Mise à disposition et prêt de main-d`oeuvre

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Mise à disposition et prêt de main-d`oeuvre
colloque du Syndicat des Avocats de France - samedi 8 décembre 2012
L’entreprise éclatée
Identifier l’employeur, attribuer les responsabilités
Mise à disposition et prêt de main-d’œuvre :
la main-d’œuvre extérieure importée dans l’entreprise
par David METIN, Avocat au Barreau de Versailles
I.
L’état du droit avant
la loi du 28 juillet 2011
II.
La nouvelle rédaction
des articles L. 8241-1
et L. 8241-2 du Code
du Travail
III.Les critères
jurisprudentiels
Lorsqu’une entreprise substitue au recrutement d’un salarié l’emprunt
d’une main-d’œuvre extérieure, son opération est susceptible de tomber
sous le coup de deux infractions, le marchandage et le prêt de main-d’œuvre
illicite. La faible mobilisation de ces deux notions par les praticiens signifieelle que nous aurions abandonné un combat ? Cette interrogation a trouvé un
renouvellement avec la loi n°2011-893 du 28 juillet 2011 qui encadre le prêt
de main-d’œuvre exclusif ; ce texte semble être largement passé inaperçu,
du moins du côté des défenseurs de l’intérêt des salariés (1). Il est donc
nécessaire de revenir sur ces dispositions et leurs préludes.
Le prêt de main-d’œuvre entre sociétés est très souvent utilisé comme
un outil de gestion des ressources humaines notamment pour répondre à
des demandes particulières de compétence, voire pour adapter des effectifs...
mais également pour contourner les garanties collectives des salariés. Dès
lors que le prêt de main-d’œuvre s’effectue à but non lucratif, il est alors
autorisé par l’article L. 8241-2 du Code du Travail. Le législateur n’ayant pas
particulièrement défini la notion de but lucratif, il est revenu à la jurisprudence
d’œuvrer à ce titre. C’est dans ces circonstances que la Chambre sociale de la
Cour de cassation en a livré une interprétation, dans un arrêt John Deere (2).
Avec précipitation, un amendement sénatorial est venu contrecarrer, au
moins en partie, cette jurisprudence afin de fixer des contours légaux du prêt
exclusif de main-d’œuvre. C’est dans ces circonstances qu’est né l’art. 40 de
la loi du 28 juillet 2011. Un bref rappel historique s’impose avant d’apprécier
les nouvelles dispositions relatives au prêt de main d’œuvre (3).
I. L’état du droit avant la loi du 28 juillet 2011
L’article L. 8241-1 du Code du Travail prohibe toute
opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de
main-d’œuvre (4). Les opérations de prêt de main-d’œuvre
étaient peu encadrées par d’autres mesures que celles de
répression pénale, la longue histoire des abus multiples
et variés ne plaidant guère pour leur admission hors cas
exceptionnels (5).
national interprofessionnel sur la gestion des conséquences
L’accord de la Métallurgie du 7 mai 2009 et l’accord
d’utiliser le prêt de main-d’œuvre. C’est ainsi que l’accord
(1) Ce n’est pas le cas des commentateurs proches des milieux
patronaux : F. Favennec-Héry, Prêt de main d’œuvre à but
non lucratif : un texte décevant, Dr. Soc. 2011 p.1200 ;
A. Teissier, Prêt de main d’œuvre : un nouveau régime
juridique, SSL n°1503.
particulier à T. Aubert-Monpeyssen et M. Emeras, Travail
illégal, Répertoire Pénal, 2010, Dalloz, § 109 s.
(2) Cass. Soc. 18 mai 2011, n° 09-69175, SSL n°1493 rapp. H.
Gosselin, RDT 2011 p.503 n. A. Fabre.
(3) pour de plus amples développements, on renverra en
sociales de la crise du 8 juillet 2009 ont instauré un
cadre du prêt de main-d’œuvre. L’objectif déclaré de ces
deux accords avait pour finalité d’aider les entreprises qui,
confrontées à la crise économique, ont rencontré des
problèmes de sureffectif ; afin d’éviter le licenciement, il
fallait trouver un moyen temporaire approprié d’où l’idée
(4) H. Guichaoua, La mise en cause du donneur d’ordre et du maître
d’ouvrage au service de la lutte contre le travail illégal, Dr. Ouv.
déc. 2012 p.763 spec. p.768 s. sur la fausse sous-traitance.
