En tête de projet de l`Affaire N° XXXXXX

Transcription

En tête de projet de l`Affaire N° XXXXXX
DP
CONSEIL D'ETAT
statuant
au contentieux
N° 347357
REPUBLIQUE FRANÇAISE
__________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE
TOULON
__________
M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur
__________
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Mme Claire Legras
Rapporteur public
__________
Sur le rapport de la 9ème sous-section
de la Section du contentieux
Séance du 9 janvier 2013
Lecture du 30 janvier 2013
__________
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et
14 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la caisse de crédit municipal
de Toulon, dont le siège est 10, place Vincent Raspail, à Toulon (83100) ; la caisse de crédit municipal de
Toulon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 10 janvier 2011 par laquelle la commission des sanctions
de l'Autorité de contrôle prudentiel a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire d'un
montant de 150 000 euros ;
2°) d’enjoindre à l’Autorité de contrôle prudentiel, au cas où cette annulation serait
prononcée, de publier la décision du Conseil d’Etat sur son site internet pendant un délai d’au moins cinq
ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1
du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2013, présentées pour l’Autorité de
contrôle prudentiel ;
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Vu les notes en délibéré, enregistrées le 10 janvier 2013, présentées pour la caisse de
crédit municipal de Toulon ;
Vu la Constitution, notamment son article 62 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 ;
Vu l’ordonnance n° 2010-79 du 21 janvier 2010 ;
Vu le règlement n° 97-02 du 21 février 1997 du comité de la réglementation bancaire ;
Vu la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la caisse de crédit
municipal de Toulon et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l’Autorité de contrôle prudentiel,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la
caisse de crédit municipal de Toulon et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l’Autorité de
contrôle prudentiel ;
1. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un contrôle conduit au
cours de l’année 2009 et conclu par un rapport de l’inspection de la Banque de France remis le
29 octobre 2009, le président du collège « banque » de l’Autorité de contrôle prudentiel a, par deux lettres
du 28 juin 2010, d’une part, notifié à la caisse de crédit municipal de Toulon l’ouverture d’une procédure
disciplinaire à son encontre et, d’autre part, saisi la commission des sanctions ; que celle-ci a, après avoir
entendu le 16 décembre 2010 deux des dirigeants de la caisse de crédit municipal de Toulon, prononcé à
son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros par une décision rendue le
10 janvier 2011 ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 311-4 du code de justice administrative :
« Le Conseil d'Etat connaît, en premier et dernier ressort, des recours de pleine juridiction qui lui sont
attribués en vertu : / 1° Du IV de l'article L. 612-16 du code monétaire et financier contre les décisions
de sanction prises par l'Autorité de contrôle prudentiel ; (…) » ; que les recours formés contre les
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décisions de la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel, qui sont dirigés contre une
décision d’une autorité administrative indépendante, n’ont ni le caractère de requêtes d’appel ni celui de
pourvois en cassation ; que la caisse de crédit municipal de Toulon demande la réformation de la décision
du 10 janvier 2011 en tant qu’elle lui inflige une sanction pécuniaire ;
Sur la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier
relèvent, notamment, de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel « les établissements de
crédit » ; que le paragraphe I de l’article L. 514-1 du même code dispose : « Les caisses de crédit
municipal sont des établissements publics communaux de crédit et d'aide sociale. Elles ont notamment
pour mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole.
