It follows de David Robert Mitchell (États

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It follows de David Robert Mitchell (États
It follows de David Robert Mitchell (États-­‐Unis, 1h34 mn) par Théo Hoch David Robert Mitchell réussit le difficile passage du deuxième film avec It follows, un
hommage vibrant aux films d'épouvante des années 80 dans lequel il explore à nouveau la
mythologie du teen movie américain. Un cauchemar singulier et attachant.
De ce film, il vaut mieux ne pas savoir grand chose pour préserver l'agréable surprise qu'il
constitue pour des spectateurs habitués à une production horrifique faite de films
interchangeables et sans aucune envergure. Pourtant c'est les yeux dans le rétro, en revisitant
l'imaginaire du cinéma de John Carpenter que D.R. Mitchell parvient à renouveler le genre. Un
film d'épouvante, c'est d'abord une ou plusieurs images qui hantent le spectateur, qui le suivent
partout justement. Danny Torrance sur son petit vélo, Leatherface tournoyant à l'aube,
tronçonneuse en main, le masque blanc de Michael Myers apparaissant derrière une haie à une
Jamie Lee Curtis terrorisée. Inventer de telles images n'est pas chose facile, pourtant D.R.
Mitchell y parvient avec une idée aussi simple que belle, née de rêves récurrents qu'il faisait
enfant : la menace prends la forme de silhouettes fantomatiques, ressemblant à n'importe qui et
suivant très lentement Jamie, l'héroïne, l’amenant à fuir pendant tout le film. L'angoisse naît de
ces figures apparaissant au loin à l'arrière plan et traversant lentement le large champ du
cinémascope. C'est une idée évidente et proprement terrifiante puisqu'elle joue habilement avec
les différents points de vue (celui du spectateur, celui du personnage et ceux de ses acolytes qui
eux ne peuvent voir ces apparitions) et donc avec la question du visible et de l'invisible qui est
primordiale dans le cinéma d'épouvante. Elle se double aussi d'une dimension symbolique assez
intéressante puisqu'elle permet de figurer les différents avatars de l'angoisse adolescente : le sexe
(les mystérieuses apparitions sont les symptômes d'une étrange MST), la relation à
l'environnement familial, la fuite...
Comme chez Joe Dante, c'est dans ce cadre propre et beaucoup trop calme des banlieues
pavillonnaires américaines, lieu du cauchemar enfantin par excellence, que naît l'horreur,
bouleversant un quotidien déprimant. La langueur des vacances, l'atmosphère fantomatique de la
banlieue, la mélancolie de l'automne, le cinéaste parvient à saisir tout cela avec beaucoup de
finesse et de ce rythme lent et ce cadre paisible surgissent parfois de réjouissantes visions
cauchemardesques, terrifiantes et drolatiques. Cette confiance dans le grotesque, cette audace de
mêler le rire et la mort (la source du monstrueux) est précieuse par les temps qui courent.
Le film vaut également par la mythologie que D.R. Mitchell crée de l'adolescence aux États-Unis.
Beaux, blasés, cultivés et fleurs bleues à l'instar des personnages de John Hughes, ces
personnages sont des images. Le cinéaste les filme de manière idéalisée dans une sorte de monde
où tout ce qui les surplombe (parents, institutions) est exclu, un monde qui n'appartient qu'à eux
et dans lequel ils se retrouvent seuls face à leurs monstres. La voiture de collection à 16 ans, les
virées au lac, les soirées pyjama, le flirt et les premières fois... tout cela non seulement pour faire
l'apologie de toute une imagerie du cool adolescent (célébré par un film comme Breakfast Club
notamment), mais surtout pour faire surgir de ces références, de cet imaginaire purement
cinématographique, une émotion à la fois artificielle et intime qui est aussi celle des pop-songs
qui par leur beauté naïve et puérile nous renvoient à un idéal de délicatesse et d'amusement, à une
image de la jeunesse comme étant à la fois un âge fragile mais aussi les années les plus tendres
d'une vie.
Même si le résultat est quelque peu bancal dans certaines de ses situations et du fait de
certains tics de montage et d'un usage intempestif de la musique (bien que diablement efficace),
l'ensemble reste véritablement attachant tant l'amour que D.R. Mitchell porte à ce cinéma s'y fait
sentir, le ressuscitant en y insufflant une sensibilité inédite qui se caractérise par une écriture
généreuse, un amour pour ses personnages ainsi qu'un véritable parti pris esthétique.