La société EVALEND SHIPPING - Tribunal de Commerce d`Abidjan

Transcription

La société EVALEND SHIPPING - Tribunal de Commerce d`Abidjan
KF/AN
AUDIENCE PUBLIQUE DU 02 AVRIL 2014
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
-------------------
COUR D’APPEL D’ABIDJAN
-------------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
--------------------
ORDONNANCE DU JUGE DE
L’URGENCE
du 02/04/2014
-----------------RG N° 891/2014
-----------------------
L’an deux mil quatorze
Et le deux avril
Nous, Docteur KOMOIN François, Président du
Tribunal de Commerce d’Abidjan, statuant en
matière d’urgence en notre Cabinet sis à Cocody les
Deux-Plateaux ;
Assisté de Maître KONE SONGUI KP. ADAMA,
Greffier;
1) La société ARIAN MARITIME
2) La société EVALEND SHIPPING
Avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
(Maître N’ZI Jean-Claude)
C/
La Société FALMOUTH PETROLEUM
LIMITED
(Maître FOLQUET Léon)
-----------------DECISION
----------
Contradictoire
-------
Recevons les sociétés ARIAN MARITIME et
EVALEND SHIPPING en leur action ;
Les y disons mal fondées ;
Les en déboutons ;
Par exploit d’huissier du 31 mars 2014, les sociétés
ARIAN MARITIME et EVALEND SHIPPING ont
assigné la Société FALMOUTH PETROLEUM
er
LIMITED à comparaitre le 1 avril 2014 devant la
juridiction de l’urgence de ce siège pour entendre
ordonner
la
rétractation
de
l’ordonnance
n°1349/2014 du 26 mars 2014 et la mainlevée de la
saisie conservatoire du navire EQUATOR pratiquée
le 27 mars 2014 sous astreinte comminatoire de
soixante-dix millions (70.000.000) de francs par jour
de retard à compter du prononcé de la décision.
Au soutien de leur action, elles exposent que le
navire EQUATOR est la propriété de la société
ARIAN MARITIME, Société Anonyme de droit grec,
armateur/propriétaire dudit navire ;
Les condamnons aux dépens.
Que suivant contrat de mangement daté du 27
février 2008, la société ARIAN MARITIME a confié
la gérance dudit navire à la société EVALEND
SHIPPING, également société anonyme de droit
grec ;
Qu’en outre, par contrat d’affrètement, la société
ARIAN MARITIME a frété (mis en location) le navire
EQUATOR à la société ALLIED MARITIME, société
de droit grec également ;
Que la société ALLIED n’avait que l’exploitation du
navire et non la gérance de celui-ci ;
Que
par
ailleurs,
la
société
FALMOUTH
1
PETROLEUM aurait procédé au port de Falmouth
(Royaume-Uni), à une fourniture de soutes au
navire EQUATOR suivant bordereau de livraison
daté du 27 novembre 2011 ;
Que les soutes avaient été commandées par la
société ALLIED MARITIME, en qualité d’affréteur du
navire EQUATOR ;
Que cependant, la facture de fourniture de soutes
émise par la société FALMOUTH, d’un montant de
cent vingt-neuf mille huit cent soixante-onze virgule
un (129.871,01) dollars américains n’aurait pas été
réglée par la société ALLIED MARITIME débitrice ;
Qu’aussi, la société FALMOUTH fait-elle état d’une
créance en principal du montant précité outre les
intérêts moratoires de 2 % mensuels additionnés de
frais administratifs, le tout s’élevant à 23.636,52
dollars américains ;
Que plus d’un an après la fourniture des soutes, et
alors que la société ALLIED n’est plus affréteur du
navire EQUATOR, la société FALMOUTH s’est vue
autoriser par ordonnance N° 2858/2012 datée du 13
juillet 2012, rendue par le Président du tribunal de
Première instance d’Abidjan, à saisir le navire
EQUATOR pour sûreté et conservation de sa
créance sur la société ALLIED ;
Qu’il s’en est suivi la saisie conservatoire dudit
navire suivant procès-verbal daté du 13 juillet 2012
pour le compte de la société FALMOUTH ;
Que dans le milieu maritime, la règle exige la
fourniture d’une caution ou garantie pour obtenir la
libération des navires saisis sous réserve des
contestations qui seront soulevées devant les
tribunaux ;
Que conformément à l’article 5 alinéa 1 de la
convention internationale de Bruxelles pour
l’unification de certaines règles sur la saisie
conservatoire des navires de mer du 10 mai 1952
applicable en Côte d’Ivoire, qui dispose que : « Le
tribunal ou toute autre Autorité judiciaire compétente
2
dans le ressort duquel le navire a été saisi,
accordera la mainlevée de sa saie lorsqu’une
caution ou une garantie suffisantes auront été
fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée
en raison des créances maritimes énumérées à
l’article premier ci-dessus, sous les lettres o et p ; en
ce cas, le juge peut permettre l’exploitation du
navire par le Possesseur, lorsque celui-ci aura fourni
des garanties suffisantes, ou régler la gestion du
navire pendant la durée de la saisie.