Elles peuvent réaliser toutes opérations avec les établissements de crédit, recevoir des fonds des
personnes physiques et des personnes morales, mettre à la disposition de ces personnes des moyens de
paiement et réaliser avec elles des opérations connexes au sens de l'article L. 311-2. » ; que l’article
L. 511-9 de ce code précise que « les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque, de
banque mutualiste ou coopérative, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution
financière spécialisée » ; qu’ainsi, les caisses de crédit municipal sont des établissements de crédit et
relèvent du champ de compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel, sans que puisse y faire obstacle ni
leur qualité d’établissements publics communaux, ni leur mission d’aide sociale ; que, par suite, le moyen
tiré de ce que la décision du 10 janvier 2011 aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu’être
écarté ;
Sur le cadre juridique du litige :
4. Considérant que le code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à
l’ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de
l’assurance, conférait à la Commission bancaire la compétence de sanctionner les établissements de
crédit, notamment lorsque ceux-ci enfreignaient une disposition législative ou réglementaire au respect de
laquelle la Commission avait pour mission de veiller ; que l’article L. 613-6 de ce code donnait
compétence au secrétariat général de cette Commission pour effectuer des contrôles sur pièces et sur
place ; que l’article L. 613-21 fixait la liste et le quantum des sanctions susceptibles d’être infligées ; que,
par la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la
Constitution les dispositions des articles L. 613-6 et L. 613-21 du code monétaire et financier au motif
que ces dispositions, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d’une part, les
fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions
législatives et réglementaires qui les régissent et, d’autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes
manquements, qui peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires, méconnaissaient le principe
d’impartialité des juridictions ; que le Conseil constitutionnel a précisé que cette déclaration
d’inconstitutionnalité était applicable à toutes les instances non définitivement jugées à la date de sa
décision ;
5. Considérant, en premier lieu, que le premier alinéa du III de l’article 22 de
l’ordonnance du 21 janvier 2010 précitée précise que : « A compter de la première réunion de son
collège, l’Autorité de contrôle prudentiel succède dans leurs droits et obligations respectifs à l’Autorité
de contrôle des assurances et des mutuelles, au Comité des entreprises d’assurance, au comité des
établissements de crédit et des entreprises d’investissement et à la Commission bancaire. (…) » ; que le
2° de ce paragraphe III dispose : « La validité des actes de constatation et de procédure accomplis
antérieurement à la première réunion du collège de l’Autorité s’apprécie au regard des dispositions
législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ils ont été pris ou accomplis ; (…) » ; que
l’article L. 612-38 du code monétaire et financier, inséré dans ce code par la même ordonnance du
21 janvier 2010, donne compétence à l’une des formations du collège de l’Autorité de contrôle prudentiel
pour examiner les conclusions établies par ses services dans le cadre de sa mission de contrôle et pour
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décider l’ouverture d’une procédure de sanction devant sa commission des sanctions ; que, compte tenu
du motif de non-conformité à la Constitution de l’article L. 613-6 du code monétaire et financier retenu
par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 décembre 2011, il était loisible à l’Autorité de
contrôle prudentiel d’engager, sur le fondement des dispositions de l’article L. 612-38 du même code et
dans le respect des nouvelles règles de séparation des fonctions de contrôle et de sanction, une procédure
de sanction à l’encontre de la caisse requérante sur le fondement des actes de contrôle et de constatation
accomplis par le secrétariat général de la Commission bancaire, dont la validité doit être appréciée au
regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ils ont été accomplis ;
6. Considérant, en second lieu, que l’article L. 612-39 du code monétaire et financier,
issu de l’ordonnance du 21 janvier 2010 précitée, se substitue à l’article L. 613-21 du même code, déclaré
contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit par la décision n° 2011-200 QPC du
2 décembre 2011 du Conseil constitutionnel précitée ; que cet article L. 612-39 dispose : « Si l'une des
personnes mentionnées au I de l'article L. 612-2 (…) a enfreint une disposition législative ou
réglementaire au respect de laquelle l'Autorité a pour mission de veiller (…) la commission des sanctions
peut prononcer l'une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du
manquement : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'effectuer certaines opérations et
toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ; / 4° La suspension temporaire d'un ou plusieurs
dirigeants ou, dans le cas d'un établissement de paiement exerçant des activités hybrides, des personnes
déclarées responsables de la gestion des activités de services de paiement, avec ou sans nomination
d'administrateur provisoire ; / 5° La démission d'office d'un ou plusieurs dirigeants ou, dans le cas d'un
établissement de paiement exerçant des activités hybrides, des personnes déclarées responsables de la
gestion des activités de services de paiement, avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ; / 6°
Le retrait partiel d'agrément ; / 7° Le retrait total d'agrément ou la radiation de la liste des personnes
agréées, avec ou sans nomination d'un liquidateur. / Les sanctions mentionnées aux 3° et 4° ne peuvent,
dans leur durée, excéder dix ans. (…) / La commission des sanctions peut prononcer, soit à la place, soit
en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale à cent millions d'euros. / La commission
des sanctions peut assortir la sanction d'une astreinte, dont elle fixe le montant et la date d'effet. Un
décret en Conseil d'Etat fixe la procédure applicable, le montant journalier maximum de l'astreinte et les
modalités selon lesquelles, en cas d'inexécution totale ou partielle ou de retard d'exécution, il est procédé
à la liquidation de l'astreinte. (…) » ; que, compte tenu du motif de non-conformité à la Constitution de
l’article L. 613-21 du code monétaire et financier retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du
2 décembre 2011, il était loisible à la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel de
prononcer une sanction à l’encontre d’un établissement de crédit ayant commis un manquement
antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 21 janvier 2010 précitée en faisant application
des dispositions de l’article L. 612-39 de ce code pour autant que, conformément au principe
constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, cette sanction s’inscrive dans la limite de
l’échelle des sanctions en vigueur au moment de la commission du manquement le cas échéant retenu ;
que la nature et le quantum des sanctions prévus par les dispositions de l’article L. 612-39 du code
monétaire et financier sont identiques à ceux qui résultaient des dispositions de l’article L. 613-21 du
code monétaire et financier, sous la seule réserve du plafond de la sanction pécuniaire susceptible d’être
infligée, fixé à 100 millions d’euros par le premier de ces textes et au décuple du capital minimum de
l’établissement concerné par le second ; qu’il suit de là que, sous réserve de la limitation à ce dernier
montant d’une éventuelle sanction pécuniaire, le moyen tiré de ce que la sanction attaquée serait
dépourvue de base légale à la suite de la décision n° 2011-200 QPC du Conseil constitutionnel ne peut
qu’être écarté ;
Sur la régularité de la procédure de sanction :
7. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort de ses termes mêmes que la lettre du
28 juin 2010, par laquelle le président du collège « banque » de l’Autorité de contrôle prudentiel a notifié
à la caisse de crédit municipal de Toulon l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre,
indiquait que cette procédure pouvait conduire à l’application de l’une des sanctions prévues à l’article
L. 612-39 du code monétaire et financier ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 6 et sous la réserve
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qui y est indiquée, cet article était susceptible d’être appliqué aux manquements antérieurs à son entrée en
vigueur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la lettre du 28 juin 2010 n’aurait pas correctement identifié
le texte légalement applicable à la procédure dont la caisse de crédit municipal de Toulon a fait l’objet ne
peut qu’être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l’article L. 612-38 du code monétaire et
financier, dans sa version antérieure à la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière,
applicable à la procédure relative à la caisse requérante par l’effet des dispositions du paragraphe III de
l’article 15 de cette loi, dispose : « Lorsque l'une des formations du collège décide l'ouverture d'une
procédure de sanction, son président notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la
notification des griefs à la commission des sanctions. / La commission des sanctions veille au respect du
caractère contradictoire de la procédure. Elle procède aux communications et convocations à l'égard de
toute personne visée par la notification de griefs. Toute personne convoquée a le droit de se faire assister
ou représenter par un conseil de son choix. La commission des sanctions dispose des services de
l'Autorité pour la conduite de la procédure. / Le membre du collège désigné par la formation qui a décidé
de l'ouverture de la procédure de sanction est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il
peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité. Il peut présenter des observations au soutien
des griefs notifiés et proposer une sanction. (…) » ; que la faculté, ainsi ouverte par ces dispositions au
