Épreuve écrite de RÉSUMÉ DE TEXTE

Transcription

Épreuve écrite de RÉSUMÉ DE TEXTE
Banque Agro Veto. Session 2010
Rapport sur le concours B ENV
Épreuve écrite de RÉSUMÉ DE TEXTE
Concours
B ENV
Nombre de
candidats
343
Moyenne
Ecart-type
8,53
4,03
Note la plus
basse
1
Note la plus
haute
20
Le texte à résumer était cette année un extrait de Race et histoire, de Claude Lévi-Strauss,
portant sur la manière d’envisager des cultures étrangères. Il prenait la forme d’un
raisonnement assez clairement organisé, partant du constat que les cultures humaines tendent
à rejeter les autres cultures en dehors de l’humanité, comportement qui rapproche précisément
les « civilisés » et ceux qu’ils jugent « sauvages », opposant ensuite à cette tendance la pensée
philosophique ou religieuse qui en postulant de manière théorique une unité du genre humain,
était présentée comme décalée par rapport à l’évidence sensible de la diversité humaine, et
s’achevant sur l’évocation d’une tentative de résoudre cette opposition, tentative nommée
« faux évolutionnisme » par l’auteur, et rejetée comme une application scientifiquement très
peu rigoureuse de la théorie darwinienne aux cultures humaines.
Ce texte a semble-t-il posé problème à une part importante des candidats, et les résultats
s’avèrent souvent décevants.
Le nombre de copies qui ne respectent pas, sur le plan formel, les codes les plus élémentaires
du résumé (et se présentent comme une analyse) est assez peu élevé, mais l’esprit de
l’exercice est souvent mal saisi. De très nombreux devoirs s’attachent moins à un rendu neutre
et objectif de l’argumentation qu’à une sorte de commentaire qui ne dit pas son nom, ajoutent
des considérations de leur cru, remanient l’ordre des arguments, réinventent, en somme,
l’argumentation, de manière souvent très peu fidèle au propos initial, au lieu de chercher à la
comprendre et à la rendre avec précision. C’est sans doute là le défaut qui caractérise la
plupart des devoirs insuffisants.
Par ailleurs, même dans des travaux qui restent dans une neutralité de bon aloi,
l’argumentation de Lévi-Strauss est souvent considérablement schématisée, voire déformée. Il
y a une grosse différence entre dire que le fait de traiter l’autre de sauvage vise à le rejeter, et
dire qu’il s’agit de le rejeter dans l’univers naturel, donc à l’extérieur du monde
spécifiquement humain qu’est la civilisation. De même, le deuxième paragraphe, qui
remarquait que ce rejet de l’autre hors de l’humanité, voire de la réalité, était précisément
l’attitude typique des peuples jugés « sauvages », a parfois été ramené à l’idée que ce rejet
était indigne de l’humanité, ce qui est une manière regrettable d’aplatir l’argumentation. Dans
certains cas, on tombe sur des interprétations tout à fait étonnantes des arguments, ainsi, le
début du texte, qui relevait l’emploi du terme de « barbares » par les anciens, de « sauvages »
par l’Occident moderne, pour qualifier les cultures étrangères, a donné lieu à la phrase
suivante :"Un paradoxe apparaît alors dans le fait que des Grecs, par exemple, se trouvaient
être des sauvages pour des Occidentaux, et ces derniers des barbares pour les premiers."
Plus généralement, la volonté d’éviter les erreurs se traduit parfois par une formulation
extrêmement vague et générale des arguments, au point qu’on a peine à les reconnaître et
qu’il devient impossible de rendre fidèlement la progression logique.
Rappelons encore qu’on attend du candidat qu’il reformule les idées du texte. Il ne suffit pas,
pour cela, de changer un ou deux mots à la formulation initiale, mais il est nécessaire de
s’approprier les idées et de les présenter à sa manière. Un candidat, ainsi, en transformant la
phrase « la diversité n’est plus qu’apparente » en « la diversité n’est que plus apparente » est
parvenu à lui faire dire le contraire exact de son sens initial tout en étant pénalisé pour reprise
de formulation.
Une bonne part de ces erreurs est à attribuer à des difficultés à repérer le ou les auteurs des
thèses ou sensibilités que l’auteur confrontait. Ainsi, la théorie de l’évolutionnisme culturel a
pu être attribuée sans états d’âme à l’auteur lui-même (indépendamment du fait qu’il s’agit
d’une des thèses les plus explicitement réfutées du texte, les candidats auraient pu trouver
bizarre, si l’auteur soutenait cette thèse, qu’il ait choisi de lui donner un nom aussi peu
engageant que « faux évolutionnisme »). Plus haut dans le texte, de nombreux devoirs ont
assimilé les « grands systèmes philosophiques et religieux » du début du paragraphe 3, avec
« les spéculations philosophiques et sociologiques » de l’homme moderne, débouchant sur le
« faux évolutionnisme » en question. Il est fréquent qu’un texte argumentatif examine
différentes thèses, il semble donc nécessaire de faire preuve de prudence et de précision avant
d’attribuer ces thèses.
