Les vecteurs de communication financière « Le seul savoir

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Les vecteurs de communication financière « Le seul savoir
Les vecteurs de communication financière
« Le seul savoir-faire ne suffit plus, s’il n’est pas accompagné
d’un faire-savoir » (Pierre Vernimmen1)
Olivier Biraud
Sous-directeur de Schroder France
Yann Le Fur
Chargé d’affaires de Schroder France
L’équilibre des marchés repose en théorie sur une information parfaite des
investisseurs. Cependant malgré les contraintes réglementaires imposées aux
sociétés cotées en terme d’information, il existe de fortes disparités dans la
qualité des informations transmises. Or la communication est un élément clé
dans la performance d’un titre comme on a pu l’observer en particulier sur le
titre Alcatel durant l’année 1998.
Dans un marché où la satisfaction des actionnaires est au centre des
préoccupations du management, la communication vers ces investisseurs
devient un élément fondamental de la stratégie.
La perception d’un titre résulte d’une part de la «catégorisation » imposée par
les stratégies d’investissement des grands institutionnels, et d’autre part de la
politique de communication menée par la société.
La vision des investisseurs
La stratégie de portefeuille des grandes investisseurs se décline selon un
nombre limité de catégories (Blue Chips / Small Caps, valeurs de croissance,
valeurs cycliques, start-ups, va leurs refuges, valeurs dollar, valeurs de
retournement, valeurs transnationales) . Cette catégorisation est subie comme
une contrainte par les sociétés qui les considèrent souvent comme une vision
réductrice de leur positionnement. Cependant il convient de considérer que du
point de vue d’un investisseur, ces catégories correspondent à un type
d’instrument financier présentant des caractéristiques communes, et permettant
de constituer un portefeuille cohérent. Que l’on considère ces catégories
comme justes ou non, la communication des entreprises doit tenir compte de
cette perception.
Les vecteurs de communication
Quel que soit le vecteur de communication choisi, l’investisseur attend un
discours clair et structuré sur la stratégie et le positionnement de la société. On
observe d’ailleurs que les échanges entre les analystes financiers et le
management des entreprises s’orientent de plus en plus vers un discours
stratégique plutôt que vers les éléments chiffrés prévisionnels.
1
Finance d’Entreprise, Pierre Vernimmen, Dalloz 2000
Le discours stratégique devra notamment préciser les divisions « corebusiness » et parmi celle-ci, celles sur lesquelles l’entreprise souhaite jouer un
rôle de consolidateur.
Nous avons illustré trois éléments de communication utilisés couramment par
les grands groupes cotés :
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La croissance représente aujourd’hui le principal vecteur de
communication des secteurs très jeunes (Internet, TV numérique) mais
également de secteurs en phase de consolidation intense (restauration
rapide). Selon le niveau de maturité des activités, la communication sur
la croissance se fait soit au niveau du chiffre d’affaires (en particulier
pour les secteurs n’ayant pas atteint leur point mort) ou du résultat
d’exploitation.
La croissance organique sera un élément particulièrement observé par
les investisseurs qui savent néanmoins valoriser la capacité à réaliser et
intégrer rapidement des acquisitions. Une société comme Autogrill a
par exemple parfaitement communiqué sur ses performances passées et
ses objectifs en termes de croissance organique et de croissance externe.
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Les valeurs de retournement ont un discours particulier à véhiculer au
marché. Celui-ci s’articule autour de concept de point mort et aura donc
deux composantes la croissance du chiffre d’affaires et la réduction des
coûts. Pechiney dans le passé avec le plan Challenge et plus récemment
le Crédit Lyonnais lors de sa privatisation ont communiqué sur ce
vecteur.
?
La création de valeur est un concept venu à la mode au début des
années 1990 notamment avec la méthodologie de l’EVA.
Ce concept présente un intérêt en particulier dans deux situations.
D’une part dans des groupes aux activités diversifiées pour lesquels ils
convent de démontrer que les différentes branches créent de la valeur
(ex : Alusuisse) et d’autre part pour les groupes intervenant sur un
secteur arrivé à maturité (ex : groupes de matériaux de construction).
Dans les secteurs en faible croissance il convient pour les sociétés de
démontrer leur capacité de gestion. Deux outils en réalité équivalent,
sont utilisés pour démontrer la création de valeur l’EVA et la mise en
regard du ROCE (rentabilité économique) et du WACC (Weighted
Average Cost of Capital, taux de rentabilité exigé par les investisseurs).
La mise en place de ces vecteurs de communication nécessite un
investissement parfois important pour les entreprises ; ils doivent en
outre correspondre aux propres outils de communication interne de la
société pour motiver son management.
Gérer l’incertitude
En tout état de cause, l’un des objectifs majeurs d’une politique de
communication est d’augmenter la visibilité des investisseurs sur un titre, et par
la même de diminuer le risque attaché à l’entreprise.
Dans la communication sur les performances futures de la société, ce principe
doit se traduire par une grande attention portée aux estimations données au
marché. Il convient en particulier de gérer avec anticipation la communication
si les réalisations en cours ne viennent pas confirmer les prévisions financières
communiquées au marché.
Sur les autres événements qui viennent ponctuer la vie d’une société, nous
mettrons l’accent sur deux éléments :
?
?
Les acquisitions/cessions : ces opérations doivent pouvoir
s’inscrire aux yeux des investisseurs dans le discours sur la
stratégie générale de la société. Ainsi la communication autour
de la contre offre d’Elf sur Total était-elle délicate dans la
mesure ou cette opération était en opposition avec les discours
précédents du management.
Le management devra communiquer sur l’impact financier de
ces opérations (dilution, gearing) et les prochaines étapes
(financement des investissements de certaines divisions,
utilisation du cash.)
Les opérations de marché : les annonces d’opérations et
d’augmentation de capital ne doivent pas créer une incertitude
trop longue chez les investisseurs, cette incertitude étant souvent
dommageable aux performances des titres. De même, on
constate souvent que la perspective de désengagement
d’actionnaires significatifs pèse également sur longue période
sur la performance du cours (« overhang »).
En conclusion, la communication financière est un arbitrage fin entre une
information de qualité en direction des investisseurs et la communication à ses
concurrents d’information qui peuvent s’avérer sensibles, en particulier en ce
qui concerne les choix de l’entreprise en matière de stratégie industrielle. La
diminution du risque perçu par les investisseurs permettra en effet de mieux
valoriser le titre, mais ceci ne doit pas se faire au détriment de l’activité
commerciale de la société.