Faute d’accord entre les Parties sur l’importance de
la caution ou de la garantie, le Tribunal ou l’Autorité
Judiciaire compétente en fixera la nature et le
montant ;
La demande de mainlevée de la saisie moyennant
une telle garantie, ne pourra être interprétée ni
comme une reconnaissance de responsabilité, ni
comme une renonciation au bénéfice de la limitation
légale de la responsabilité, ni comme une
renonciation au bénéfice de la limitation légale de la
responsabilité du propriétaire du navire. »
Qu’en raison de l’état d’immobilisation du navire,
des frais portuaires encourus et de tous autres frais
que cette immobilisation pourrait engendrer, la
société EVALEND SHIPPING, Manager (Gérant) du
navire EQUATOR, a fait consigner volontairement
auprès de la CARPA, la somme de soixante-neuf
millions six cent trente-trois mille six cent trente-sept
(69.633.637) francs CFA afin d’obtenir la mainlevée
de la saisie en attendant qu’il soit statué sur le fond
du litige ;
Que nonobstant la présentation du récépissé de
dépôt des fonds sur le compte de la CARPA, la
société FALMOUTH a maintenu la saisie
conservatoire prétextant que l’attestation de
disponibilité des fonds sur ledit compte n’avait pas
encore été fournie ;
Que par la suite, la société EVALEND a pu obtenir
la mainlevée judiciaire de la saisie conservatoire
suivant ordonnance de référé n° 3692 du 26 juillet
2012, rendue par le Tribunal de Première Instance
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d’Abidjan et le navire a pu quitter le port d’Abidjan.
Que suivant exploit d’assignation daté du 14
septembre 2012, la société FALMOUTH a assigné
les sociétés ALLIED MARITIME, EVALEND
SHIPPING et ARIAN MARITIME par devant le
Tribunal de Commerce d’Abidjan pour les voir
condamner à lui payer la somme 153.507,53 Dollars
américains soit la valeur de 77.996.894,81 FCFA ;
Que le 07 février 2013 le Tribunal de Commerce
d’Abidjan a déclaré la société FALMOUTH
recevable en son action, l’y disant bien fondée et a
condamnée solidairement les sociétés EVALEND
SHIPPING,
ARIAN MARITIME
et
ALLIED
MARITIME à payer la somme de 77.996.894,81 F
CFA au profit de la société FALMOUTH ;
Que non satisfaites du jugement rendu, les sociétés
ARIAN MARITIME et EVALEND SHIPPING
relevèrent appel de cette décision rendue par le
Tribunal de Commerce d’Abidjan et sollicitèrent
l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ;
Que la Cour d’Appel, en son audience du
10/01/2014, infirmant le jugement rendu en première
instance par le Tribunal de Commerce d’Abidjan et
faisant droit aux demandes des sociétés EVALEND
SHIPPING et ARIAN MARITIME, vida son délibéré
libellé comme suit :
« Statuant, publiquement, contradictoirement et en
dernier ressort ;
En la forme :
Déclare les sociétés ARIAN MARITIME et
EVALEND SHIPPING recevables en leur appel ;
Au fond :
Les y dit partiellement fondées ;
Rejette l’exception d’incompétence ;
Infirme le jugement n° 004/2012 rendu le 07 février
2013 du Tribunal de Commerce d’Abidjan en ce qu’il
a condamné les sociétés ARIAN MARITIME et
EVALEND SHIPPING à payer la somme de
77.996.894,81 francs CFA à la société FALMOUTH
PETROLEUM ;
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Condamne l’intimée aux dépens. »
Que dès cet instant, les sociétés ARIAN et
EVALEND ayant été mises hors de cause par la
Cour d’Appel et la garantie déposée à la CARPA
étant devenue sans cause, plus rien ne s’opposait à
la demande de restitution de ladite garantie qui avait
été consignée volontairement à la CARPA par
lesdites sociétés contre la libération du navire
EQUATOR.
Que cependant, nonobstant la décision de la Cour
d’Appel rendue en sa défaveur, la société
FALMOUTH a voulu récupérer les fonds logés à la
CARPA en exécution de sa dette contre la société
ALLIED devenue son seul débiteur.
