UNE SOURIS VERTE

Transcription

UNE SOURIS VERTE
COUPS DE CŒUR
UNE SOURIS VERTE
Quel pied ! Trivialement, voilà bien résumé le sentiment
de jubilation qui accompagne la vision de ce spectacle.
Adaptée par Jean-Marie Besset et mise en scène par
Jean-Luc Revol, La Souris verte écrite par Douglas
Carter Beane aborde le sujet de l’impossible coming-out
d’un célèbre acteur. Avec son style vivant et
délicieusement corrosif, cette comédie de mœurs, faisant
fi des contraintes habituelles du théâtre, est une
remarquable réussite.
Diane est une productrice lucide et cynique très attachée,
quoi que lesbienne, à Michaël, acteur jeune et brillant. Il est gay, elle le sait et l’assume, consciente de
détenir les moyens professionnels de le garder pour elle. Pourtant, Michaël tombe amoureux d’Alex,
jeune gigolo au cœur tendre, mettant ainsi en péril les nouveaux projets de Diane, désireuse d’adapter
au cinéma une pièce à succès bâtie autour de deux homos.
Parce que la réussite d’une belle carrière interdit que l’on dévoile son homosexualité, Diane met son
énergie à détruire l’équilibre affectif que Michaël tente de construire, malgré ses peurs et les tentations
de l’alcool. Arguments imparables énoncés avec grands sourires carnassiers à la clé, elle évacue Alex
et le sujet gay du film pour recréer, à la vie comme à l’écran, un gentil petit couple hétéro.
Cette histoire, finalement commune, tant elle a dû se produire de fois dans la
réalité du showbiz, se construit sur des dialogues cyniques mais jamais
racoleurs, drôles et savoureux, magistralement orchestrés par Jean-Luc
Revol. Le quatuor qui s’affronte sur scène est parfait. Raphaëline Goupilleau,
avec sa voix si particulière, fait un immense numéro, digne des plus grandes
actrices, donnant à ce sublime rôle la dimension qu’il mérite et l’on reste,
devant sa prestation, béat d’admiration. Face à elle, Arnaud Binard est parfait
en jeune premier que ses faiblesses rendent séduisant. L’on est heureux de le
retrouver dans une telle pièce. Là, il craque (et on le comprend !) pour
Édouard Collin qui, avec Alex, tient son plus beau rôle depuis ses débuts.
Transformé (sans grand mal) en bombe sexuelle, Édouard Collin sait se
montrer déjanté mais aussi attendrissant et humain et l’on trouve chez ce
jeune acteur l’étendue d’une palette de jeu très prometteuse. Enfin, dans la
peau de la copine qui vient semer la panique (les compromis ont toujours un
prix !), Julie Debazac s’impose avec une grande finesse naturelle. Jean-Luc Revol, dont il convient de
saluer la qualité du travail entrepris depuis des années, vient donner à cette pièce, intelligente et
hautement divertissante, les allures énergiques et subtiles qui lui vont à merveille.
Rater ce spectacle ne serait pas une faute, ce serait un crime !
Philippe Escalier