mais comment vivre d’amour et d’eau
fraîche quand le cinéma vous promet la gloire ? Comment tourner le rôle de sa vie quand
l’opinion publique condamne les homosexuels ?
Heureusement Diane veille, imperturbable et perspicace. Raphaëline Goupilleau tient un rôle
de diva. Elle donne, d’une voix charmeuse, la souple autorité d’un personnage audacieux et
tenace. Jean-Marie Besset a écrit une adaptation aux réparties mordantes, aux apartés
ravageurs, qu’elle savoure et dont elle fait déguster l’insolence mesurée aux spectateurs. Avec
Arnaud Binard, elle forme « un duo de choc ». Julie Debazac passe de la mollesse à la femeté,
Edouard Collin joue les rebelles avec conviction.
Diane commente ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle pourrait dire, si elle était
franche, si les autres étaient sincères, et si on pouvait faire confiance aux gens de cinéma.
« Donner ma parole ? Mais qu’est-ce que c’est que cette embrouille ? », s’écrie-t-elle, quand il
s’agit de persuader l’auteur de théâtre de céder ses droits au cinéma : « Un auteur avec un droit
de regard ? Autant donner des armes à feu à des enfants ! ».Le texte de théâtre est un prétexte. Dans l’industrie cinématographique aux couleurs de Hollywood, il faut un happy end. Pour
Mitchell, dont « le rêve est d’être dans les rêves de tous les autres », Diane saura modifier le
scénario qui dérape.
Jean-Luc Revol, le metteur en scène, a résolu merveilleusement les problèmes des
changements de lieux avec un panneau circulaire tournant, et des accessoires qui s’y greffent
(Décors de Sophie Jacob et costumes d’Aurore Popineau, dans des lumières de Bertrand
Couderc). Pas de temps morts, mais du nerf, et un tempo infernal. C’est péremptoire. Le public
jubile.
Et « la souris verte » dans tout ça ? Une proposition de comptine pour un dénouement
édulcoré et puéril… que je vous conseille d'aller découvrir vous-même.
Danielle DUMAS

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