membre du collège désigné par la formation qui a décidé de l'ouverture de la procédure, de proposer une
sanction doit être regardée comme celle d’émettre un avis, qui ne lie la commission des sanctions ni quant
au principe même du prononcé d’une sanction, ni quant au quantum de celle-ci ; qu’eu égard au caractère
et aux modalités de la procédure suivie devant la commission des sanctions ainsi qu’à la possibilité
offerte aux personnes poursuivies de s’exprimer en dernier lieu, ni le caractère contradictoire de la
procédure ni le principe des droits de la défense n’impliquent, contrairement à ce qui est soutenu, que la
proposition de sanction formulée lors de l’audience par le membre du collège fasse l’objet d’un rapport et
soit communiquée préalablement à l’établissement financier concerné ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que
la procédure aurait été irrégulière faute de communication à la requérante, préalablement à l’audience,
d’un rapport contenant une proposition de sanction, doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort du compte rendu de l’audience du
16 décembre 2010, au cours de laquelle a été entendue la caisse de crédit municipal de Toulon, que le
membre du collège désigné par la formation « banque » de ce dernier a fait usage de la faculté qui lui était
ouverte par le troisième alinéa de l’article L. 612-38 du code monétaire et financier précité, en proposant
un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros ; que si la caisse requérante soutient que cette
proposition de sanction aurait été faite tardivement, sans que lui soit laissé le délai nécessaire pour la
discuter, il ressort du compte rendu de l’audience du 16 décembre 2010 que l’un des représentants de la
caisse de crédit municipal de Toulon a pu faire valoir sa position après que le représentant du collège
« banque » eut formulé une proposition de sanction ; qu’il était en outre loisible à cette caisse de produire,
à l’issue de l’audience, des observations écrites de nature à développer les arguments ainsi exposés à
l’audience ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que le principe des droits de la défense et le droit au
procès équitable auraient été méconnus à l’occasion de la procédure de sanction de la caisse de crédit
municipal de Toulon ne peut qu’être écarté ;
Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :
En ce qui concerne les manquements reprochés à la Caisse de crédit municipal de
Toulon :
10. Considérant que les manquements reprochés à la caisse de crédit municipal de
Toulon portent sur la méconnaissance de certaines règles en matière de gouvernance, de contrôle interne
et de traitement comptable du risque de crédit, ainsi que des procédures applicables en matière de lutte
contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme ;
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11. Considérant, en premier lieu, que la caisse requérante soutient que la décision
qu’elle attaque est entachée d’erreur de droit en ce qu’elle apprécie les éventuelles fautes de
l’établissement au moment où a été rendu le rapport de l’inspection de la Banque de France, soit le
29 octobre 2009, alors qu’elle aurait dû être fondée sur la situation au moment où elle a été prise, soit fin
2010 ou début 2011, date à laquelle de nombreux progrès avaient été enregistrés ; que l’article L. 613-21
du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que si un
établissement de crédit a enfreint une disposition législative ou réglementaire applicable à son activité,
une des sanctions disciplinaires, dont la liste est prévue par ce même article, peut lui être appliquée ; que
ce texte n’implique en rien qu’une infraction qui aurait cessé à la date où la commission des sanctions
prend sa décision ne puisse faire l’objet d’une sanction ; qu’en revanche, il est loisible à cette commission
de prendre en compte d’éventuelles évolutions intervenues entre la date où des manquements ont été
constatés et la date où elle se prononce, comme elle l’a d’ailleurs fait pour prendre la décision litigieuse ;
qu’ainsi, la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel n’a entaché sa décision
d’aucune erreur de droit sur ce point ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que la caisse requérante soutient que la décision
qu’elle attaque est entachée d’erreur d’appréciation en tant qu’elle retient, parmi les manquements
reprochés, une insuffisante implication de son conseil d’orientation et de surveillance dans le contrôle des
opérations ; que l’article L. 514-2 du code monétaire et financier dispose : « (…) Les caisses sont
administrées par un directeur, sous le contrôle d'un conseil d'orientation et de surveillance. / (…) Le
conseil d'orientation et de surveillance est composé du maire de la commune siège de l'établissement,
président de droit, et, en nombre égal, de membres élus en son sein par le conseil municipal de la
commune siège de l'établissement et de membres nommés par le maire de la commune siège de
l'établissement en raison de leurs compétences dans le domaine financier ou dans le domaine bancaire.
