Laboratoire d`Analyse – Recherche en Economie Quantitative

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Laboratoire d`Analyse – Recherche en Economie Quantitative
Théorème du Point Fixe
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
One Pager
Juillet 2013
Vol. 7 – Num. 001
Copyright © Laréq 2013
http://www.lareq.com
Théorème du Point Fixe de Banach – Picard
Jean – Paul K., Tsasa & Robert Moustafa
« La tendance la plus profonde de toute activité humaine est la marche vers l’équilibre. »
Jean Piaget
Résumé
Ce papier présente un résultat important utilisé en macroéconomie, notamment en modélisation
dynamique. Il s’agit du théorème du point fixe de Banach – Picard. D’après ce théorème, toute
application contractante dans un espace métrique complet non vide possède un point fixe unique.
Mots – clé : Application contractante, fonction lipschitzienne, Cauchy-convergence.
Abstract
We present in this paper the fixed point theorem of Banach. According to this theorem, any
application in a Contracting nonempty complete metric space has a unique fixed point.
Introduction
Ce papier présente un résultat important qui assure l’existence et l’unicité de la solution de l’équation de
Bellman dans un problème d’optimisation dynamique. Il s’agit du théorème du point fixe de Banach –
Picard1. Il sied de noter qu’il existe plusieurs versions de théorèmes du point fixe. La version présentée,
en 1922, par le mathématicien polonais Stefan Banach est basée sur les notions d’espace métrique
complet2 et d’applications contractantes. Il s’énonce comme suit. Soit
vide et
une application contractante de
dans
un espace métrique complet non
Il existe un point fixe unique, noté
de
dans
tel
que :
De plus, toute suite d’éléments de
telle que
converge. Soit :
Avant de procéder à la démonstration de ce théorème, il nous paraît pertinent de fixer tout d’abord son
cadre d’application en économique, plus spécifiquement en macroéconomie. Ainsi, nous organisons la
présentation de ce papier comme suit. Dans la première section, nous rappelons brièvement la
formalisation d’un problème d’optimisation macro – dynamique. Dans la deuxième section, nous
présentons succinctement les conditions de Blackwell, concernant les applications contractantes. Et enfin,
1
2
Dans Tsasa (2013c, p. 32), on précise la définition d’espace métrique complet. Pour rappel, un espace métrique
complet est un espace tel que toute suite de Cauchy converge.
On doit à Charles Emile Picard une première formulation générale du théorème de point fixe, et aussi l'idée de
l'utiliser pour démontrer des résultats difficiles d'analyse. Ainsi, par exemple, il fut le premier à utiliser le théorème
du point fixe de Banach dans une méthode d'approximations successives de solutions d'équations différentielles et
d'équations aux dérivées partielles.
1
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dans la troisième section, nous dérivons le théorème du point fixe de Banach – Picard, ingrédient utilisé
dans la preuve de l’unicité de la solution de l’équation de Bellman.
Optimisation dynamique et Equation de Bellman
La macroéconomie dynamique, contrairement à la démarche traditionnelle, privilégie une approche
microfondée où il est question de résoudre un problème d’optimisation sous contrainte. Généralement,
ce problème reprend dans un même cadre la dimension temporelle et stochastique. De ce fait, il est donc
important de s’assurer de la résolution du problème que l’on pose, ainsi que des préalables garantissant
l’existence et l’unicité de la solution au problème en cause.
Considérons, à cet effet :
-
un espace de temps discret tel que :
-
un environnement stochastique où l’incertitude est introduite à travers une exogène noté
(choc), tel que :
avec comme fonction de transition :
-
la fonction d’utilité instantanée :
où
est continue et bornée dans
et
avec
et
et
La fonction – objectif s’écrit :
où
est un facteur d’escompte et
un opérateur d’espérance mathématique conditionnelle à
La fonction – objectif est soumise à la loi de mouvement de
données
et
au processus stochastique
et aux
:
et est séparément additive :
où
définit la règle de décision, avec
décrivant complètement l’état de l’économie à chaque
instant
Soit
une séquence de politique telle que
on a
La politique est faisable si pour chaque
En parallèle, la politique est stationnaire si chaque
pout tout
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Partant, la valeur espérée escomptée d’une politique faisable
où
;
et
donnée est :
donnés ; l’espérance est donnée suivant la fonction de transition
Dès lors, le problème de programmation dynamique s’écrit :
sujet à :
avec
Si l’ensemble de contraintes
et
donnés.