(5) E. Dockès, Modernité d’une prohibition ancestrale,
controverse Faut-il libéraliser le prêt de main-d’oeuvre ?,
Revue de droit du travail 2009 p. 625
Le Droit Ouvrier • MARS 2013 • n°776
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national interprofessionnel du 8 juillet 2009, non signé par
dans la gestion du personnel et de l’économie de charges
la CGT, a repris les dispositions contenues dans l’accord de
procurés à cette dernière » (9). Pour caractériser le caractère
la Métallurgie du 7 mai 2009 qui encadrait les recours au
lucratif de l’opération, le salarié s’appuyait sur la mise à l’écart
prêt de main-d’œuvre. Il définissait ainsi la notion de but
de la législation sur les contrats précaires (10) que l’on peut
lucratif et précisait que la mise à disposition impliquait que
retrouver dans la formule de la Cour de « flexibilité ».
« l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice
que la stricte valeur des salaires versés pendant la mise à
disposition, des charges sociales afférentes, ainsi que, s’il
y a lieu, les frais professionnels remboursés à l’intéressé
au titre de la mise à disposition. ». Cet accord précisait que
la convention devait être écrite et que les salariés devaient
être suffisamment informés. Ces deux accords avaient une
durée déterminée et ont pris fin le 31 décembre 2010.
On évitera de pêcher par excès de naïveté : ces accords,
officiellement préoccupés du maintien des emplois, ont
également constitué un instrument de promotion de la
légalisation et de l’extension du prêt de main d’œuvre (6).
Encadrer pour mieux légitimer… Les sociétés ont d’ailleurs
continué à s’inspirer de ces textes malgré leur expiration.
La Cour de cassation a toujours rappelé que l’opération
L’arrêt a également retenu que la société utilisatrice
« ne supportait aucun frais de gestion de personnel
hormis le strict remboursement du salaire et des charges
sociales » ; elle en a alors déduit un but lucratif. Cette
solution s’harmonisait difficilement, à première vue, avec
la caractérisation de l’infraction que l’on retrouve dans les
décisions précitées sur la base de la réalisation d’un profit
par le prêteur (11).
Enfin, la Cour de cassation déclare illicite la mise en
œuvre d’une convention de forfait dont le principe était
inscrit dans la Convention collective de l’entreprise prêteuse
mais non dans celle de l’entreprise utilisatrice, cette dernière
étant déclarée « applicable » ; fallait-il y voir l’affirmation
prétorienne d’une application systématique et générale du
statut collectif de l’entreprise d’accueil aux salariés mis à
de prêt de main-d’œuvre n’est licite que si la société
disposition ? Le rapport du Conseiller (12), plus que l’arrêt
prêteuse ne tire pas un profit de l’opération (7). Elle précise
lui-même, est éclairant sur ce point : c’est par le jeu de
que lorsque la société prêteuse se limite à refacturer à la
renvoi de l’art. L. 8241-2 à l’art. L. 1251-1 qui énonce
société utilisatrice les salaires et les charges des salariés mis
« Pendant la durée de la mission, l’entreprise utilisatrice
à disposition, elle ne tire pas profit de l’opération. Mais cette
est responsable des conditions d’exécution du travail,
condition, nécessaire, était-elle suffisante ?
telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales
Dans l’affaire examinée le 18 mai 2011, lorsque la Cour
de Cassation reconnaît le caractère lucratif à un prêt de
main-d’œuvre entre deux sociétés alors même qu’il n’y avait
que refacturation des salaires, charges sociales afférentes
et frais professionnels ; la Cour de Cassation s’est alors
placée du côté de l’entreprise utilisatrice pour apprécier s’il
y avait ou non un caractère lucratif à l’opération (8) : « toute
opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt
et conventionnelles applicables au lieu de travail. Pour
l’application de ces dispositions, les conditions d’exécution
du travail comprennent limitativement ce qui a trait : 1° A la
durée du travail (…) » que les stipulations de la convention
collective d’origine sur le forfait ont été évincées. Il y a donc
une application distributive des deux conventions collectives
selon que les garanties concernées figurent, ou pas, dans
les thèmes visés à l’art. L. 1251-1.
de main d’oeuvre est interdite ; cette interdiction concerne
C’est à la suite de cet arrêt que, deux mois plus tard, est
également l’entreprise utilisatrice et le caractère lucratif de
né l’article 40 de la loi du 28 juillet 2011. Doit-on y voir le
l’opération peut résulter d’un accroissement de flexibilité
résultat de l’action d’un quelconque lobby ?
