Le nouveau contrat de partenariat

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Le nouveau contrat de partenariat
Le nouveau contrat de partenariat
Le nouveau contrat
de partenariat
par Monsieur VAN DE VYVER
Délégué Général de l’Institut de la Gestion Déléguée
La situation initiale
Au cours des années quatre vingt, les collectivités publiques
souhaitant procéder à des opérations de construction complexes sur leur domaine public ont rencontré dʼimportantes
difficultés juridiques au regard des critères de la domanialité et de la commande publique1. Le législateur a tenté
dʼapporter des solutions par des techniques permettant
le paiement différé des équipements et la délégation de la
maîtrise dʼouvrage sans nécessairement déléguer la gestion
et lʼexploitation du service public.
Ce sont les lois n° 88-13 du 5 janvier 19882, créant le bail
emphytéotique administratif et n° 94-631 du 25 juillet 1994,
relative à la constitution de droits réels sur le domaine public
national, qui donneront naissance à la prolifération de textes
liant lʼoccupation privative du domaine public à lʼobligation
dʼy construire un équipement ou un ouvrage public mis à
la disposition des collectivités publiques par lʼintermédiaire
dʼun contrat de bail3.
Le législateur en vint à considérer quʼil était nécessaire
de disposer dʼun outil général tant pour lʼEtat que pour
les collectivités locales afin de pouvoir offrir, à lʼinstar de
nombreux pays européens, des prestations globales aux
collectivités publiques. Cʼest ce que fit lʼarticle 6 de la loi
n° 2003-591, du 2 juillet 2003 qui habilite le Gouvernement
à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour
créer de nouvelles formes de contrats pour la conception, la
réalisation, la transformation, lʼexploitation et le financement
dʼéquipements publics ou la gestion et le financement de
services ou une combinaison de ces différentes missions.
Ainsi, le droit français est-il désormais doté de différents
outils de partenariat public-privé à paiement public différé
permettant de faire financer un investissement par un partenaire privé, dʼy associer une prestation de construction
et/ou de service de longue durée rémunérée par un paiement public différé et de transférer la maîtrise dʼouvrage à
lʼopérateur privé retenu après mise en concurrence, dont
le nouveau contrat de partenariat instauré par lʼordonnance
du 17 juin 20044.
Les contrats de partenariat sont donc des contrats globaux, de longue durée par lesquels une personne publique
associe un tiers au financement, à la conception, la construction et la mise en œuvre dʼéquipements et/ou de services qui nʼont pas une rentabilité intrinsèque substantielle
et partage avec lui les risques de cette opération, dans la
durée, par une rémunération liée à la performance.
Le cadre juridique du nouveau CP
La formule du CP avait été initialement conçue pour
constituer un aboutissement permettant de généraliser les
mécanismes des différentes formules préexistantes.
Il présente de nombreux avantages économiques pour les collectivités publiques comme pour les opérateurs privés. En effet,
en premier lieu, le contrat de partenariat permet à un opérateur
de porter un projet depuis sa conception jusquʼà son exploitation,
ce qui permet de dégager des économies substantielles sur le
coût global de lʼopération ; la mise en concurrence initiale des
entreprises permet de choisir la solution la plus compétitive.
En deuxième lieu, la réduction des délais administratifs
permet une accélération de la réalisation des projets. La
personne publique bénéficie dʼune qualité de service contractuelle et surtout de la prise en compte ab initio du coût
global de lʼéquipement public, de son fonctionnement, de
son entretien sur plusieurs années, ce qui lui permet la
réalisation dʼéconomies substantielles en terme de coûts de
fonctionnement. En effet, ce type de contrat de partenariat
suscite de la part du secteur privé des solutions compétitives
sur la base dʼobjectifs de performance, incitant les différents
partenaires à exprimer leurs capacités dʼinnovation.
Enfin, et en dernier lieu, concernant plus spécifiquement
les collectivités publiques, lʼannulation du paiement de ces
contrats desserre la contrainte financière qui pèse sur les
budgets publics.
Cependant plusieurs conditions dʼutilisation ont été imposées
par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 26 juin
2003, puis précisées par le Conseil dʼÉtat dans lʼarrêt Sueur
et autres5.
Voir notamment, CE, 6 mai 1985, Association Eurolat Crédit Foncier de
France, Rec. p. 141.
2
Article 13 de la loi, codifié aux articles L.1311-2 et suivants du Code général
des collectivités territoriales : «
3
Un tel dispositif sʼest concrétisé par lʼadoption de lʼarticle 3-II de la loi
n° 2002-1094 du 29 août 2002 dʼorientation et de programmation pour la
sécurité intérieure (LOPSI) suivie de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002
dʼorientation et de programmation pour la justice (LOPJ), la loi n° 2003-239
pour la sécurité intérieure, la loi n° 2003-73 de programmation militaire.
4
Ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat,
JO n° 141 du 19 juin 2004 p. 10 994
1
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Le nouveau contrat de partenariat
A cet égard, il résulte de lʼarticle 2 de lʼordonnance du 17
juin 2004 que
"les contrats de partenariat ne peuvent être conçus que
pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation,
à laquelle la personne publique procède avant le lancement
de la procédure de passation :
Le projet repose sur son unicité, en terme de dʼobjectifs
et de responsabilités. Les interfaces ne sont à personne,
mais elles sont obligatoirement gérées collectivement. Sur
le terrain ceci se traduit par une globalisation du "fonctionnement" de lʼopération et de sa pérennité dans le temps.