est non vice, compact et continu ; la fonction d’utilité
continue et bornée ; la fonction
est continue ;
la fonction
est
1
satisfait la propriété de Feller , il
vient qu’il existe une solution (politique optimale) au problème de programmation dynamique. Elle est
donnée par :
est continue (Théorème du maximum de Berge2).
et en plus, la fonction valeur
Connaissant la solution, il y a lieu d’écrire :
Par la loi d’espérances itérées :
D’où :
En cascadant l’opérateur
on a :
En réarrangeant le facteur d’escompte :
1
2
Le processus de Feller est un cas particulier du processus de Markov.
Cf. Tsasa (2013b)
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Par analogie, au temps
la fonction valeur s’écrit :
Et ensuite :
En notations récursives, on obtient :
La solution à ce problème est une règle de décision stationnaire (invariance temporelle) :
Et elle est unique, d’où la correspondance avec la notion de point fixe au sens de Banach :
Conditions suffisantes de Blackwell
Les conditions suffisantes de Blackwell jouent un rôle majeur dans l’analyse de problème d’optimisation
dynamique. Il permet de vérifier si l’opérateur
est une contraction1. En effet, si l’on considérait le
problème récursif suivant (problème de croissance à un secteur) tiré de Stokey – Lucas – Prescott
(1989, p.54) :
La vérification des conditions suffisantes de Blackwell se fait en deux temps. Avant de procéder à leur
exécution, énonçons – les tout d’abord.
Enoncé
Pour tout
un sous – ensemble dans l’espace
avec
l’opérateur
tel que
est un espace de fonctions bornées
est une contraction de module
seulement s’il
satisfait les conditions :
-
de monotonicité, telle que
-
d’escompte,
tel que :
;
où
est
une fonction définie par
1
Il sied de relever que le théorème du point fixe présenté dans ce papier concerne les applications contractantes.
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Preuve
Si
on a, pour tout
:
Connaissant les propriétés de monotonicité et d’escompte, il vient que :
En reversant les rôles de
et
on obtient par la même logique :
En combinant les deux dernières relations d’inégalité, on obtient :
Dès lors, en considérant le problème de croissance à un secteur évoqué précédemment, on a :
-
Monotonicité : si
ce que la fonction – objectif pour lequel
maximale est uniformément plus élevée que la fonction pour laquelle
atteint la valeur
atteint la valeur
maximale.
-
Escompte :
Théorème du point fixe de Banach – Picard
Énoncé
Soient
un espace métrique complet non vide et
Il existe un point fixe
de
dans
De plus, toute suite d’éléments de
une application contractante de
dans
tel que :
vérifiant la récurrence :
converge.
Démonstration
-
Soit
-
soit
un espace métrique complet non vide ;
une application contractante de rapport
avec
; où
est une
application lipschitzienne et donc continue1.
1
Une application lipschitzienne, du nom du mathématicien allemand Rudolph Otto Sigismund Lipschitz (1832 – 1903),
est une application possédant une certaine propriété de régularité qui est plus forte que la continuité. Soient
un
espace métrique, une application telle que
une constante réelle positive : est
si pour
tout
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Montrons que le point fixe existe.
-
soit
-
soit
;
la suite décrite par son premier terme
avec une suite
En effet, puisque
et par la récurrence :
de Cauchy de
est de Cauchy, on a :
Par récurrence :
Par application réitérée :
où
:
avec
quand
L’espace
étant complet, il vient :
Aussi, considérant l’équation récurrente :
il vient qu’en passant à la limite et connaissant que
est continue :
Montrons à présent que le point fixe est unique.
Soit
et
deux points fixes de l’application
Il suit que :
Or :
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Donc :
D’où, l’unicité du point fixe :
In fine, ce papier a fournit une première preuve du théorème de point fixe qui permet d’assurer le
solutionnement de problèmes que nous aurons à traiter dans les papiers ultérieurs en analyse
macroéconomique dynamique et stochastique. Dans le même cadre, dans l’avenir, les aspects techniques
et théoriques laissés en suspens feront l’objet d’un traitement adéquat.
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