II. La nouvelle rédaction des articles L. 8241-1
et L. 8241-2 du Code du Travail
L’article L. 8241-1 du Code du Travail est désormais
rédigé de la façon suivante (par ajout du dernier alinéa) :
(6) cette préoccupation étant partagée par une partie de la
doctrine : R. Vatinet « La mise à disposition de salariés »
Dr. Soc. 2011 p.656.
(7) Soc. 29 octobre 2008 n° 07-42379 ; Crim. 27 mai 1999,
n°98-82.934.
(8) « le but lucratif de l’opération de prêt de main-d’oeuvre
conclue entre des entreprises liées par des intérêts communs,
peut consister, au profit de l’utilisateur ou du prêteur de maind’oeuvre, en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire » Crim.
20 mars 2007, Bull. n°86 ; « la comparaison entre les facture
2
« Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif
le prêt de main-d’oeuvre est interdite. (…)
et les bulletins de paie faisait apparaître, au profit de la société
prêteuse, une marge bénéficiaire » Soc. 17 juin 2005, Bull. 205,
rectif. 12 juill. 2005 n° 03-13.707 ; égal. : Crim. 15 sept. 2009,
n°09-80.414 ; Crim. 10 fév. 1998 n°97-81.195. V. T. AubertMonpeyssen et M. Emeras prec. § 128.
(9) Soc. 18 mai 2011 prec.
(10) rapport H. Gosselin prec. spec. p.9.
(11) prec. note 7.
(12) rapport H. Gosselin prec. spec. p.10.
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Une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas
son travail dans l’entreprise prêteuse ». En apparence, cela
de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à
condamne la solution John Deere qui déclarait applicable
l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que
la convention collective de l’entreprise utilisatrice. En
les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes
apparence seulement, si on veut bien se souvenir (14) que
et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre
c’est par le renvoi à l’art. L. 1251-21 que ladite convention
de la mise à disposition. »
avait été jugée applicable en ses dispositions relatives
Il apparaît dès lors que le législateur se place
exclusivement du côté de l’entreprise prêteuse de sorte que
le paiement de frais de gestion, même minimes, est prohibé.
Les conditions de l’incrimination pénale ne semblent plus
être réunies dès lors qu’un remboursement intervient dans
ces conditions. La loi porte donc une sérieuse atteinte à la
protection rappelée par la Cour de cassation dans son arrêt
du 18 mai 2011.
à la durée du travail. Or ce renvoi est toujours présent, il
n’a pas été modifié par la loi Cherpion. Dès lors, on peut
penser que les dispositions conventionnelles de l’entreprise
d’origine n’ont vocation à s’appliquer qu’en dehors des
thèmes relatifs aux conditions d’exécution du travail visés
à l’art. L. 1251-21 (durée du travail ; travail de nuit ; repos
hebdomadaire et aux jours fériés ; la santé et la sécurité
au travail ; travail des femmes, des enfants et des jeunes
travailleurs) où c’est toujours celles de l’entreprise d’accueil
Il appartient donc aux salariés et à leur défenseur
d’être particulièrement vigilant sur la licéité de la mise à
disposition des salariés dont les conditions sont encadrées,
de manière très détaillée, par l’article L. 8241-2 du Code
du Travail. En effet, une convention de mise à disposition
entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice
doit être signée et elle doit prévoir notamment la durée
de la convention, l’identité de la qualification du salarié
concerné et le mode de détermination des salaires et
des charges sociales qui seront refacturées à l’entreprise
utilisatrice. En cas contentieux, il convient alors de se faire
communiquer ce document, le cas échéant, devant le
bureau de conciliation dans le cadre d’une audience initiale
en réclamant les documents nécessaires à l’instruction du
dossier. Grâce à ces documents, le salarié pourra vérifier
si les frais de gestion ont été refacturés. Si tel est le cas,
l’opération deviendra alors illicite.