Ce souci dʼoptimisation de gestion et dʼutilisation dans la
durée requiert la gestion des risques par les partenaires:
a) Montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet,
la personne publique nʼest pas en mesure de définir seule et à
lʼavance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou dʼétablir le montage financier ou juridique du projet,
ou bien que le projet présente un caractère dʼurgence ;
impératif de couverture qui oblige à les identifier et permet
souvent à les réduire avec les dérives financières associées.
●
●
b) Expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui lʼont conduite,
après une analyse comparative, notamment en termes de
coût global de performance et de partage des risques, de
différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider
de lancer une procédure de passation dʼun contrat de partenariat. En cas dʼurgence, cet exposé peut être succinct".
impératif dʼune répartition optimisée entre parties.
impératif de couverture par les instruments adaptés.
Lʼutilité socio-économique du projet demeure cependant un
préalable indispensable. La couverture des risques et la réduction des dérives financières doivent être bien analysées au
travers dʼune meilleure évaluation des besoins et des charges.
Celle-ci donne une identification et une répartition plus fine
des obligations dès lʼécriture du contrat. Elle permet dʼéviter
que les coûts de construction et de fonctionnement excèdent
le prix défini dans le contrat (dérives des coûts), et que les
travaux soient livrés avec retard (dérives de durée).
●
Il convient donc de vérifier, dʼune part, lʼurgence ou la complexité du projet, et, dʼautre part, de procéder à lʼanalyse
comparative entre les différents modes de gestion pour
démontrer lʼintérêt économique de la solution CP pour la
personne publique porteuse du projet. Le contrat de partenariat doit donc répondre à un besoin dʼintérêt général,
et son utilisation nʼest possible que lorsque la personne
publique justifie de son incapacité à assumer le projet.
En ce qui concerne la rémunération, ce type de contrat permet
un lissage des coûts de financement. Il nʼa donc de sens que
sur une durée minimale (généralement 15-35 ans), déterminée
en fonction de la durée dʼamortissement des investissements ou
des modalités de financement. Cette rémunération présentera
généralement les trois éléments caractéristiques suivants :
Un intérêt économique global
●
elle est étalée sur toute la durée du contrat ;
elle est liée à des objectifs de performance devant procurer une amélioration de la qualité de service ;
●
Lʼobjet de la démarche est de créer un service rendu sans
définition préalable des moyens qui sont des ressources
rares et en mobilisant un minimum de capital, induisant la
création dʼune nouvelle économie publique inspirée de la
gestion de projet par les grands industriels.
elle intègre des recettes annexes lorsque cela est possible. Le financement de ces contrats repose généralement
sur des montages innovants combinant plusieurs éléments :
versement direct par la personne publique, revenus annexes provenant de la valorisation du domaine public et
recettes supplémentaires dʼexploitation.
●
Dans cette approche chaque composante dʼun projet est
conçue de manière évolutive, en particulier la composante
du financement.
5
CE, 29 octobre 2004
Qualité et performance des services publics
Une démarche exigeante...
Créé en 1996, l’Institut de la Gestion Déléguée, fondation d’entreprise présidée par Claude MARTINAND,
est une plateforme de réflexion qui réunit tous les acteurs des services publics : élus, usagers, opérateurs,
personnels, fonctionnaires, experts,...
L’IGD travaille à l’amélioration de la gouvernance des services publics et conçoit dans cet objectif des
instruments et outils de mise en œuvre de principes clés définis dans la Charte des Services Publics Locaux.
Ces outils sont élaborés dans le cadre de la méthode de travail propre à l’Institut, fondée sur l’œcuménisme
de la composition des groupes de réflexion qu’il organise.
L’IGD promeut notamment, quel que soit le mode de gestion, l’importance de la maîtrise publique des services,
l’évaluation par la mise en place d‘indicateurs de performance et la gestion participative par l’information et la
prise en compte des attentes des citoyens-usagers.
84 rue de Grenelle – 75007 Paris
Tél. : 01 44 39 27 00 – Fax : 01 44 39 27 07
www.fondation-igd.org
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Le nouveau contrat de partenariat
Les textes français et européens
Droit français
Marché public
(Code des marchés
publics)
Contrat de partenariat
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Décret du 7 janvier 2004
Ordonnace du 17 juin 2004
Initiatives sectorielles :
- Loi LOPSI du 29 août 2002
- Loi LOPJ du 9 septembre 2002
- Loi de programmation militaire
du 27 janvier 2003
- Loi sur la sécurité intérieure du
18 mars 2003
- Ordonnance Santé du 4
septembre 2003 modifiée
Droit
Marché public :
Communautaire Directives 2004-17 et 2004-18
du 31 mars 2004
Délégation de service
public (concession,
affermage, régie intéressée
- Loi du 3 janvier 1991
Décret d'application 92-311
du 31 mars 1992
- Loi "Sapin" du 29 janvier 1993
Décret d'application 92-584
du 26 mars 1993
- Loi MURCEF du 11 décembre
2001
Concession :
- Directive 93-37 du 14 juin 1993
- Communication interprétative de la Commission sur le
droit des concessions du 29 avril 2000
- Directive 2004-17 et -18 du 31 mars 2004
- Livre Vert du 30 avril 2004 sur les PPP et le droit communautaire des marchés publics et des
concessions
- Communication du 15 novembre 2005 concernant les PPP et le droit communautaire des
marchés publics et des concessions
Positionnement du nouveau CP parmi les solutions de PPP
Gestion d'un service public
Oui
Non
Rémunération substantiellement
liée aux résultats
Oui
Non
Faisceau de critères
(financement, globalité, performance)
Oui
DSP : concession
CP
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Non
Marché public
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