Article 2 - Ultra-Trail des Ô Plateaux

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Article 2 - Ultra-Trail des Ô Plateaux
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Travailler sa foulée
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Travailler sa foulée pour aller + vite, + loin,
sans blessure ? Par Olivier Jenn-Treyer
Bonjour à tous les fanatiques de course à pied nature de Madagascar,
Courir, est-ce simplement « mettre un pied devant l’autre et recommencer
de plus en plus vite » ?, comme me disait notre frère de la côte Luc Baste,
qui, sabre au clair, brûla en son temps la latérite malagasy, écumait jusqu’à
récemment les ultra-trails du Globe, et qui est actuellement (provisoirement) en cale sèche,
victime de la félonie de ses tendons d’Achille, contraint à se convertir en webmaster amateur
de ce petit site…
En course à pied, contrairement à beaucoup d’autres sports, comme le tennis ou la natation,
on s’intéresse généralement assez peu au geste, c'est-à-dire à la « foulée », en supposant
que celle-ci est naturelle ou innée. Pourtant, la manière dont on court semble avoir une
importance non négligeable, non seulement sur nos performances (ce qui à nos
généralement modestes niveaux n’est pas franchement fondamental), mais également et
surtout sur l’occurrence de bobos divers, plus ou moins handicapant, et qui peuvent nous
obliger à lever le pied, voire à carrément renoncer provisoirement à notre shoot
hebdomadaire ou journalier (ce qui est beaucoup plus ennuyeux pour les « coureursplaisirs » que nous sommes à peu près tous).
Cette problématique a d’autant plus d’importance lorsqu’on se lance dans l’aventure d’un
Ultra comme la Diagonale des fous ou l’UTMB. Sur les 40% d’abandons constatés en
moyenne sur ce type d’épreuve, un grand nombre est dû à des problèmes articulaires ou
tendineux, sachant que certains prennent le départ déjà passablement amochés par
l’entraînement. Comment supporter les gros volumes d’entrainement nécessaires tout en ne
se cassant pas ?
Travailler sa foulée pour voir ses performances progresser et surtout ses bobos
diminuer
Tout ce qui correspond à l’analyse de la foulée relève de ce que l’on appelle la
« biomécanique ». C’est souvent jargonneux, et l’on se perd assez vite dans les analyses
pointues, que leurs auteurs réservent clairement plus à leurs pairs qu’au coureur
microcéphale que je suis.
Mon challenge a donc été de farfouiller sur internet jusqu’à trouver des articles, photos,
dessins et surtout vidéos qui me parlent, et dont le sérieux soit reconnu. Sur cette base, j’ai
entrepris quelques petits tests sur moi-même. C’est cela que je me propose de partager
avec vous. Le moins de blabla possible, le plus d’image possible. Cela vous va-t-il ?
Trois extraterrestres en images :
La foulée, c’est comme la prose de Monsieur Jourdain : tout ce qui court en a une, du
coureur de 100m à celui d’Ultra. Aussi, j’ai convoqué à la barre, excusez du peu :
-
Usain
Bolt (pulvérisateur
des
records
du
200m),http://www.youtube.com/watch?v=P-NVsnYbj5E
-
Haile Gebrselassie (qui a tout gagné en fond et qui est l’actuel détenteur du
record
mondial
du
Marathon) http://www.youtube.com/watch?v=5x6V48IIQRQ&feature=related
-
et Kilian Jornet (le « courant ascendant » espagnol, détenteur du record de
vitesse du km vertical en 30mn et qui survola les deux dernières éditions de
l’UTMB)http://www.youtube.com/watch?v=qAfwQ5GFHQs
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Monde
de
100
et
Article OJT 17/01/2010
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Je vous entends d’ici ! « Quel est le rapport entre un martien qui coure 100m en frisant en
pointe les 45km/h, un vénusien qui coure 42km à 21km/h de moyenne, un jupitérien qui met
une vingtaine d’heures pour parcourir 166km avec 9500m de dénivelé… et moi » ? Et bien, il
y a effectivement des différences de foulées (assez visibles notamment entre le gars qui fait
des bonds de 3 mètres à chaque pas et celui dont l’amplitude est inférieure à 1m), mais il y a
aussi des similarités remarquables. Les deux nous intéressent.