De même, le salarié doit désormais signer un
avenant : c’est dire que la mise à disposition requière
son accord préalable, ce qui ne résultait pas du droit
positif antérieur (13). A défaut d’écrit, - et l’on peut faire
un parallèle avec les contrats d’intérim -, la mission sera
forcément déclarée illicite.
qui prévalent.
Les instances représentatives du personnel sont bien
trop souvent oubliées dans les opérations de prêt de
main-d’œuvre. Leur information voire leur consultation est
obligatoire. Cependant, cette obligation est différente qu’on
se place du côté de l’entreprise prêteuse ou de l’entreprise
utilisatrice.
Si l’on se place du côté de l’entreprise prêteuse : dans ce
cas, l’opération de prêt de main-d’œuvre ne peut intervenir
qu’après la consultation préalable du comité d’entreprise
ou à défaut des délégués du personnel. Cette consultation
doit avoir lieu même s’il s’agit d’un seul salarié. En outre, le
CHSCT de l’entreprise prêteuse doit être informé lorsque
le poste occupé par le salarié mis à disposition figure sur la
liste des postes présentant des risques particuliers au sens
de l’article L. 4154-2 du Code du Travail.
Si l’on se place du côté de l’entreprise utilisatrice : le
CHSCT ou à défaut les délégués du personnel doivent
être consultés préalablement à l’accueil des salariés mis
à disposition dans le cadre du prêt de main-d’œuvre. On
notera que l’article L. 8241-2 du Code du Travail fait état
de salariés et non d’un seul salarié de sorte que l’on peut
s’interroger sur la nécessité de consulter le CHSCT ou à
On notera que l’art. L. 8241-2 énonce désormais que le
défaut les délégués du personnel s’il s’agit d’un seul salarié
salarié « conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions
accueilli dans l’entreprise utilisatrice. La distinction n’aurait
conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté
toutefois pas grand sens.
III. Les critères jurisprudentiels
La jurisprudence a fixé des critères pour distinguer une
véritable prestation de services – un contrat d’entreprise –
d’une opération de prêt de main-d’œuvre à but lucratif, à
savoir l’exécution d’une tâche précisément définie, l’autorité
du prestataire sur le personnel, le matériel fourni par le
prestataire, la rémunération de la prestation (15). Ces
(13) au visa de l’art. 1134 C. civ. « la mise à disposition d’un
salarié n’entraîne pas en soi une modification du contrat de
travail » Soc. 15 mars 2005, Bull. n°88 ; pas plus les accords
collectifs précités ou les propositions de modification
législative antérieures v. M. Del Sol, Une mise en oeuvre
largement perfectible, controverse Faut-il libéraliser le prêt
de main-d’oeuvre ?, Revue de droit du travail 2009 p. 625.
(14) cf. supra
(15) H. Guichaoua, prec.
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critères ne sont pas cumulatifs mais leur absence plaide
en faveur du caractère exclusif du prêt de main-d’œuvre
– exclusif car dépourvu de toute autonomie et de toute
technicité propre du prestataire – et par conséquent, de
l’illicéité de l’opération.
et prestation de services, nous rappelle qu’il est loin d’être
Ainsi, constituent des prêts de main-d’œuvre à but lucratif
prohibés :
- la convention passée avec une société qui ne disposait
d’aucun bureau d’études, d’aucun matériel, d’aucune
marchandise et qui ne pouvait offrir à ses clients que le
seul travail de ses employés sans être en mesure de leur
fournir un encadrement, une organisation, des modalités
d’exécution originale traduisant un savoir-faire de la
société (16) ;
- l’opération au terme de laquelle le montant des prestations
facturées à la société utilisatrice fait apparaître un bénéfice
financier évident pour les sociétés sous-traitantes et
l’intervention des salariés qui lui étaient prêtés dont elle
définissait très précisément la mission, ne révélait aucune
spécificité technique par rapport à l’activité de ses propres
salariés (17).
l’opération effectuée aux conditions suivantes :
Fort de ces aspects théoriques, on constate une forte
utilisation du prêt de main-d’œuvre illicite dans les sociétés
de service en ingénierie informatique (SSII). Le métier exercé
par la SSII nécessite qu’elle affecte ses collaborateurs sur
des missions ou projets se déroulant le plus souvent chez
les clients et en exécution de prestations correspondant à
la compétence spécifique de la société de services dont ne
dispose pas ledit client. Bien des salariés mais également
certains services de l’administration du travail constatent
qu’en procédant ainsi, les sociétés de services informatiques
se contentent d’effectuer de l’intérim masqué.