Le découpage et l’organisation restaient également peu satisfaisants dans une bonne part des
copies. Comme à l’accoutumée, certains ne se posent pas du tout la question de la disposition
en paragraphes, et n’en font qu’un, ou, inversement, se contentent d’une accumulation
d’arguments, non articulés entre eux, en allant à la ligne de manière presque automatique dès
qu’une idée est formulée. Rappelons que la manière dont le travail est organisé doit se
manifester par des paragraphes significatifs et par l’utilisation de connecteurs logiques
pertinents. Il pouvait sembler logique, cette année, d’aboutir à une disposition en trois
paragraphes, mais d’autres choix pouvaient être acceptables. En ce qui concerne les
articulations logiques, évoquons quelques copies qui, de manière assez mécanique,
terminaient chaque étape du résumé par une question censée annoncer la suite. Comme tout le
reste, la manière de rendre le texte doit être fidèle à celui-ci, et cette façon de faire était assez
inadaptée au mode de progression du texte d’origine. Les questions sont bienvenues en
résumé quand elles reflètent la logique du texte, mais utilisées de manière automatique, elles
constituaient cette année un type d’articulations logiques peu fidèle à celui-ci.
L’expression, enfin, était d’un niveau très variable, allant de copies fort élégamment rédigées
à des travaux criblés de fautes ou rendus peu lisibles par les erreurs de syntaxe. Des
constructions de base donnent ainsi lieu à des… barbarismes (« ils désignent l’autre de
barbare », « ils étaient nommés de barbares… », ne parlons pas de la formule « malgré qu’au
final… » hélas rencontrée dans une copie). Rappelons que ces fautes sont l’objet d’une
pénalisation potentiellement importante, de même que les fautes d’accord ou d’orthographe
lexicale (ainsi on a pu trouver « encrer » pour « ancrer », « caucase » pour « cocasse »,
« califier » pour « qualifier », ou encore « L’évolution sociale ne peut être traitée comme une
science apparentière » (sic) pour ne parler que des plus spectaculaires).
Surtout, les imprécisions de vocabulaire rendent souvent impossible une transcription fidèle
de l’argumentation du texte. Il était ainsi particulièrement maladroit d’écrire, comme le fait un
candidat vers la fin de son travail « les faits culturels n’évoluent pas de la même façon » que
les organismes vivants, puisque le propos de Lévi-Strauss consiste à dire que c’est la notion
d’évolution elle-même qui ne s’applique pas à la culture, il convient donc de distinguer
« évolution » et « changement ».
Un bon nombre de travaux, cependant, reflètent une préparation solide, une lecture attentive
et nuancée du texte, un souci de clarté et de logique dans l’organisation et de qualité dans
l’expression, et obtiennent ainsi de bonnes, voire d’excellentes notes.
Comme les années précédentes, nous présentons ci-dessous une proposition de corrigé, en
rappelant qu’il ne s’agit nullement de la seule manière d’aborder ce texte, et qu’il y a toujours
plusieurs façons de faire un bon résumé.
« Les hommes semblent refuser d’accepter les différences culturelles, qui résultent
pourtant naturellement de leur mode de socialisation. Ils ont en effet une ancienne tendance à
rejeter l’étranger avec horreur. Ainsi, les termes barbare et sauvage renvoient à un univers
naturel, animal, donc extérieur à la culture et à l’humanité. Paradoxalement, il s’agit
précisément là de la réaction adoptée par ces mêmes « sauvages » face aux étrangers. L’idée
d’une humanité incluant tous les hommes est en effet récente, localisée, et sans doute encore
fragile. Chez nombre de peuples, elle se limite aux membres du groupe ou de l’ethnie, et les
étrangers sont définis péjorativement comme extérieurs à l’humanité, sinon à la réalité. En
rejetant l’autre dans la « barbarie », on devient donc un barbare.
Certes, d’innombrables philosophies et religions ont condamné ce point de vue
sommaire, mais l’égalité théorique entre les hommes s’oppose à l’évidence sensible de leur
diversité. C’est là la faiblesse des déclarations universelles des droits de l’homme, oublieuses
de la spécificité de chaque culture.
Pour réconcilier cette diversité évidente et cette unité indispensable, la modernité a
fini par aboutir à une approche faussement évolutionniste en considérant toutes les cultures
comme des phases d’un processus dirigé vers une fin unique. Pourtant, autant
l’évolutionnisme biologique est une hypothèse scientifique solide, fondée sur le fait que les
êtres vivants s’engendrent les uns les autres et sur des constats archéologiques, autant
l’évolutionnisme culturel est fragilisé par le fait que les produits culturels ne s’engendrent
pas entre eux et par notre ignorance du passé d’innombrables civilisations. Cet
évolutionnisme culturel n’est donc qu’une manière schématique et dangereuse de présenter
les faits. »
288 mots.
En souhaitant que les candidats puissent tirer profit de ces quelques observations, le jury leur
adresse tous ses encouragements pour leur travail de préparation.
Correcteurs : M. Jamois ®, Mme Guillou, Mme Bonnet.