/ Le conseil d'orientation et de surveillance définit les orientations générales ainsi que les règles
d'organisation de la caisse de crédit municipal et exerce le contrôle permanent de la gestion de
l'établissement par le directeur. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les autres domaines de compétence du
conseil d'orientation et de surveillance ainsi que les catégories d'opérations autres que les actes de
gestion courante dont la conclusion est subordonnée à son autorisation préalable. / Le conseil
d'orientation et de surveillance veille au respect des réglementations générales de la profession bancaire
et des dispositions législatives et réglementaires applicables aux caisses de crédit municipal. A cette fin,
il opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et se fait communiquer les documents qu'il
estime utiles à l'accomplissement de sa mission. (…) » ; que ces dispositions impliquent notamment, de la
part du conseil d’orientation et de surveillance, outre la définition des orientations stratégiques de
l’établissement et de son organisation, des diligences quant au contrôle de ses engagements et des risques
qu’il court, quant à sa situation au regard de la réglementation prudentielle et quant à la sécurité de ses
procédures ; qu’il résulte de l’instruction, notamment des extraits de procès-verbal fournis par la défense,
que ces diligences étaient insuffisantes ; que la forte implication du conseil dans la mise en place du
projet d’établissement et lors de l’élaboration de la stratégie de communication, mise en avant dans les
écritures de la requérante, ne saurait en tenir lieu ; qu’il suit de là que le manquement énoncé dans la
décision attaquée doit être regardé comme établi ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu’il est fait grief à la caisse de crédit municipal de
Toulon, par la décision de sanction attaquée, d’avoir manqué aux prescriptions du règlement n° 97-02 du
21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises
d’investissement ; que selon la caisse requérante, la décision attaquée serait ainsi entachée d’erreur de
droit, en tant qu’il n’aurait pas été tenu compte de ce qu’elle dispose d’un agent comptable et est soumise
au contrôle de la chambre régionale des comptes ; que, toutefois, les diligences requises de l’agent
comptable d’un établissement public administratif en application des règles de la comptabilité publique et
la soumission a posteriori de cet établissement public au contrôle des juridictions financières n’emportent
pas, par elles-mêmes, respect de l’ensemble des dispositions relatives au contrôle interne du règlement du
21 février 1997 précité ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’erreur de
droit en ce qui concerne le contrôle interne doit être écarté ; que si, d’autre part, la Caisse de crédit
municipal de Toulon soutient qu’il n’aurait pas été tenu compte, dans l’appréciation des défaillances de ce
contrôle, de ce qu’elle a été privée, à la suite d’un accident grave, de deux cadres confirmés, cette
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circonstance n’est pas de nature à ôter leur qualification de manquements à ces défaillances mais pouvait
seulement être prise en compte dans l’appréciation de la sanction à prononcer à la suite de ces
manquements ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que la décision attaquée fait grief à la caisse
requérante d’avoir méconnu les dispositions de l’article 20 du règlement n° 97-02 du 21 février 1997
précité ; que le premier alinéa de cet article dispose : « La sélection des opérations de crédit doit
également tenir compte de leur rentabilité, en s'assurant que l'analyse prévisionnelle des charges et
produits, directs et indirects, soit la plus exhaustive possible et porte notamment sur les coûts
opérationnels et de financement, sur la charge correspondant à une estimation du risque de défaut du
bénéficiaire au cours de l'opération de crédit et sur le coût de rémunération des fonds propres. » ; que
l’Autorité de contrôle prudentiel fait valoir que la caisse de crédit municipal de Toulon n’a effectué
aucune étude permettant de connaître les profils des clients auxquels des prêts étaient accordés, la nature
des crédits accordés et leur sinistralité, qu’elle n’a développé aucun outil en vue d’analyser la rentabilité
des opérations de crédit, que l’octroi des prêts importants, d’un montant compris entre 75 000 et
150 000 euros, ne respectait pas la procédure réglementaire exigeant une décision prise par deux
personnes et qu’il n’existait pas de consolidation par encours permettant d’apprécier les risques ; qu’il
résulte de l’instruction que la caisse, qui se borne à faire état de la nature particulière de ses clients et des
prêts qu’elle consent, ne peut être regardée comme ayant satisfait aux dispositions précitées ;
15. Considérant, en cinquième lieu, que, s’agissant des manquements aux obligations
en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la caisse de crédit municipal de
Toulon soutient que l’article R. 563-3 ancien du code monétaire et financier, en vigueur quand les
manquements reprochés ont été commis, ne mettait aucune obligation précise à la charge des
établissements ; qu’en conséquence, le principe de légalité des délits et des peines aurait selon elle été
méconnu, sauf à ce que la commission des sanctions se soit, en réalité, fondée sur les textes postérieurs
plus sévères, en méconnaissance du principe de non rétroactivité ; qu’en outre, la décision qu’elle attaque
aurait méconnu son droit à se prévaloir des dispositions du code monétaire et financier issues de
l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de
blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme qui permettent de faire varier le degré de
vigilance en fonction des risques ;
16. Considérant que le rapport de l’inspection de la Banque de France, sur le
fondement duquel la décision attaquée a été prise, a été établi dans le cadre d’une mission réalisée de