Qu’informées de cette entreprise et avant même
qu’elle ne puisse se concrétiser, les sociétés ARIAN
et EVALEND, fortes de la décision rendue par la
Cour d’Appel en leur faveur, ont demandé par
l’entremise de leur conseil, la restitution pure et
simple des fonds à la CARPA qui s’est
immédiatement exécutée, la consignation des
sommes ayant été faite volontairement et non par
voie de contrainte judiciaire.
Qu’aussi, en désespoir de cause, la société
FALMOUTH, procéda à une nouvelle saisie
conservatoire du navire EQUATOR au motif qu’elle
détiendrait une décision de justice définitive contre
ALLIED et que le conseil des sociétés ARIAN et
EVALEND s’est fait restituer les fonds séquestrés à
la CARPA, prétendu gage de la créance dont la
société ALLIED serait débitrice.
Que la société FALMOUTH estime qu’elle aurait été
privée des fonds qui lui revenaient en vertu du
jugement n°004/2012 rendu le 07 juillet 2013, qui
serait devenu définitif à l’égard de la société
ALLIED.
Qu’elles estiment que cette saisie conservatoire est
irrégulière parce que la Cour d’Appel d’Abidjan les
ayant mises hors de cause, la garantie qu’elles ont
déposée à la CARPA est devenue sans cause et
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que plus rien ne s’opposait à sa restitution. Elles
ajoutent que cette garantie a été consignée
volontairement à la CARPA par elles, que le juge
des référés qui a ordonné la mainlevée de la saisie
conservatoire n’a pas ordonné le séquestre
judiciaire de ces sommes. Elles indiquent que dans
ces conditions, elles avaient le droit de retirer ces
fonds sans besoin de présenter une décision de
justice puisqu’il ne s’agissait pas d’un séquestre
judiciaire. Elles précisent que la débitrice de la
société FALMOUTH PETROLEUM est la société
ALLIED Maritime, et que c’est à elle que celle-ci doit
s’adresser pour se faire payer. Elles font valoir que
la créance dont se prévaut la société FALMOUTH
n’est pas une créance maritime et qu’aussi bien le
navire saisi que les fonds garantis retirés sont leur
propriété.
La société FALMOUTH s’oppose à cette demande.
Elle soutient que contrairement aux prétentions des
demanderesses, la créance est bien une créance
maritime car née de la fourniture de soutes au
navire EQUATOR appartenant à celles-ci. Elle
ajoute que le juge des référés dans son ordonnance
de mainlevée de la saisie de ce navire a constaté
que caution avait été donnée pour garantir le
paiement des causes de la saisie et que dans ces
conditions la caution ne pouvait être retirée sans
une décision de justice ; ce, d’autant plus que le
juge des référés a indiqué dans sa décision que
cette caution vaut séquestre.
La défenderesse indique en outre que sa créance
contre la société ALLIED Maritime est devenue
définitive et que la saisie actuelle du navire
EQUATOR est permise par l’article 3.4 de la
convention de Bruxelles de 1952 qui dispose :
« Dans le cas d’une affrètement d’un navire avec
remise de la gestion nautique, lorsque l’affréteur
répond, seul, d’une créance maritime relative à ce
navire, le demandeur peut, en observant les
dispositions de la présente Convention, mais nul
autre navire appartenant au propriétaire ne peut être
saisie en vertu de cette créance maritime.
L’alinéa qui précède s’applique également à tous les
cas où une personne autre que le propriétaire est
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tenue d’une créance maritime.»
Elles indiquent que la garantie permettant d’obtenir
la mainlevée de la saisie doit être constituée, et, à
défaut, la saisie du navire maintenue, et que si la
convention de Bruxelles suscitée interdit de saisir
une seconde fois le même navire après qu’une
garantie ait été donnée, c’est à la condition que la
garantie n’ait pas été retirée avant la nouvelle saisie.
SUR CE
En la forme
Sur le caractère de la décision
La société FALMOUTH a été représentée et a fait
valoir ses moyens. Il y a lieu de statuer
contradictoirement à son égard.
Sur la recevabilité de l’action
L’action initiée par les sociétés ARIAN MARITIME et
EVALEND SHIPPING est régulière. Elle est donc
recevable.
Au fond
Sur la mainlevée de la saisie conservatoire
Il est constant que la régularité formelle de la saisie
conservatoire n’est pas remise en cause par les
demanderesses.
La mainlevée de la saisie conservatoire critiquée ne
peut être ordonnée que si la société FALMOUTH ne
dispose pas de créance maritime et si le navire saisi
ne peut répondre d’une telle créance au cas où elle
existe.