Sans rentrer dans de longues explications (vous les trouverez par exemple sur le
sitehttp://www.volodalen.com/14biomecanique/lafoulee21.htm, qui est une excellente
référence dans ce domaine), disons simplement côté différences, que le sprinter court en
remontant haut le genoux sans laisser trainer sa jambe en arrière : on dit qu’il court « en
cycle avant » ; et que le coureur de très longue distance va courir, lui, en « cycle arrière »,
c'est-à-dire en avançant la jambe « d’un bloc » en levant moins le genou, et en ayant plus
d’amplitude vers l’arrière : il court en « cycle arrière ». Par ailleurs, le coureur cycle avant va
courir « droit », le bassin « placé », la tête haute et attaquera le sol avec l’avant du pied,
alors que le coureur en cycle arrière aura tendance à courir plus ou moins penché en avant,
la tête relevée, le bassin vers l’arrière (en « rétroversion ») et attaquera le sol par le talon de
manière
plus
ou
moins
marquée.
Cycle « avant »
Cycle « Arrière »
ou encore :
. kinogramme (de "kiné" : vitesse, et "gramme"...) du cycle avant :
. et du cycle arrière
Sur cette base, je vous propose ma propre « auto-expérimentation », sur une petite semaine,
que je vous livre toute chaude sur mes 4 terrains de jeu hebdomadaires :
-
un premier, le mardi matin, assez roulant (c'est-à-dire pas trop sablonneux au
Niger), de 10km que j’effectue généralement à 80% de ma VMA (on verra ça plus
tard, mais ça veut dire en gros que l’effort est assez soutenu),
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-
un second, au stade de Niamey, le mercredi soir, avec une séance de fractionnés,
-
un troisième, le jeudi soir, avec un footing tranquille d’une heure,
-
un quatrième, le samedi soir, avec un parcours de cross de 7km dans les cailloux,
le sable et les épineux de la riante campagne de Niamey, avec des montées raides,
des plateaux caillouteux, des descentes instables, des traversées de zones
sableuses profondes. C’est un peu la « compet de la semaine ».
Mon expérimentation : m’astreindre scrupuleusement à courir en cycle avant sur tous ces
terrains, sachant que ma foulée est à la base plutôt « cycle arrière », pour pouvoir comparer
les deux foulées.
Résultats des courses :
-
Sur les 10km du mardi matin : résultat étonnant : pour le même effort en termes
cardio, j’ai gagné 4mn sur mon temps habituel, soit 10% de gain, ce qui est
beaucoup.
-
Sur les fractionnés, pas de changement notable. A la réflexion, ma foulée à vitesse
élevée, héritée des années très lointaines où je faisais du sprint en athlétisme, est du
type « cycle avant ».
-
En footing, résultat clairement négatif : l’impression de gaspiller de l’énergie
inutilement, notamment en projetant le genou vers l’avant.
-
Sur le cross, résultat mitigé : beaucoup de relance sur les terrains (relativement)
plats et dur, une catastrophe dans le sable.
Ce que j’en retire (provisoirement et de prime abord) :
Courir en cycle avant permet une excellente restitution de l’énergie emmagasinée lors de la
phase de retour du corps sur le sol : muscles et tendons de la jambe (au premier rang
desquels le fameux tendon d’Achille) sont mis sous tension sans dépense d’énergie (comme
des ressorts), et libère leur énergie vers l’arrière dans la phase de poussée, qui est ainsi en
partie générée par de l’énergie « gratuite ». Par contre, cela nécessite d’évoluer sur des
terrains durs, à des vitesses relativement élevées, et de ne pas garder trop longtemps le
pied posé au sol, sous peine que l’énergie emmagasinée ne se perde dans celui-ci. Tout
cela est frappant lorsque l’on regarde le félin Haile Gebrselassie, à la foulée bondissante et
extraordinairement rythmée.