novembre 2008 à avril 2009 et a été signé le 29 octobre 2009, au terme de la procédure contradictoire
conduite avec la caisse requérante ; que l’article R. 563-3 précité, abrogé au 5 septembre 2009, disposait
que « les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 562-1 adoptent des procédures
internes adaptées à leurs activités destinées à mettre en œuvre les obligations de lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues par le présent titre VI, ainsi qu'un
dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures. Ces procédures, qui sont
consignées par écrit, organisent une vigilance constante destinée à permettre la détection des opérations
devant faire l'objet d'un examen particulier ou d'une déclaration. / Les procédures mentionnées au
premier alinéa sont définies le cas échéant soit par arrêté du ministre compétent, soit par des règlements
professionnels homologués par le ministre compétent, soit par le règlement général de l'Autorité des
marchés financiers. Les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 562-1 assurent la
formation et l'information de tous les membres concernés de leur personnel. (…) » ; que, contrairement à
ce que soutient la caisse requérante, ces dispositions mettaient des obligations précises à la charge des
établissements de crédit ; qu’il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci n’a
mentionné les textes postérieurs que pour indiquer qu’ils avaient maintenu les obligations ainsi édictées
par l’article R. 563-3 en vigueur à la date du contrôle ; que, par ailleurs, si la caisse requérante se prévaut
des dispositions de l’article L. 561-9-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de
l’ordonnance du 30 janvier 2009 précitée, ces dispositions étaient en tout état de cause inapplicables ;
En ce qui concerne la sanction infligée :
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17. Considérant, en premier lieu, que le texte régissant la sanction susceptible d’être
infligée à la caisse requérante est, comme il est dit ci-dessus au point 6, l’article L. 612-39 du code
monétaire et financier ; que ce texte, contrairement à l’article L. 613-21 du même code dont il a remplacé
les dispositions, ne fixe pas le plafond des sanctions pécuniaires applicables aux établissements
sanctionnés par référence à leur capital social minimum ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que les caisses de
crédit municipal n’ayant pas de capital social aucune sanction pécuniaire ne pourrait leur être infligée ne
peut qu’être écarté ; que toutefois, conformément au principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi
pénale plus sévère, la sanction infligée doit s’inscrire dans la limite de l’échelle des sanctions en vigueur
au moment de la commission du manquement retenu ; que le plafond de la sanction pécuniaire susceptible
d’être infligée s’établit, dans ces conditions et comme il est dit au point 6, au décuple du capital minimum
de l’établissement concerné ; que l’article L. 511-11 du code monétaire et financier dispose que « les
établissements de crédit doivent disposer d'un capital libéré ou d'une dotation versée d'un montant au
moins égal à une somme fixée par le ministre chargé de l'économie. » ; qu’il résulte de l’article R. 514-34
de ce code que chaque caisse de crédit municipal dispose d’une dotation ; que selon les dispositions de
l’arrêté du 29 octobre 2009 pris par le ministre chargé de l’économie pour l’application de l’article
L. 511-11 précité, la dotation minimale versée aux caisses de crédit municipales de la catégorie dont
relève la caisse requérante est de cinq millions d’euros ; qu’il résulte de ces dispositions combinées que le
capital minimum à prendre en compte est, pour la caisse de crédit municipal de Toulon, sa dotation de
cinq millions d’euros et, qu’ainsi, le plafond de la sanction pécuniaire susceptible de lui être infligée est
de cinquante millions d’euros ; qu’il est constant que la sanction qui a été prononcée est inférieure à ce
dernier chiffre ;
18. Considérant, en second lieu, que, compte tenu de leur gravité, les faits reprochés à
la caisse de crédit municipal de Toulon étaient de nature à justifier, outre un blâme, une sanction
pécuniaire de 150 000 euros ;
19 Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 612-39 du code
monétaire et financier : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les
publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à
la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la
publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice
disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu’elle ne sera pas
publiée » ; que la commission des sanctions a décidé que rien ne s’opposait à la publication de sa décision
au registre des décisions de l’Autorité de contrôle prudentiel ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’ait
existé un risque de perturbation grave des marchés financiers ou de préjudice disproportionné pour la
caisse requérante ; qu’ainsi, et alors même que la commission des sanctions a par ailleurs relevé à tort,
pour décider la publication de sa décision de sanction, qu’elle serait une juridiction, la caisse requérante
n’est pas fondée à demander la réformation de la décision attaquée sur ce point ;
20 Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la caisse de crédit
municipal de Toulon ne peut qu’être rejetée ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans
la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE:
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N° 347357
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Article 1er : La requête de la caisse de crédit municipal de Toulon est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la caisse de crédit municipal de Toulon et à l’Autorité de
contrôle prudentiel.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances.

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