Bien entendu, les SSII nient ces accusations. Pour éviter
la condamnation civile ou pénale, les sociétés mises en
cause tentent de démontrer qu’il existe bien un savoirfaire spécifique des sociétés prestataires, distinct de celui
de la société cliente et que les conventions conclues entre
les clients et les SSII n’ont pas pour objet le prêt de maind’œuvre. De même, les sociétés font en sorte que l’activité
des salariés extérieurs reste, à tout le moins en apparence,
sous le contrôle de leur employeur respectif en matière
d’horaires, de congés payés, de formations ou de comptes
rendus de leur prestation. Il ne s’agit que d’apparence, c’està-dire notamment le contreseing par l’employeur original
d’une demande de congés ; en réalité, c’est bien entendu
le chef de service de la société utilisatrice qui valide les
congés.
Un arrêt du 20 novembre 2012 de la Cour d’appel
de Paris (18), didactique même s’il semble
malencontreusement assimiler prêt de main d’œuvre licite
(16) Cass. Crim. 22 novembre 1988 n° 86-96.217.
aisé de démontrer le prêt de main-d’œuvre illicite ou le
marchandage car l’employeur peut arriver trop aisément à
faire écarter sa responsabilité. Ainsi, selon l’arrêt, ne constitue
ni du prêt illicite de main d’œuvre ni du marchandage,
- les missions avaient été renouvelées pendant plus de
7 ans mais ce fait est insuffisant à lui seul pour établir que
le salarié n’avait aucune mission ponctuelle et spécifique
et qu’il était totalement intégré au personnel salarié de la
société à laquelle il était affecté alors qu’il est établi que
la durée des interventions de la société prêteuse comme
celles des autres sociétés prestataires était imputable aux
difficultés de mise en place du nouveau système ;
- la longue durée de mise à disposition ne peut à elle seule
prouver un transfert du lien de subordination ;
- les seules directives données au salarié par les cadres de
la société utilisatrice concernant l’organisation générale
du travail, la demande de résolution de problème
ou l’installation de nouvelles mises en place sont
insuffisantes pour établir l’existence d’un transfert du lien
de subordination dès lors que la société prêteuse qui
avait donné à son salarié la directive de remplir la mission
qu’il lui était confiée conservait son pouvoir hiérarchique
de contrôle, de sanction, établissait les ordres de mission
définissant les tâches à accomplir et procédait aux
entretiens d’évaluation ;
- le fait que la rémunération de la société prêteuse n’ait pas
été forfaitaire mais était calculée en fonction du nombre
de jours travaillés par ses salariés n’est pas davantage
un élément déterminant dans l’analyse de la nature du
contrat dans la mesure où cette pratique est courante au
sein des SSII compte tenu de la catégorie de leur service
dont la durée ne peut être prévue à l’avance.
Pourtant, les salariés mis à disposition sont en réalité
des salariés véritablement embauchés par l’entreprise
utilisatrice. Certains même subissent un véritable entretien
d’embauche.
***
J’ai débuté mon intervention en indiquant que le combat
était perdu. Admettez qu’il n’est pas aisé eu égard à la
complexité pour le salarié de démontrer la situation illégale
dans laquelle il se trouve. Dès lors, la tentation ne peut être
que grande pour des sociétés de continuer à agir ainsi. Cela
est d’ailleurs si vrai que depuis leur création en 1985, les
groupements d’employeurs n’ont jamais réussi à trouver
leur place parmi les différentes techniques de prêt de maind’œuvre. C’est dire. Moralité, mieux vaut un « petit chez soi
illicite » qu’un « grand chez les autres pourtant légal ».
David Métin
(18) Pôle 6 – Chambre 4 n° 11/09169.
(17) Cass. Soc. 8 avril 2009 n° 07-45.200.
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