Idée : « plus on va vite, plus c’est payant, moins on va vite, moins c’est intéressant ».
Fatalement, le corolaire est que « moins on va loin, plus c’est payant, plus on va loin,
moins c’est intéressant ». Pour éviter les bobos : ne pas planter le talon, courir bien
dans l’axe, bien droit, dynamique et relâché
Deuxième volet de mes réflexions, et qui peut-être intéressera plus la plupart d’entre vous :
la foulée a-t-elle une incidence sur les bobos du coureur (tendinite d’Achille, du TFL du
tendon rotulien, inflammation des ligaments du genou, douleurs osseuses, au niveau de la
hanche et du genou, mal de dos…) ?
La réponse est très certainement « oui », pour de multiples raisons, dont les plus
importantes semblent :
-
Le « planté du talon » : lors de la phase de contact avec le sol, un coureur « cycle
arrière » peut avoir tendance à prolonger sa foulée loin devant, et à prendre
franchement appui avec le talon. Ce « planté de talon » provoque des ondes de choc
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qui vont se propager dans les tendons (notamment celui d’Achille, qui n’aime pas ça
du tout), les genoux et les hanches
-
Des segments (les « morceaux des membres ») mal alignés vont occasionner des
frottements traumatisants, notamment au niveau du Tenseur du Fasco Lacta, ou TFL,
qui est ce gros tendon plat à l’extérieur de la cuisse. Un coureur exagérément
pronateur (attaque à l’intérieur du pied) ou supinateur (attaque à l’extérieur du pied) à
ainsi des chances d’être embêté par ce genre de choses, également au niveau des
ménisques par exemple.
-
Un bassin trop vers l’arrière aura tendance à générer des douleurs de dos, à
cause notamment de la cambrure et des tensions que cela implique.
Ces facteurs de blessures sont souvent liés les uns aux autres, et un travail progressif sur la
foulée peut permettre de les corriger raisonnablement, sans rechercher pour autant à courir
« exactement » comme Haile, Usain ou Kilian. Toutefois, chez nos « exemples parfaits »,
certaines constantes sont identifiables, qui peuvent nous aider dans notre travail sur nos
petites foulées personnelles. :
-
le pied se pose à plat, sans bruit, et jamais en “planté de talon”,
la phase de contact avec le sol est “dynamique”, pour assurer la fonction
d’élastique et la restitution d’énergie gratuite (Même chez Kilian Jornet),
-
Le buste est bien droit, ainsi que le bassin (ventre rentré),
-
La tête est bien droite et les bras sont relâchés,
-
Les différents éléments du corps sont parfaitement alignés, dans l’axe de la
course.
Ainsi, essayer de raccourcir un peu sa foulée si on tape du talon, poser le pied à plat
en essayant de faire le moins de bruit possible à l’impact, se redresser, rentrer le
ventre en contractant raisonnablement les abdominaux et serrant les fesses, relâcher
les bras, peuvent être de bons points de départ.
Mais comme toujours, quelques images valant mieux que de longs discours, je vous
propose, en guise de conclusion, deux vidéos particulièrement parlantes sur le sujet, la
première décomposant de manière très didactique les différents éléments de la foulée :
http://www.youtube.com/watch?v=90cHm9UO9bs
et la seconde proposant un petit « avant-après » particulièrement édifiant
http://www.youtube.com/watch?v=XrOgDCZ4GUo&feature=related
Voilà ! En espérant que ce petit partage vous aura intéressé, et qu’il suscitera de
nombreuses réactions et lancera un débat, je souhaite, de mon Niger d’aujourd’hui, une
excellente semaine familiale, professionnelle, et surtout sportive, à tous mes amis et tous les
coureurs de mon Madagascar d’hier. Longue vie au Sunday Jogging, longue vie à l’UTOP !!
Olivier
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