Concernant la créance dont se prévaut la société
FALMOUTH, elle résulte de la fourniture de soutes
au navire EQUATOR et a été cristallisée à
l’encontre de la société ALLIED Maritime par le
jugement du 07 février 2013 du Tribunal de
Commerce d’Abidjan dont celle-ci n’a pas relevé
appel.
Contrairement
aux
prétentions
des
7
demanderesses, une telle créance a bien une
nature maritime parce que visée par l’article premier
de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 à
l’article 1er,1-K en ces termes « 1. « créance
maritime » signifie allégation d’un droit ou d’une
créance ayant l’une des causes suivantes :
Fourniture, quel qu’en soit le lieu, de produits ou de
matériel faites à un navire en vue de son
exploitation ou de son entretien. »
Concernant le point de savoir si le navire EQUATOR
peut conservatoirement répondre à cette créance, la
juridiction des référés constate que ce navire est la
propriété des demanderesses et que celles-ci dans
l’arrêt rendu par la Cour d’Appel, sur appel, par elles
interjeté contre le jugement sus indiqué, a infirmé
ledit jugement et les a mis hors de cause. Il n’est
toutefois pas contesté que dans l’instance ayant
opposé les parties, la société ALLIED Maritime était
affréteur du navire EQUATOR. A cet égard, l’article
3 alinéa 4 de la convention de Bruxelles de 1952
dispose sans équivoque que « Dans le cas d’un
affrètement d’un navire avec remise de la gestion
nautique lorsque l’affréteur répond seul d’une
créance maritime relative à ce navire, le demandeur
peut saisir ce navire ou tel autre appartenant à
l’affréteur en observant la disposition de la présente
convention ».
Ce texte ruine l’édifice juridique bâti par les
demanderesses sur leur mise hors de cause par la
Cour d’Appel, leur navire qu’elles ont affrété à la
société ALLIED Maritime continuant de répondre
des dettes de cette société, contractées
relativement à ce navire.
Il est par ailleurs constant qu’une première saisie a
été faite sur ce navire et que par ordonnance du 26
juillet 2012 du juge de l’exécution du tribunal de
Première Instance d’Abidjan, mainlevée de cette
saisie a été ordonnée. La lecture de cette décision
révèle que le juge a fondé sa décision sur l’article 5
de la convention de Bruxelles de 1952 qui autorise
cela lorsqu’une caution ou une garantie suffisante
aurait été fournie ; tel était le cas dans cette espèce
puisque le juge a constaté que la société EVALEND
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SHIPPING a fait consigner à la CARPA la somme
de soixante-neuf millions six cent trois mille six cent
trente-sept (69.633.637) francs CFA à titre de
garantie des causes de la saisie conservatoire et,
que ces fonds étaient disponibles. De cette décision,
il ressort également que le juge a rejeté les
demandes reconventionnelles de la société
FALMOUTH tendant à la mise sous séquestre de
cette somme parce que la propriété de celle-ci
n’était pas litigieuse mais aussi parce que « la
caution est intrinsèquement une mise sous
séquestre puisque le paiement ne peut se faire que
sur présentation d’une décision exécutoire comme
l’exige l’article 7 de la convention de Bruxelles ».
Il est constant que les demanderesses ont procédé
elles même et de leur propre chef au retrait de la
somme garantie qui avait été déposée à la CARPA.
Dans ces conditions, la société FALMOUTH ne
bénéficie plus de garantie que ce navire pour le
paiement de sa créance maritime contre la société
ALLIED Maritime, affréteur du navire EQUATOR,
navire qui, comme le prévoit l’article 3 sus indiqué
de la convention de 1952, continue de répondre de
cette créance.
Il résulte de ce qui précède que la mainlevée de
cette saisie ne peut être ordonnée que si la caution
ainsi retirée, alors même le juge des référés comme
sus indiqué avait ordonné la mainlevée de la
première saisie conservatoire après avoir constaté
l’existence de cette caution à même de garantir le
paiement des causes de cette saisie, est
reconstituée ou à nouveau constituée; à défaut, la
saisie conservatoire doit être maintenue car en tous
points conforme aux règles de droit en vigueur en la
matière.
Il y a lieu dès lors de débouter les sociétés ARIAN
MARITIME et EVALEND SHIPPING de leur action.
Sur les dépens
Les demanderesses succombant, elles doivent
supporter les dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
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Statuant publiquement, contradictoirement,
matière d’urgence et en premier ressort ;
en
Recevons les sociétés ARIAN MARITIME
EVALEND SHIPPING en leur action ;
et
Les y disons mal fondées ;
Les en déboutons ;
Les condamnons aux dépens.
Et avons signé avec le Greffier. / .
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