"Designer, ex… Illustratrice, non… Artiste, pourquoi pas
Transcription
"Designer, ex… Illustratrice, non… Artiste, pourquoi pas
"Designer, ex… Illustratrice, non… Artiste, pourquoi pas… Critique, sans aucun doute." La pointe de la plume de Cloʼe révèle une ligne de vision mais également une ligne de lʼesprit. Cloʼe Floirat est critique dʼart et dessinatrice: “artiste-critique”. Après une année dʼinitiation à lʼarchitecture aux États-Unis, Cloʼe refait un bref passage en France via lʼESAD de Reims avant dʼintégrer le IM master de design in context à la Design Academy de Eindhoven aux Pays-Bas. Après ces six années, subissant une « overdose dʼobjets », elle décide de bifurquer par le biais de plusieurs périodes « exploratoires », voyageant en Éthiopie, en Mongolie et au Moyen-Orient, parcourant également lʼAmérique pour suivre la trace des insaisissables vestiges du land art. Cela la mène à Berlin, où pendant cinq ans, elle travaille avec des architectes spécialisés dans la conception dʼespaces dʼart. Alors quʼelle poursuit sa collaboration avec Robert Wilson ainsi que Rufus Wainwright à New York depuis plusieurs années, son parcours a récemment été couronné dʼun diplôme de Critical Writing in Art nouvellement crée au Royal College of Art à Londres. En combinant différents medias et mediums, elle explore les frontières entre lʼécriture critique ʻCritical Writingʼ et le dessin critique ʻCritical Drawingʼ, deux disciplines quʼelle fusionne pour créér ce quʼelle appelle “Drawing Critʼ Writing”. Lʼart du dessin réside dans une prise de position, soutient-on fréquemment, quʼelle sʼexprime par le biais dʼune exactitude technique, dʼun gribouillage paresseux, ou dʼune expressivité matérielle. Car le dessin ne relate pas une réalité figée à un instant donné ; il chronique le déroulement dʼun événement, en délinéant les points de contact entre la main mobile, le regard intuitif, et la feuille de papier imperturbable. Cette rencontre, propre au dessinateur, vole pourtant en éclats dans les croquis espiègles de Cloʼe Floirat. Split-Line-Crit, ligne brisée critique : Cloʼe fusionne le mot et lʼillustration pour concevoir ses « dessins critiques ». En utilisant le même outil pour deux modes dʼexpression différents, la plume, pour tout à la fois écrire et dessiner, sa critique en devient exceptionnellement acérée. Cloʼe juge, sʼattaquant à la fois aux éléments esthétiques et conceptuels de lʼarchitecture et de son déploiement ; cependant, une grande sensibilité se révèle dans son usage parcimonieux de la ligne. Le mot et lʼimage, tous deux déployés avec un lyrisme concret, esquissent des condensations de la pensée, prudemment couchées sur papier. Jamais les croquis de Cloʼe ne sont partiaux ; le dessin, de par sa nature même, maintient toujours une liaison avec le provisoire et lʼinachevé, et contredit ainsi ses nombreuses significations déjà tracées. Chaque croquis est ainsi un instantané de lʼessence du mouvement, trouvant sa place autant dans la fugacité du journal quotidien quʼencadré avec élégance parmi ses semblables. La ligne a une importance vitale dans les « dessins critiques » de Cloʼe. Cette ligne peut être lucide, grâce à dʼépais traits noirs fermement encrés, mais son regard critique est, lui, toujours plus oblique. Car Cloʼe ne dessine pas pour prendre position, elle dessine pour se fixer un axe dʼenquête. Ses traits sont provisoires et précis, sʼinclinant graduellement afin de mieux appréhender la structure qui lui fait face, tandis que ses légendes manuscrites se font aussi mordantes que leurs homologues imagés : la très controversée Orbit Tower dʼAnish Kapoor devient une Tour-des-Horreurs, à la manière dʼune tour Eiffel entortillée et monumentale, les arcs de Bernar Venet à Versailles forment des « parenthèses » malicieuses, tandis que lʼOperahuset dʼOslo se métamorphose en un iceberg servant de patinoire pour manchots. Cʼest là tout le jeu critique des croquis de Cloʼe : ils interrogent avec perspicacité le statutaire du spectacle. Par Natalie Ferris Traduction Laurence Bekk-Day